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boeuf aux hormones

Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

« Durant l’été 1999, un vent de révolte souffle sur l’Aveyron.

Quelques semaines plus tôt, pour punir l’Europe qui refuse l’exportation de bœuf américain dopé aux hormones, les États-Unis décident de surtaxer de 100% les droits de douanes du roquefort.

(Le roquefort n’était pas le seul produit visé. Le foie gras, certains chocolats, des céréales et la moutarde de Dijon complétaient la liste côté français. En janvier 2009, toujours dans le cadre du refus de l’importation du bœuf aux hormones, le gouvernement américain s’apprêtait à mettre en place des droits de douanes de 300 % sur le roquefort. En mai de la même année, à quelques jours de leur application, l’Union européenne et les États-Unis trouvaient un accord. En échange de l’augmentation du quota d’importation de bœuf américain non traité, le gouvernement américain abandonnait toute idée de surtaxation des produits européens, dont le roquefort.)

L’attaque n’est pas seulement symbolique, puisque, à l’époque, le marché américain représente plus de 10 % des exportations de cette spécialité fromagère du sud de l’Aveyron. Quatre cents tonnes de fromage qui, en raison d’un prix de vente devenu exorbitant, risquent de fermenter dans des entrepôts plutôt que de terminer dans les assiettes des consommateurs d’outre- Atlantique. Il s’agit donc d’un manque à gagner sévère pour les petits producteurs de la région.

Aussi, au début du mois d’août, du côté de Millau, les esprits s’échauffent et envisagent des mesures de rétorsion contre les États-Unis. Sans surprise, la première action du genre vise Coca- Cola : un cafetier de la ville surtaxe la vente de la boisson dans son établissement.

Et puisque la guerre contre l’Amérique se joue symbole contre symbole, José Bové et ses compagnons du syndicat de la Confédération paysanne décident de frapper fort.

Le 12 août 1999, une poignée de militants menés par le paysan moustachu s’attaquent au démontage d’un McDonald’s alors en construction à Millau. « Sous les yeux médusés du propriétaire Marc Dehani, raconte le quotidien La Dépêche, l’inscription McDo defora, gardarem roquefort (McDo dehors, nous garderons le roquefort) est peinte sur le toit du fast-food tandis que des matériaux du chantier sont convoyés sur un tracteur vers la sous-préfecture. »

En plein été, période où, traditionnellement, l’actualité tourne au ralenti, le coup de poing attire l’attention des médias. Et lorsque la juge d’instruction Nathalie Marty ordonne l’arrestation du responsable de la Confédération paysanne, José Bové, et de ses compagnons, l’affaire prend de l’ampleur. Cette décision, comme le note encore La Dépêche, « raviva l’esprit combatif de ceux qui connurent le mouvement contre l’extension du camp militaire du Larzac dans les années 1970 [et offrit] à la Confédération paysanne de passer du statut d’une organisation ringarde à celui de celle qui défend des traditions ancrées dans un terroir ».

Mais, surtout, elle propulse José Bové au centre d’un combat encore peu répandu que lui- même mène, avec une certaine discrétion, depuis quelques années : la bataille contre la… malbouffe.

Le 12 août 1999, vingt ans après sa création, la perception collective du terme inventé par les de Rosnay entrait donc dans sa troisième phase.

La malbouffe selon José Bové ne correspond ni à celle des années 1970 ni à celle décrite en 1989 lors de la crise de la vache folle.

Le concept cher au représentant de la Confédération paysanne mêle deux refus : celui de la nourriture de mauvaise qualité et celui d’une mondialisation qui se résumerait à une domination américaine. Ces deux pendants sont si liés dans le discours de José Bové que certains de ses détracteurs lui reprochent d’utiliser la malbouffe comme prétexte pour légitimer son propre refus de la mondialisation. Plus tard, viendra se greffer sur ce diptyque la légitime question de la présence d’OGM dans l’alimentation, donnant une dimension supplémentaire à la définition du mot malbouffe.

