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Créé le 29-05-2013 à 17h21 –

Par Erwan Lecomte

Sciences & Avenir

Résistante à plusieurs classes d’antibiotiques, ce pathogène qui s’est fortement développé en Afrique et au Moyen-Orient déferle sur l’Asie et menace de s’implanter en Europe.

DÉCOUVERTE. « Je n’ai jamais vu une salmonelle résistante se diffuser aussi rapidement » nous a confié le docteur François-Xavier Weill, directeur d’une unité de recherches sur les bactéries intestinales pathogènes à l’Institut Pasteur. Pourtant, il y a 10 ans à peine, cette bactérie du genre Salmonella et d’un sous type baptisé « Kentucky » (car découverte dans les années 30 aux Etats-Unis) était plutôt tranquille.

« Jusqu’en 2002, on ne recensait que 20 à 30 cas de contamination par an avec des souches sensibles aux antibiotiques, mais maintenant c’est presque 200 cas avec dans 80% des cas des souches multirésistantes.

Cette bactérie qui vit dans les intestins de nombreuses espèces animales se transmet à l’homme lorsqu’il consomme la viande mal cuite d’animaux contaminés. Particulièrement à risque : la viande de bœuf, le poulet, le lait non pasteurisé et les œufs. Mais tous les aliments sont susceptibles d’être contaminés, y compris les légumes. En effet, il suffit de manipuler des aliments carnés sans précaution avant cuisson (qui détruit la bactérie) pour que la planche de travail ou les instruments de découpe puissent contaminer, dans un 2ème temps, des aliments destinés à être mangés crûs (comme certains légumes en salade). De même, en cas de mauvaise hygiène, les mains peuvent servir de vecteur si elles ont été mal lavées après un contact avec des aliments contaminés ou pire des selles de patients infectés.

Pour le malade, une contamination par la salmonelle se manifeste alors par une gastro-entérite carabinée accompagnée de poussées de fièvre. Un adulte en bonne santé guérit généralement sans traitement particulier en 72 heures environ. « En revanche, pour les enfants en bas âge, les personnes âgées ou immunodéprimées, le risque est plus important. En effet, la salmonelle peut quitter le système digestif et passer dans le sang, risquant alors de provoquer une septicémie (infection générale de l’organisme, ndlr) potentiellement mortelle » explique le médecin.

RÉSISTANCE. Dans ce cas, la seule solution pour sauver le patient réside dans l’administration d’antibiotiques pour combattre rapidement l’infection.

Mais voilà, en 2002, une souche de Salmonella Kentucky résistante aux antibiotiques a été repérée pour la première fois en Égypte. « Cette souche présentait pour la première fois des mutations dans plusieurs gènes aboutissant à une résistance à la ciprofloxacine (un antibiotique à spectre large très utilisé contre cette infection) » précise François-Xavier Weill.

C’est donc avec une attention accrue que François-Xavier Weill et Simon Le Hello, responsables du centre national de référence (CNR) des Escherichia coli, Shigella et Salmonella situé au sein de l’Unité des bactéries pathogènes entériques à l’Institut Pasteur à Paris ont scruté l’évolution de cette bactérie pathogène. Et ce qui était une simple mauvaise nouvelle a petit à petit tourné à l’inquiétant.

« Les antibiotiques utilisés dans les élevages ont favorisé l’apparition de la résistance » François-Xavier Weill, Institut Pasteur

SURVEILLANCE. Dans une étude publiée en début de semaine dans le magasine « The Lancet Infectious Diseases », les chercheurs relatent les déplacement de cette salmonelle. Après l’Égypte, Salmonella Kentucky a colonisé l’Afrique de l’Est jusqu’en 2005, puis s’est implantée en Afrique du Nord (au Maroc principalement), au Moyen Orient et en Afrique de l’Ouest. Et depuis 2010, elle poursuit son expansion à une vitesse fulgurante autour de la méditerranée. Elle atteint désormais l’Inde et l’Asie du sud-est.

« Mais le plus grave est qu’au cours de sa migration, la bactérie a acquis de nouveaux plasmides de résistance qui la rendent insensible aux effets des antibiotiques de dernière génération tels que les céphalosporines de troisième génération, et même certaines souches présentent des gènes de résistance aux carbapénèmes, les antibiotiques de dernier recours » s’alarme François-Xavier Weill

ÉLEVAGE INTENSIF. La raison à l’apparition de ces résistances ? François-Xavier Weill pointe du doigt l’utilisation systématique d’antibiotiques à faible dose dans les élevages de volaille dans les pays en voie de développement alors que cette pratique est maintenant interdite en Europe depuis plusieurs années. « Dans un élevage industriel, les animaux sont stressés et plus sensibles aux maladies. Or, on sait depuis longtemps que l’administration d’antibiotiques en petite quantité améliore la santé des animaux mais aussi les rend plus gros et donc sont vendus plus cher sur le marché. Les antibiotiques font alors office de promoteurs de croissance » explique le chercheur.

L’ennui est que, lorsqu’elles sont soumises à ces faibles doses d’antibiotiques durant de longues périodes de temps, les bactéries subissent une pression de sélection. Apparaissent alors très facilement des souches résistantes à tous ces antibiotiques, qui se mettent alors à proliférer.

Et de telles bactéries multi résistantes commencent à faire leur apparition dans la zone européenne. En 2010, des salmonelles résistantes à la ciprofloxacine ont été repérées en Allemagne et en Pologne dans des élevages de dindes, sur des produits à base de viande provenant de Turquie, détaille la publication.

MESURES. « Il faut donc prendre d’urgence des mesures pour dépister et éradiquer cette salmonelle avant qu’elle ne s’implante durablement, préconise le chercheur, car cela peut aller très vite. Le cas s’est déjà présenté avec Salmonella Typhimurium DT104. Cette salmonelle multirésistante (mais à des anciens antibiotiques) avait été repérée chez les bovins à la fin des années 1980 au Royaume Uni. Aucune mesure n’avait initialement été prise pour endiguer sa progression. Dix ans plus tard, elle représentait ¼ des salmonelles affectant l’homme en Europe puis aux Etats-Unis ».

