Extrait du livre Toxic, de William REYMOND :
» La défaite des autorités sanitaires s’affichait en cinq points. Cinq points comme cinq vaines recommandations. Dont quatre étaient consacrées à la « fameuse » responsabilité individuelle. Quant à la dernière, plus pitoyable encore, elle confiait notre santé… au bon vouloir de l’industrie agroalimentaire.
Il faut débuter par l’un des points qui, presque au terme de mon enquête, me révolte le plus. Parce qu’il est, pour moi, la confirmation que ce que j’ai entrevu de pire aux États-Unis arrive en France.
L’AFSSA écrit : « Par souci de cohérence avec la baisse de consommation des viennoiseries, pâtisseries, produits de panification, barres chocolatées et biscuits, il faut encourager les industriels de la margarinerie et des matières grasses destinées au secteur de l’agroalimentaire à diminuer les teneurs en acides gras trans de leurs produits ».
« Encourager les industriels » ?
C’est ce qu’a essayé la ville de New York pendant un an. Les autorités sanitaires de Big Apple avaient en effet demandé aux restaurateurs et aux industries d’être volontairement raisonnables. Leurs réponses, devant les caméras, furent unanimes. La main sur le cœur, le sourire aux lèvres, tous promirent. Le sujet étant grave, les fast-foods allaient réduire l’usage d’huile partiellement hydrogénée. Et, bien évidemment, les vendeurs de beignets et les 24 000 restaurants les imiteraient. Bien sûr… Mais un an plus tard, constatant que personne n’avait respecté les engagements médiatiques, New York fut la première ville des États-Unis à légiférer et à interdire totalement, dès 2007, l’usage d’huile partiellement hydrogénée.
« Encourager les industriels »?
Comme les membres de la pâtisserie industrielle par exemple, cette branche qui, en juillet 2002, écrivait sur le site destiné à ses membres : « Malgré l’attention que les médias ont portée sur les « dangers » des acides gras trans dans l’alimentation, les consommateurs ne semblent pas être vraiment concernés. Pour l’instant, attendre et voir est l’attitude la plus juste. »
« Encourager les industriels » ?
C’est ce que les associations de consommateurs et les autorités sanitaires ont fait lorsque, en 2002, McDo¬nald’s a annoncé à grand renfort de publicité une décision historique : cesser l’emploi d’huile partiellement hydrogénée. Une promesse solennelle faite aux consommateurs. Une promesse non tenue. Quatre ans plus tard, rien n’a changé. Une portion de frites contient en moyenne 10,2 grammes d’acides gras trans, soit plus du triple que ce que l’on recommande de ne pas dépasser en France !
« Encourager les industriels » ?
Soit. Mais pourquoi cette mollesse alors, qu’une fois obligés, ceux-ci s’adaptent sans problème ? McDonald’s, Burger King, Taco Bell et compagnie ne fermeront aucun de leur établissement lorsque l’interdiction new-yorkaise deviendra une réalité. Au jour J, à l’heure H, ils utiliseront une huile sans trans. Comme ils l’ont fait au Danemark où désormais la même portion de frites en contient moins de 0,3 gramme !
« Encourager les industriels » ?
Y croire revient à se voiler la face. Pourquoi ? Parce que, et c’est vieux comme le monde, l’argent constitue le nerf de la guerre. Et que jamais aucun encouragement ne remplacera les économies réalisées grâce à l’huile partiellement hydrogénée. Car là réside le sale petit secret que l’industrie agroalimentaire ne veut surtout pas partager. L’huile partiellement hydrogénée est un vrai miracle. Non seulement sa conservation est plus longue ; non seulement elle résiste mieux aux hautes températures, celles nécessaires à la cuisson des frites par exemple ; non seulement ses capacités sont telles que l’on change une huile deux fois moins souvent qu’une huile sans acides gras trans ; mais surtout, surtout, son prix à l’achat est moindre. Une huile sans acides gras trans coûte 19 000 dollars de plus par an et par restaurant. En 2006, McDonald’s gérait plus de 31 000 restaurants dans le monde. 19 000 dollars par établissement, 31 000 restaurants… Pour McDo, le prix de l’encouragement s’élève donc à 589 millions de dollars annuels. Alors, les belles paroles…
Waterloo, morne plaine. La défaite était totale. Les quatre autres recommandations de l’AFSSA reposaient sur le même concept : la responsabilité individuelle. D’un côté, nous faisons face à un produit capable de tuer chaque année 100 000 personnes aux États-Unis, mais de l’autre, l’organisme en charge de notre protection nous recommande de « consommer des steaks hachés à 5 % de matières grasses de préférence à des steaks hachés à 15 % de matières grasses, ce qui permet de réduire les apports en acides gras trans totaux de 0,1 g/j ». Ou encore, de « réduire de 30 % au moins la consommation de certains aliments contributeurs d’acides gras trans (viennoiseries, pâtisseries, produits de panification industriels, barres chocolatées, biscuits) de faible intérêt nutritionnel ».
Je n’ai aucun grief personnel contre les auteurs du rapport de l’AFSSA. Ils sont tous, j’en suis convaincu, d’éminents scientifiques soucieux de la santé de leurs concitoyens. Mais, il faut l’avouer, cela me semble difficile d’être plus déconnecté de la réalité que dans ces quelques lignes.
Alors que, plus tôt, le rapport s’inquiète à juste titre de la trop grande consommation de trans provenant d’huile partiellement hydrogénée chez les enfants et les adolescents français, voilà maintenant que les recommandations tournent autour du « manger moins ». Or l’inefficacité d’un tel discours chez l’adolescent est évidente. Et c’est pour cela que l’obésité galope à une vitesse fulgurante. Les produits sont consommés par les jeunes d’après des critères qui n’ont rien à voir avec leur valeur nutritionnelle. N’est-ce pas, en outre, placer énormément de responsabilités sur la tête d’enfants et d’adolescents que de leur asséner qu’afin d’éviter une crise cardiaque fatale dans quelques années, ils doivent renoncer à leur barre chocolatée !
Enfin, comme Willett lui-même l’a énoncé, le concept du marché libre où chacun fait des choix citoyens n’a de sens que si ce marché ne contient pas de produits toxiques. Et l’acide gras trans en est un.
La prochaine étape me paraît évidente. La France et l’Europe, refusant de suivre l’exemple danois, opteront pour le modèle américain. À savoir, celui de l’étiquetage. Les produits porteront un jour, c’est sûr, leur taux d’acides gras trans. Comme aux États-Unis où, depuis le 1er janvier 2006, cette « information » est obligatoire.
Mais cet étiquetage n’a pas grand effet. C’est d’ailleurs pour cela qu’il ne gêne pas tellement l’industrie agro-alimentaire. La preuve ? On la décèle dans le communiqué triomphant de la FDA, qui se félicite justement de l’efficacité de l’étiquetage de trans fat : « La FDA estime que trois ans après le début effectif, en janvier 2006, de l’étiquetage des acides gras trans, il devrait prévenir annuellement entre 600 et 1 200 crises cardiaques et sauver entre 250 et 500 vies ».
Entre 250 et 500 vies ? Mieux que rien, certes, mais une goutte d’eau. Car si, dans trois ans, la mention de la présence d’acides gras trans sur les étiquettes devrait sauver entre 0,25 % et 0,5 % des futures victimes de l’huile partiellement hydrogénée, autant jouer au loto.
Face au risque mortel des acides gras trans, il n’existe qu’une position acceptable à mes yeux : l’interdiction.
Les exemples du Danemark et bientôt de New York montrent qu’une fois contraints, les industriels s’adaptent, sans même augmenter le prix de vente de leurs produits.
La réponse n’est ni individuelle ni industrielle, mais politique. Et, de fait, le vainqueur de l’élection présidentielle d’avril 2007 en France devra faire un choix moral. Sous peine de voir la jeunesse française continuer à être la première victime d’un empoisonnement alimentaire fatal, connu et, jusqu’à présent, toléré.
La suite ………….demain.
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Extrait du livre TOXIC, de William Reymond :
» Le 4 avril 2005, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) publiait un impressionnant rapport de 216 pages consacré aux « Risques et bénéfices pour la santé des acides gras trans apportés par les aliments ». Et proposait des recommandations sur ce sujet dont les médias français commençaient enfin à se faire l’écho.
Cette étude fourmillait d’informations capitales. On y apprenait par exemple que le taux d’acides gras trans dans les aliments français contenant de l’huile hydrogénée pouvait grandement varier pour un même produit d’une marque à l’autre. Ainsi, en 1999, certaines céréales contenaient 2 % de trans lorsque d’autres atteignaient un taux de 52,1 % ! Et le même genre d’écarts se constatait dans le pain, les viennoiseries, les pâtes à pizza, les crackers, les gâteaux, les soupes déshydratées…
On découvrait aussi que, dans des proportions inverses à celles des États-Unis, la première source d’acides gras trans s’avérait de source naturelle, provenant à 60 %, des produits laitiers et de la consommation de viande rouge.
