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obésité et comorbidités

Vous pouvez voir en cliquant sur le lien ci-dessous l’émission de Géopolitis consacrée à l’obésité.

Cette émission rappelle les chiffres de l’obésité dans le monde.

Nathalie BONVIN, responsable de la Croix rouge, évoque également l’idée originale, d’un concours de perte de poids mensuel ……

Emission géopolitis sur l’obésité

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Extrait de Toxic, le livre passionnant de William Reymond :

« L’université d’Emory n’a pas changé depuis ma précédente visite. C’était en mars 2005 et j’écrivais alors « qu’ici plus qu’ailleurs, Coca-Cola est partout. […] Ici, l’histoire de Coca-Cola est inscrite dans les murs. ».

Mais ce ne sont pas les archives de Robert Woodruff, le mythique patron de la Compagnie, qui m’attirent cette fois sur ce campus situé à une quinzaine de minutes d’Atlanta. Il ne s’agit plus de voyage dans le passé. Car ici, depuis 2001, se dessine discrètement le futur de la publicité. Et cet avenir-là est effrayant.

Joey Reiman et Brian Harkin sont deux vétérans de la publicité. Le premier, à la tête de l’agence BrightHouse, invente des spots depuis plus de vingt ans. L’autre, après un passage sur l’Internet, est un spécialiste de la valorisation des marques, le « branding ». En 2001, Brian Harkin est même devenu président d’une branche de BrightHouse appelée Thought Science, « la science de la pensée ».

À Atlanta, la compagnie a deux adresses. La première se situe à l’ouest de la ville, dans une ancienne usine à savon devenue une suite de bureaux branchés. L’autre, moins connue, à Emory. Plus précisément à l’école de médecine, incorporée au sein de l’hôpital universitaire.

Là, BrightHouse est en train de se transformer en discret leader du neuro-marketing. L’idée est d’une simplicité déconcertante : il s’agit de placer des volontaires dans un scanner et d’observer les réactions de leurs cerveaux lorsqu’on les soumet à certains stimuli. Le but a de quoi surprendre. Selon les responsables du programme cités dans un article de The Atlanta Journal- Constitution, il s’agit de « donner aux consommateurs le pouvoir d’influencer les compagnies ».

Qu’est-ce que cela signifie précisément ? Je n’en sais pas plus que vous. D’autant que, poursuivant dans un langage abstrait, ils ajoutent : « Nous non plus, nous n’en pouvons plus de la saturation de la publicité ».

Voilà qui laisse sceptique… Mais Joe Reiman et Brian Harkin ne s’arrêtent pas là. Le premier offre en effet une autre explication lumineuse : « Nous essayons de comprendre ce qui fait réagir les gens. […] Est-ce que je porte ces pantalons parce qu’ils me vont ou parce qu’ils vont avec la vie que je mène ? » Toujours pas clair ? Qu’à cela ne tienne. Brian Harkin assène un argument massue : « Nos méthodes pourraient permettre de comprendre pourquoi les campagnes antidrogue ne fonctionnent pas auprès de notre jeunesse ».

Défense du consommateur, port du pantalon, campagne de prévention… voilà qui paraît bien embrouillé. Et le pire, c’est que c’est normal. Car les responsables de BrightHouse le sont aussi. Du moins publiquement. Mais pourrait-il en être autrement quand on réalise que leur travail consiste à trouver quelle émotion cérébrale se transforme en intention d’achat ? Le neuro-marketing consiste ni plus ni moins à dénicher, enfoui dans le cerveau, l’emplacement du fameux bouton qui indique « achète-moi » pour parvenir à l’actionner à notre insu. Une démarche délicate à assumer au grand jour.

De la science-fiction que tout cela ? De l’activisme anti- consumériste ? Même pas. Le 3 juin 2002, avant de changer de nom et de le faire disparaître de son site Internet, Thought Science publiait un communiqué de presse triomphant. Dont le contenu, que j’ai pu me procurer, est bien plus limpide et éclairant que les propos confus du président de la compagnie. En voici quelques extraits choisis…

« Pour la première fois, il sera possible aux agences publicitaires de comprendre les raisons dictant le comportement de leurs consommateurs. Imaginez que vous pouvez observer et quantifier la véritable réponse d’un consommateur [face à un nouveau produit]. […] Le neuro-marketing est la vague du futur. Les compagnies utilisent la science pour prendre l’avantage. Celles qui se refusent à le faire seront laissées en arrière. […] Pour la première fois, nous fournirons à nos clients les raisons qui poussent le consommateur à agir. »

C’est tout de suite plus clair, n’est-ce pas ?

Mais le meilleur reste pour la fin : « Le neuro-marketing permet d’avoir une vue de ce qui se produit dans les pensées du consommateur. Et, à terme, permettra d’augmenter les ventes des produits, la préférence pour une marque ou encore de s’assurer que le consommateur agit de la manière dont on souhaite qu’il agisse ».

S’assurer que le consommateur, vous et moi donc, se comporte comme les agences de publicité et leurs clients l’auront décidé, voilà donc, dans toute sa crudité, ce que l’on concocte dans les salles de recherche de l’université d’Emory. Jouant aux apprentis sorciers, des scientifiques dont l’âme est clairement du côté des affaires tentent de percer les secrets du cerveau afin de nous forcer la main.

L’utilisation de matériel médical dans un tel but pose des questions d’éthique. Pourtant, la direction d’Emory refuse de s’en offusquer. Le discours officiel résonne des mêmes excuses hasardeuses avancées par BrightHouse.

Il est dans un premier temps question d’avancée scientifique, de publications à venir. Pour finalement convenir, presque blasé, de la réalité : « Il est évident que si vous parvenez à comprendre comment les gens prennent les décisions, vous allez utiliser ce savoir à des fins commerciales. Je ne vois rien de condamnable à cela ».

La position d’Emory n’est pas réellement une surprise lorsque l’on connaît les liens des universités américaines avec le monde des affaires : de fait, aux États-Unis, la recherche est essentiellement financée par des dons privés. En plus du prêt de ses locaux et des IRM à résonance magnétique, l’université d’Emory s’est directement associée au projet de BrightHouse. Ainsi, l’organigramme de la compagnie révèle que Clinton Kilts est responsable de l’ensemble de la partie scientifique. Lequel Kilts est également professeur à Emory, où il dirige le département de recherche en psychiatrie et en sciences du comportement. Sa spécialité ? Les mécanismes cérébraux de l’addiction. Simple hasard ?

Quoi qu’il en soit, cette information est une fois encore inquiétante. Car, si l’on récapitule, on constate qu’au sein d’une des plus prestigieuses universités américaines, une compagnie privée tente d’élucider et de briser les mécanismes du cerveau pour arriver à influer sur les impulsions d’achat. Et aussi qu’à la tête de ce programme figure un scientifique dont la spécialité est l’addiction. La vérité dépasse toujours la fiction.

Reste à savoir si les expériences conduites par BrightHouse ont été couronnées de succès et quelle peut être alors leur utilisation commerciale. Ce questionnement a de quoi faire frémir quant à l’évolution de la pandémie d’obésité.

Officiellement, le cerveau n’est pas aussi simple que d’aucuns le prétendent. « Ce n’est pas comme si les consommateurs allaient se mettre à courir comme des automates pour acheter un produit, et ce quelle que soit la manière dont ils pensent », explique Justine Meaux. Scientifique travaillant pour BrightHouse, elle se veut rassurante tout en admettant, lors de conférences, l’avancée du projet.

En fait, selon différentes sources proches des recherches, BrightHouse aurait fait des progrès considérables depuis 2004. Des séries de tests ont permis d’identifier l’emplacement du cortex qui réagit à la vue d’un produit ou à l’évocation d’un sentiment. Pour aboutir à ces conclusions, les scientifiques d’Emory ont toujours pratiqué de la même manière. Un volontaire, payé une cinquantaine de dollars, s’est glissé pendant une demi-heure dans une IRM (imagerie par résonnance magnétique). Là, il a été soumis à une série d’images. Et, pendant ce temps, les réactions de son cerveau ont été enregistrées.