Erwan Lecomte, Sciences et Avenir, 29/05/13

Dr BUENOS : Quand différentes sources permettent de recouper les informations sur les germes multirésistants (E.Coli et salmonella) issus de l’élevage industriel qui a recours massivement et systématiquement aux antibiotiques…

Cela rend l’information encore plus pertinente ….. et inquiétante.

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Extrait de TOXIC, le livre de William REYMOND :

« Sans que cela ne soit surprenant, l’E.coli 0157:H7 est « née » en même temps que la deuxième phase d’obésité.

En décembre 1981, une quarantaine d’habitants de White City, dans l’Oregon, développèrent les mêmes symptômes d’intoxication alimentaire. L’analyse de leurs selles révéla la présence d’une bactérie inconnue. Toutes les victimes avaient un point commun : dans un laps de temps réduit, elles avaient mangé dans le McDonald’s de la ville.

En mai 1982, alors que les autorités sanitaires de l’Oregon se demandaient toujours ce qui avait pu créer le problème, une dizaine d’habitants de Traverse City, Michigan, tombèrent à leur tour malades. En montrant des symptômes identiques à ceux des résidents de White City ayant eux aussi mangé chez McDo quelques jours auparavant. Dans leurs selles, les biologistes découvrirent une bactérie de la famille des E. coli, la 0157:H7.

Comme sa présence n’avait jusqu’alors jamais été notée dans des empoisonnements alimentaires, les médecins ignorèrent d’abord cet agent bizarre, le pensant inoffensif. Il fallut attendre juillet 1982 pour que le docteur Lee Riley, épidémiologiste envoyé par les CDC, découvre l’origine du mal. Par hasard, en analysant un échantillon de viande hachée destinée au McDonald’s de Traverse City conservé dans un abattoir de l’Ohio. L’examen fut formel : le morceau était contaminé à l’E.coli 0157:H7. Laquelle rejoignit sur-le-champ la liste déjà trop longue des « bactéries les plus dangereuses du monde».

L’E.coli 0157:H7 est une conséquence imprévue mais bien réelle des stocks de maïs subventionnés par Washington. Le résultat de l’industrialisation de l’élevage ayant pour but de fournir de la viande grasse à bas prix. Un dégât collatéral de la volonté des groupes agroalimentaires de vendre un hamburger à 99 cents. Un nouveau foyer attisant la pandémie d’obésité.

La bactérie se développe dans les intestins des porcs et des bovins, plus particulièrement ceux des vaches laitières. Ces mêmes bêtes qui, après quatre ou cinq ans d’exploitation, sont transformées, sans la moindre traçabilité, en morceaux de steak haché vendus entre deux morceaux de pain dans les fast-foods.

En parlant de traçabilité, la première affaire dévoilant l’existence d’E.coli 0157:H7 a aussi montré combien la concentration des producteurs rend hasardeuse, pour les médecins et enquêteurs, la chance de remonter aux sources de l’infection. Dans les années 1960, l’Amérique comptait 13 000 abattoirs, contre moins de 300 aujourd’hui. L’activité est désormais regroupée dans des centres ultramodemes, rapides et performants. Dans lesquels la chair de 400 bêtes, provenant de plusieurs États, peut éventuellement se retrouver dans un même hamburger. Résultat, il a fallu sept mois au CDC (de décembre 1981 à juillet 1982), pour remonter non pas à l’origine – connaître le troupeau précis infesté s’avérait quasiment impossible – mais à l’abattoir où elle avait été hachée.

Or, si l’E.coli 0157:H7 se montrait plus agressif et virulent, genre mutant transmissible, cette traçabilité quasi inexistante serait une catastrophe. Car depuis sa première apparition, les délais de recherche sont toujours aussi longs. Comment expliquer l’absence de quelconques progrès en vingt-cinq ans ? Eh bien, démontrant à nouveau leur puissance politique, les grosses entreprises impliquées ont fait fort. En effet, la viande est le seul produit national échappant à l’autorité du gouvernement. Les rappels éventuels de lots impropres à la consommation ne peuvent être que volontaires, et non ordonnés par un État ou par l’USDA. Enfin, l’industrie de la viande juge seule des informations à partager avec les autorités sanitaires. Dans ce contexte, on imagine aisément que la rapidité de réaction en cas de crise et la transparence ne sont pas les vertus premières de ces compagnies.

Révoltant ? Certes, mais il y a pire encore. L’écriture de ces lignes me met en effet dans une situation de hors-la- loi. Au Texas, où je réside, mais également dans douze autres États.

Pourquoi ? À cause des « Food Disparagement Laws ». Ces textes ont été votés au début des années 1990 – soit en pleine épidémie européenne de vache folle – dans les États où l’élevage est dominant. Ils limitent sans équivoque la liberté de critiquer les conséquences de l’industrialisation fermière.

Ainsi, au Texas, le Civil practice and remedies code comporte, dans sa quatrième partie appelée « Liability in tort » un chapitre 96 intitulé « False disparagement of perishable food products » qui oblige un journaliste ou une association poursuivis par les groupes agroalimentaires à présenter les preuves de leurs propos au cours d’interminables procès. L’astuce est simple : en noyant les voix discordantes sous une vague de procédures, forcément longues et coûteuses, on rend quasiment impossible la remise en cause de certaines pratiques. Et l’explication, par exemple, de la responsabilité des éleveurs dans l’origine et la propagation de l’épidémie d’E.coli 0157:H7.

Les mathématiques, elles, n’ont que faire de la biologie et des tribunaux.

6 % de la production de maïs née de la politique initiée par Earl Butz se transforment en HFCS. Et la consommation humaine de grains non transformés absorbe 6 % également. Que deviennent les 88 % restants ? Une partie part à l’exportation et le solde, l’immense solde, vient nourrir le bétail. Enrichi aux « protéines » préparées à Booker et ailleurs, ce grain devient très abordable. Sa consommation dans les feedlots du pays garantit un bétail bien gras. Du gras qui donnera son goût à la viande. La logique est donc implacable.

