Extrait de Toxic Food, le livre de William REYMOND :
» Créé il y a plus de cinquante ans, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC), directement placé sous la tutelle du ministre chargé de la Consommation et du Commerce, étudie depuis 1978 les modes de vie de la société française.
Grâce à une constante subvention de l’État, le CRÉDOC a ainsi publié plus de trois mille enquêtes qui, à en croire le vocable de sa propre présentation, constituent une « garantie de professionnalisme, […] d’impartialité et d’indépendance de ses conclusions ».
Dernier exemple en date, le jeudi 19 mars, avec la « Présentation pour la première fois des résultats de l’enquête CRÉDOC sur le comportement et la consommation de boissons en France ».
Tenue dans le cadre du MEDEC, le congrès annuel de la médecine générale, la conférence de presse liée à cette étude, tenue devant un parterre de médecins et de journalistes spécialisés, a suscité un nombre important de reprises dans l’ensemble des médias francophones.
Qui, comme un seul homme, ont colporté les conclusions du rapport et informé l’opinion que « les Français ne s’hydratent pas assez sous quelque forme que ce soit ».
Une carence, put-on lire dans Le Point, aux effets tragiques : « Une mauvaise hydratation entraîne une baisse des performances physiques et intellectuelles, des maux de tête et des problèmes tels que des infections urinaires, des calculs rénaux ou de l’hypertension artérielle. »
L’étude du CRÉDOC allait plus loin en suggérant des conseils de consommation. Ce qu’un article de Destination Santé, repris en page d’accueil de Yahoo Actualités, résuma par « Buvez, buvez de l’eau… mais pas seulement. » Le site Internet n’avait pourtant pas improvisé ce titre-là. Car il reprenait en fait un point développé lors de la conférence de presse par le docteur France Bellisle, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et spécialiste de la nutrition : « Variez vos boissons, il est plus facile d’atteindre la norme recommandée. »
Si, parmi les produits cités par France Bellisle, figuraient les boissons lactées et chaudes telles que le thé ou le café, le plus étonnant fut de voir apparaître la recommandation de consommer des… sodas.
Je n’ai pas assisté à la conférence de presse du docteur Bellisle, mais j’imagine que ce point a été énoncé avec suffisamment de clarté pour accrocher l’attention des médias. Du reste, un article publié par France Soir le lendemain de la présentation du CRÉDOC affirma que « contrairement à ce que l’on pourrait penser, les boissons rafraîchissantes sans alcool, en particulier les sodas, contribuent peu aux apports caloriques » et ajoute que « toujours selon l’étude, il n’y aurait pas de corrélation entre ces boissons et la prise de poids. Encore un résultat qui en fera déculpabiliser plus d’un. »
Déculpabiliser ou bondir…
Ainsi, pour résumer des conclusions présentées sous l’égide d’un organisme public alors que la crise d’obésité devient chaque jour un problème majeur de santé publique, des nutritionnistes recommandaient la consommation de sodas, conseillaient « aux parents de ne pas diaboliser le sucre » et disaient « réservons les boissons avec édulcorants aux enfants qui ont de vrais problèmes de poids ». Des conseils que de nombreux médias avaient reproduits sans réserve.
Voilà qui, selon moi, méritait une sérieuse explication de texte.
Le premier indice troublant – et de taille – figure dans le coupon-réponse de l’invitation à assister à la présentation de l’enquête du CRÉDOC. On y découvre en effet que la conférence de presse du CRÉDOC est en réalité un événement organisé conjointement par l’organisme public, le MEDEC et… Coca-Cola France.
Oui, Coca-Cola.
Mieux, ce sont les coordonnées de Florence Paris, directrice de la communication corporate de la branche française du géant d’Atlanta, qui apparaissent sous la mention « contact presse ». Ainsi, un journaliste désireux de recevoir par courrier ou e-mail le dossier de presse intitulé « Que boivent les Français ? » doit-il en faire la demande auprès des services de communication de Coca-Cola France.
Dès lors, tout cela devient un peu plus clair.
La présence du fabriquant de sodas aux manettes de cette opération ressemblant de plus en plus à un coup de com’ me permit enfin de comprendre pourquoi, en plus des effrayants – et accrocheurs – détours par les questions du genre « Les Français boivent-ils suffisamment ? », « Pourquoi l’hydratation est-elle importante pour la santé ? », la conférence du CREDOC se proposait aussi d’ouvrir un chapitre sur « Les boissons rafraîchissantes sans alcool : en pratique, hydratation et plaisir » !
Ceci dit, une fois encore tout cela pouvait être le fruit d’une coïncidence. Aussi, afin d’en avoir le cœur net, le 8 avril 2008, je contactai Florence Paris. »
Disons-le d’emblée, alors qu’elle connaissait sans aucun doute mon enquête sur les coulisses de sa Compagnie, Florence Paris a courtoisement et rapidement répondu à mes questions. Une qualité à saluer quand on sait que, a contrario, le département consommation du CRÉDOC s’est muré dans le mutisme.