La découverte de la zone censée renfermer le fameux « interrupteur » poussant à l’achat est de taille. Mieux, elle est confirmée par une étude indépendante et parallèle menée cette fois à l’université Baylor de Houston. Dans ce laboratoire, une équipe menée par Read Montague a mis au jour les mécanismes incitant un consommateur à préférer un… Coca-Cola plutôt qu’un Pepsi.

Si, à l’aveugle, le goût plus sucré de Pepsi-Cola l’emporte fréquemment, l’identification du soda comme étant un Coke déclenche une forte activité sur le cortex. Et finalement, l’emportant sur le goût, pousse à l’achat. Montague en est convaincu, la préférence pour Coke est d’abord liée à son image positive, ancrée dans les inconscients par cent vingt ans de publicité. Ce qui confirme, comme je l’écrivais dans mon précédent livre, qu’il s’agit bien là du premier capital de la marque. Ce qui, on s’en doute, devrait faire que Coca-Cola soit l’un des premiers intéressés par les travaux menés à Emory. Mais est-ce le cas ?

D’emblée on pourrait pointer quelques coïncidences. Déjà, Atlanta et Emory sont deux bastions de Coca-Cola. Mais ce n’est pas tout. Prenez Brian Harkin, par exemple. Le président du projet BrightHouse Thought Science, spécialiste du branding, a une histoire en commun avec la Compagnie. Il a en effet travaillé en son sein au développement de nouvelles marques. C’est lui qui a, entre autres, géré l’extension des labels Mello Yello et Barqs, deux produits de The Coca-Cola Company. Mieux, comme l’indiquait une biographie qui a malencontreusement disparu du site Internet de Thought Science, Harkin a développé « le positionnement de la marque, de la formule et du design […] de Dasani », l’eau minérale en bouteille commercialisée par Coke.

Autre donnée intéressante, le témoignage de Peter Graser, l’un des cobayes ayant accepté de se glisser dans un scanner pour une trentaine de minutes. Il a raconté que parmi les images observées se trouvaient « Madonna, du brocoli, des sushis, un chien, Bill Clinton et Coca-Cola ».

BrightHouse ne souhaite évidemment pas confirmer si Coca-Cola figure parmi ses clients, mais de solides indices le laissent présager. Au-delà de ses recherches en neuro-marketing, la société mène par exemple des activités plus classiques d’agence de publicité. Or, parmi la clientèle dont elle assure la promotion, à côté d’entreprises comme Home Depot, une enseigne de bricolage et de décoration, ou Pepperidge Farm, un fabricant de biscuits, on retrouve… Coca-Cola.

Faut-il poursuivre la litanie des points en commun ou des zones de rapprochement ? Oui. Alors continuons. BrightHouse admet par ailleurs mener une série de recherches pour un gros client figurant dans le classement annuel des entreprises établi par le magazine Forbes. En soi, la précision n’est pas étonnante, puisqu’il en coûte au minimum 250 000 dollars pour accéder à ses découvertes. Le plus intéressant est que, utilisant l’indice fourni par BrightHouse, seules quatre sociétés figurant dans sa liste de clients sont conformes à la description : Delta Airlines, une compagnie aérienne ; MetLife, une compagnie d’assurances ; Georgia-Pacific, un géant de l’emballage industriel et… The Coca-Cola Company.

Aucune de mes sources chez le fabricant de sodas ne m’a directement confirmé l’usage des recherches menées sur le cerveau humain. Au mieux, on a admis que la Compagnie suivait « tout cela de très près, parce que, dans un univers ultra-compétitif, aucune direction ne devait être laissée de côté ». L’un de mes informateurs, recourant au conditionnel de rigueur, s’est toutefois laissé aller à une confidence de poids : « Si c’était le cas, nous pourrions apprendre comment une marque parvient à s’imposer dans l’inconscient humain et y rester. Nous pourrions apprendre, par exemple, que, concernant les enfants, il est plus efficace de répéter, encore et encore, le même spot publicitaire afin de créer une fidélité à vie ».

Un autre élément s’avère pour le moins troublant. En 2004 se tenait à Singapour un forum réservé aux professionnels du marketing à destination des enfants. Et Karen Tan, représentante de Coca-Cola, expliqua comment s’imposer en tant que marque dans leur esprit. Comme ma source anonyme, elle avait évoqué le même exemple. Celui de l‘intérêt de la répétition du même message publicitaire. Une théorie qui, j’en suis convaincu, est née dans une des salles de recherche de l’université d’Emory.

Le neuro-marketing a, ou aura, des conséquences sur la pandémie d’obésité. Une fois que l’industrie agroalimentaire parviendra à briser les dernières barrières de notre cerveau, rien n’empêchera la profusion de messages publicitaires incitant à la consommation de produits néfastes à la santé. Et il ne faut pas croire que je parle ici d’un avenir hypothétique et lointain. Si Emory est le centre mondial des recherches en la matière, il n’est pas le seul. En Europe, à Barcelone, le même style d’expériences est mené. Pis, toujours à Singapour, Jens Rasmussen, représentant du fabricant de sucettes Chupa Chups, a révélé que sa compagnie sponsorisait une campagne de recherches européenne du même type. Afin de trouver comment « créer des consommateurs fidèles ».

La France n’est pas épargnée non plus. Selon Nathalie Sapena, une société nommée Impact Mémoire mène également des recherches sur le cerveau et les messages publicitaires à Lyon. Voir L’Enfant jackpot, Flammarion, 2005. »

La suite ………….demain.

 

 

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Pour l’industrie agroalimentaire et les faiseurs de pub, l’enjeu des enfants est en fait bien plus important que quelques milliers de spots télévisés. Carol Herman, vice- présidente de l’agence publicitaire Grey Advertising, a sincèrement défini son ampleur : « Ce n’est pas suffisant de faire de la publicité à la télévision. Pour réussir, vous devez atteindre les enfants tout au long de la journée. À l’école, alors qu’ils font des courses au centre commercial, lorsqu’ils vont au cinéma… Pour gagner, vous devez devenir une part intégrale de la construction de leurs vies ».

Ces propos sont d’autant plus terrifiants qu’ils ne relèvent pas de la science-fiction mais de la réalité actuelle. Prenez Internet. Eh bien, il est devenu le nouvel eldorado des vendeurs de hamburgers, de sodas et de sucreries. Là, ils échappent aux réglementations américaines sur la publicité. Mieux encore, comme le raconte Vicky Rideout, auteur d’une étude sur les sites Internet de l’industrie agroalimentaire conçus pour les enfants, « ceux-ci sont des outils marketing bien plus puissants que ce que la télévision a toujours rêvé d’être. Les sites des marques alimentaires sont conçus pour impliquer l’enfant sur une longue période. Les opportunités pour le jeune visiteur d’interagir dans un environnement ludique avec des barres chocolatées, des céréales ou des snacks sont permanentes ». Les recherches de Rideout se sont focalisées sur 77 sites chargés de promouvoir des produits alimentaires dont la plupart sont sans grande vertu nutritionnelle. Ses choix ont uniquement été fondés sur le pouvoir d’attraction des sites en question. Au total, durant les trois mois qu’a duré son enquête, son panel a enregistré les visites de 12,2 millions d’enfants entre deux et onze ans.

Si tous les sites optent pour le jeu afin d’attirer le jeune chaland, certains poussent la formule à son paroxysme. Ainsi, 64 % d’entre eux utilisaient le marketing viral, encourageant les enfants à devenir, malgré eux, les ambassadeurs des produits proposés sur le site. Pis, plus d’un tiers des sites auscultés par Rideout proposaient des jeux bonus dont l’accès était rendu uniquement possible en indiquant des codes relevés sur les emballages. Comme l’écrit le chercheur, il s’agissait « d’inciter l’enfant à acheter ou à faire acheter certains produits et à le récompenser par un accès privilégié au site ».