Sauf que, depuis des millénaires, les bovins ne se sont pas nourris d’aliments enrichis aux restes animaliers. La vache est un ruminant polygastrique. Son processus de digestion est différent du nôtre. C’est grâce à l’action de ses quatre estomacs qu’elle parvient à transformer l’herbe en aliment. Une phase complexe tant mécanique que bactérienne, permettant de dégrader la cellulose des pâturages. Dès lors, on le constate, ce système digestif n’est en rien conçu pour une alimentation à base de maïs. Conséquence, les estomacs bovins peinent à traiter le grain, dont une partie termine, non digérée, dans le petit intestin. Le maïs y fermente, transformant la flore intestinale des animaux en « soupe hautement acide »…

Un milieu extrêmement favorable à la multiplication du germe E.coli 0157:H7. »

La suite ….. demain.

 

 

 

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Extrait de TOXIC, le livre de William REYMOND :

« La scène est insupportable. Pourtant, personne n’a eu encore le courage de se pencher vers cette mère pour, d’une voix calme presque détachée, lui dire la terrible vérité. Personne n’a osé affronter son regard, aller au- delà de ses larmes, vers ce territoire encore vierge de drames mais qui, demain, deviendra à jamais son quotidien.

Il est toujours question d’espoir et des signes auxquels il faut, coûte que coûte, s’accrocher. En réalité, elle le sait, ceux-ci constituent ses derniers remparts contre la folie.

Mais voilà, à cet instant précis, la raison n’a plus aucun sens. La vérité vient de l’écraser. Froidement, implacablement, irrémédiablement. Là, sous ses yeux, son enfant, déformé par la douleur, est en train de mourir.

Kevin Kowalcyk n’aura jamais eu trois ans. Le 11 août 2001, à vingt heures vingt, ce petit corps a perdu le combat qui l’opposait depuis une dizaine de jours à la maladie. Les intestins rongés par la gangrène, les artères saturées, Kevin avait deux ans, huit mois et un jour.

*

Le cauchemar a débuté le 31 juillet précédent. Une semaine plus tôt, la famille Kowalcyk était revenue de vacances passées au bord de l’océan. Le dernier cliché de Kevin débordant de vie date d’alors. À quatre pattes sur le sable blanc, l’enfant fixe l’objectif. A posteriori, il serait facile de tenter de chercher les signes avant-coureurs du drame, mais l’exercice est aussi vain qu’inutile.

Sur cette ultime photographie, Kevin respire la vie. Ses joues sont roses et son sourire presque timide. Barbara, sa maman, aime d’ailleurs à dire que son fils était « un garçon attentionné qui pouvait se mettre à pleurer tout simplement parce qu’un autre enfant était en train de le faire ».

Peut-être s’agit-il du cadre serein du cliché ou encore des circonstances terribles de sa mort, mais, à tout jamais, sur papier argentique, le visage de Kevin affiche cette sensibilité-là.

 

Le début de l’été s’était écoulé paisiblement, semblable à celui que vivent la plupart des enfants de cet âge. Les chaudes après-midi du Wisconsin s’oubliaient en barbotant dans l’eau fraîche de la « tortue », une piscine gonflable devenue le refuge préféré de Kevin et de sa sœur Megan. À cinq ans, l’aînée de la famille passait l’essentiel de son temps avec son petit frère, devenu un idéal et patient compagnon de jeu.

Il y avait eu aussi la sortie à la fête foraine, les feux d’artifice du 4 juillet et les visites des grands-parents. Enfin, chaque dimanche ou presque, Mike Kowalcyk s’était installé devant son barbecue et, pour le plus grand plaisir de sa famille, avait grillé de la viande hachée et préparé de délicieux hamburgers.

Mais le mardi 31 juillet 2001, Kevin se réveille avec une légère fièvre et de la diarrhée. Des symptômes bénins qui n’alarment pas Barbara outre mesure. Durant la journée, Kevin se montre grincheux mais sa température n’évolue pas. Ce n’est qu’au milieu de la nuit suivante que la situation se complique. Cette fois, la fièvre de Kevin augmente fortement et sa diarrhée est plus fréquente. Au petit matin, Barbara remarque même des traces de sang dans les selles de son enfant. Franchement inquiète, elle décide alors qu’il est temps de partir aux urgences.

L’attente à l’hôpital de Madison est rythmée par les visites régulières de Kevin aux toilettes. La présence de sang est désormais plus abondante. L’anxiété des Kowalcyk grandit.

Certes, les médecins se montrent rassurants. Il est fréquent à cet âge, disent-ils, qu’un état grippal s’accompagne de saignements. Néanmoins, afin d’en être certains, ils pratiquent des prélèvements qui sont envoyés au laboratoire pour être testés au plus vite. En attendant, Kevin peut rentrer chez lui. Ses parents doivent juste s’assurer qu’il boit suffisamment.

La nuit suivante est pénible. L’enfant est toujours fiévreux et la diarrhée ne ralentit pas. Et, surtout, le sang teinte en permanence l’eau des toilettes.

Barbara en est convaincue, cette couleur n’annonce rien de bon. Ce rouge aux accents noirâtres ne signifie qu’une chose : son fils est très malade. Et il faut agir. Vite.

Le 2 août, Kevin Kowalcyk quitte le cadre rassurant de sa chambre pour être de nouveau admis à l’hôpital. Où, après un transfert dans une unité pédiatrique de soins intensifs de l’hôpital pour enfants de l’université du Wisconsin, il va passer, dans des souffrances terribles, les derniers jours de sa courte vie.

Après avoir réglé la question de sa déshydratation importante, les vraies raisons de sa maladie apparaissent. Les nouvelles revenant du laboratoire sont mauvaises. Et le diagnostic sans appel : une bactérie, l’E.coli 0157:H7 grouille dans les selles de Kevin. Ce nom étrange n’aide guère Barbara à comprendre la portée du mal qui atteint son fils mais, instinctivement, elle sent le danger derrière cette mystérieuse suite de signes, lettres et chiffres.

Le reste des informations communiquées par le médecin confirme ce sentiment. Sans forcément parler d’impuissance, le docteur énumère les différentes étapes devant marquer les prochains jours de Kevin.

Et il n’y a que deux options. Soit l’infection se stabilise, soit elle continue à évoluer. Or si c’était le cas, la science s’avère quasiment impuissante. Il faut donc attendre et aider l’enfant à combattre lui-même le monstre. Aucun traitement, aucune pilule ne peut en effet tuer cette bactérie. Seul Kevin est en mesure d’emporter cette bataille-là.