Corroborant les craintes de Willett, l’AFSSA précisait en outre que les trans fat avaient dorénavant gagné l’ensemble de l’alimentation européenne. Et que si la France se trouvait au niveau de l’Allemagne, les Pays-Bas étaient le premier pays consommateur et l’Espagne et l’Italie les derniers.
Bien évidemment, l’AFSSA confirmait leur toxicité : « L’état actuel des connaissances nous enseigne que la consommation des acides gras trans à des niveaux qui dépassent 2 % de l’apport énergétique total est associée à une augmentation significative des risques de maladies cardio-vasculaires ».
Pourtant, l’intérêt du rapport résidait ailleurs. Et concernait directement nos enfants.
Si, en France, la consommation des trans représente en moyenne 3 % des apports lipidiques et 1,3 % de l’apport énergétique total (noté AET), certaines catégories de consommateurs en absorbent beaucoup plus. Ainsi « pour les forts consommateurs de matières grasses (définis ici comme les 5 % de la population ayant la plus forte consommation), les apports en poids sont doublés : pour le sexe masculin ils sont proches de 6 g/j, pour le sexe féminin de 5 g/j (soit 2 % des AET) ». Et d’ajouter : « La tranche d’âge la plus consommatrice est celle des garçons de douze-quatorze ans avec une moyenne de 3,5 g/j et des forts consommateurs à un niveau d’apport de presque 8 g/j, soit 2,5 % de l’AET ».
En somme des adolescents qui, sans que nous ne nous en soyons rendu compte, ont réussi l’impensable : devenir malgré eux de petits citoyens américains, puisque l’AFSSA précisait que ces valeurs correspondaient aux « niveaux moyens de consommation évalués aux États- Unis ».
Et quand l’AFSSA élargit son échantillon démographique à l’ensemble des garçons entre trois et quatorze ans,elle dévoila un pourcentage qui dépassait celui « associé à une augmentation significative des risques de maladies cardio-vasculaires » !
Les principaux coupables ? Les huiles partiellement hydrogénées utilisées par l’industrie agroalimentaire dans les produits destinés aux enfants et aux adolescents. L’AFSSA précisait même que « les produits de panification industrielle, viennoiseries industrielles et biscuits, sont placés en seconde position parmi les aliments contributeurs : ils apportent […] près de 30 % » des trans totaux chez l’enfant.
Voilà qui est effrayant. Car ce rapport dessinait, il y a presque deux ans, une tendance réellement inquiétante. Celle d’une jeunesse française qui avait rattrapé les habitudes de consommation du Fat Land, ce pays où l’huile partiellement hydrogénée constitue un facteur d’obésité, de maladies cardio-vasculaires et de cancer. Ce pays où le trans tue entre 30 000 et 100 000 personnes par an.
Il ne restait donc plus qu’à se précipiter sur les recommandations concluant ce rapport alarmant… et à constater comment l’industrie agroalimentaire avait remporté une nouvelle victoire.
La suite ………….(navrante)..demain.
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Extrait de Toxic, le livre détonnant de William REYMOND :
« En 1994, l’étude de Walter Willett débutait par une présentation historique des acides trans gras. Où le chercheur remarquait que la « consommation d’huile partiellement hydrogénée avait énormément augmenté aux États-Unis » durant la deuxième moitié du XXe siècle. Il notait même – nous étions en 1994, rappelons-le – l’émergence d’une tendance inquiétante : « Les pays du tiers-monde connaissent actuellement une augmentation importante de l’utilisation d’huile partiellement hydrogénée […] En Inde, par exemple, une matière grasse d’origine végétale contenant 60% de trans est utilisée. […] Ces produits [sont même] devenus des ingrédients basiques de la nourriture ». Or que sait-on douze ans plus tard ? Que New Delhi connaît un taux record de crises cardiaques chez les moins de cinquante ans.
L’acide trans gras n’a pas seulement gagné le tiers- monde. Il s’est également imposé dans l’alimentation européenne.
Dans l’édition 2006 du guide Savoir manger, les docteurs Cohen et Serog notent à plusieurs reprises la présence accrue d’huile partiellement hydrogénée dans les biscuits, les pâtisseries et les pâtes à tartiner vendus en France. Ils dénoncent également le soi-disant recours bénéfique des fast-foods à l’huile de colza, en expliquant que « cette huile est hydrogénée et contient beaucoup de ces acides gras trans qui augmentent le taux de mauvais cholestérol et diminuent le taux de bon cholestérol sanguin ». À leur énumération inquiétante, il convient hélas d’ajouter d’autres produits comme les barres chocolatées, ainsi que la majorité des plats préparés, tous fortement soutenus commercialement par des campagnes publicitaires.
En fait, seuls le Danemark et le Canada paraissent avoir pris la mesure du risque. Ainsi, en 2003, le Danemark a été le premier pays à bannir l’usage de l’huile partiellement hydrogénée. Une restriction qui ne touche pas les acides gras trans issus des produits laitiers, même si le gouvernement local recommande plutôt la consommation de lait écrémé ou demi-écrémé. Hélas, malgré les tentatives de Copenhague d’obtenir l’adhésion des autres pays de l’Union à sa politique anti-trans, l’Europe ne suit pas.
En 2004, dix ans après Willett, l’Autorité européenne de sécurité des aliments émettait en effet un avis où, si elle confirmait le risque, on se contentait de recommander une baisse individuelle de la consommation.
Cette mollesse est particulièrement révoltante.
À quoi tient-elle ? Pour partie, aux pressions exercées sur les organismes de régulation, aussi bien par les politiques que les industriels. L’exemple de l’OMS est, à ce sujet, frappant. Depuis des années, l’Organisation tente de placer l’élimination des huiles partiellement hydrogénées dans le Codex. Le Codex, créé en 1963 par l’OMS et le FAO, « élabore des normes alimentaires, des lignes directrices et d’autres textes » utilisés par plus de cent cinquante pays dont les États-Unis. Mais, à cause de la Maison-Blanche, cette recommandation n’arrive pas à passer. En janvier 2004, le secrétaire à la Santé, Tommy Thompson, avait même fait le voyage à Genève, siège de l’OMS, en compagnie de représentants de l’industrie américaine, pour s’assurer que l’on ne restreigne pas les activités commerciales du secteur. À la place, le gouvernement américain préfère mettre en avant – quelle surprise ! – la nécessité d’une plus grande… responsabilité individuelle. Sensible aux « encouragements amicaux », l’OMS a donc cédé. Comme en 2003 quand l’industrie du sucre l’avait menacée de demander au Congrès américain de limiter son apport financier si elle « n’adoucissait » pas son texte sur la responsabilité du sucre dans la crise d’obésité.
Le pire, c’est que l’Europe s’aligne sur les réserves a minima et sur l’argument fallacieux des indispensables efforts de… chacun.
En effet, douze ans après Willett, la seule mesure appliquée concerne une disposition hypocrite sur l’étiquetage. Désormais le taux de trans fat est indiqué sur les produits, concession lâchée du bout de lèvres par les lobbies de la malbouffe.
Si la présence de trans fat est inférieure à 0,5 gramme, le produit peut porter la mention sans acides trans gras. Le problème – comme au Canada où la limitation s’entend pour 0,2 g – c’est que cette limitation s’entend par portion. Un paquet de biscuits contient plusieurs portions. Sans le savoir, un consommateur peut donc augmenter dangereusement sa consommation d’huile partiellement hydrogénée.
Les méthodes de l’industrie agroalimentaire made in USA ne m’étonnaient guère. Après tout, elles expliquaient l’immobilisme des autorités de ce pays, ce refus d’agir qui, d’après l’hypothèse la plus conservatrice de Willett, a, depuis 1994, entraîné la mort de 360 000 Américains, qui, si l’on calcule en partant du chiffre de 100 000 victimes par an, révèle que l’acide gras trans a tué plus d’un million de personnes entre 1994 et 2006. Bien plus que ce qu’Oussama Ben Laden ne fera jamais. Soit. Mais pour moi, le plus surprenant ne venait pas des États-Unis, mais de l’autre côté de l’Atlantique. De la France. »
La suite ………. demain.
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Extrait de Toxic, le livre enquête passionnant de William Reymond :
« Au milieu des années 1980, les urgences des hôpitaux américains durent affronter une recrudescence des crises cardiaques. Assez rapidement, le trans fat (acides gras trans) fut dénoncé, puisque présent dans maints cadavres autopsiés.
Mais il a fallu attendre 1994 pour que, dans des termes d’une effrayante clarté, l’une des plus importantes autorités sanitaires du pays dénonce les acides gras trans.
Walter Willett est le directeur du département nutrition de la Harvard School of Public Health de Boston. Son étude sur l’impact de l’huile partiellement hydrogénée sur la santé représente aujourd’hui encore une référence. Il y démontre de manière implacable que les acides gras trans agissent doublement sur le cholestérol. D’un côté, ils engendrent un développement accru du mauvais et, de l’autre, empêchent notre organisme de produire le bon. L’effet est tellement grave que le scientifique publie une estimation volontairement prudente du nombre de victimes des acides gras trans. Chaque année, d’après lui, au moins 30 000 Américains décèdent de problèmes cardio-vasculaires dus à la consommation d’huile industriellement hydrogénée. Depuis, ce chiffre a été affiné. Et approche les 100 000 victimes annuelles. Bien entendu, il faut ajouter « le nombre bien plus important de personnes atteintes d’affections cardio-vasculaires non mortelles ».