Internet n’est pas le seul nouveau territoire que l’industrie agroalimentaire tente de conquérir. Et les États-Unis ne sont pas le seul pays visé par cette course à la part de marché « jeune ».

Actuellement, en Allemagne, The Coca-Cola Company teste un nouveau type de distributeurs de boissons conçu pour attirer la clientèle adolescente. La machine « intelligente » utilise un écran interactif afin d’arriver à ses fins. Le consommateur peut regarder de courtes publicités qu’il lui est loisible de personnaliser. Et l’achat d’un Coke lui donne accès, via le distributeur, à la possibilité de télécharger sur son téléphone portable des jeux, des fonds d’écran et des sonneries.

Coca-Cola, décidément, est un nom qui revient souvent lorsqu’on se penche sur le problème de la pandémie d’obésité… De fait, ce livre n’est pas né uniquement au lendemain d’une rencontre sur un trottoir de Paris : il a commencé à mûrir lors de ma précédente enquête consacrée à cette marque.

Au-delà du rôle joué par Coke dans l’obésité mondiale, une incroyable histoire me ramenait invariablement sur le campus de l’université d’Emory, là même où j’avais trouvé les dernières pièces du puzzle formant le plus grand secret de la Compagnie.

 

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Extrait de Toxic, le livre passionnant de William Reymond :

« Le 29 septembre 2006, l’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir partait en guerre contre les « fabricants d’obésité ». Les propos d’Alain Bazot, son président, étaient sans équivoque : « Les publicités télévisées pour enfants influent sur les comportements alimentaires des enfants. […] Nous ne pouvons plus admettre le discours de l’industrie agroalimentaire qui a tendance à botter en touche, se dégageant de ses responsabilités en prônant plus de sport pour les enfants ou bien en culpabilisant les familles qui laissent les enfants regarder la télévision ».

Et pour étayer sa déclaration, Bazot citait les résultats d’une enquête réalisée par l’association de consommateurs. « Sur les 217 spots alimentaires ciblant les enfants, relevés pendant quinze jours sur les plus grandes chaînes de télévision à l’heure des émissions enfantines, 89 % concernent des produits très sucrés ou gras ! » Et d’ajouter : « Globalement, les publicités participent activement à la construction de « l’idéal alimentaire » des enfants. Entre les repas, 60 % d’entre eux sollicitent viennoiseries, confiseries, gâteaux gras ou sucrés, et au petit déjeuner, 64 % réclament des céréales très sucrées, des viennoiseries, gâteaux et confiseries, produits qui font l’objet de l’investissement publicitaire le plus massif ». Des déclarations vigoureuses suivies d’une conclusion de l’UFC- Que Choisir des plus intéressantes : « En concentrant sa puissance de feu publicitaire destinée aux enfants sur des produits manifestement déséquilibrés, l’industrie agroalimentaire participe à l’augmentation alarmante de l’obésité infantile ».

La conférence de presse d’Alain Bazot était à peine terminée que déjà tombait une dépêche AFP reproduisant la réponse des publicitaires. Forcément, ils étaient outrés. « Dire que la publicité est à l’origine de l’obésité est totalement faux », protestait Régis Lefèbvre, directeur associé de Publicis Conseil. Réfutant les propos de l’UFC, il soulignait plutôt « une corrélation très forte entre la pauvreté et l’obésité », citant une enquête Obepi 2006 publiée une semaine auparavant, et selon laquelle la fréquence de l’obésité restait inversement proportionnelle aux revenus. Seuls les produits de marque font de la publicité, assurait en outre M. Lefèbvre, assénant : « Ce sont les personnes à faibles revenus qui achètent des produits premiers prix, souvent plus gras, plus sucrés, et qui sont obèses. La publicité n’est donc en rien responsable de la progression de l’obésité ».

Dans son roman pamphlet consacré à la publicité, Frédéric Beigbeder a de nombreuses formules virulentes lorsqu’il s’agit de décrire son ancien métier. Parmi celles- ci, j’en retiens une : « Pour réduire l’humanité en esclavage, la publicité a choisi le profil bas, la souplesse, la persuasion ». Les mots de Beigbeder s’avèrent en dessous de la vérité. Nier l’influence de la publicité dans la pandémie d’obésité est une hérésie. Comme de prétendre qu’il s’agit seulement d’un problème de classe. Certes, en France comme aux États-Unis, les premiers touchés sont les plus pauvres. Mais, a contrario, voit-on le pouvoir d’achat épargner les autres ? Évidemment non. Si le terme pandémie a été utilisé durant la conférence de Sydney, c’est bien parce que justement toutes les tranches d’âges et de classes sont confrontées à ce mal. Si les plus pauvres sont les plus atteints, c’est parce que leur accès à une nourriture plus saine et à des infrastructures sportives est limité.

En vérité, la publicité conditionne le consommateur à se tourner vers des familles de produits. Et son achat se voit ensuite lié à l’épaisseur de son porte-monnaie : s’il n’a pas les moyens d’acquérir le produit vanté par un spot, il optera pour son équivalent portant le label d’une marque de distribution.

Au lieu d’affirmer que ces produits-là sont plus mauvais pour la santé que ceux arborant un label connu (et donc un budget publicitaire), Régis Lefèbvre aurait dû s’inspirer des remarques de Jean-Michel Cohen et Patrick Serog et se révolter face à l’injustice qu’ils décrivent : « Accepter qu’un produit vendu moins cher, coûtant donc moins cher à fabriquer, soit d’une moins bonne valeur nutritionnelle relève de l’inadmissible. […] Conclure que quelqu’un qui n’a pas d’argent mange moins bien que quelqu’un qui en a demeure plus que troublant. Cependant, un constat choquant est là : on ne vend pas à quelqu’un qui dépense peu une aussi bonne alimentation qu’à quelqu’un qui dépense beaucoup ».

Pour tout dire, la position du directeur associé de Publicis Conseil ne m’étonne guère. L’un des avantages lié au fait de vivre aux États-Unis est d’être souvent confronté à certains phénomènes avant qu’ils ne débarquent ailleurs. Et comme l’Amérique est le foyer originel de la crise d’obésité, cela fait déjà quelque temps que les effets néfastes de la publicité sur les comportements des enfants y sont dénoncés. Des accusations balayées d’un revers de la main par les représentants du métier. Face au même type de reproches que ceux vilipendant les « écrans plats pour ventres ronds », se sont élevées les mêmes voix scandalisées des professionnels de la pub. Tout aussi agacés par ce type d’assaut que les publicitaires français, leurs réponses furent néanmoins plus élaborées. En 1997, les publicitaires définirent en effet leur mission comme un travail d’éducation de la jeunesse : « Faire de la publicité en direction des enfants […] n’est rien d’autre que de l’éducation primaire dans un environnement commercial […] Un passeport pour une forme de sagesse utile. Au lieu d’être restreinte, comme certains le suggèrent, cette véritable leçon éducative devrait recevoir un plus grand soutien, être encouragée et élargie ». La parade était habile : essayer de se substituer aux services officiels et aux familles pour « vendre », il fallait quand même oser.

Un peu plus tard, changement de fusil d’épaule. Le registre de la publicité comme source de savoir n’ayant pas marché, les génies de la « pub » font machine arrière. Ils en viennent, cette fois, à mettre en doute les vertus de leur « art ». À les en croire, celui-ci serait loin de fonctionner et de conditionner les consciences comme d’aucuns l’affirment : « En réalité, il n’existe pas de preuve que la publicité soit une source d’influence majeure sur les choix alimentaires des enfants. Il existe même plutôt des preuves substantielles du contraire. Que ce sont d’autres facteurs, notamment les préférences en termes de goût et l’autorité parentale, qui sont les sources d’influence principales».

