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interdire les acides gras trans

Extrait du livre Toxic, de William REYMOND :

 » La défaite des autorités sanitaires s’affichait en cinq points. Cinq points comme cinq vaines recommandations. Dont quatre étaient consacrées à la « fameuse » responsabilité individuelle. Quant à la dernière, plus pitoyable encore, elle confiait notre santé… au bon vouloir de l’industrie agroalimentaire.

Il faut débuter par l’un des points qui, presque au terme de mon enquête, me révolte le plus. Parce qu’il est, pour moi, la confirmation que ce que j’ai entrevu de pire aux États-Unis arrive en France.

L’AFSSA écrit : « Par souci de cohérence avec la baisse de consommation des viennoiseries, pâtisseries, produits de panification, barres chocolatées et biscuits, il faut encourager les industriels de la margarinerie et des matières grasses destinées au secteur de l’agroalimentaire à diminuer les teneurs en acides gras trans de leurs produits ».

« Encourager les industriels » ?

C’est ce qu’a essayé la ville de New York pendant un an. Les autorités sanitaires de Big Apple avaient en effet demandé aux restaurateurs et aux industries d’être volontairement raisonnables. Leurs réponses, devant les caméras, furent unanimes. La main sur le cœur, le sourire aux lèvres, tous promirent. Le sujet étant grave, les fast-foods allaient réduire l’usage d’huile partiellement hydrogénée. Et, bien évidemment, les vendeurs de beignets et les 24 000 restaurants les imiteraient. Bien sûr… Mais un an plus tard, constatant que personne n’avait respecté les engagements médiatiques, New York fut la première ville des États-Unis à légiférer et à interdire totalement, dès 2007, l’usage d’huile partiellement hydrogénée.

« Encourager les industriels »?

Comme les membres de la pâtisserie industrielle par exemple, cette branche qui, en juillet 2002, écrivait sur le site destiné à ses membres : « Malgré l’attention que les médias ont portée sur les « dangers » des acides gras trans dans l’alimentation, les consommateurs ne semblent pas être vraiment concernés. Pour l’instant, attendre et voir est l’attitude la plus juste. »

« Encourager les industriels » ?

C’est ce que les associations de consommateurs et les autorités sanitaires ont fait lorsque, en 2002, McDo¬nald’s a annoncé à grand renfort de publicité une décision historique : cesser l’emploi d’huile partiellement hydrogénée. Une promesse solennelle faite aux consommateurs. Une promesse non tenue. Quatre ans plus tard, rien n’a changé. Une portion de frites contient en moyenne 10,2 grammes d’acides gras trans, soit plus du triple que ce que l’on recommande de ne pas dépasser en France !

« Encourager les industriels » ?

Soit. Mais pourquoi cette mollesse alors, qu’une fois obligés, ceux-ci s’adaptent sans problème ? McDonald’s, Burger King, Taco Bell et compagnie ne fermeront aucun de leur établissement lorsque l’interdiction new-yorkaise deviendra une réalité. Au jour J, à l’heure H, ils utiliseront une huile sans trans. Comme ils l’ont fait au Danemark où désormais la même portion de frites en contient moins de 0,3 gramme !

« Encourager les industriels » ?

Y croire revient à se voiler la face. Pourquoi ? Parce que, et c’est vieux comme le monde, l’argent constitue le nerf de la guerre. Et que jamais aucun encouragement ne remplacera les économies réalisées grâce à l’huile partiellement hydrogénée. Car là réside le sale petit secret que l’industrie agroalimentaire ne veut surtout pas partager. L’huile partiellement hydrogénée est un vrai miracle. Non seulement sa conservation est plus longue ; non seulement elle résiste mieux aux hautes températures, celles nécessaires à la cuisson des frites par exemple ; non seulement ses capacités sont telles que l’on change une huile deux fois moins souvent qu’une huile sans acides gras trans ; mais surtout, surtout, son prix à l’achat est moindre. Une huile sans acides gras trans coûte 19 000 dollars de plus par an et par restaurant. En 2006, McDonald’s gérait plus de 31 000 restaurants dans le monde. 19 000 dollars par établissement, 31 000 restaurants… Pour McDo, le prix de l’encouragement s’élève donc à 589 millions de dollars annuels. Alors, les belles paroles…