Inquiet de l’ampleur du risque, Willett concluait ses travaux avec une recommandation ferme : « Nous sommes en faveur d’une élimination ou d’une régulation stricte des acides trans gras dans l’alimentation américaine ».
Sept ans plus tard, suivant la voie ouverte par Willett, ce fut au tour du vénérable NAS de rendre publiques ses conclusions. Non seulement, les acides gras trans n’apportent aucun bénéfice à l’organisme humain mais ils sont tellement dangereux que le NAS estime que leur consommation devrait être de… zéro gramme. Mais l’institut remarque qu’il s’agit d’une impossibilité à cause du fait de la présence, naturelle, des acides gras trans dans les laitages et la viande rouge.
Quoi qu’il en soit, douze ans après le cri d’alarme de Willett, cinq ans après la condamnation sans appel du NAS, malgré en outre la publication de dizaines de travaux scientifiques tout aussi effrayants, le tueur est toujours en liberté. Et pas seulement aux États-Unis.
La suite …………. demain.
Dr BUENOS : Il est recommandé à tous les patients du réseau ROSA de lire les étiquettes des produits industriels qu’ils achètent et de supprimer entre-autres, les produits contenant des huiles partiellement hydrogénées ou des acides gras trans.
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Extrait de Toxic, le livre de William Reymond :
« Il existe un point commun entre l’augmentation de la taille des portions, la volonté de parvenir à contrôler nos cerveaux, le recours de plus en plus systématique au sirop fructose-glucose, la concentration de l’élevage, la pollution des fruits et légumes, l’utilisation de conservateurs toxiques… Tous dessinent la face cachée de l’industrialisation de l’alimentation. Des coulisses où, sur l’autel du profit, on sacrifie notre santé.
Le cas des acides gras « trans » en est sans doute l’exemple ultime. Difficile en effet de trouver pire que l’autorisation d’utiliser un produit dont plus personne n’ignore que la consommation est dangereuse.
Les acides gras trans trouvés dans l’alimentation proviennent, de trois sources. Dont seule la première est naturelle, puisque le fruit de la transformation bactérienne des acides gras insaturés chez les ruminants. L’homme les consomme donc sous forme de produits laitiers et de viande rouge, la graisse de bœuf en contenant par exemple 4,5 % et le lait environ 3 %.
La deuxième manière de créer des acides gras trans est le chauffage d’huiles à haute température, une friture à bain profond pouvant entraîner un changement moléculaire des acides et leur transformation en trans.
La dernière façon, majoritaire aux États-Unis et en voie de l’être dans le reste du monde, est également issue d’une mutation moléculaire liée à un processus exclusivement industriel : l’hydrogénation catalytique partielle d’huiles végétales.
Inventée en 1902 par le scientifique allemand Wilhelm Normann, cette méthode permet de rendre les huiles, solides ou semi-solides. Ce qui facilite leur conservation et ralentit les risques d’oxydation, donc de rancissement. L’huile partiellement hydrogénée est arrivée dans nos assiettes dès 1909. Cette année-là, Procter&Gamble, célèbre société américaine, achetait les droits de la découverte. Et, sous la marque Crisco, commençait à commercialiser une margarine issue de ce procédé.
À l’époque, personne ne s’intéressait aux acides gras trans. Et la margarine hérita d’une réputation de produit sain par comparaison aux graisses animales. En outre, Procter&Gamble assura sa diffusion grâce à la distribution de millions de livres de recettes de cuisine dont l’ingrédient vedette était son Crisco.
Au milieu des années 1960, l’huile partiellement hydrogénée connaît un nouvel essor. Lés restaurants se multipliant, leurs managers optent pour ce produit moins cher qui se conserve plus longtemps. Et puis, en 1985, l’apothéose. Parce que cette huile rend les frites bien plus craquantes, les biscuits bien plus fondants et permet aux barres chocolatées de se conserver plus longtemps, on la retrouve partout. Elle est même présente dans 40 % de l’alimentation américaine. Y compris dans des produits surprenants comme les vitamines. Les industriels ont en fait saisi son intérêt : rallonger l’espérance de vie des produits. L’exemple le plus visuel de ce « miracle » est disponible dans la section « bonus » du DVD de Super Size me. Où l’on voit, huit semaines après leur acquisition chez McDonald’s – l’un des plus gros utilisateurs de la planète -, des frites conservées à l’air libre garder leur aspect originel. Sans la moindre trace de moisissure !
L’arrivée de l’huile partiellement hydrogénée dans la nourriture rappelle celle du HFCS. Et son essor coïncide avec la seconde phase de la crise d’obésité. Depuis quelques années d’ailleurs, des scientifiques s’interrogent sur le rôle des acides gras trans dans la prise de poids.
Ainsi, à l’université de Wake Forest en Caroline du Nord, Kylie Kavanagh a étudié durant six ans les effets de la consommation d’acide gras trans par cinquante et un singes. Ses conclusions, publiées en juin 2006, sont passées inaperçues. À tort, bien sûr. Des cobayes recevaient quotidiennement un menu équilibré, avec 8 % des calories provenant d’acides gras trans, un niveau semblable à celui d’un consommateur régulier d’aliments frits ou issus de fast-foods. Un autre groupe absorbait la même quantité de nourriture, mais avec un minimum d’acides gras trans.
Au final, les animaux ayant mangé des acides gras trans ont grossi. Un apport de poids essentiellement localisé dans la zone abdominale, facteur de risque pour le diabète de type 2 et les problèmes cardio-vasculaires. Kavanagh ne cacha pas sa surprise : « C’est un choc, dit- elle. Malgré tous nos efforts pour qu’ils ne prennent pas de poids, ils ont quand même grossi. Et presque toute cette graisse se situe sur leur ventre. Continuer, c’est aller tout droit vers le diabète ».
Si les travaux de Kavanagh constituent, pour l’instant, la seule publication consacrée au lien entre consommation d’acides gras trans et obésité, ils sont pris au sérieux par le reste de la communauté scientifique. Ainsi Dariush Mozaffarian, de la Harvard School of Public Health, affirme : « Le temps où nous pensions aux acides gras trans seulement en terme de calorie est terminé ».
Si le rôle des acides gras trans semble prépondérant dans certains cancers, comme celui de la prostate ou différents dérèglements du foie, c’est son action avérée dans les maladies cardio-vasculaires qui représente un danger mortel.
La suite ……..demain.
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Extrait de Toxic, le livre de William Reymond :
« Il existe différentes manières de démontrer l’inutilité de l’utilisation de pesticides et les risques qu’elle engendre.
Certains choisissent, avec brio, de démonter point par point l’argumentation des gardiens de la révolution verte. A écouter les tenants de l’industrialisation à tous crins, sans les pesticides, l’humanité courrait à sa perte, souffrant de malnutrition. Amatyra Sen, universitaire de Cambridge, est parti en guerre contre cette assertion en expliquant que « la famine caractérise l’état de certaines personnes n’ayant pas assez de nourriture, et non pas qu’il n’existe pas assez de nourriture ». Ses travaux, endossés par l’ONU et salués par un prix Nobel d’Économie, attestent bien que la faim dans le monde ne relève pas d’un manque de ressources mais d’une inégalité de distribution !
D’autres, encore, ont définitivement remis en question l’argument de vente des pesticides, selon lequel en protégeant et fertilisant chimiquement les fruits et légumes, ils garantissent une meilleure production que l’agriculture biologique classique. De nombreuses études, conduites aux États-Unis mais également en Suisse en 2001, ont en effet prouvé que, sans l’aide de produits chimiques, on parvenait globalement aux mêmes rendements. En 1990, une enquête comparative effectuée sur 205 fermes fit ressortir une différence maximale de 10 % en défaveur de l’agriculture biologique. Une autre, consacrée au soja, affirmait dix ans plus tard qu’un champ non pollué produisait 97 % de la quantité obtenue avec les coûteux ajouts chimiques. Et en juillet 2005, le Rondale Institute a enfoncé définitivement le mythe grâce à un travail étalé sur vingt-deux ans, effectué non pas en laboratoire mais sur des terres exploitées. Conclusion : aucune différence de rendement entre l’agriculture biologique et celle utilisant des pesticides. Plus étonnant encore, en année de sécheresse, les champs « à l’ancienne » fournissent 22 % en plus de fruits et légumes !
David Pimentel, lui, s’est intéressé aux conséquences économiques des pesticides. Comme j’avais tenté de le faire en décortiquant le véritable prix du hamburger à 99 cents, ce chercheur de l’université de Cornell a estimé que le recours à ces substances coûtait chaque année 10 milliards de dollars à la société américaine. La France se classant après les États-Unis et la Chine dans cette consommation chimique, on peut envisager une addition nationale de quelques centaines de millions d’euros. Un autre chiffre mis en avant par Pimentel retient l’attention : tous les ans, pour traiter les victimes humaines de cette dépendance chimique, la société américaine débourse 1,1 milliard de dollars.