La litanie des postures destinées à désamorcer les critiques n’a pas cessé depuis. Tour à tour, on a entendu les instances corporatives affirmer que la publicité des groupes agroalimentaires à destination des enfants était l’expression d’un droit fondamental à la liberté d’expression, puis un moteur essentiel de l’économie, mais aussi un divertissement sans conséquence, et même une manière d’exprimer sa confiance envers l’aptitude à prendre des décisions intelligentes de la jeunesse du pays.

Ce dernier argument a le don de faire exploser certains nutritionnistes américains. « D’un côté, notre société reconnaît que les enfants ne sont pas assez mûrs pour effectuer des choix raisonnables et donc, nous contrôlons la promotion de l’alcool, des armes à feux et du tabac, rappelle l’un d’eux, Walter Willett. Mais de l’autre, nous considérerions que ces mêmes jeunes enfants pourraient faire des choix rationnels concernant la nourriture. Or ces décisions ont des conséquences sanitaires graves. Et nous les exposons à un intense marketing en faveur de produits largement privés de valeur nutritionnelle et saturés de calories ».

Mais avant de condamner, il faut au moins accorder le bénéfice du doute. Et répondre rapidement à deux questions majeures : la publicité pour les enfants a-t-elle vraiment une influence sur eux ? Et si oui, a-t-elle sa part de responsabilité dans la pandémie d’obésité ?

Qui serait prêt à consacrer 15 milliards de dollars par an, année après année, à une expérience sans succès ni retour sur investissement ? Évidemment personne. Or c’est le budget de la publicité à destination des enfants aux États-Unis. À lui seul, ce chiffre démontre l’efficacité des spots. Autre preuve de leur impact, les publications consacrées à ce secteur en pleine croissance se multiplient et ont des titres sans équivoque. N’existe-t-il pas une revue intitulée Selling to Kids, « vendre aux gamins » ?

Le genre a même un vocabulaire spécifique, codifié et théorisé en 1992 par James McNeal, professeur de marketing à l’université Texas A&M. Où il est question du « pouvoir des petites pestes » et du nag factor, autrement dit de l’« élément caprice ». McNeal, reprenant les règles du métier, décortique précisément les différents types de pression qu’un enfant peut exercer sur ses parents. Et liste les cibles préférées des gourous du marketing. À savoir les parents divorcés, plus aisément sujets à la culpabilité, et ceux d’enfants en bas âge dont les cris et les pleurs constituent les meilleurs arguments d’achat. Selon l’universitaire texan, la loyauté d’un enfant envers une marque s’établit vers l’âge de deux ans. Le vecteur de choix afin d’arriver à une telle mainmise ? La télévision, évidemment, et ses spots publicitaires. D’où le conseil, suivi à la lettre par les groupes de l’agroalimentaire, d’investir massivement dans la publicité diffusée au moment où le petit tyran se trouve devant son petit écran.

L’enjeu est d’importance. En 2004, les enfants et adolescents contrôlaient un pouvoir d’achat s’élevant à 600 milliards de dollars. Finalement, les 15 milliards investis en publicité paraissent être une bonne affaire !

« La publicité ne marche pas », prétendent certains de ses pontes. D’accord, alors comment expliquer que sur les 600 milliards évoqués, la jeunesse américaine achète surtout des produits estampillés « vus à la télé » ? Et comment justifier que, comme par hasard, ce soit cette même industrie qui en récupère la plus grosse part ? En 1997, les adolescents ont dépensé pas moins de 58 milliards de dollars dans l’achat de snacks ! Un chiffre auquel il faut ajouter les 3 milliards des six-douze ans. Sur lesquels se greffent encore les 9 milliards directement liés à la consommation de sodas.

Directement ? Oui, car la martingale du nag factor ne se satisfait pas du marché des enfants ; elle déborde sur les achats des parents. Ainsi 60 % des plats préparés achetés pour la consommation de la famille l’ont été suite à un « choix » de l’enfant. Cette prescription concerne aussi 50 % des céréales, 25 % des snacks et 40 % des pizzas surgelées. L’enfant est devenu prescripteur pour l’ensemble des acquisitions familiales, d’où l’obligation pour les publicitaires et les industriels de le séduire le plus tôt possible.

Malgré les dénégations des géants du secteur, la publicité en direction des enfants fonctionne, on le voit. Mais, quid de sa responsabilité dans l’explosion de l’obésité ?

Là encore, le fait que la jeunesse américaine consacre une part essentielle de son pouvoir d’achat et de prescription à l’acquisition de snacks, sodas et autres sucreries devrait suffire à établir le lien entre pub et obésité. Mais pas à un publicitaire, dont la survie économique dépend de sa capacité à « vendre » une histoire. Confronté à cet argument, il trouve toujours la même parade : même sans spot, les enfants privilégieraient les produits sucrés et gras.

Sauf que tout est question d’éducation. Le message d’un parent ne peut résister à un raz-de-marée d’arguments publicitaires. C’est pour cela, d’ailleurs qu’un enfant ne parvient pas à faire la différence entre la réalité et un discours commercial. En fait, de nombreuses études prouvent que, jusqu’à huit ans, celui-ci ne comprend même pas que le but d’une publicité est de lui vendre un produit. Or, comme le dévoilait James McNeal, sa loyauté envers une marque s’est alors déjà fixée depuis… six ans.

Ce brouillage n’est pas récent. En 1978 déjà, une étude citée par une publication consacrée au marketing démontrait que 70 % des enfants de six à huit ans pensaient que la nourriture des fast-foods était plus saine que celle qu’ils mangeaient chez eux.

Plus de deux tiers des enfants considéreraient donc qu’un menu choisi chez un vendeur de hamburgers est meilleur pour la santé qu’un repas préparé par leurs parents. Face à ce constat, il est difficile de ne pas songer à l’accord signé entre McDonald’s et Disney. Nous allons voir pourquoi.

La synergie entre les deux compagnies mériterait en vérité un ouvrage entier. D’autant que Walt Disney et Ray Kroc partagent une histoire commune : les deux hommes, originaires du même État, se sont en effet rencontrés pour la première fois en 1917 en… France, où ils faisaient partie du même corps expéditionnaire engagé dans la Première Guerre mondiale.

Si l’empire Disney a été le premier à se construire, Kroc et ses Big Macs ont vite appliqué les mêmes recettes, dont l’une en particulier, imparable : afin de faire ouvrir le porte-monnaie des parents, il est plus facile de séduire les enfants.

Une vérité qu’il était encore bon de répéter voilà peu, comme l’attestent des mémorandums confidentiels publiés par Eric Schlosser dans son livre de référence, Fast Food Nation. Dans l’un de ces documents, Ray Bergold, inquiet de la mauvaise image de sa marque, écrivait : « Le challenge de la prochaine campagne publicitaire est de faire croire aux consommateurs que McDonald’s est un « ami de confiance » ». Puis, évoquant l’alliance avec Disney, le responsable du marketing du fabricant de hamburgers poursuivait : « Cette union est notre outil le plus important car il améliore l’image de la marque McDonald’s ». Un lien d’autant plus nécessaire qu’il justifie qu’un parent amène son enfant dans un McDonald’s : « Un parent veut que ses enfants l’aiment […] Venir chez McDonald’s lui permet d’avoir le sentiment d’être un bon parent ».

Les liens entre les deux enseignes se sont formalisés en 1996, quand Disney et McDonald’s ont signé un contrat exclusif de dix ans. L’accord, estimé à 1 milliard de dollars de revenus pour Disney, prévoyait que McDonald’s verse 100 millions de dollars rien que pour l’usage de la marque Disney. Dans le même document, la chaîne de fast-food s’engageait à mettre sur pied onze campagnes promotionnelles annuelles en faveur de produits Disney. Essentiellement sous la forme de jouets offerts dans les menus enfants. Des menus estimés à 670 calories, comportant plus de 30 grammes de graisse. Et dont les ventes triplèrent à chaque promotion offrant un jouet Disney. De son côté, Disney ouvrait ses parcs d’attraction au géant de l’hamburger-frites, permettant aux enfants de profiter de la magie des manèges et des spectacles avec un hamburger et un soda en main.