Les Kowalcyk sont effondrés. Des propos médicaux, Barbara ne retient qu’une chose, une phrase qui ne cesse de rebondir dans son crâne : « Cela va être pire avant, normalement, de s’améliorer ».

Plus que la perspective d’heures difficiles, Barbara n’aime pas le mot « normalement ». À lui seul, il résume la fragilité du fil qui retient son fils à la vie. Perdu au milieu du langage scientifique du corps médical, il introduit une incertitude difficilement supportable.

Le cerveau de Barbara va exploser. Normalement… Normalement… Ce terme signifie aussi qu’il existe une autre alternative, une terrible possibilité, une affreuse éventualité. Celle où la situation, ne faisant qu’empirer, débouche sur une vérité tellement intolérable que Barbara refuse d’en prononcer le nom.

Le 3 août, les reins de Kevin montrent des signes d’extrême faiblesse. La première option est désormais de l’histoire ancienne. La bactérie poursuit son œuvre de destruction et l’insuffisance rénale aiguë annonce le pire. Kevin est victime d’un syndrome hémolytique et urémique. Un état au taux de mortalité important entraînant des complications neurologiques graves. « Nous l’avons presque perdu cette nuit-là. Il était froid, léthargique. Et il n’arrêtait pas de transpirer. »

Le lendemain matin, placé en soins intensifs, Kevin reçoit sa première dialyse. Une expérience douloureuse pour tous : « La procédure durait trois heures. Trois heures où il ne devait pas bouger. Le genre d’instruction impossible à suivre pour un enfant de l’âge de Kevin ». Aussi, refusant qu’on attache leur fils au lit d’hôpital, les Kowalcyk, aidés par deux amis, s’efforcent de maintenir eux-mêmes l’enfant immobile. « Nous lui tenions les jambes et les bras… Nous lui chantions des comptines, lui racontions des histoires pour le rassurer. »

Bientôt, hélas, la dialyse s’avère insuffisante. Le cœur de l’enfant dépasse les deux cents pulsations par minute. Les transfusions de sang laissent place à celles de plasma, mais rien n’y fait : son état général continue à se dégrader. « Il était misérable. Il rampait à l’agonie dans son lit et, dans son délire, réclamait que je l’aide. »

Privé de liquide, à l’exception de quelques morceaux de glaçons, Kevin ne cesse de réclamer à boire. Brûlant de fièvre, il implore ses parents de le ramener chez lui et de le laisser se glisser dans l’eau fraîche de la « tortue ». Ou, mieux encore, que tout le monde reparte ensemble vers les vagues vertes de l’océan.

Et puis, entre deux gémissements, Kevin vomit aussi une poisseuse bile noire. « On aurait dit un enfant souffrant de malnutrition. Son ventre était gonflé, les cernes sous ses yeux effrayants. »

Impuissants, les parents ne peuvent rien faire de plus que passer une éponge humide sur le corps de leur fils afin d’essayer de l’apaiser.

« Dès que l’éponge s’est approchée de son visage, il s’en est emparé et a mordu dedans pour avaler les quelques gouttes qu’elle contenait. Nous avons dû la lui arracher des mains. »

L’expérience traumatisante est loin d’être terminée. Le 7 août, Kevin est placé sous assistance respiratoire. Son état réclame une dialyse continue. Lourdement drogué afin de mieux supporter la douleur et d’éviter de se souvenir de l’épreuve, l’enfant sombre dans l’inconscience. « Lorsque l’effet des médicaments commençait à diminuer, Kevin revenait à lui et tentait d’arracher ses perfusions. Nous avons alors accepté qu’il soit attaché au lit », poursuit Barbara.

Complètement immobilisé, Kevin doit subir une autre intervention : des drains sont installés dans ses poumons afin de tenter d’évacuer le liquide qui s’y accumule.

« C’est là que j’ai su… Le personnel hospitalier se voulait optimiste, nous expliquant que l’état de Kevin évoluait comme chaque victime de la bactérie. Que chaque jour gagné était un pas de plus vers la guérison. Mais il y a des moments où une mère se retrouve comme connectée à son enfant. La scène était terrible. Mon fils était cloué sur ce lit d’hôpital, j’avais arrêté de compter le nombre de doses de sang qu’on lui avait transfusé. Ses poumons étaient percés, ses bras reliés à des machines. Et puis, il y avait cette odeur. Une odeur épouvantable. Une odeur que je n’oublierai jamais… Alors j’ai su… »

Et le 11 août, après avoir été ressuscité à deux reprises, alors que les médecins essaient de le brancher à une nouvelle machine, Kevin Kowalcyk perd le combat contre l’E. coli 0157:H7.

« Ses intestins étaient gangrenés de milliers de trous. La bactérie avait rongé mon fils. Ses chances de survie étaient nulles. »

La mort d’un enfant est insupportable. Mais, malheureusement, le calvaire moral vécu par la famille Kowalcyk ne cesse pas une fois le calvaire vécu par leur fils achevé. « Il m’a fallu annoncer à Megan que son frère, son meilleur ami, ne rentrerait jamais de l’hôpital. Je n’oublierai jamais son regard. Je me souviens également du passage par les pompes funèbres. Et de l’épreuve que représente l’achat d’un cercueil pour son propre enfant. Je n’ai pas oublié non plus combien il fut difficile de choisir les vêtements que Kevin allait porter pour son enterrement. De monter dans sa chambre, d’éviter de croiser sa photo, de toucher ses jouets. Puis d’ouvrir son placard et, presque en apnée, de sélectionner sa dernière tenue. Il nous a fallu aussi marcher dans le cimetière afin de trouver l’endroit où notre bébé allait reposer pour l’éternité. Enfin, je n’oublierai jamais ce 16 août 2001. Ce jour-là nous n’avons pas seulement enterré Kevin. Ce 16 août nous avons mis sous terre une partie de nous- même. Notre famille ne sera plus jamais comme avant. »

Kevin Kowalcyk n’a pas succombé à l’attaque d’une bactérie exotique. D’un virus pour film d’horreur, rongeant peu à peu les organes vitaux de ses proies. L’E.coli 0157:H7 est beaucoup plus banale et proche de nous : c’est une bactérie vivant dans l’intestin des animaux. Et qui, parfois, se retrouve dans l’eau que nous buvons, la viande ou les crudités que nous mangeons.