Mais revenons au sens qu’avait ce terme au lendemain du démontage du McDonald’s de Millau et lors de la publication, un an plus tard, du premier livre publié par José Bové.

S’appuyant sur une dialectique que l’on retrouvera durant l’hiver 1999 à Seattle – lorsque des milliers de représentants du mouvement alter- mondialiste s’opposeront à la troisième conférence ministérielle des cent trente-trois pays membres de l’Organisation mondiale du commerce -, la malbouffe selon José Bové induit que la domination américaine est incarnée par la restauration rapide.

À ce titre, McDonald’s – dont rien ne semble freiner l’expansion mondiale – constitue une cible parfaite. En effet, depuis l’inauguration de sa première franchise à Strasbourg, en 1979, le géant américain n’a cessé de multiplier les ouvertures en France. Avec un peu plus de quatre cents établissements dans l’Hexagone, le chiffre d’affaires annuel de la marque a même franchi le seuil symbolique des dix milliards de francs.

Le démontage de Millau constitue donc une étape importante. Il offre au message de Bové – et à sa définition de la malbouffe -, une caisse de résonance internationale. Désormais, l’ennemi de nos estomacs, de notre santé, de notre économie, de notre identité et, d’une certaine manière, de notre avenir porte un nom simple et débite, à la chaîne, des hamburgers arrosés de Coca-Cola.

À la veille de l’an 2000, alors qu’une partie de la planète hésite entre peur du lendemain et nostalgie du temps passé, le discours de l’agriculteur français se répand donc comme une trainée de poudre.

En août 2009, Éric Gravier, l’un des vice-présidents de la filiale française de McDonald’s, reconnaissait que seuls deux événements « avaient bousculé » la marche en avant de la marque en France : « la crise de la vache folle et José Bové ». On remarquera qu’Éric Gravier ne cite ni la concurrence assez amorphe sur le secteur ni la vague d’attentats en 2000 qui frappa l’enseigne en Bretagne.

Et la vision altermondialiste de la malbouffe s’impose comme la vérité dominante. Désormais, vingt ans après son invention, le terme de Joël de Rosnay regroupe presque exclusivement les produits issus de la restauration rapide.

Ce qui va, pendant une décennie, fausser le débat consacré aux périls de l’alimentation. »

La suite …….demain.

Dr BUENOS : l’affaire de la mimolette ressemble fort à celle du roquefort ……

 

 

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Extrait de Toxic, le livre de William REYMOND :

« L’étude de l’interaction entre une bonne alimentation et la santé humaine n’est évidemment pas récente. Et plus particulièrement celle liant la viande à notre espérance de vie.

Au début de la Première Guerre mondiale, les Danois consommaient beaucoup de viande de porc et de graisses animales. Et puis, le blocus allié contraignit le pays à modifier ses habitudes alimentaires. Le professeur Mikkel Hindhede fut alors nommé responsable de l’alimentation et mit en place une série de restrictions. Afin de sauver les réserves de céréales, ce scientifique ordonna l’abattage de 80 % du cheptel porcin du Royaume et environ 20 % des bovins. Des matières grasses, les Danois passèrent donc au pain complet, aux céréales et aux légumes. Le lait gardait sa renommée, et le fromage venait agrémenter de temps à autre le repas mais la viande, elle, avait presque disparu des tables.

Notons que Sir Jack Drummond occupa une fonction similaire en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Ses travaux sur l’alimentation des Anglais sont proches de ceux de Hindhede. Sir Jack Drummond, son épouse et sa fille furent assassinés dans la nuit du 4 au 5 août 1952 à proximité de la ferme de Gaston Dominici.

À la fin du conflit, Hindhede décida de mesurer les effets de sa politique sur la santé de ses compatriotes.