Mais voilà, en 2006, Disney a vécu une révolution interne. Steve Jobs, le président d’Apple, est devenu, via l’acquisition de Pixar, l’actionnaire principal du groupe. Sa première décision ? Mettre fin à l’accord unissant les deux géants. Pour Jobs, même si l’alliance avait une « valeur économique, elle renfermait d’autres préoccupations à mesure que notre société devient de plus en plus consciente des implications [sur la santé] des fast- foods ».

Traduction en langage plus direct, provenant d’une source haut placée chez Disney et citée par le New York Times : « La société veut prendre ses distances avec l’industrie du fast-food à cause de ses liens avec l’épidémie d’obésité frappant les enfants ».

Voilà qui, venant d’où on ne l’attendait pas, réduit à néant les assertions de certaines chaînes de restauration rapide et de leurs publicitaires quant à l’inefficacité de leurs messages commerciaux et l’innocuité des repas qu’ils vendent. Si cela ne suffisait pas, une étude publiée en 2005 par le National Bureau of Economic Research (NBER3) pourrait peut-être convaincre définitivement les derniers sceptiques. Chou Shin-Yi et Inas Rashad ont en effet quantifié mathématiquement les liens entre la publicité et la crise d’obésité chez les enfants. Selon eux, si, demain, la diffusion de spots consacrés à la malbouffe cessait, le nombre d’enfants en surcharge pondérale âgés de trois à douze ans diminuerait de 10 % ! Cette proportion grimperait même à 12 % chez les adolescents, là où la prochaine bataille contre l’obésité est en train de se jouer. »

la suite ….. demain.

 

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Une obésité installée tôt dans la vie, dès la vingtaine, double le risque de mourir avant l’âge de 55 ans, selon une étude publiée dans le British Journal Medicine.

Plus de 6 500 jeunes hommes danois âgés de 22 ans en 1955 ont été suivis pendant 33 ans et parmi eux, 97 (soit 1,5 %) étaient obèses. À l’âge de 55 ans, près de la moitié de ce sous-groupe a présenté différents accidents ou pathologies en rapport avec le surpoids, tels que le diabète, l’hypertension artérielle (HTA), des thromboses ou un infarctus du myocarde (IDM), voire un décès. Ces jeunes hommes obèses ont eu 8 fois plus de risque de développer un diabète et 4 fois plus de risque d’avoir une thrombose veino-artérielle. Le risque d’HTA, d’IDM et de décès avant l’âge de 55 ans était doublé.

Chaque point supplémentaire d’indice de masse corporelle (IMC) augmentait de 5 % le risque d’IDM, de 10 % celui de thrombose et de 20 % celui de diabète.

AFP. BMJ Open, publié en ligne le 30 avril 2013.

 

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Vous allez aujourd’hui vous régaler avec l’extrait du jour de Toxic, le livre de William REYMOND :

« L’industrie agroalimentaire a parfaitement compris l’intérêt du dilemme de l’omnivore.

Transformant un sens inné en argument commercial, les fabricants de nourriture ont opté pour le gras et le sucré. Il n’y a pas là de dessein machiavélique, de conspiration orchestrée afin de faire disparaître le genre humain, mais simplement une logique entrepreneuriale au credo basique : il est toujours plus aisé de vendre ce qui correspond au goût de son public. Si les préférences de l’homme le conduisaient naturellement vers une nourriture plus saine, Mars, McDonald’s ou Coca-Cola répondraient à cette attente. Certes, on pourrait arguer que face à la pandémie actuelle d’obésité, ces entreprises devraient effectuer des choix citoyens. Mais ne nous leurrons pas : fondamentalement, elles estiment ne pas être là pour ça et, quand elles avancent sur ce terrain, c’est seulement dans la perspective de retombées financières.

Il existe en revanche, et plus particulièrement aux États-Unis, une autre tendance, toujours pilotée par l’exploitation commerciale de nos gènes, qui s’avère bien plus condamnable et semble être une cause importante de la crise d’obésité : le bigness ( contraction de big et de business).

En 2000, l’industrie automobile américaine a annoncé en fanfare un changement majeur sur l’ensemble de ses modèles. Il n’était pas ici question de sécurité, de pollution ou de confort, mais de la taille des porte-boissons. Embrassant l’ère du bigness, General Motors, Ford et consorts se sont mis au goût du jour, en permettant désormais de caler en toute sécurité et à portée de main un « gobelet » – un petit seau, plutôt – pouvant contenir plus d’un litre de soda.

Aux États-Unis, le supersizing cher à Morgan Spurlock est un véritable phénomène de société dépassant le seul cas de la nourriture. Ici tout est plus grand. Les voitures, les routes, les maisons, les vêtements. La tendance n’a pas échappé aux spécialistes du marketing. Dans USA Today, Irma Zall, experte en marketing destiné aux adolescents, confiait ainsi que « la notion de bigness fonctionne aussi bien parce qu’elle tourne autour du concept de pouvoir. […] Cette impression de pouvoir qu’elle offre à ceux qui choisissent plus grand ».

Si le bigness atteint désormais différentes strates de l’économie américaine, le concept est, à son origine, lié à la nourriture. Et, sans surprise, il est né dans l’Etat qui affiche son gigantisme comme une raison d’être ( Tout est plus grand ici, le slogan du Texas.).

Autrefois, David Wallerstein avait en charge l’expansion de la chaîne de cinéma Balaban & Katz au Texas. Sa mission, au milieu des années 1960, était simple à définir : augmenter les profits des salles obscures. Or, l’économie de l’exploitation cinématographique tourne autour d’une idée étonnante : la vente de tickets, aux marges limitées, ne compte que pour une fraction dans les bénéfices du gérant. Les profits les plus solides proviennent de la commercialisation de pop-corn et de soda. En réalité, le film relève du produit d’appel, assurant la présence de consommateurs captifs avant et pendant la durée de la projection.

La mission texane de Wallerstein consistait donc à convaincre les clients des cinémas Balaban & Katz d’ingurgiter plus de pop-corn arrosé de Coca-Cola. Mais voilà, sa tâche semblait herculéenne car les recettes traditionnelles de vente ne fonctionnaient pas : Wallerstein avait beau multiplier les offres type « deux pour le prix d’un » ou accorder 20 % de réduction pour la première séance de la journée, rien n’y faisait. Cet échec l’obsédait. Car au fond de lui, après avoir passé des heures à observer ses consommateurs, il était convaincu qu’un rien les inciterait à consommer plus. Et, pour preuve, après chaque séance, Wallerstein exhumait les emballages abandonnés par les spectateurs vidés de leur contenu jusqu’à la dernière miette.

Les clients de Wallerstein voulaient davantage mais, pour une raison qu’il ignorait, n’osaient pas. Et si, justement, l’idée résidait dans cette hésitation ? Et si les spectateurs, craignant le regard des autres et freinés par une éducation religieuse plaçant la gourmandise au rang des péchés capitaux, n’osaient tout simplement pas acheter un deuxième Coke ou un autre gobelet de pop-corn ? L’équation venait d’évoluer. Si l’intuition de Wallerstein s’avérait juste, la solution était enfantine. Pour vendre plus, il suffisait d’accroître la taille des portions.

De la théorie à la pratique, il franchit le pas. Et le succès fut immédiat. Rapidement, la vente des portions élargies dépassa celle des parts traditionnelles. Plus important encore, le coût supplémentaire de production d’un grand pop-corn ou d’un Coca-Cola géant était minime. Ce qui incita les cinémas Balaban & Katz à vendre leurs nouveaux contenants à peine plus chers que la taille originale. Sans vraiment s’en apercevoir, le client, décomplexé et conforté par le sentiment de réaliser une économie, consommait donc plus. Beaucoup plus.