Kevin Kowalcyk n’est pas un cas isolé. Sa mort, dans ces conditions insoutenables, n’est en rien le fruit de circonstances exceptionnelles.

Empoisonné par la viande hachée d’un hamburger, il est une victime de plus.   »

Ce récit éprouvant et presqu’insoutenable nous permet de mieux comprendre les statistiques de mortalité infantile par toxi-infection alimentaire que vous découvrirez demain……..

 

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Samoa Air, une petite compagnie aérienne des Samoa, a annoncé la création d’une classe « XL » pour les passagers obèses qui se verront proposer des sièges plus confortables et des rampes d’accès réservées. Samoa Air était déjà à l’origine fin 2012 d’une initiative originale mais critiquée en établissant une grille tarifaire en fonction du poids du passager, destinée à s’adapter à l’obésité et à la hausse des cours du carburant. « Souvent, l’accès est difficile et une fois installés dans votre siège, vous n’avez plus de place pour les jambes », a expliqué Chris Langton, le patron de la compagnie, à la radio-télévision australienne ABC.

« Nous n’avons pas une grande flotte, mais nous voulions montrer que nous nous préoccupons de cette question », a-t-il ajouté. Les rangées en classe « XL » seront plus larges d’environ 30 centimètres. « On fait bien des tailles XL pour les chemises, les vêtements, et d’autres choses encore. (…) Le transport aérien devra s’adapter », selon lui.

 

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Extrait de TOXIC, le livre de William REYMOND :

« Le destin de Booker, petite ville au nord du Texas, est définitivement placé sous le signe de la viande. Après tout, c’est déjà pour cette activité qu’en 1919 la ville a quitté l’Oklahoma, pour migrer, pierre après pierre, quinze kilomètres plus au sud. Là où passaient la voie de chemin de fer et les convois de wagons à bestiaux à destination de Chicago.

Aujourd’hui, Booker ressemble à des centaines d’autres cités texanes. À l’intersection des State Highways 15 et 23, elle s’étale le long d’une courbe. À gauche, le centre avec son église, son école, ses bâtiments administratifs et quelques boutiques. Ici comme ailleurs, la Chambre de Commerce verse sans grand succès des primes en liquide pour une création d’emploi. Le dynamisme de la ville n’y gagne guère et la population stagne, mais qu’importe. La différence, c’est que les 1 315 habitants de Booker semblent avoir le sens de l’humour. À l’entrée de leur cité, un faux panneau d’autoroute annonce fièrement : « Booker, neuf prochaines sorties ».

En fait, le passé, le présent et l’avenir de la ville se situent sur son côté gauche, en bordure des rails. Parce qu’il y a quelques années, bataillant pour sa survie, Booker s’est lancée dans l’élevage industriel. Les porcheries bien sûr, mais également les feedlots, des centres d’engraissement pour bœufs, étapes obligatoires avant leur entrée à l’abattoir.

Concentration oblige, l’entreprise Booker Packing Co (BPC) se situe à deux pas. Étendu sur 2 500 mètres carrés, BPC est un abattoir ultramoderne qui, en ces temps de vache folle et de peurs alimentaires, a investi dans des techniques permettant un meilleur traitement de la viande. En moyenne, BPC « transforme » 600 têtes de bétail chaque jour. Un rythme presque artisanal en comparaison des centres du Middle West où la cadence, infernale, dépasse les 400 bœufs à l’heure. C’est d’ailleurs pour cette raison que BPC travaille avec de nombreux petits éleveurs. Parmi lesquels Ranch Foods Direct, dont les bœufs sont élevés sans hormone ni antibiotique.

Ranch Foods Direct conseille sur son site Internet la lecture de Fast Food Nation et n’a pas hésité à attaquer le géant Tyson devant les tribunaux afin de mettre en lumière les risques d’une trop grosse concentration dans le secteur de l’élevage.

L’abattoir de Booker a une autre corde à son arc. Sous le nom de North Texas Protein, la compagnie s’est spécialisée dans la « récupération ». Le rendering, comme on le nomme ici, est l’activité la plus discrète de l’industrie de la viande. Elle est pourtant bien nécessaire puisque, chaque jour, dans les 276 unités du pays semblables à celle de Booker, on « recycle » les carcasses animales qui, sinon, iraient polluer le pays. Le rendering comprend deux étapes majeures.

D’abord des employés – souvent de la main-d’œuvre immigrée et précarisée – déversent les cadavres dans une énorme cuve, laquelle contient d’énormes mâchoires métalliques broyant le tout. Le mélange concassé est transféré dans une autre cuve, sous la responsabilité du « chef », dénomination qui ne relève d’aucune hiérarchie mais se réfère avec ironie au métier de cuisinier. Car son rôle consiste à rendre cette activité profitable, en supervisant la préparation d’une « soupe » franchement écœurante.

Après une heure de cuisson à 135 degrés, une épaisse masse jaune monte à la surface du mélange. Un suif précieux car, une fois récupéré, il va faire le bonheur de nombreuses industries. Plus particulièrement celle des cosmétiques, qui utilise cette graisse animale cuite dans les bâtons de rouge à lèvres, les déodorants et les savonnettes.

Le reste de la mixture donne son nom à la branche de BPC, North Texas Protein. À nouveau passé au broyeur, le surplus liquide se voit séché puis transformé en poudre. Une poussière grise, concentrée en protéines, prête à venir « enrichir » la nourriture du bétail élevé à la chaîne.

Nous le savons depuis la crise de la vache folle, mais le constater ainsi soulève toujours le cœur. Cette « poussière grise » montre que l’industrie agroalimentaire est parvenue à transformer les bovins en espèce cannibale, qui se nourrit des restes cuits de ses semblables.

Mais il y a pire encore.

