Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :
» Parfois, les petites phrases cachent des vérités essentielles.
Prenez le professeur Walter Willet. Président du département de Nutrition de l’École de santé publique de Harvard, à Boston, il est l’un des nutritionnistes les plus réputés de la planète. Depuis son entrée dans cette prestigieuse université, en 1973, il dissèque nos habitudes alimentaires.
Mes premiers échanges avec lui remontent à mon intérêt pour les acides gras-trans, ces « tueurs » cachés dans la nourriture et nés d’une hydrogénation industrielle partielle.
Si Willet fut l’un des premiers scientifiques américains à alerter l’opinion quant aux dégâts du trans-fat, ses travaux ne se limitent pas à ce sujet. À la tête d’une équipe d’épidémiologistes, il tente aussi de déterminer le mode alimentaire le plus efficace pour lutter contre la pandémie d’obésité.
À ce titre, en 2002, il a publié – avec succès – un guide de conseils nutritionnels destiné aux Américains en quête du mieux manger. Huit ans après, le travail de Willet – trois cent quatre pages bien fournies en explications parfois complexes – a été résumé par l’opinion et les médias à quelques mots : « Prenez une multivitamine comme assurance. »
À son grand désespoir, cette phrase, tirée du titre de son chapitre 10, est devenue une sorte de slogan. Et pour cause : à une époque où la consommation de suppléments alimentaires était considérée comme la meilleure manière de produire de « l’urine de luxe », l’approbation du grand gourou de Harvard ne pouvait passer inaperçue. Et encore moins être négligée par les fabricants de suppléments, trop heureux de déclencher dans la foulée une spectaculaire campagne de communication destinée à faire circuler ce message – tronqué – dans l’opinion publique américaine.
En rédigeant son livre, Willet n’avait pas imaginé être aussi caricaturé. Il avait conclu ce chapitre 10 s’appuyant sur plusieurs années de recherches par une phrase humoristique : la prise quotidienne d’une multivitamine était le moyen le moins cher de s’assurer un régime complet. Jamais, comme cela a été déformé ensuite, ce professeur ne voulait suggérer que la prise de supplément relevait de la panacée. Hélas, la nouvelle fit boule de neige et aucune précision sémantique ne parviendrait à la stopper. Et l’Amérique, jusqu’à l’excès, se précipita dans les rayons vendant les pilules de vitamines.
Durant l’une de mes conversations avec Willet, délaissant les acides gras-trans un instant, je suis revenu sur l’avis qu’il avait formulé en 2002. Ses convictions avaient-elles évolué ? Alors que se multiplient les travaux dénonçant le risque de surdosage de certaines vitamines, alors que la qualité de certains des suppléments vendus est déplorable, alors que certains fabricants ajoutent conservateurs, colorants chimiques et acides gras-trans à leurs produits, continue-t-il à recommander la prise quotidienne d’une multivitamine ?
Après avoir émis les réserves d’usage quant à la nécessité d’acheter des produits de grandes marques dont la pureté est testée de manière indépendante, le professeur n’a pas changé d’avis.
Mieux, il précise que, selon lui, une multivitamine reste le meilleur moyen de pallier les « carences » de notre alimentation.
Carence ?
Je peux aisément comprendre sa remarque lorsqu’on évoque le régime de base américain, où les produits frais brillent par leur absence, pour être remplacés par les mauvaises graisses, le sucre, le sel et une pléthore de substances chimiques. Mais pourquoi élargir autant le sujet ? Et bien, précisément parce que, selon lui, nous sommes tous visés, quel que soit notre régime alimentaire.
A en croire cet éminent professeur de Harvard, qui cite étude sur étude, notre alimentation seule ne suffit plus à répondre à nos besoins.
Si les preuves avancées par Willet sont solides – et il n’y a pas de raison de mettre en doute sa conclusion -, d’innombrables questions surgissent. En commençant par celle-ci : depuis quand et pourquoi nos aliments ne parviennent-ils plus à combler nos besoins ?
La suite ….. demain.
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