Le principe du glouton était prêt à conquérir l’Amérique.

Le coup de génie texan de Wallerstein, conforme à la philosophie du « everything is bigger here », le propulsa à la tête de la compagnie, au sein de la maison mère située à Chicago.

Mais en 1968, il quitta Balaban & Katz pour entrer dans une autre compagnie de l’Illinois qui cherchait à accroître ses ventes. Ray Kroc s’était lui-même chargé de convaincre ce prodige des salles obscures à le rejoindre. Il attendait maintenant qu’il répète le miracle texan en multipliant le chiffre d’affaires de sa société. Son nom ? McDonald’s.

La transition ne fut pas aussi évidente que prévu. Notamment parce que Kroc n’était pas convaincu par le « principe du glouton ». Malgré l’insistance de Wallerstein, il ne souhaitait pas se lancer dans la production de portions de différentes tailles. Pour Kroc, le concept était simple : si le client voulait manger plus, il n’avait qu’à commander un second hamburger, une autre portion de frites ou un Coca-Cola supplémentaire.

David Wallerstein savait qu’il lui faudrait plus que des mots et des statistiques pour convaincre le fondateur de McDonald’s. Aussi eut-il une idée aussi simple que révolutionnaire : installer une caméra de surveillance dans l’un des restaurants de Chicago pour filmer les consommateurs.

Les images parlèrent d’elles-mêmes. La plupart des clients de McDonald’s voulait plus. Il fallait les voir retourner leur petit sac de frites pour récupérer le moindre bout de pomme de terre, même carbonisé. Ou se tordre la nuque en arrière afin de gober la dernière goutte de leur Coca-Cola.

En découvrant le film, Ray Kroc fut sidéré. David Wallerstein avait donc gagné. Nous étions en 1968 et le principe du glouton put entrer dans sa deuxième phase : se préparer à dévorer et à contaminer l’Amérique.

La vague initiée par David Wallerstein a tout dévasté sur son passage. Après les cinémas et l’industrie du fast- food, les restaurants ont adopté à leur tour ce principe. Et si personne n’ignore qu’une taille normale de frites aujourd’hui était une grande portion voilà trente ans, ses ravages dans la cuisine plus classique sont impressionnants. Ainsi, selon le National Heart, Lung and Blood Institute1, entre 1985 et 2005, la taille moyenne d’un café-crème a doublé. Pis, ses calories sont passées de 45 à 350 ! Même tendance pour la pizza. Voilà trente ans, deux parts de pizza aux pepperoni représentaient 500 calories. Aujourd’hui, elles en contiennent 850. Hommage direct à Wallerstein, la taille normale du pop-corn vendu en cinéma a été multipliée par trois depuis 1985. Et par six depuis le début des années 1970 et l’âge d’or de la chaîne Balaban & Katz.

Le succès du principe du glouton est fondé sur différents mécanismes. Celui de la honte tel que défini par Wallerstein est évidemment primordial. Le message inconscient reçu par un homme dévorant deux portions de frites et celui d’un autre engouffrant la même quantité mais dans un seul contenant est complètement différent. Comme l’expliquait Irma Zall, le bigness offre une illusion de pouvoir. Et les vendeurs de bouffe l’ont compris, qui se sont précipités dans une surenchère « virile ». Ainsi, la chaîne Del Taco, spécialiste de la cuisine rapide tex-mex, a commercialisé en 2000 le Macho Meal. Un plat pesant plus de deux kilos. Le phénomène a atteint son paroxysme l’année dernière avec le lancement du Monster Thickburger chez Hardee’s. Le « monstre » en question « pèse » ni plus ni moins 1 420 calories et « offre » 107 grammes de lipides. Il se vend le plus souvent accompagné de sa frite moyenne et d’un Coke. Résultat ? Un menu dépassant les 2 300 calories. Un chiffre qui dépasse l’apport calorique quotidien recommandé chez l’adulte !

Le Macho Meal, le Thickburger ou encore le Triple Whooper spécial King-Kong de chez Burger King figurent évidemment parmi les premiers suspects de la pandémie d’obésité. Pour certains médecins et responsables d’associations luttant contre l’obésité, ces nouveaux concepts de hamburgers géants s’apparentent à du food-porn, de la nourriture à caractère pornographique. L’étiquette pourrait gêner l’Amérique puritaine, mais elle génère au contraire une certaine publicité non reniée par les fabricants eux- mêmes. Hardee’s affirme ainsi que « la mauvaise publicité autour du Thickburger a entraîné une augmentation des ventes de 8 % ». Pis, Andrew Puzder affiche clairement, et avec provocation, la position de la compagnie dont il est le P-DG : « Ce n’est pas un burger pour tapette. C’est un hamburger pour des mecs jeunes et affamés qui veulent un bon gros et décadent hamburger juteux. Que les autres continuent à faire de la promotion pour leurs produits bons pour la santé. De notre côté on va continuer à faire de la publicité pour nos gros hamburgers si délicieux ».

La bravade affichée par le patron de Hardee’s n’est en rien isolée. En ces temps de pandémie, on affiche une certaine fierté à affirmer son attachement à manger gros et gras. Un peu comme ceux qui, en plein cœur de l’épidémie de sida, défendent avec la même inconscience des rapports sexuels non protégés.

Cette attitude est parfaitement illustrée par l’explosion médiatique dont l’IFOCE, la Fédération internationale des mangeurs de compétition, a fait l’objet ces deux dernières années. Elle organise dans l’ensemble du pays des épreuves « sportives » de dégustation. À Dallas, il s’agit d’avaler le plus de piments possibles afin de remporter 4 000 dollars. À Atlantic City, pour 1 000 dollars de plus, ce sont des boulettes de viande qu’il faut ingurgiter. Il y a aussi les côtes de porc à Las Vegas, les saucisses italiennes dans l’Utah, les pattes et les cuisses de dinde à New York. Mais le grand prix, sponsorisé par Krystal, une chaîne commercialisant des hamburgers carrés, s’élève, au bout d’un véritable championnat, à 30 000 dollars. Pour remporter cette somme, il faudra dévorer plus de… 97 hamburgers en huit minutes chrono ! C’est en tout cas le record détenu par Takeru Kobayashi, un Japonais spécialiste aussi de la descente de hot-dogs (53 3/4 en douze minutes), de saucisses (58 en tout juste dix minutes), de cervelles de vache (un quart d’heure pour 57 exemplaires). Kobayashi est une légende vivante parmi les membres de l’IFOCE. Il figure d’ailleurs en bonne place dans la liste des records validés par la fédération. Un classement où l’on peut noter aussi la présence de Sonya Thomas. En dix minutes, cette Américaine a réussi l’incroyable exploit d’engouffrer 7 Thickburgers de chez Hardee’s !

Depuis 2005, les compétitions présentées par la fédération ont droit à l’attention des médias. ESPN, la chaîne sportive, ne saisissant apparemment pas l’ironie de la situation, diffuse même chaque année plusieurs de ces épreuves.

Même David Wallerstein aurait du mal à le croire. En 2006, alors que l’Amérique étouffe sous sa graisse, le principe du glouton est devenu une compétition passant en prime-time à la télévision. »

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Au Brésil, les associations de consommateurs mènent la vie dure à McDonald’s.

McDonald’s a été condamné, le lundi 22 avril 2013, à une amende de près de 780 000 euros pour avoir ciblé les enfants lors de ses campagnes de publicité. Ce n’est pas la première fois que la chaine de restaurants a maille à partir avec la justice brésilienne et ce jugement ne devrait pas être le dernier.

Ce n’est pas la première fois qu’une association brésilienne de protection des consommateurs s’en prend à McDonald’s et, ce n’est pas la première fois que son action en justice est couronnée de succès. Cette fois-ci, c’est l’autorité de régulation de la consommation de la région de Sao Paolo qui a réussi à faire condamner la chaîne de restauration, argumentant qu’en ciblant les enfants dans sa publicité, elle avait commis une erreur.