Ce qui donna des chiffres étonnants. Non seulement le pays avait survécu au rationnement, mais le taux de mortalité n’avait jamais été aussi bas. Il fut de 10,4 pour 1 000 entre octobre 1917 et octobre 1918 alors qu’il n’avait jamais été inférieur à 12,5 de 1913 à 1914. « Une différence du taux de mortalité de 2,1 pour une population de 3 millions signifie 6 300 vies sauvées. En conséquence, le nombre de vies sauvées au Danemark grâce au blocus allié fut considérable. » Jamais un pays européen n’avait même connu un pourcentage si faible. La conclusion du professeur Mikkel Hindhede fut évidente : « Cela signifie, alors, que la principale raison des décès est la nourriture ».

La corrélation entre la consommation de viande et le risque de cancer s’est précisée dans les années 1970. Des nombreuses études, souvent rédigées avec une diplomatie toute scientifique, ont alors commencé à établir l’émergence d’un danger accru chez un adepte régulier, notamment de viande rouge. Un risque qui a progressé avec l’industrialisation du secteur.

La dernière enquête publiée sur le sujet date du 13 novembre 2006. Sa méthodologie est difficilement contestable tant son échantillon est large (90 659 femmes) et sa durée longue (douze ans). Ses conclusions sont simples et dévastatrices : les femmes mangeant une portion et demie de viande rouge chaque jour doublent le risque de développer un cancer du sein.

Fort de cette mise en garde, ce travail de recherche essaie aussi de comprendre à quoi tiennent ces écarts et pourquoi ce risque est plus prégnant qu’autrefois. Si l’hypothèse d’une dose trop importante de fer dans la viande rouge et celle d’une cuisson créant des carcinogènes sont avancées, une troisième piste retient l’attention : les résidus d’hormones contenus dans la viande. Des hormones ajoutées par les éleveurs de bétail.

Entre 80 et 90 % du bétail américain reçoit des hormones de croissance par injection. Ce pourcentage atteint même 100 % chez les bêtes élevées industriellement. Il faut dire que l’enjeu est de taille pour les producteurs : alors que le coût d’une dose dépasse rarement 1 dollar, ses bénéfices se chiffrent entre 30 et 40 dollars supplémentaires quand on vend la carcasse. Soit une source de revenus représentant 542 millions de dollars par an. George Pyle, journaliste spécialiste du monde agricole, résume parfaitement la situation : « L’histoire est toujours la même. L’agrobusiness veut un retour maximum sur son investissement dans un temps minimum. [Quitte à utiliser] une substance qui n’a pas pu être testée dans toutes les circonstances et dont on ignore la façon d’interagir dans le vrai monde ».

Bien évidemment, l’industrie de la viande conteste ces accusations. Selon elle, non seulement les hormones de croissance ne présentent aucun danger pour l’animal, mais elles ne se retrouvent pas dans la viande. Ce qui, on l’a vu, est faux. En toute logique, les hormones atterrissent bel et bien dans nos assiettes, en quantité suffisamment importante pour dérégler notre cycle hormonal. Et, comme nous le verrons, pour constituer une des causes de la pandémie d’obésité.

Les hormones injectées dans le bétail et donc servies avec le hamburger à 99 cents sont en outre mises en cause dans l’augmentation du nombre de cancers du côlon, considéré comme celui ayant le taux de mortalité le plus fort. À nouveau, les études sont impitoyables. Chez une femme, le risque de développer un cancer du colon est 250 fois plus important si elle consomme chaque jour de la viande rouge. Avec une seule portion par semaine, le risque est encore de 38 % plus élevé.

Du reste, depuis 1989, l’Europe interdit l’importation de viande de bœuf américaine lorsqu’elle contient des hormones de croissance. Cette restriction, qui représente un manque à gagner pour le commerce américain estimé annuellement à 117 millions de dollars, est à l’origine d’une guerre intense menée dans les coulisses de l’OMC.

Car, considérant la prudence européenne comme une atteinte au droit commercial et une forme de protectionnisme, les Américains ont porté plainte en 1996 devant la commission d’arbitrage de l’OMC. Comme dans l’affaire du HFCS, l’Organisation mondiale du commerce s’est rangée du côté des États-Unis en estimant que la consommation de viande aux hormones n’était en rien dangereuse pour l’homme. Et a ordonné à l’Europe d’ouvrir ses frontières.