La « soupe » ne contient pas uniquement des carcasses d’animaux d’abattoir. On y trouve aussi des litres de graisse issus de l’industrie du fast-food, provenant de restes de cuisson et d’huile de friture. La viande périmée des supermarchés termine également sa course dans cette mixture. Comme il faut faire vite et que les employés n’ont pas assez de bras, on la déverse dans la cuve sans même prendre le temps de la retirer des emballages et des barquettes en polystyrène expansé. Comme si cela ne suffisait pas, on y jette aussi les sacs verts venant des centres vétérinaires et des fourrières. Leur contenu ? Quelques-uns des 6 à 7 millions de chats et chiens euthanasiés chaque année aux États-Unis.

Est-ce tout ? Eh non, car la « recette » est complétée par le roadkill, les dépouilles de multiples espèces d’animaux écrasés ramassées en bordure de route !

Reste la dernière touche, l’assaisonnement final si je puis dire… Un renvoi direct aux 83 % de poules contaminées. En effet, depuis dix ans, le rendering inclut dans sa recette les plumes et matières fécales récupérées sur le sol des élevages en batterie.

La formule fait, paraît-il, des miracles. Parce que la tonne de « protéines » ne coûte que 45 dollars lorsque la même quantité de luzerne est trois fois plus chère. Ensuite parce que, comme l’a confié un jour l’éleveur Lamar Carter à US News and World Report, les protéines à « l’engrais » de poulet « transforment (ses) vaches en véritables boules de graisse », augmentant ainsi leur prix de vente et son profit. De fait, le rendering génère chaque année près de 2,4 milliards de chiffre d’affaires.

Oublions un instant cette éprouvantable recette. Oublions même toute moralité et tout écœurement pour nous concentrer sur un autre ingrédient de cette soupe aux protéines. Un « détail » qui n’en est pas un. Afin d’euthanasier les animaux, les vétérinaires leur injectent une solution concentrée de pentobarbital sodique, un produit qui ne disparaît pas après la « cuisson » de la soupe. Que devient-il ?

En outre, la majorité des cadavres provenant des fourrières portent des colliers antipuces, antiparasitaires à base de dimpylate. Cet insecticide ne s’évapore pas non plus malgré la chaleur des cuves de BPC.

Tout comme les traces d’hormones et d’antibiotiques détectées dans « l’engrais de poulet » et les intestins des porcs et des bœufs.

Il existe un proverbe apache qui dit qu’une fois que le serpent a mordu, sa victime devient vénéneuse. Son sens ne m’a jamais paru aussi clair que lorsque j’ai découvert l’utilisation commerciale du rendering. Pourquoi ? Parce que la composition de cette poudre à protéines est ignoble, mais également toxique. Parce qu’elle est l’aliment de base de bœufs qui, demain, seront transformés en hamburger à 99 cents. Parce qu’alors, ce venin sera au fond de nos estomacs.

La suite …… demain.

Toutes ces révélations me ramènent au célèbre dicton : « Savoir, c’est pouvoir choisir en connaissance ».

Demain, un épisode de transition triste mais nécessaire pour se rendre compte des risques et dangers de ces pratiques industrielles…….

 

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Les jeunes obèses auraient deux fois plus de problèmes d’audition que les adolescents du même âge. Même légers, ces troubles auditifs peuvent mener à des problèmes d’attention.

Problèmes cardiovasculaires et respiratoires, diabète, troubles musculaires… les conséquences de l’obésité sur la santé des adolescents sont nombreuses et bien connues. Mais des scientifiques américains viennent de compléter cette liste en alertant sur les risques de surdité.

Les chercheurs de l’université de Columbia, à New York aux États-Unis, ont mené une étude sur près de 1500 jeunes Américains entre 12 et 19 ans, qu’ils ont soumis à des tests auditifs. Leurs résultats, publiés dans The Laryngoscope , montrent que les adolescents les plus obèses ont davantage de problèmes d’audition que ceux de poids normal ou en surpoids. Chez l’adulte, le lien entre poids excessif et surdité a déjà été étudié, mais «c’est la première publication à montrer que l’obésité est associée à une perte d’audition chez les adolescents», déclare Anil Lalwani, professeur au département d’otolaryngologie à l’université de Columbia et auteur de l’étude.

Les chercheurs ont constaté que les adolescents obèses étaient plus touchés par les problèmes d’audition, sur toutes les fréquences audibles par l’homme, comprises entre 20 et 20.000 Hertz (Hz). Mais ils ont remarqué qu’ils étaient particulièrement concernés par les troubles d’audition des basses fréquences, inférieures à 2000 Hz. 15% des jeunes obèses présentaient une surdité unilatérale, c’est-à-dire qu’une de leurs deux oreilles n’entendait pas les sons les plus graves, contre seulement 8% des adolescents de poids normal.

80% des jeunes atteints de surdité n’en ont pas conscience.

Bien que la cause de ces troubles soit encore incertaine, les auteurs de l’étude ont observé que la perte auditive est neurosensorielle, c’est-à-dire qu’elle est due à des dommages au niveau des cellules ciliées de l’oreille interne. Ils pensent que ces lésions seraient directement causées par l’excès de tissu adipeux, qui libère des molécules inflammatoires. «Il est possible que la surdité unilatérale identifiée chez les adolescents obèses soit due à des dommages à un stade précoce, expliquent les auteurs. Avec le temps, la surdité pourrait progresser et atteindre les deux oreilles.»

Même si la plupart du temps, ces adolescents n’ont pas de problèmes pour suivre une conversation normale, ils peuvent éprouver des difficultés d’écoute lorsque plusieurs personnes parlent en même temps ou dans des endroits bruyants. Une étude danoise sur 22.000 adolescents a montré qu’une perte légère d’audition (entre 20 et 40 décibels) a des conséquences cognitives et comportementales sur les jeunes, qui ont trois points de moins aux tests de QI.

Alors que les tests auditifs sont peu pratiqués chez les jeunes, les implications pour la santé publique sont importantes, car «80% des adolescents ayant des problèmes d’audition n’en ont pas conscience, signale Anil Lalwani. Les adolescents obèses devraient donc faire des dépistages réguliers de surdité afin d’être traités de manière appropriée et éviter les problèmes cognitifs et comportementaux qui peuvent en résulter».