Les spots incriminés datent de 2010. A l’époque, McDonald’s lance au Brésil l’un de ses produits phares le « Happy Meal » rebaptisé le « McLanche Feliz ». Un menu pour les enfants qui comprend avec le sandwich, les frites et une boisson, un jouet censé attirer le petit consommateur.

Depuis, d’autres campagnes du géant américain sont sur la sellette des autorités locales et d’autres décisions en justice devraient suivre. De quoi inquiéter McDonald’s qui est bien implanté au Brésil depuis 1979. En effet, le pays possède plus de restaurants de la chaîne que n’importe quel autre pays occidental, mis à part les Etats-Unis. Et avec la perspective de la Coupe du monde de football dans deux ans et des Jeux olympiques à Rio en 2016, la compagnie n’a pas envie de voir son image écornée encore une fois.

Les méthodes McDonald’s régulièrement dénoncées

L’enseigne a souvent fait les Unes de la presse locale avec des articles dont elle ne peut pas vraiment se vanter. Elle a tour à tour été accusée d’exploiter ses salariés, de ne pas respecter le Code du travail brésilien, ou encore de les payer en dessous du salaire de base. Selon le Syndicat des travailleurs des hôtels, bars et assimilés de São Paulo (Sinthoresp), dans ce seul Etat, près de 1 790 plaintes auraient été enregistrées contre l’entreprise.

Enfin, le Happy Meal est régulièrement pointé du doigt au Brésil et ailleurs dans le monde. La firme américaine distribuerait près d’1,5 milliard de jouets par an. Des cadeaux qui lui ont déjà valu une amende d’1,3 million d’euros au Brésil en 2011. Selon la justice, la vente des jouets avec les menus encouragerait la malbouffe. Un point de vue défendu par une organisation non gouvernementale et la fondation pour la défense du consommateur de la même région de Sao Paulo.

Le Brésil confronté à une épidémie fulgurante d’obésité

Il faut dire que l’obésité infantile est un vrai fléau au Brésil. Les experts estiment que plus de 33% des enfants sont victimes de surpoids ou d’obésité. Une inversion des tendances très forte là où il y a encore 15 ans, 10% de la population souffrait de malnutrition. Un mal qui touche assez largement le pays, premier producteur et exportateur de sucre dans le monde. Le Brésil détient d’ailleurs l’un des records de consommation de sucre avec 55 kilos en moyenne par an et par habitant, presque le double qu’en France, où le surpoids des enfants est aussi un problème de santé publique.

Pour beaucoup d’organisations de défense des consommateurs, la publicité et le marketing jouent un rôle capital dans cette dérive. Pour la documentariste et ex-top modèle Estela Renna si les « causes de l’épidémie sont multifactorielles » la société de consommation dans laquelle nous vivons a sa part de responsabilité.

Condamner la publicité et mieux la réguler est un enjeu de la lutte contre l’obésité, car « aujourd’hui, un enfant brésilien passe en moyenne trois heures par jour à l’école et un peu plus de cinq heures quotidiennes devant la télévision, ce qui est un record mondial ! Or l’industrie dépense des millions en marketing et en publicité pour séduire ces jeunes consommateurs », précise-t-elle. Autant dire qu’en condamnant McDonald’s, c’est un signal fort que les autorités de régulation brésiliennes ont envoyé aux annonceurs, régulièrement accusés de remettre en cause les droits des consommateurs.

 

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Extrait de Toxic , le livre de William Reymond :

« Les problèmes cardio-vasculaires, le cancer et le diabète de type 2 représentent donc les trois cavaliers de l’apocalypse promise par la pandémie d’obésité. Malheureusement, ils ne sont pas les seuls.

Avec plus de la moitié de sa population en surcharge pondérale ou obèse, l’Amérique s’impose comme une nation souffrante. Du retour de la goutte à la montée en puissance de l’arthrose, des troubles du sommeil à ceux des cycles menstruels chez les femmes, des problèmes d’érection aux problèmes dentaires, le fléau n’épargne personne. Raul Uppot, un radiologue du Massachusetts General Hospital, a même découvert une autre conséquence inattendue en analysant des dizaines de milliers de dossiers de patients : la multiplication des clichés de radiographies illisibles. Et pas à cause d’erreurs des techniciens. Certaines entreprises de matériel médical répondent déjà en commercialisant des appareils plus puissants et plus larges.

J’avais bien en tête une poignée de suspects mais encore aucune certitude quant aux origines du mal. Je savais désormais les États-Unis bien plus atteints que je le craignais. Mais à quoi cela tenait-il ?

Avant d’entamer cette enquête, je n’avais jamais poussé la réflexion. Pour moi, l’obésité relevait d’abord d’un problème personnel. Ses conséquences économiques, ses enjeux sanitaires et les souffrances qu’elle faisait endurer m’avaient à peine effleuré. Dorénavant, je me sentais concerné, car croire que la situation américaine ne nous concerne pas parce qu’un océan nous sépare, s’avère une illusion particulièrement dangereuse. Que nous le voulions ou non, ce processus-là arrive chez nous. Or, nous en connaissons d’avance les conséquences.

Nous savons même que notre organisme réagira de la même manière que celui d’un Américain.

 

En 1997, des médecins japonais ont publié le fruit de leur travail. Durant plusieurs années, ils ont scruté l’évolution sanitaire d’une centaine de leurs compatriotes installés aux États-Unis, et ont constaté que le risque de développer des problèmes cardiovasculaires avait été chez eux multiplié par deux, celui d’avoir une attaque par trois. En somme, l’obésité avait été un outil d’intégration. Un redoutable outil. Or, c’est lui que l’Amérique est en train d’exporter dans le monde entier. Dès lors, en découvrir l’origine relevait d’une urgente priorité. »

 

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Extrait de Toxic, l’excellent livre de William REYMOND :

Jusque-là, les victimes du diabète non-insulinodépendant avaient au moins cinquante ans. Et puis, un jour, les cabinets et les hôpitaux durent gérer un afflux de malades entre vingt et trente ans. Suivis ensuite par des adolescents. Et en 2006, on constate même des cas d’enfants de dix et onze ans. Au Texas, le département en charge de la santé des habitants estime même que 45 % des nouveaux cas diagnostiqués de diabète de type 2 concernent des enfants de moins de seize ans !

Le point commun de cette nouvelle génération de diabétiques est flagrant : tous sont obèses.

En somme, l’expression « diabète de l’âge mûr », est obsolète. Cette terminologie ne correspond plus à la réalité. Comment même user de ce terme pour un patient qui n’a pas encore entamé sa puberté ?

Quelque part entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, la maladie est donc devenue uniquement un diabète de type 2. Une démocratisation pour le pire.

Techniquement, le diabète de type 2 ressemble à ceci : « Les cellules du corps deviennent résistantes à l’insuline. Normalement, cette hormone agit comme une clé qui permet aux sucres d’entrer dans les cellules, ce qui est essentiel à leur bon fonctionnement. Lorsque les cellules font de la résistance, le pancréas doit redoubler d’efforts pour produire davantage d’insuline et forcer le passage du sucre dans la cellule. Avec le temps, le pancréas s’essouffle. Le taux de sucre augmente dans le sang. Le diabète de type 2 apparaît ».

Au quotidien, ce mal s’avère intenable dans ses formes sévères. La maladie ronge le système nerveux du patient, le détruisant chaque jour un peu plus. Puis, comme c’est le cas avec le sida, le système immunitaire se fragilise et apparaît déficient, mettant le malade à la merci de la moindre infection. Une simple grippe peut se transformer en maladie mortelle.