Dans sa réponse survenue deux jours après ma demande, Florence Paris écrivit clairement que « Coca-Cola France, en 2007, [avait] demandé au CRÉDOC les résultats spécifiques sur la consommation de boissons et en [avait] financé l’exploitation comme couramment pratiqué par le CRÉDOC ».
En quelques mots, la directrice de la communication corporate de Coca-Cola France me confirmait donc non seulement l’implication de la Compagnie dans l’événement présenté au MEDEC mais surtout l’existence, en France, d’une pratique que je pensais cantonnée aux États-Unis.
La suite ………….demain.
En somme, peut-être sans s’en rendre compte, en présentant sous ses labels et caution des informations « sponsorisées » par un industriel devant une assistance constituée principalement de médecins et journalistes, le CRÉDOC avait favorisé le mélange des genres et, in fine, trompé le consommateur.
Il faut s’interroger aussi sur le sens donné par Coca-Cola France au terme « financement ». À en croire la représentante du groupe, la Compagnie s’est bornée à acheter une partie des résultats d’une enquête scientifique du CRÉDOC.
En réalité, comme me l’a indiqué France Bellisle, caution scientifique de la présentation :
« La société Coca-Cola n’a pas participé à l’acquisition ni au traitement des données. Cependant, elle a ajouté des questions et suggéré d’étudier des aspects spécifiques de la prise de boisson, par exemple la consommation de boissons sucrées à différents âges de la vie. »
Du simple financement de l’exploitation de l’enquête du CRÉDOC, nous venions donc de passer à l’ajout de questions et à la suggestion d’aspects spécifiques.
Mieux, Coca-Cola s’investit aussi beaucoup dans la préparation de la conférence publique. France Bellisle, remarquant en prologue à ses réponses que mes « questions portaient spécifiquement sur les conflits d’intérêt » qu’elle aurait pu avoir, m’expliqua en effet avoir « travaillé ensemble avec Coca pour préparer la conférence. Plusieurs réunions de préparation ont été nécessaires. Il a fallu s’entendre sur la présentation des données et préparer des diapos susceptibles d’être comprises. Ce travail n’est pas différent qu’il y ait ou non contribution d’un partenaire industriel. »
De toute évidence, le rôle joué par le géant de la boisson à bulles dépasse largement celui du simple financement. Et impose de répondre à une autre interrogation : en suggérant des questions, en orientant l’étude vers certains aspects scientifiques, la compagnie Coca-Cola s’assurait- elle que le produit fini – l’enquête du CRÉDOC – servirait ses objectifs commerciaux ?
Pour tout dire, si la présence de Coca-Cola France aux côtés de médecins et d’un organisme financé par des fonds publics peut étonner, elle est conforme à la stratégie mondiale adoptée par le géant américain.
Ainsi, et cela vous a peut-être échappé, depuis bientôt cinq ans Coca-Cola n’est plus un fabricant de boisson saturée en sucre – et donc responsable de la pandémie d’obésité – mais un spécialiste de l’hydratation !
Un positionnement martelé dans chaque discours interne, sur l’emballage de ses produits vendus aux États-Unis, et même sur Internet où, désormais, la marque propose de « découvrir plus de 80 moyens de s’hydrater », dont la majorité consiste à consommer des produits de sa vaste gamme.
Ce nouveau positionnement répond à deux tendances. D’abord l’appétit du consommateur envers des produits considérés « bons pour la santé » et, surtout, la volonté de la marque de ne pas être montrée du doigt quand on évoque la crise mondiale d’obésité.
La défense de l’hydratation relève donc du vertueux cache-sexe.
Une excuse d’autant plus spécieuse que, comme le rappellent les chercheurs de l’université de Clemson, en plus de son absence de valeur nutritionnelle et de sa teneur en sucre, un soda contient souvent de la caféine. Qui n’est autre qu’un diurétique entraînant, via l’urine, une perte de fluides et donc la… déshydratation !
Que Coca-Cola souhaite que les Français boivent plus et pas uniquement de l’eau est dans l’ordre des choses.
Que le CRÉDOC serve de tremplin à ce genre de message semble plus étonnant, même si l’organisme n’a jamais caché travailler « contractuellement pour des entreprises privées ».
Mais le plus gênant réside dans le fait que des scientifiques renommés servent de caution au message publicitaire d’une multinationale.
Prenons le cas de France Bellisle, qui est, comme je l’ai déjà précisé, directrice de recherche à l’INRA et nutritionniste reconnue mondialement. Son rôle dans la présentation de « l’enquête » du CRÉDOC ayant été largement évoqué plus haut, il ne s’agit pas de remettre en cause ici ses qualités professionnelles, mais de constater qu’elle ne semble pas effrayée par la présence grandissante de l’industrie agroalimentaire dans les coulisses de la médecine et de la recherche.