 

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Le prochain groupe de parole aura lieu le jeudi 18 juillet 2013 à 18h30 au 2°étage de la clinique CHAMPEAU.

Les thèmes qui seront abordés sont entre-autres les suivants :

– Pendant l’été, tout continue …

– Résultat de la première année d’existence de la branche biterroise du réseau ROSA

– Discussion libre

La participation au groupe de parole est gratuite. Elle n’est pas obligatoire.

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Extrait du livre Toxic, de William REYMOND :

« En 1986, les CDC (center of desease control) ont lancé une vaste série d’enquêtes consacrées aux accidents du travail. Depuis, chaque année, l’organisme dissèque des histoires spécifiques qui se sont soldées par des morts, tente de les comprendre et essaie d’imaginer des procédures pour éviter qu’elles se reproduisent. La lecture des chapitres consacrés à l’agriculture, et plus particulièrement du Fatality Assessment and Control Evaluation (Face) évoque un morbide inventaire à la Prévert. Une litanie de façons de mourir à faire rougir de honte n’importe quel tueur en série. Même américain. On y découvre des hommes coupés en deux, écrasés, décapités, perforés, broyés, aspirés, électrocutés, concassés, étranglés et brûlés. Et d’autres qui meurent le nez dans la merde, asphyxiés par l’odeur des lagons.

Le véritable problème de ces fosses à purin géantes, c’est que, paradoxalement, elles ne contiennent pas de purin mais un liquide visqueux, épais et rose, autrement plus toxique. Il contient notamment du monoxyde de carbone, du phosphore, du cyanure, du sulfure d’hydrogène, du méthane, de l’ammoniaque et des nitrates. Une combinaison mortelle de gaz et de poisons à laquelle il faut ajouter une centaine d’agents pathogènes microbiens tels la salmonelle. Un seul petit gramme de la substance des lagons peut contenir jusqu’à 100 millions de bactéries coliformes, ces « petites choses » qui, une fois introduites dans l’eau potable, se feront une joie de transmettre le choléra.

La matière fécale des porcs et des vaches n’a pas toujours été aussi dangereuse. Il y a quelques années, avant que l’alimentation ne s’industrialise, elle était même utilisée sous forme d’engrais. Ce changement a ses origines dans les étables. Sous les ventilateurs. La circulation de l’air est devenue une priorité de l’élevage industriel. Sans ventilation, branchée 24 heures sur 24, les animaux s’asphyxieraient sous leurs propres gaz. Et les effets de la chaleur. Non que l’Oklahoma soit une région particulièrement chaude, mais des dizaines de milliers de porcs regroupés dans un espace restreint font rapidement monter la température au- delà des 30 °Celsius. Or c’est cette promiscuité qui a rendu le porc, la volaille et la vache toxiques. Parce qu’elle entraîne la prolifération des parasites, microbes, champignons, allergies et autres pathologies. Pour protéger leur capital sur pattes, en plus des hormones de croissance, les éleveurs n’ont rien trouvé de mieux que d’asperger les animaux d’insecticides et de les shooter aux antibiotiques. Et, puisqu’on ignore ce que 100 000 porcs pourraient précisément développer comme maladies, on pratique la prévention à large spectre, en traitant tout.

Les lagons de l’Oklahoma, de la Caroline du Nord, de l’Utah, voire de la Pologne et de la Roumanie, sont loin de votre salon certes. Mais, en réalité, ils s’avèrent beaucoup plus proches de vous que vous ne le croyez.

En décembre 2006, le magazine américain Consumer Report publiait une enquête effarante sur la viande de poulet. Qui expliquait que 43 % des échantillons testés par l’association consumériste trois ans plus tôt étaient porteurs de salmonelle et/ou de Campylobacters. Lesquels, selon l’OMS, « sont une cause importante d’affections diarrhéiques chez l’être humain », l’organisme officiel ajoutant qu’« on considère en général qu’il s’agit de la source bactérienne de gastro-entérite la plus courante dans le monde ». Problème majeur, en 36 mois, le taux de poulets infectés est passé à… 83 %.

En plus du risque de tomber malade en avalant des volailles insuffisamment cuites, Consumer Report pointait un autre danger : « La plupart des bactéries que nous avons testées […] résistaient à un ou plusieurs antibiotiques […] Les résultats de l’étude suggèrent que certaines personnes rendues malades par la consommation de poulet pourront avoir besoin d’essayer plusieurs antibiotiques afin d’en trouver un qui fonctionne ». Les recherches montraient ainsi que 20 % des Campylobacters résistaient dorénavant au ciprofloxacin, cet antibiotique utilisé contre les infections bactériennes. À la fin de l’année 2001, ce médicament avait pourtant les honneurs de l’actualité puisqu’il permet de traiter les victimes d’attaques à l’anthrax.

Le recours massif et constant aux antibiotiques dans l’élevage industriel rend donc peu à peu la batterie de remèdes à notre disposition inefficaces contre les bactéries véhiculées par les animaux. Si, pour l’instant, les effets les plus visibles se limitent à une recrudescence de gastro-entérites compliquées à traiter, la perspective d’un scénario semblable à celui de la grippe aviaire est possible.

Et, une nouvelle fois, comme pour la pandémie d’obésité, il faut sortir des modes de pensées classiques pour se prémunir du pire. Si la recherche de nouveaux produits alimentaires est nécessaire, si l’isolement des batteries d’élevage constitue une obligation, aucune de ces mesures ne traite réellement la nature même du problème : notre appétit pour la viande bon marché.

C’est cette habitude seule qui justifie l’élevage industriel. Il faut donc sortir des discours hypocrites tels que celui, bien prudent, développé par l’OMS : « Dans presque tous les pays développés, l’incidence des infections humaines à Campylobacter a augmenté constamment pendant plusieurs années, sans que l’on connaisse la raison de ce phénomène ».

Cette raison est au contraire aisée à comprendre. Chaque année, quasiment 7,6 milliards de poulets américains passent leurs journées entassés les uns sur les autres sans bouger, avec pour unique activité celle de picorer ce qui se trouve à portée de leur bec mutilé. Or il n’est pas nécessaire de visiter une de ces « fermes modernes » pour comprendre ce qu’ils absorbent. Élevées les pattes dans la merde de leurs congénères, ces volailles avalent ni plus ni moins ce qui va devenir le mélange toxique des lagons.