Le sujet est éminemment sensible. Aux États-Unis, les associations de consommateurs et les groupes environnementalistes mènent depuis dix ans une guerre de longue haleine contre les géants de l’agriculture. Un combat dont nous, Européens, devons tirer des enseignements. Dans dix ans, comme pour la crise d’obésité, nous devrons à notre tour affronter les mêmes enjeux que les Américains et nous méfier des outils utilisés par les industriels de l’alimentation.
En 2001, le gouvernement français lançait le Plan nutrition national santé (PNNS). Parmi les premières recommandations destinées à lutter contre l’obésité, figurait une consommation accrue des fruits et légumes. Un thème largement développé depuis dans des campagnes publicitaires et auprès des établissements scolaires. La consommation de fruits et légumes est effectivement bénéfique à notre santé. Il est même scientifiquement prouvé que l’incidence des cancers, des maladies cardio-vasculaires, de l’ostéoporose, du diabète et du cholestérol est plus faible lorsque notre alimentation s’avère riche en fruits et légumes.
En 1991, dix ans plus tôt donc, le gouvernement américain lançait, lui, le programme « 5-a-Day » afin d’inciter les citoyens à consommer au moins cinq fruits et légumes par jour. Là encore, l’idée semblait tomber sous le bon sens. Sauf que les producteurs avaient du mal à cacher leur joie : les revues spécialisées donnaient en effet comme conseil aux groupes contrôlant la distribution d’augmenter leur chiffre d’affaires en utilisant notamment le logo de la campagne.
Mais voilà, l’usage massif de pesticides soulève une question qui reste taboue. Partant du principe que la totalité des fruits et légumes vendus en supermarché contiennent des résidus chimiques, faut-il suivre les recommandations de consommation édictées par des organismes officiels ? Aux États-Unis, comme en France ?
Plus que le regret de voir s’enrichir encore un peu plus les compagnies et corporations contrôlant la chaîne alimentaire, c’est l’hypocrisie de ces dernières qui a incité quelques groupes à agir dès janvier 1996. En effet, la toxicité des pesticides est un sujet que ses utilisateurs évitent comme la gale. Et lorsque, contraints, ils se décident à l’aborder, c’est pour détourner la question : « Personne ne s’est jamais retrouvé malade pour avoir consommé des produits frais traités rigoureusement avec les outils de protection des récoltes ».
C’est pour cela que, jouant la carte de la provocation, deux associations ont acheté des espaces publicitaires dans des revues professionnelles de l’industrie. Avec un message comparant le nombre de victimes par armes à feu à celui lié à la consommation de pesticides et au slogan sans ambiguïté : « Plus de gens meurent tués par leur salade ».
Au-delà de la joute verbale, cette campagne a suscité la même levée de boucliers et les mêmes réflexes protectionnistes de lobbying que celles lancées contre l’industrie de la viande. Le secteur a en effet répliqué en exigeant le vote d’une loi « transformant en crime toute critique de la nourriture non basée sur des preuves scientifiques irréfutables ». Comme on l’a vu, il s’agit à nouveau de refroidir les journalistes trop curieux et, surtout, d’étouffer les actions des associations de consommateurs ne disposant quasiment jamais de moyens financiers suffisants pour faire face à des procédures judiciaires. Une position assumée ouvertement par les industriels.
Mais alors, afin de se confronter à l’esprit de cette loi et d’essayer de clore ce débat une bonne fois pour toutes, existe-t-il oui ou non une preuve scientifique irréfutable prouvant que la consommation de fruits et légumes aux pesticides peut être mortelle ?
Le 3 mars 1863, Abraham Lincoln créait par décret présidentiel la National Academy of Sciences (NAS). Depuis, cette société honorifique rassemble l’élite scientifique mondiale, puisque parmi ses 2 000 membres et 350 correspondants étrangers, on compte plus de 200 titulaires de prix Nobel. Difficile donc de faire plus incontestable. Sa mission ? « Enquêter, examiner et expérimenter n’importe quel sujet scientifique » à la requête du gouvernement américain.
En 1987, l’organisme publiait, sous la direction de Richard Wiles, un rapport exhaustif consacré à la présence de pesticides dans la nourriture. Dont le chapitre 3 évaluait précisément, et sur cinquante pages, les risques de cancer liés à la consommation d’aliments produits à l’aide d’herbicides, fongicides, insecticides et autres engrais chimiques. Avec une rigueur toute scientifique, le NAS estimait que 62,5 % des herbicides utilisés en toute légalité par l’agriculture américaine étaient cancérigènes, tout comme 35 à 50 % des insecticides. Et que 90 % des fongicides – oui, 90 % – l’étaient aussi.
Ces chercheurs, analysant scrupuleusement et uniquement les effets quantifiables de la moitié des produits à effets cancérigènes, parvinrent en outre à évaluer précisément le nombre de cancers liés aux pesticides retrouvés dans la nourriture. Chaque année, selon eux, 20 800 Américains* (le chiffre est basé sur la population de 1986. Ramené à celle de 2006, il dépasse 25 000 par an) contractent ce mal. Un chiffre qui, parce qu’il se limite à 53 % des pesticides cancérigènes, constitue en somme un minimum. Le NAS, partant du principe que pour 10 nouveaux cas annuels de cancers, on compte 5 victimes, concluait que plus de 10 000 citoyens décédaient tous les ans, victimes de cette dépendance chimique. Et, pour la première fois, confirmait sans contestation que nous vivons dans un monde toxique.
Le plus étonnant, à la lecture des recherches des scientifiques du NAS, c’est la permanence d’une situation qui, au final, semble ne surprendre personne. Ces chiffres, équivalents à trois « 11-Septembre » par an, confirment une idée déjà dans l’air. Ils nous glacent et inquiètent un temps, puis disparaissent de nos centres d’intérêt et d’attention. Notre refus d’envisager les moindres conséquences sur l’organisme de cette alimentation modifiée s’accompagne d’un laxisme des gouvernements et d’une irresponsabilité civique des fabricants et utilisateurs de pesticides.
On pourrait imaginer que n’importe quelle enquête de cette nature, montrant qu’au moins la moitié des substances autorisées sont cancérigènes, déboucherait sur des interdictions, puis sur une remise en cause de ce système dont les dégâts se chiffrent en milliards ! Eh bien non.
Pourquoi ? Parce que les producteurs de pesticides profitent d’une aberration : la mise sur le marché des produits qu’ils commercialisent est antérieure aux travaux scientifiques attestant leur dangerosité. En outre, selon la loi, ces recherches ne suffisent pas, l’EPA, agence en charge des questions d’environnement devant réévaluer le produit. Un processus long et coûteux pour un organisme miné par les intérêts particuliers.
De fait, le 24 mai 2006, neuf représentants syndicaux s’exprimant au nom des neuf mille employés de l’EPA adressaient un courrier à Stephen Johnson, l’administrateur de l’agence. Sur six pages, leur lettre énumérait les difficultés rencontrées pour arriver à légiférer sur ces substances et disait : « Les préoccupations des industries de l’agriculture et des pesticides passent avant notre responsabilité de protéger nos citoyens. […] L’Agence doit assurer la sécurité sanitaire des enfants et des bébés […] et s’assurer que nos enfants ne soient plus exposés aux pesticides dont l’action peut endommager de manière permanente leur système nerveux et leur cerveaux ».
Sous couvert d’anonymat, les employés de l’EPA se montrèrent même plus directs. Ils mirent ouvertement et directement en cause l’administration Bush, dont les liens avec les industries chimiques sont établis depuis longtemps. Et expliquèrent que l’EPA refusait de prendre en compte les études indépendantes effectuées pourtant par des universitaires de renom parce que préférant se satisfaire de celles fournies… par les industriels.
Ce laxisme a des conséquences sur le reste du monde. Les fabricants utilisent leur présence sur le territoire américain depuis plusieurs décennies pour arguer d’une prétendue non-dangerosité et obtenir des autorisations d’exportation. Lesquelles permettent aux mêmes produits d’empoisonner le sol, les rivières, la faune, la flore, l’air et la nourriture du monde entier. Aussi bien en Afrique, marché émergeant, qu’en Europe où, rappelons-le une fois encore, la France est le troisième pays consommateur de ce type de substances.
En affinant les travaux du NAS, en mesurant, aliment après aliment, le taux de toxines que ceux-ci contiennent, Buck Levin est allé plus loin pour quantifier notre consommation quotidienne de produits toxiques. Du petit déjeuner au dîner, selon ses calculs, nous avalons en moyenne chaque jour cinq résidus différents d’antibiotiques, deux résidus issus de la pétrochimie, un résidu provenant de l’industrie du plastique, un de silicate – l’amiante -, puis un autre sous forme de colorant toxique, cinq issus d’éléments chimiques dont du mercure et de l’arsenic. Sans oublier, justifiant les craintes du NAS, vingt et un résidus différents apportés par les pesticides. Bon appétit.