Waterloo, morne plaine. La défaite était totale. Les quatre autres recommandations de l’AFSSA reposaient sur le même concept : la responsabilité individuelle. D’un côté, nous faisons face à un produit capable de tuer chaque année 100 000 personnes aux États-Unis, mais de l’autre, l’organisme en charge de notre protection nous recommande de « consommer des steaks hachés à 5 % de matières grasses de préférence à des steaks hachés à 15 % de matières grasses, ce qui permet de réduire les apports en acides gras trans totaux de 0,1 g/j ». Ou encore, de « réduire de 30 % au moins la consommation de certains aliments contributeurs d’acides gras trans (viennoiseries, pâtisseries, produits de panification industriels, barres chocolatées, biscuits) de faible intérêt nutritionnel ».

Je n’ai aucun grief personnel contre les auteurs du rapport de l’AFSSA. Ils sont tous, j’en suis convaincu, d’éminents scientifiques soucieux de la santé de leurs concitoyens. Mais, il faut l’avouer, cela me semble difficile d’être plus déconnecté de la réalité que dans ces quelques lignes.

Alors que, plus tôt, le rapport s’inquiète à juste titre de la trop grande consommation de trans provenant d’huile partiellement hydrogénée chez les enfants et les adolescents français, voilà maintenant que les recommandations tournent autour du « manger moins ». Or l’inefficacité d’un tel discours chez l’adolescent est évidente. Et c’est pour cela que l’obésité galope à une vitesse fulgurante. Les produits sont consommés par les jeunes d’après des critères qui n’ont rien à voir avec leur valeur nutritionnelle. N’est-ce pas, en outre, placer énormément de responsabilités sur la tête d’enfants et d’adolescents que de leur asséner qu’afin d’éviter une crise cardiaque fatale dans quelques années, ils doivent renoncer à leur barre chocolatée !

Enfin, comme Willett lui-même l’a énoncé, le concept du marché libre où chacun fait des choix citoyens n’a de sens que si ce marché ne contient pas de produits toxiques. Et l’acide gras trans en est un.

La prochaine étape me paraît évidente. La France et l’Europe, refusant de suivre l’exemple danois, opteront pour le modèle américain. À savoir, celui de l’étiquetage. Les produits porteront un jour, c’est sûr, leur taux d’acides gras trans. Comme aux États-Unis où, depuis le 1er janvier 2006, cette « information » est obligatoire.

Mais cet étiquetage n’a pas grand effet. C’est d’ailleurs pour cela qu’il ne gêne pas tellement l’industrie agro-alimentaire. La preuve ? On la décèle dans le communiqué triomphant de la FDA, qui se félicite justement de l’efficacité de l’étiquetage de trans fat : « La FDA estime que trois ans après le début effectif, en janvier 2006, de l’étiquetage des acides gras trans, il devrait prévenir annuellement entre 600 et 1 200 crises cardiaques et sauver entre 250 et 500 vies ».

Entre 250 et 500 vies ? Mieux que rien, certes, mais une goutte d’eau. Car si, dans trois ans, la mention de la présence d’acides gras trans sur les étiquettes devrait sauver entre 0,25 % et 0,5 % des futures victimes de l’huile partiellement hydrogénée, autant jouer au loto.

Face au risque mortel des acides gras trans, il n’existe qu’une position acceptable à mes yeux : l’interdiction.

Les exemples du Danemark et bientôt de New York montrent qu’une fois contraints, les industriels s’adaptent, sans même augmenter le prix de vente de leurs produits.

La réponse n’est ni individuelle ni industrielle, mais politique. Et, de fait, le vainqueur de l’élection présidentielle d’avril 2007 en France devra faire un choix moral. Sous peine de voir la jeunesse française continuer à être la première victime d’un empoisonnement alimentaire fatal, connu et, jusqu’à présent, toléré.

La suite ………….demain.

 

 

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