Un an plus tard, l’Union refusait à nouveau de le faire, suscitant une nouvelle plainte des États-Unis. En 1999, l’OMC autorisait alors Washington à obtenir une compensation en récupérant des droits de douane sur les produits européens exportés aux États-Unis. Concrètement, cela signifiait que, tant qu’elle ne fléchirait pas, l’Europe serait condamnée à verser une amende annuelle de 117 millions de dollars.

En 2001, le Congrès américain recourut à une autre mesure pour inciter l’Europe à fléchir, celle de la « punition tournante ». Tous les six mois, la nature des produits touchés par les taxations douanières change, ce qui permet de gêner des pays peu concernés par l’importation de viande de bœuf mais sensibles à l’exportation de leurs propres produits. Et de semer la zizanie au sein de l’Union afin de faire céder le front résistant au bœuf aux hormones made in USA.

La stratégie est toujours active aujourd’hui. Dix ans après la première crise du bœuf américain, l’Union européenne continue de payer le prix de son indépendance sanitaire. En coulisses, le gouvernement de George W. Bush poursuit ses tractations au sein de l’OMC. Son argument ? Le monde entier apprécie le bœuf aux hormones des États-Unis. Ainsi le Japon, le Canada, la Chine, le Mexique, la Corée, l’Égypte et même le Moyen-Orient importent chaque année l’équivalent de plusieurs centaines de millions de dollars. Seule l’Europe le rejette.

Sachant, qu’à moyen terme, la stratégie de la « punition tournante » risque de porter ses fruits, l’Union a contre- attaqué devant l’organisme d’arbitrage de l’Organisation afin de faire lever les sanctions. La saga du bœuf aux hormones dans les assiettes européennes n’est donc toujours pas terminée.

Les hormones ne sont pas les seuls corps étrangers retrouvés dans la viande américaine. Les antibiotiques pimentent eux aussi la sauce. Qu’on les utilise contre les infections du type mastite ou pour leur effet combiné avec les hormones de croissance, une chose est sûre : ils ne disparaissent pas miraculeusement du paysage quand on passe à l’abattoir…

En 1993, une étude menée sur 2 734 carcasses prélevées dans les abattoirs de douze États a démontré que ces viandes étaient « enrichies » par 3 249 résidus d’antibiotiques. Plus récemment, un autre travail de recherche, mené par l’USDA, a estimé que 50 % de la viande de bœuf et de poulet consommée aux États-Unis abritait au moins deux résidus d’antibiotiques.

Des chiffres aisés à appréhender quand on sait que le bétail est le premier consommateur d’antibiotique mondial. En 2000, les Américains utilisèrent 1,3 million de tonnes d’antibiotiques pour se soigner. La même année, leur bétail en absorbait, dans un cadre non vétérinaire et donc hors traitement de maladies, 11 millions de tonnes.

Avec une telle présence dans l’alimentation, l’homme devient logiquement plus résistant aux traitements antibiotiques. Ce qui initie un cercle vicieux contraignant le corps médical à augmenter les doses pour nous soigner. Autre cercle infernal, les antibiotiques administrés aux animaux rendent plus coriaces les bactéries qu’ils transportent. « Sans l’ombre d’un doute, la résistance des bactéries pathogènes transportées dans la nourriture est due à l’utilisation massive d’antibiotiques dans l’élevage », affirme le CDC.

Le 8 mars 1999, le New York Times consacrait un article aux risques liés à la résistance accrue des bactéries de source animale se retrouvant dans l’alimentation. « Des études récentes ont démontré que les bactéries du poulet résistent désormais au fluoroquinolones, la plus récente classe d’antibiotiques que les scientifiques espéraient pourtant efficaces pour un long moment », affirmait l’auteur.

Hormones, antibiotiques, le menu ne pourrait pas être complet sans évoquer les déchets de l’agriculture de masse, ces pesticides qui, à leur tour, terminent dans nos assiettes. »

La suite toujours aussi passionnante ……………demain.

 

 

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