La suite ….. demain.
Dr BUENOS : Ces données étayent les recommandations faites aux patients du réseau ROSA de consommer le plus possible des fruits et légumes de saison, de proximité, issus de l’agriculture biologique.
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Extrait de Toxic, le livre de William REYMOND :
« Je me souviens avoir lu une interview intéressante de John Mellecamp. Le chanteur originaire de l’Indiana, depuis de longues années défenseur de l’agriculture traditionnelle américaine, soutient les petits fermiers contre les puissantes sociétés de l’agroalimentaire. Et si j’ai oublié l’essentiel des propos tenus, une partie de l’article m’est revenue en mémoire alors que j’avançais dans mon enquête. Mellecamp, évoquant les excès de la révolution verte, expliquait qu’il avait compris que la situation était grave lorsque les étals de fruits et légumes s’étaient mis à ressembler à des rayons de jouets. Jamais, précisait-il, la forme des tomates n’avait été aussi parfaite et leur couleur aussi rouge.
J’avais entamé ce voyage au pays de l’obésité en constatant que ce que j’observais en Amérique se reproduisait en Europe. En cherchant les raisons de cette exportation de la pandémie, j’étais remonté à son origine pour finalement comprendre que l’obésité était la conséquence d’un drame et non sa cause. Qu’elle relevait des changements profonds et radicaux de notre alimentation. Comprendre le vrai prix du hamburger à 99 cents avait donc été une nécessité. Et là, en songeant à John Mellecamp, la prochaine étape me semblait évidente : comprendre pourquoi nos tomates ressemblaient désormais à des jouets parfaits.
Finalement, j’avais été naïf. Ou, plus simplement, une telle question ne m’avait jamais traversé l’esprit. Originaire d’un département relativement agricole où chacun- ou presque – cultive encore son coin de potager, j’avais une vision assez simple de la chaîne alimentaire. Résultat, suivre le parcours de la viande dans les méandres de l’agrobusiness m’était déjà apparu comme une révélation. Celui de la tomate se montra plus étonnant encore.
La culture des fruits et légumes est une grande consommatrice de pesticides, herbicides et fongicides. La règle est globalement basique : plus un produit est proche du sol, plus il est traité. Et lorsqu’il n’a pas de protection naturelle, il exige encore plus d’attention. La fraise, par exemple, est l’un des fruits qui reçoit la plus grosse quantité de produits chimiques. En comparaison, un chou, protégé par plusieurs couches de feuilles, en absorbe beaucoup moins. Le problème devient plus préoccupant encore pour notre santé lorsqu’il s’agit d’un fruit ou d’un légume doté d’une peau que nous consommons. Cette dernière, source importante de bienfaits nutritionnels, conserve en effet les pesticides, même après lavage.
Si l’on suit ces règles, on constate que la tomate figure à la fois dans les trois catégories : celle des fruits près du sol, sans protection et à peau ! Donc parmi les plus exposés aux pesticides.
Avant de me pencher sur cette question, je croyais connaître le processus de culture des tomates. Il était question d’arrosage, de soleil, d’engrais sûrement, puis de cueillette. Les tomates passaient ensuite chez un grossiste avant de terminer dans les réseaux de distribution. Évidemment, la réalité est bien plus complexe. À l’échelle industrielle, bien souvent, cette culture dépend d’abord grandement des fertilisants. Des engrais minéraux produits par l’industrie chimique.
Ainsi, elle est la première consommatrice de sulfate de potassium, lequel est couplé avec du chlorure et du nitrate. Aux États-Unis, les producteurs de tomates utilisent en moyenne 185 kg de ce mélange par acre, quand le maïs en consomme « seulement » 25 kg à surface égale. La tomate est également gourmande en phosphore, apporté sous forme de phosphates d’ammonium ou de calcium. Cultivée industriellement, elle en consomme 80 kg par acre. Un chiffre qui la place au quatrième rang parmi les produits nécessitant le plus de phosphore. Pour l’azote, elle arrive au treizième rang. Ce composé est apporté par l’intermédiaire d’un cocktail contenant aussi de l’ammoniaque, du nitrate ou de l’urée. Alors que la culture du maïs – dont les effets nocifs sont visibles dans la zone morte au sud des côtes de la Louisiane – exige 58 kg par acre de cette mixture, la tomate, elle, se montre plus « gourmande » avec 74 kg.
Ces différents engrais sont répandus avant la plantation, comme fertilisants mélangés à la terre, puis lors de la « fertigation ». Ce barbarisme, combinaison des mots fertilisant et irrigation, résume bien la technique : via des systèmes de régulation est libéré, à intervalles réguliers, un mélange d’eau et d’engrais.
Évidemment, tout cela ne manque pas d’effets négatifs sur l’environnement et la santé, puisque ces procédés appauvrissent les sols en détruisant l’humus et toute activité biologique.
Si les nitrates et l’azote ont une toxicité avérée, le risque majeur de tous ces produits reste la pollution de l’eau et, à terme, des nappes phréatiques. Quant à la tomate elle-même, elle absorbe une partie de tous ces composants chimiques. Au bout de la chaîne, nous y sommes aussi exposés.
La culture industrielle de ce fruit utilise en outre une forte quantité d’herbicides. Les producteurs de Floride ont par exemple recours à quatorze produits utilisés en amont de la plantation puis à mesure de la croissance de la plante, en pulvérisation.
Même chose pour les insecticides. À titre d’exemple, il faut savoir qu’en 1997, les producteurs de tomates californiens ont vaporisé 133 000 kg de 22 produits différents.
Enfin, l’industrie de la tomate est la plus grande consommatrice de fongicides, ces produits phytosanitaires conçus pour tuer toute forme de champignons menaçant la croissance d’une plante. La tomate étant particulièrement exposée à ce risque, on la « protège » de façon massive. En Californie, les producteurs utilisent presque 4 millions de litres de ces mixtures essentiellement composées de soufre et de cuivre, donc nocives.
Mais les – mauvaises – surprises ne s’arrêtent pas là.
Les pieds de tomate entament leur croissance sous des bâches synthétiques. En soi, cette technique est compréhensible et rappelle les serres d’autrefois. Mais le vrai problème, c’est qu’une fois inutiles, ces morceaux de plastique sont laissés à l’abandon dans les sillons. Où ils s’abîment en libérant des constituants chimiques dans le sol où poussent… les tomates.
La cueillette constitue un autre sujet d’étonnement. Mécanique lorsqu’il s’agit de récolter pour fabriquer les sauces, jus et autres ketchups, elle est encore manuelle pour les tomates fraîches. Néanmoins, les pratiques industrielles ont changé les habitudes. Le fruit n’est plus cueilli lorsqu’il est mûr – sa vie sur les étals de supermarchés serait trop courte -, mais vert. Puis entreposé dans des hangars réfrigérés, dont la température ne dépasse pas une dizaine de degrés. Le but ? Ralentir le processus de maturation et repousser d’environ deux semaines la date limite de consommation.
D’aucuns diront que tout cela, on le sait. Peut-être. Mais la suite des traitements est bien plus grave… et bien moins connue.
Afin de débarrasser les tomates d’éventuels germes, on les trempe dans un bain de chlore. Même si l’immersion se limite à deux minutes, le fruit absorbe une partie du liquide. Surtout si sa surface présente des « blessures » permettant une infiltration.
Vient ensuite le temps du stockage en chambre de maturation durant deux à trois jours. C’est dans cette atmosphère saturée de gaz d’éthylène que ce fruit – comme beaucoup d’autres – prend ses couleurs. Certes, l’éthylène est un gaz naturel produit par les plantes. Mais son emploi à grande échelle pour colorer des végétaux ne manque pas d’effets indésirables, dont l’augmentation de l’amertume de la carotte et de la fibrosité de l’asperge. Par ailleurs, il est recommandé de ne pas dépasser les 72 heures de maturation sous peine de voir se développer des champignons. Or cette précaution est souvent ignorée, parce qu’il faut rendre présentables des fruits cueillis de plus en plus tôt, donc de plus en plus verts.
Débute ensuite la phase « cosmétique » du processus. Afin d’améliorer l’allure de la tomate, de la rendre plus « appétissante », on la traite au colorant artificiel. L’orange, cueillie également verte, est victime du même régime. Avant de la commercialiser, on injecte en effet dans sa peau un colorant assurant une couleur uniforme qui correspond à l’imaginaire du consommateur.
Forcément, le procédé étonne. Mais, à en croire les distributeurs de fruits et légumes, tout cela est normal. Aussi, lorsque j’ai fait part de ma surprise à un responsable de la filière, sa réponse a été la même que celle d’autres confrères :
— C’est vieux comme le monde. Les Égyptiens coloraient déjà leur vin !
Le plus amusant est qu’il s’agit précisément de l’argument mis en avant par la FDA pour justifier l’usage de ces colorants artificiels. Autre point commun à ces différents gardiens d’une certaine « tradition », un ton méprisant, celui que l’on réserve à l’ignorant.