La suite ……………demain

Dr BUENOS : l’auteur met l’accent sur un point paradoxal. D’un côté, les organismes de sécurité sociale font des campagnes coûteuses pour limiter chez l’homme l’usage des antibiotiques (« les antibiotiques, c’est pas automatique. ») pour éviter que n’apparaissent des germes résistants.

D’un autre côté, l’élevage industriel utilise les mêmes antibiotiques larga manu sans restriction, avec comme conséquence, l’émergence de souches résistantes…………….

 

 

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Nous conseillons l’élevage bio de vaches et veau de Romiguières.

Retrouvez son descriptif sur le site en cliquant sur l’onglet intervenants/elevage bio ou en cliquant sur leur site www.elevagebovin-sourceorb.com

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Extrait de Toxic, le livre enquête de William REYMOND :

« Si le porc est assimilé à une machine et la volaille à l’équivalent d’un obèse stérile, la vache est devenue, elle, une commodité. Une masse divisée d’avance entre matière comestible et parties recyclables. Avant ce livre, j’ignorais même que cela était quantifiable. Ainsi, 43 % de son poids termine dans nos assiettes, tandis que 36 % envahissent notre quotidien. À écouter les spécialistes, tout – ou presque – est bon dans la vache : « Sa peau est une source pour les chaussures, les bagages et les porte¬feuilles. Le poil de ses oreilles devient le poil de pinceaux pour peindre. Le poil sur le reste de son corps est utilisé dans la confection de mobilier et de cordes à violon. Ses os servent à confectionner des manches de couteau. Ses sabots fournissent de la gélatine pour bonbons, desserts et maquillage. Ils sont aussi utiles dans la confection des pellicules photographiques ou encore de la colle. Ses organes et ses glandes permettent de produire cortisone, insuline, hormone, goudron, et chimiquement transformés, aident nos pneus à rouler sans trop chauffer. Sa graisse est dans les savons, les chewing-gums et les bonbons1 ».

Et le lait ? Il n’a évidemment pas échappé à la révolution industrialo-alimentaire des trente dernières années. En 1970, il y avait 650 000 laiteries aux États-Unis. Aujourd’hui, elles sont 90 000. À l’époque, on comptait en moyenne 20 têtes par laiterie. En 2004, ce chiffre s’élève à 100. Plus intéressant encore, le nombre de vaches laitières a diminué de presque un tiers tandis que la production de lait, elle, s’est accrue de 40 %. Ce paradoxe s’explique facilement : en trente ans, le rendement par tête a doublé. Il n’y a aucun miracle à cette augmentation : l’industrie a simplement trouvé les moyens de pousser les vaches à produire plus.

Mais avant d’expliquer comment, il convient d’évoquer les conséquences. La première concerne la qualité du lait. Lorsque l’on compare celui produit à la chaîne et celui dit « bio », lié à des animaux qui paissent encore dans les prés, on le découvre plus pauvre en vitamines A et B, en antioxydants et en acide linoléique, cet acide gras inhibiteur du cancer, plus particulièrement celui du sein.

La seconde, répercussion directe de l’espérance de vie de la vache laitière, termine dans nos estomacs. Voilà trente ans, un animal pouvait vivre vingt ans. Mais, aujourd’hui, après cinq années à produire en continu du lait, un bovin est retiré du circuit. Pour finir en hamburger à 99 cents.

Du moins, afin d’être exact, pour devenir l’un de ses composants. En décembre 2003, le département de l’Agriculture américain publiait une étude consacrée au bœuf haché industriel. L’USDA révélait ainsi que 500 grammes de viande contenaient la chair de plusieurs vaches. Un chiffre qui pouvait varier d’une douzaine à… quatre cents bovins ! La même année, justifiant les difficultés à contrer les intoxications alimentaires, les CDC confirmaient que « des centaines, voire des milliers de bêtes contribuent à un seul hamburger » ! Des chiffres stupéfiants, qui laissent plus que perplexe sur les conditions de fabrication d’une telle viande hachée…

Les ressources du génie humain dans le domaine du retour sur investissement ne cessent de surprendre.

Les cochons se mangent entre eux ? Arrachons-leur les dents ! Les poules se picorent ? Coupons-leur le bec ! Les vaches laitières, à force de traites multiples, développent la mastite, une infection douloureuse des mamelles qui entraîne de regrettables « pertes annuelles de plusieurs millions de dollars » ? Alors inventons ni plus ni moins une nouvelle vache !

Le 3 avril 2005, un article de Nature Biotechnology annonçait en effet que « des chercheurs [avaient] fabriqué des vaches transgéniques sécrétant de la lysostaphine à des concentrations comprises entre 0,9 et 14 mg par ml dans le lait ». La lysostaphine ? C’est une enzyme produite à partir d’un staphylocoque qui augmente « la résistance des bovins à l’infection ». En clair, des scientifiques du Kentucky avaient cloné une vache dotée d’un ADN génétiquement modifié pour qu’elle continue à produire du lait à des cadences infernales mais en tombant moins souvent malade.

La vache OGM n’est toutefois pas encore au point. Comme le souligne un des chercheurs français du Génopole, il faut encore évaluer « les conséquences pour l’homme de la présence permanente d’un antibiotique dans le lait de vache, et aussi l’apparition de formes mutantes du staphylocoque ». Une précaution dont les compagnies agroalimentaires américaines ne s’encombreront peut-être pas longtemps.

L’avenir de la nourriture étant, nous le verrons, aussi peu appétissant que son présent, il est d’ailleurs fort probable que cet exemplaire perfectionné de la bonne vieille Marguerite débarque plus rapidement dans nos assiettes que ce que l’on imagine.

En attendant, puisqu’il faut bien qu’une vache produise annuellement 8 600 litres de lait, les « éleveurs modernes » ont recours aux hormones pour augmenter la cadence de production et aux antibiotiques pour essayer d’éviter la coûteuse mastite.

Des substances liées à l’industrialisation de l’élevage qui renvoient directement aux lagons de Clinton.

la suite de cette (terrifiante) enquête ……….demain.

 

 

 

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