Les conséquences ne s’arrêtent pas là. Au risque élevé de crise cardiaque, d’attaque cérébrale, il convient d’ajouter celui de perte de la vue. Ainsi, aux États-Unis, chaque année, près de 24 000 diabétiques deviennent aveugles. (Un chiffre permettant au diabète de type 2 de devenir la première cause de cécité aux USA).Quasiment le double se retrouvent privés de l’usage de leurs reins et deviennent tributaires, un jour sur deux, de plusieurs heures passées « reliés » à une machine à dialyse.

Mais il y a pire encore. Le diabète de type 2 peut entraîner de graves difficultés de la circulation sanguine, obligeant à l’amputation des extrémités. Or, ne croyez pas qu’il s’agisse d’une minorité des malades. En 2004, 82 000 Américains ont été amputés d’un pied, d’une partie de la jambe ou de la main. Et 80 % des diabétiques de type 2 sont obèses. Huit patients sur dix sont donc atteints d’une maladie évitable.

Ici, au Fat Land, le diabète de type 2 est désormais en quelque sorte la maladie officielle de la pandémie d’obésité. Si la France compte « seulement » 2 millions de cas, leur nombre dépasse 21 millions aux États-Unis. Plus grave, 54 millions d’Américains sont considérés comme prédiabétiques. Ce qui signifie que le taux de sucre dans leur sang est déjà au-dessus de la moyenne et leur pancréas prêt à céder. D’ici 2050, le CDC avance que le nombre de malades franchira la barre des 60 millions. Avec un tiers d’adolescents et d’enfants.

Bien évidemment, la prolifération de cette maladie et le coût colossal de son traitement vont mettre en péril le système économique américain. Comme cela arrivera ailleurs aussi puisque la tendance est comparable dans le monde entier. Interrogé en 2002 par Radio Canada, le docteur Patrice Perron se refusait à toute ambiguïté : « Si rien n’est fait, disait-il, on s’en va vers une épidémie parce que l’obésité est en augmentation flagrante. Notre système de santé, qui est déjà à la limite, je crois, va exploser. Au cours des prochaines années, il y aura deux à quatre fois plus d’hospitalisations pour des problèmes cardiaques chez les diabétiques, le nombre des patients en hémodialyse doublera et on verra trois fois plus d’amputations reliées au diabète. Notre système de santé sera incapable d’assumer tout ça ».

 

Le Texas Children Hospital de Dallas est un hôpital modèle. Année après année, il figure dans le classement des meilleurs centres de soins des États-Unis. Sa section consacrée aux diabétiques de type 2 est l’une des plus vastes du pays. Sa clinique traite en permanence 300 patients. Et, là encore, la tendance est à la hausse. Lors d’une visite, au printemps 2006, j’ai constaté que cet établissement avait « enrôlé » 75 nouveaux patients. Dont le plus âgé avait treize ans.

Ici, les médecins se retrouvent devant une situation paradoxale.

D’un côté – et ils en conviennent sous couvert d’anonymat -, l’aspect financier de cette nouvelle crise n’est pas forcément pour eux une mauvaise nouvelle. Puisque le centre propose des diététiciens, des soins adaptés aux enfants et à leurs familles et même, chaque été, une colonie de vacances pour petits diabétiques, l’argent rentre sans problème.

Mais de l’autre, tous savent que la « saloperie », comme ils l’appellent, est directement liée à la pandémie d’obésité. Donc que ce qu’ils constatent est évitable.

Mais voilà, la prévention ne rapporte rien. Et combattre en amont l’apparition du diabète de type 2 ne génère pas de prescription de médicaments coûteux.

Le Texas Children Hospital de Dallas symbolise parfaitement la secrète ambiguïté que j’ai découverte tout au long de mon enquête : dans un monde où seul le marché compte, il n’y a aucun bénéfice financier à tirer du fait de garder les citoyens en bonne santé. Alors que ceux poussant à les soigner sont en revanche énormes. La preuve : en 1999, le fabricant pharmaceutique Eli Lilly and Company inaugurait sa nouvelle usine. Sept ans plus tard, il s’agit encore du centre de production le plus important au monde dédié à un seul produit. Eli Lilly and Company, porté par un taux de croissance annuel de 24 %, y fabrique de l’insuline destinée à traiter les malades atteints du diabète de type 2.

Pour tout dire, cette idée me trottait dans la tête depuis un moment, même si elle me semblait par moments extrémiste. Certains n’avaient-ils pas intérêt à ne pas tout faire pour enrayer le fléau ? Je tournai et retournai la question, refusant d’y croire tant cela me semblait outrancier, quand une chose me frappa. Quittant l’étage où des enfants risquaient une amputation pour cause de trop de malbouffe, j’ai reconnu une odeur à la fois écœurante et familière. Au rez-de-chaussée du Texas Children Hospital de Dallas, là sur ma droite, brillaient les lettres dorées de l’enseigne d’un McDonald’s.

Le géant du fast-food n’est pas seul : Starbucks, Subway, Pizza Hut et Chick-fîl-A sont également représentés à l’hôpital pour enfants de Dallas. »

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Désigné comme Centre Spécialisé dans la prise en charge de l’obésité sévère, le CHRU de Montpellier dipose d’une ambulance de réanimation adaptée aux patients en surpoids.

Une ambulance sur mesure pour des patients de 600g à 300kg ! Amenées à secourir de plus en de patients obèses, les équipes du service d’aide médicale urgente (SAMU) de l’Hérault et les Services Mobiles d’Urgences et de Réanimation (SMUR) de Montpellier viennent d’acquérir une ambulance de réanimation adaptée aux patients en surpoids, comme à des prématurés. Le Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Montpellier est ainsi le seul établissement du Languedoc‐Roussillon à disposer d’un tel véhicule.

Les équipes montpelliéraines ont conçu dans ce véhicule des équipements spécifiques: une alèse portoir avec harnais de sécurité ainsi qu’un matelas à dépression sur mesure pour permettre de brancarder le patient obèse en toute sécurité. Mais leurs efforts d’adaptation ne se sont pas limités à cet achat.

Comme les patients obèses nécessitent des interventions plus longues et plus complexes (prise de la tension artérielle, perfusions, ventilation…), mobilisent davantage de personnel et requièrent l’utilisation d’équipements adaptés, toute l’organisation des urgences a également été repensée. En amont par exemple, et avec l’accord du patient atteint d’obésité ou d’obésité morbide, son dossier médical confidentiel est complété par des données spécifiques facilitant sa prise en charge éventuelle en urgence: en plus des antécédents médicaux et et de son traitement, comme pour les autres patients, il sera également fait mention de son poids, des accès possibles à son domicile, etc. Ces précisions apportées en lien avec son médecin traitant ou les professionnels de santé intervenant à son domicile, sont précieuses pour les assistants de régulation et le médecin régulateur qui peuvent ainsi affecter d’emblée les moyens humains et les équipements nécessaires à la sécurité du patient. Résultat, en composant le 15, le patient est identifié par l’affichage de son numéro de téléphone.

Plus encore que le nombre de professionnels mobilisés pour transporter le patient, la formation revêt une importance toute particulière. Ainsi, tous les ambulanciers du SMUR conduisent désormais des unités mobiles (ambulances) de type poids lourd et sont désormais titulaires de nouveaux permis poids‐lourd.

Ils ont également bénéficié de formations les préparant à évaluer les risques pour le patient et les équipes et d’un apprentissage de gestuelles de manutention et de soins aux patients dans leur environnement. Et, les difficultés sont souvent nombreuses: un escalier en colimaçon, un ascenseur en panne, une porte de chambre trop étroite, un manque d’accès à une maison sont autant d’éléments qui demandent une concertation collective pluridisciplinaire et une adaptation aux situations de l’urgence.

En Languedoc‐ Roussillon, la prévalence de l’obésité est passée de 10,3% de la population en 1997 à 15,6% en 2012, soit une augmentation de plus de 51,5% en 15 ans. La région est ainsi la 11ème région la plus touchée par cette maladie

 

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