Mais, mea culpa, tomate verte, hangar réfrigéré, bain au chlore, chambre de maturation, colorant artificiel, voilà qui est bien loin de l’idée que je me faisais de la production des fruits et légumes. Désormais, le rythme des saisons et le taux d’ensoleillement semblent être devenus des concepts pour le moins obsolètes.
Avant d’atterrir dans nos assiettes, et même d’être mises en vente, les tomates industriellement cultivées doivent subir une autre transformation : le paraffinage. En clair, il s’agit de l’application d’une cire sur un fruit ou un légume, étape qui permet de « rehausser leur apparence et de favoriser leur rétention en eau lors de la mise en marché ». Donc d’augmenter sa valeur, puisqu’une tomate d’apparence parfaite se vend mieux. Empêcher l’évaporation d’eau lors de la mise en étal évite aussi les « rides » et permet de conserver la masse du fruit le plus longtemps possible. La tomate n’est-elle pas achetée au poids ?
Donc, la tomate, comme « les carottes, les betteraves, les concombres [est traitée] à la paraffine en émulsion froide, au pinceau ou par pulvérisation ». L’ennui, c’est que ces cires sont désormais dénoncées par certains chercheurs. Ainsi, Buck Levin, professeur à l’université de Kennmore, les classe comme faisant partie des toxines qui polluent notre alimentation. Et remarque que certaines sont dérivées du pétrole tandis que d’autres contiennent des savons pour les adoucir.
Le parcours d’une tomate cultivée selon les méthodes dites modernes est ahurissant, écœurant même mais, hélas, pas exceptionnel. Du recours massif aux produits chimiques pour favoriser et accélérer sa croissance aux nombreux « trucs » utilisés lors du conditionnement, elle partage le même sort que la grande majorité des fruits et légumes. Je ne cherche pas à titiller la fibre de la nostalgie en décrivant ce processus mais à montrer combien cette évolution est l’une des conséquences de la révolution alimentaire des trente dernières années. Un effet collatéral identique à celui frappant l’industrie de la viande. Or, n’ayons pas peur de le dire, en exigeant des produits à bas prix tout au long de l’année, nous avons notre part de responsabilité dans cette dérive. Certes, comme les tomates dans l’eau chlorée, nous baignons souvent dans l’ignorance. Une méconnaissance fatale à l’étude des risques liés à la « consommation » de pesticides.
La suite ….. demain
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Extrait de Toxic, le livre de William REYMOND :
« L’étude de l’interaction entre une bonne alimentation et la santé humaine n’est évidemment pas récente. Et plus particulièrement celle liant la viande à notre espérance de vie.
Au début de la Première Guerre mondiale, les Danois consommaient beaucoup de viande de porc et de graisses animales. Et puis, le blocus allié contraignit le pays à modifier ses habitudes alimentaires. Le professeur Mikkel Hindhede fut alors nommé responsable de l’alimentation et mit en place une série de restrictions. Afin de sauver les réserves de céréales, ce scientifique ordonna l’abattage de 80 % du cheptel porcin du Royaume et environ 20 % des bovins. Des matières grasses, les Danois passèrent donc au pain complet, aux céréales et aux légumes. Le lait gardait sa renommée, et le fromage venait agrémenter de temps à autre le repas mais la viande, elle, avait presque disparu des tables.
Notons que Sir Jack Drummond occupa une fonction similaire en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Ses travaux sur l’alimentation des Anglais sont proches de ceux de Hindhede. Sir Jack Drummond, son épouse et sa fille furent assassinés dans la nuit du 4 au 5 août 1952 à proximité de la ferme de Gaston Dominici.
À la fin du conflit, Hindhede décida de mesurer les effets de sa politique sur la santé de ses compatriotes.
Ce qui donna des chiffres étonnants. Non seulement le pays avait survécu au rationnement, mais le taux de mortalité n’avait jamais été aussi bas. Il fut de 10,4 pour 1 000 entre octobre 1917 et octobre 1918 alors qu’il n’avait jamais été inférieur à 12,5 de 1913 à 1914. « Une différence du taux de mortalité de 2,1 pour une population de 3 millions signifie 6 300 vies sauvées. En conséquence, le nombre de vies sauvées au Danemark grâce au blocus allié fut considérable. » Jamais un pays européen n’avait même connu un pourcentage si faible. La conclusion du professeur Mikkel Hindhede fut évidente : « Cela signifie, alors, que la principale raison des décès est la nourriture ».
La corrélation entre la consommation de viande et le risque de cancer s’est précisée dans les années 1970. Des nombreuses études, souvent rédigées avec une diplomatie toute scientifique, ont alors commencé à établir l’émergence d’un danger accru chez un adepte régulier, notamment de viande rouge. Un risque qui a progressé avec l’industrialisation du secteur.
La dernière enquête publiée sur le sujet date du 13 novembre 2006. Sa méthodologie est difficilement contestable tant son échantillon est large (90 659 femmes) et sa durée longue (douze ans). Ses conclusions sont simples et dévastatrices : les femmes mangeant une portion et demie de viande rouge chaque jour doublent le risque de développer un cancer du sein.
Fort de cette mise en garde, ce travail de recherche essaie aussi de comprendre à quoi tiennent ces écarts et pourquoi ce risque est plus prégnant qu’autrefois. Si l’hypothèse d’une dose trop importante de fer dans la viande rouge et celle d’une cuisson créant des carcinogènes sont avancées, une troisième piste retient l’attention : les résidus d’hormones contenus dans la viande. Des hormones ajoutées par les éleveurs de bétail.
Entre 80 et 90 % du bétail américain reçoit des hormones de croissance par injection. Ce pourcentage atteint même 100 % chez les bêtes élevées industriellement. Il faut dire que l’enjeu est de taille pour les producteurs : alors que le coût d’une dose dépasse rarement 1 dollar, ses bénéfices se chiffrent entre 30 et 40 dollars supplémentaires quand on vend la carcasse. Soit une source de revenus représentant 542 millions de dollars par an. George Pyle, journaliste spécialiste du monde agricole, résume parfaitement la situation : « L’histoire est toujours la même. L’agrobusiness veut un retour maximum sur son investissement dans un temps minimum. [Quitte à utiliser] une substance qui n’a pas pu être testée dans toutes les circonstances et dont on ignore la façon d’interagir dans le vrai monde ».
Bien évidemment, l’industrie de la viande conteste ces accusations. Selon elle, non seulement les hormones de croissance ne présentent aucun danger pour l’animal, mais elles ne se retrouvent pas dans la viande. Ce qui, on l’a vu, est faux. En toute logique, les hormones atterrissent bel et bien dans nos assiettes, en quantité suffisamment importante pour dérégler notre cycle hormonal. Et, comme nous le verrons, pour constituer une des causes de la pandémie d’obésité.
Les hormones injectées dans le bétail et donc servies avec le hamburger à 99 cents sont en outre mises en cause dans l’augmentation du nombre de cancers du côlon, considéré comme celui ayant le taux de mortalité le plus fort. À nouveau, les études sont impitoyables. Chez une femme, le risque de développer un cancer du colon est 250 fois plus important si elle consomme chaque jour de la viande rouge. Avec une seule portion par semaine, le risque est encore de 38 % plus élevé.
Du reste, depuis 1989, l’Europe interdit l’importation de viande de bœuf américaine lorsqu’elle contient des hormones de croissance. Cette restriction, qui représente un manque à gagner pour le commerce américain estimé annuellement à 117 millions de dollars, est à l’origine d’une guerre intense menée dans les coulisses de l’OMC.
Car, considérant la prudence européenne comme une atteinte au droit commercial et une forme de protectionnisme, les Américains ont porté plainte en 1996 devant la commission d’arbitrage de l’OMC. Comme dans l’affaire du HFCS, l’Organisation mondiale du commerce s’est rangée du côté des États-Unis en estimant que la consommation de viande aux hormones n’était en rien dangereuse pour l’homme. Et a ordonné à l’Europe d’ouvrir ses frontières.
Un an plus tard, l’Union refusait à nouveau de le faire, suscitant une nouvelle plainte des États-Unis. En 1999, l’OMC autorisait alors Washington à obtenir une compensation en récupérant des droits de douane sur les produits européens exportés aux États-Unis. Concrètement, cela signifiait que, tant qu’elle ne fléchirait pas, l’Europe serait condamnée à verser une amende annuelle de 117 millions de dollars.
En 2001, le Congrès américain recourut à une autre mesure pour inciter l’Europe à fléchir, celle de la « punition tournante ». Tous les six mois, la nature des produits touchés par les taxations douanières change, ce qui permet de gêner des pays peu concernés par l’importation de viande de bœuf mais sensibles à l’exportation de leurs propres produits. Et de semer la zizanie au sein de l’Union afin de faire céder le front résistant au bœuf aux hormones made in USA.
La stratégie est toujours active aujourd’hui. Dix ans après la première crise du bœuf américain, l’Union européenne continue de payer le prix de son indépendance sanitaire. En coulisses, le gouvernement de George W. Bush poursuit ses tractations au sein de l’OMC. Son argument ? Le monde entier apprécie le bœuf aux hormones des États-Unis. Ainsi le Japon, le Canada, la Chine, le Mexique, la Corée, l’Égypte et même le Moyen-Orient importent chaque année l’équivalent de plusieurs centaines de millions de dollars. Seule l’Europe le rejette.
Sachant, qu’à moyen terme, la stratégie de la « punition tournante » risque de porter ses fruits, l’Union a contre- attaqué devant l’organisme d’arbitrage de l’Organisation afin de faire lever les sanctions. La saga du bœuf aux hormones dans les assiettes européennes n’est donc toujours pas terminée.
Les hormones ne sont pas les seuls corps étrangers retrouvés dans la viande américaine. Les antibiotiques pimentent eux aussi la sauce. Qu’on les utilise contre les infections du type mastite ou pour leur effet combiné avec les hormones de croissance, une chose est sûre : ils ne disparaissent pas miraculeusement du paysage quand on passe à l’abattoir…
En 1993, une étude menée sur 2 734 carcasses prélevées dans les abattoirs de douze États a démontré que ces viandes étaient « enrichies » par 3 249 résidus d’antibiotiques. Plus récemment, un autre travail de recherche, mené par l’USDA, a estimé que 50 % de la viande de bœuf et de poulet consommée aux États-Unis abritait au moins deux résidus d’antibiotiques.
Des chiffres aisés à appréhender quand on sait que le bétail est le premier consommateur d’antibiotique mondial. En 2000, les Américains utilisèrent 1,3 million de tonnes d’antibiotiques pour se soigner. La même année, leur bétail en absorbait, dans un cadre non vétérinaire et donc hors traitement de maladies, 11 millions de tonnes.
Avec une telle présence dans l’alimentation, l’homme devient logiquement plus résistant aux traitements antibiotiques. Ce qui initie un cercle vicieux contraignant le corps médical à augmenter les doses pour nous soigner. Autre cercle infernal, les antibiotiques administrés aux animaux rendent plus coriaces les bactéries qu’ils transportent. « Sans l’ombre d’un doute, la résistance des bactéries pathogènes transportées dans la nourriture est due à l’utilisation massive d’antibiotiques dans l’élevage », affirme le CDC.
Le 8 mars 1999, le New York Times consacrait un article aux risques liés à la résistance accrue des bactéries de source animale se retrouvant dans l’alimentation. « Des études récentes ont démontré que les bactéries du poulet résistent désormais au fluoroquinolones, la plus récente classe d’antibiotiques que les scientifiques espéraient pourtant efficaces pour un long moment », affirmait l’auteur.
Hormones, antibiotiques, le menu ne pourrait pas être complet sans évoquer les déchets de l’agriculture de masse, ces pesticides qui, à leur tour, terminent dans nos assiettes. »
La suite toujours aussi passionnante ……………demain.
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Extrait de Toxic, le livre de William REYMOND :
« Les crottes d’oiseaux tombant sur les champs, l’ionisation, l’enrichissement, l’atmosphère modifiée sont des écrans de fumée. Ayant pour fonction de masquer la responsabilité des grands groupes agroalimentaires.
En 1982, lorsque les CDC ont pour la première fois identifié l’E.coli 0157:H7, le département de l’Agriculture a eu du mal à confirmer que le bétail américain se trouvait à l’origine de l’une des bactéries les plus dangereuses du monde. Les tests effectués par l’USDA dans des dizaines de troupeaux disséminés sur l’ensemble du territoire se révélaient tous négatifs.
En 1998, le même ministère évaluait à 5 % le nombre de vaches touchées par la bactérie. En 2002, une étude de l’USDA affirmait que 38,5 % des laiteries américaines hébergeaient au moins un animal porteur de la bactérie, mais que seulement 4,5 % d’entre eux développaient la forme mortelle pour l’homme.
Un an plus tard, une étude indépendante publiée dans le Journal of Daily Science certifiait que « 30 % de la totalité du bétail étaient porteurs de l’agent pathogène et que, dans certaines circonstances, ce pourcentage pouvait atteindre 80 % ».
La prolifération de la bactérie est étroitement liée au développement de l’élevage industriel. D’ailleurs, les vaches ne sont plus les seules porteuses de l’E.coli 0157:H7. Depuis quelques années, on l’a isolée dans l’intestin des porcs élevés en batterie, avec, d’après une étude japonaise, un taux de contamination semblable à celui des bovins. Plus inquiétant encore, l’E.coli 0157:H7 s’est échappé des enclos des fermes industrielles. Des cas d’infections d’oiseaux, de daims, de chevaux et même de chiens ont été mis à jour. Ce qui n’exonère en rien l’élevage à grande échelle puisque ces chiens ont été contaminés après avoir mangé de la viande de bœuf crue. Quant aux autres espèces, d’aucuns évoquent une intoxication via la consommation d’eau. En septembre 2005, n’est-ce pas l’eau d’arrosage qui a été responsable de la présence d’E.coli dans les feuilles de salades d’épinard de Californie ?
Qu’on soit bien clair : l’eau n’a jamais été « porteuse », à l’origine, de la bactérie tueuse. Elle se contente de la transporter, une fois les lagons de merde déversés dans le lit des rivières.
Je crois que le plus révoltant dans tous ces exemples terrifiants, c’est la logique implacable qu’ils dévoilent. Celle qui conduit des scientifiques à cloner des vaches transgéniques pour éviter la mastite alors qu’il suffirait de limiter les montées de lait et le nombre de traites. Celle qui pousse des éleveurs à imaginer de recourir au nucléaire pour irradier les aliments dans l’espoir de se débarrasser des bactéries dangereuses alors qu’une fois encore, il existe une solution toute simple.
Le 10 septembre 1998, des microbiologistes de l’université de Cornell publiaient les résultats d’une longue étude menée avec l’USDA. Et annonçaient le moyen d’éradiquer la bactérie E.coli 0157:H7. Pour purifier l’intestin contaminé de la vache, injecter massivement des antibiotiques à l’animal – comme les éleveurs le font encore – n’avait aucun intérêt. Non, il suffisait, selon eux, cinq jours avant l’envoi de la bête à l’abattoir, de lui offrir ce que la nature a prévu pour elle : du fourrage. Et rien que du fourrage.
Le rapport expliquait même que ce bref retour aux sources de l’alimentation bovine « n’affecterait ni la taille de la carcasse ni la qualité de la viande. Et que le changement de régime pouvait se faire à un coût minime et sans trop d’inconvénient pour les exploitants de feedlots ».
Dans leur simplicité, les microbiologistes de Cornell avaient négligé l’attrait des stocks de grains protéinés et la volonté rageuse d’une industrie adepte du statu quo. Finalement, la seule garantie à ses profits.
La suite …… demain.
Dr BUENOS : la viande de veau et de boeuf proposée par les éleveurs de l’Orb recommandés par le réseau ROSA est nourrie à la luzerne et aux céréales produites localement. Cela entraine donc moins de risque d’être confronté à l’E.Coli 0157:H7.
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Extrait de TOXIC, le livre de William REYMOND :
« La grande manipulation des éleveurs de bétail nourri au grain, c’est de tenter de nous faire croire que l’E.coli 0157:H7 fait désormais partie du paysage. Qu’il est une donnée que nous, consommateurs, devons de toute façon intégrer et gérer. Impossible de les blâmer, ils ne font que reproduire en la matière la stratégie utilisée avec succès dans les crises de salmonelle. Résultat ? 1 million d’intoxications annuelles aux États-Unis contre seulement 800 en Suède, pays qui fut l’un des premiers en Europe à légiférer sur les dangers de l’élevage de masse.
Le concept de cette manœuvre d’évitement est simple : blâmer l’autre. Non pas les abattoirs, alors que la plupart du temps c’est là que la viande est contaminée – quand ce qui subsiste dans les intestins bovins entre accidentellement en contact avec le reste de la carcasse -, mais les consommateurs. À écouter les industriels, nous nous rendons malades parce que nous ne cuisons pas suffisamment nos aliments ou parce que nous utilisons des couteaux sales ayant été en contact avec de la viande crue !
Un comble !
Petit flash-back à la fois significatif et édifiant.
Au début des années 1970, le secteur du nucléaire tenta d’améliorer son image pour séduire les Américains. Mission : dépeindre cette énergie comme le moyen sûr, propre et peu cher d’améliorer la vie quotidienne. Et le Département of Energy fut le premier à déposer un brevet relatif à l’irradiation de la nourriture et à le faire valider par les organismes sanitaires.
La méthode consiste à exposer divers aliments à des rayonnements ionisants afin de détruire les micro-organismes qu’ils contiennent. « Ioniser » est le verbe employé par l’industrie agroalimentaire, parfois abusivement remplacé par le terme de « pasteurisation à froid ». Dans les deux cas, il s’agit toujours de véhiculer une image plus acceptable par le public, celui-ci n’étant guère prêt, évidemment, à encaisser qu’on irradie sa nourriture. Surtout via un accélérateur de particules ou par des sources radioactives tels le césium 137 ou le cobalt 60, comme certaines compagnies le font. En tout cas, employer d’autres mots, détourner l’attention, fut efficace puisque le procédé s’est généralisé sans trop de levées de bouclier.
Au départ, ce processus fut principalement utilisé sur les épices et les céréales, les radiations tuant les insectes souvent microscopiques nichés au cœur des aliments. Mais à partir du début des années 1980, l’ionisation a servi un processus plus commercial encore : ralentir la dégradation d’un produit. Les fruits et légumes traités mettent plus de temps à pourrir, ce qui rallonge leur période de conservation. De quoi ravir les producteurs.
L’irradiation de la viande est apparue, elle, plus tard, au milieu des années 1990 durant lesquelles la société californienne SureBeam l’expérimenta pour la première fois. Et aujourd’hui, le secteur de la viande, pensant avoir trouvé là un moyen de lutter contre les risques d’infections à la salmonelle et à l’E.coli 0157:H7, y recourt fréquemment.
Évidemment, devant cette dérive, les interrogations surgirent. Quid de la qualité à court et à long terme des aliments ? Quid des répercussions sur notre santé ? D’emblée, soyons clairs : l’irradiation ne rend pas la nourriture radioactive. C’est pour cela d’ailleurs que, pendant vingt ans, les principales critiques se sont concentrées sur les risques d’accidents liés au processus d’ionisation. Un danger réel, comme l’a montré en 1988 une fuite d’eau radioactive dans un centre situé en Georgie. 50 millions de dollars ont été dépensés par cet État pour réparer les dégâts et des traces de radioactivité ont été relevées dans les habitations proches. C’est du reste pour cela qu’en France les centres d’irradiation utilisant une source radioactive sont classés « Installation nucléaire de base » (INB), catégorie dans laquelle figurent également les réacteurs nucléaires.
Le passage à l’irradiation de la viande a, en revanche, tout bouleversé. En effet, la nature d’un produit soumis à des rayons radioactifs est modifiée. Comme l’explique Roland Desbordes, scientifique à la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD) : « L’aliment est mort sur le plan biologique, les tissus sont pulvérisés, l’ADN détruit ». Concrètement, un produit irradié est en fiait plus pauvre en acides aminés, acide folique et en vitamines A, Bl, B6, B12, C, E, K et PP. Une perte variant selon la durée et la puissance de l’exposition, qui peut atteindre jusqu’à 80 % chez certains produits.
Ce n’est pas tout : en traversant un poulet – un des aliments les plus irradiés dans le monde -, le rayon ionisant bleu entraîne une recombinaison chimique qui donne naissance à de nouvelles molécules. L’irradiation des lipides – le gras de la viande de bœuf, par exemple – déclenche la formation de cyclobutanones, des molécules dont la toxicité pour l’homme a été mise en évidence par plusieurs travaux.
En 2002, une étude franco-allemande a ainsi démontré que certains cyclobutanones (les 2-alkylcyclobutanones) étaient toxiques et favorisaient le développement du cancer du côlon chez le rat. Ces recherches ont déclenché une polémique dans le milieu scientifique lorsque, le 3 juillet 2002, le Comité scientifique de la nourriture (SCF), organisme en charge de la protection alimentaire au sein de la Commission européenne, rejeta les conclusions de cette équipe réunissant pourtant les meilleurs spécialistes du sujet. Avec une motivation pour le moins étonnante. Jamais dans son commentaire, le SCF ne remet en cause la découverte des chercheurs, autrement dit la toxicité des nouvelles cellules formées dans la viande suite à l’irradiation. Non, le reproche est plus spécieux : « Les effets négatifs relevés l’ont tous été au terme de recherches in vitro. Il est donc inapproprié, sur la base de ces résultats, d’effectuer une étude de risque pour la santé humaine ». En clair, on refuse de prendre en compte une menace sanitaire parce que l’étude qui l’a révélée, bien que validée par des scientifiques qualifiés, a été menée en laboratoire !
Dans une réponse au CSF, le groupe de chercheurs a maintenu sa position. Laquelle inquiète la CRIIRAD : « Du moment où l’on observe des réactions chez le rat, dont le patrimoine génétique est similaire à 99 % à celui de l’homme, on peut se poser des questions… même s’il y a un pas entre le rat et l’homme. On ne peut donc pas conclure à l’innocuité de l’irradiation des aliments pour les humains ».
Mais il faut tenir compte des données plus politiques. Actuellement, seuls huit pays de l’Union autorisent l’irradiation. À savoir la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Hongrie et la Tchéquie.
L’Hexagone compte sept centres d’irradiation. Six dépendent de la société lyonnaise Ionisos, installés à Dagneux (Ain), Pouzauges (Vendée), Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), Orsay (Essonne), Chaumesnil (Aube) et Berric (Morbihan). Le septième, exploité par la société Isotron, se trouve à Marseille.
Mais, hors de l’Europe, trente-deux autres États l’ont acceptée, incitant même l’OMC à effectuer des pressions sur l’Union européenne pour étendre son utilisation. Pourquoi l’OMC agit-elle en ce sens ?
Selon des motivations de pur libéralisme, l’interdiction d’irradiation s’accompagne souvent d’une limitation des importations de produits ionisés, ce qu’elle considère comme une limite aux échanges mondiaux.
La France importe chaque année entre 6 000 et 10 000 tonnes d’aliments irradiés.
Au-delà de l’étude controversée de 2002, ce qui étonne le plus, c’est l’absence de travaux consacrés aux effets de l’ionisation au niveau mondial. Certes, on trouve des rapports plus rassurants, comme ceux publiés par l’université Texas A&M. L’ennui, c’est que l’Electronic Beam Food Research Facility, la structure de recherche ayant conduit cette étude, a été créé grâce à un don de 10 millions de dollars versé par SureBeam. Et que, dépassant son rôle universitaire, le centre effectue même de l’ionisation commerciale, irradiant en effet une partie de la viande américaine.
En fait, à mieux y regarder, à part une étude s’étalant sur quinze semaines effectuée en Chine en 1987,(elle démontra une augmentation des anomalies chromosomiques. Une situation à l’origine de cancers), il n’existe aucune recherche conséquente sur ce sujet majeur. Comme on n’en trouve pas sur les effets produits par cette alimentation modifiée sur les enfants et les bébés. Un travail d’autant plus utile que les flocons et germes de céréales destinés aux produits laitiers infantiles sont systématiquement irradiés aux États-Unis, au Brésil et dans une vingtaine de pays. Des produits qui figurent d’ailleurs sur la liste des aliments ionisés importés en France. Tout comme les herbes aromatiques surgelées, les fruits secs, les volailles, les œufs, les crevettes, le fromage au lait cru et les cuisses de grenouille.
Pis, le processus de mise sur le marché américain, celui qui permet aujourd’hui à l’OMC de militer pour une commercialisation sans frontière des produits ionisés, est loin d’être un modèle de sérieux. En effet en 1982, le FDA, l’organisme fédéral chargé de l’approbation du processus d’irradiation, n’a pas pris le temps de lire et de valider les 441 études sur des animaux qui lui avaient été soumises, préférant n’en sélectionner que 7. Des rapports consacrés uniquement à des tests effectués sur des fruits et des légumes selon des dosages bien trop bas pour correspondre à une réalité. En 1993, sans que ses propos aient le moindre impact, Marcia van Gemert, la toxicologiste qui avait présidé la commission de la FDA sur l’irradiation, évoqua sans langue de bois les conditions de cette autorisation : « Ces études utilisées en 1982 par le FDA n’étaient pas adéquates. Elles ne l’étaient pas face aux standards (sanitaires) de 1982 et le sont encore moins face à ceux de 1993, permettant de déterminer la sécurité de n’importe quel produit, et plus encore lorsqu’il s’agit de nourriture irradiée ».
Dans sa précipitation à nous faire ingurgiter de la viande passée aux rayons, l’industrie agroalimentaire doit faire face à un autre casse-tête : le taux d’ionisation n’est pas suffisamment puissant pour détruire certaines bactéries et prions (que l’on pense responsables de la crise de la vache folle). Bien entendu, elle profite de chaque crise pour demander une augmentation des doses maximales de rayons autorisées, arguant qu’il est de son devoir de pallier la tendance des consommateurs à ne pas assez cuire leur viande. Ce faisant, elle évite une fois de plus le débat sur les véritables causes des contaminations bactériennes.
Néanmoins, un obstacle de taille subsiste pour elle : nos papilles gustatives. Qui résistent, elles ! Si l’irradiation est l’art de l’équilibre entre la sécurité alimentaire et le goût du produit, beaucoup comprennent qu’elle l’altère. Pour autant, résisterons-nous longtemps ?
La suite (tout aussi passionnante) ………..demain.
Dr BUENOS : Cet article est passionnant. Il ne me semble pas avoir jamais vu sur une étiquette une mention sur l’irradiation et la dose utilisée.
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