Mieux, révélant un point qui n’a jamais été mis en avant lors de la conférence de presse au MEDEC – et donc jamais reproduit dans la presse -, la scientifique m’a confié n’avoir pas été engagée sur ce projet par le CRÉDOC mais par… Coca-Cola. « Mon travail de recherche porte le plus souvent sur la prise alimentaire humaine, écrivit-elle. C’est à ce titre que Coca-Cola, qui souhaitait avoir de l’information sur les consommations de boissons, a fait appel à moi, en complément de l’équipe d’experts du CRÉDOC. »
Un point confirmé par Coca-Cola France : « Nous avons demandé au docteur France Bellisle, compte tenu de son expertise dans le comportement alimentaire, de participer à la réflexion et à l’interprétation des données CRÉDOC en collaboration avec les experts du CRÉDOC qui avaient mené l’étude. »
Soit. Mais les relations nouées par France Bellisle avec le milieu industriel ne s’arrêtent pas là. Ainsi, en plus de ses activités à l’INRA, ce médecin est la présidente du Comité de communication de l’Institut français (IFN), « interface entre les milieux scientifiques et ceux de la production agroalimentaire », créé en 1974 par deux professeurs « et plusieurs industriels ».
Une activité non rémunérée qui donne tout loisir d’échanger avec les géants de la toxic food.
Ainsi le comité présidé par France Bellisle accueille huit scientifiques mais également des représentants de Nestlé, Danone, Kellogg’s et… Coca-Cola.
L’IFN n’est pas la seule association fréquentée par la directrice de recherche à l’INRA. On la retrouve par exemple au sein du Conseil européen de l’information sur l’alimentation (EUFIC), une « organisation à but non lucratif qui fournit aux médias, aux professionnels de la santé et de la nutrition, aux enseignants et aux leaders d’opinion, des informations sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments ainsi que sur la santé et la nutrition s’appuyant sur des recherches scientifiques en veillant à ce que ces informations puissent être comprises par les consommateurs ».
En clair ? Un groupe qui reformate les informations scientifiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre.
Là, France Bellisle siège au Conseil consultatif scientifique avec d’autres grands noms européens de la recherche.
Tout cela pourrait être acceptable si, parmi les articles du site de l’EUFIC, ne se glissaient pas certaines perles comme « le chewing-gum contrôle l’appétit » ou « le grignotage, une tendance forte pouvant jouer un rôle bénéfique pour votre santé ». Des articles donnant une sérieuse indication sur la manière dont l’organisme veille « à ce que ces informations puissent être comprises par les consommateurs ».
En fait, pour comprendre la motivation de l’EUFIC, il faut regarder du côté de ses soutiens financiers.
Une liste que l’on dirait sortie de l’édition annuelle du classement Forbes des plus grandes entreprises qui comptent. Ainsi, le groupe est « cofinancé par la Commission européenne et l’industrie européenne des aliments et des boissons. L’EUFIC est dirigé par un conseil d’administration dont les membres sont élus par des sociétés membres. L’EUFIC compte actuellement les membres suivants : Barilla, Cargill, Coca-Cola HBC, Coca-Cola, DSM Nutritional Products Europe Ltd., Ferrero, Groupe Danone, Kraft Foods, Masterfoods, McCormick Foods, McDonald’s, Nestlé, Novozymes, PepsiCo, Pfizer Animal Health, Procter & Gamble, Südzucker, Unilever et Yakult. »
On comprend mieux pourquoi, dans la déclaration de transparence signée par l’ensemble de ses membres, l’EUFIC tient à préciser : « L’EUFIC n’agit pas en tant que porte-parole de l’industrie et ne souhaite pas être perçu comme tel. »
L’EUFIC, l’IFN… On retrouve souvent France Bellisle là où les géants de l’agroalimentaire se trouvent.
Une proximité épinglée, aux États-Unis, par l’association de consommateurs CSPI dans le cadre du programme « Integrity in Science », intégrité en science.
Il y a un an, le groupe révélait qu’une synthèse bibliographique cosignée par France Bellisle et publiée par The American Journal of Clinical Nutrition (AJCN) avait « négligé de révéler les liens financiers unissant les deux auteurs et l’industrie de la boisson».
Le CSIP expliquait par exemple que France Bellisle siégeait au sein de Yadvisory board de McDonald’s.
Si l’AJCN avait oublié de préciser les relations de la chercheuse avec le roi du fast-food – et pour le coup, l’un des plus gros vendeurs mondiaux de boissons du groupe Coca-Cola -, le journal scientifique recelait une autre information intéressante. Listant les sources de financement des travaux co-réalisés par Bellisle, l’ACJN nota la présence de The American Beverage Association, groupe spécialisé dans le lobby dont les membres principaux sont… Pepsi-Cola et Coca-Cola. Il va sans dire que les recherches en question dédouanaient de toute responsabilité les boissons sucrées dans l’augmentation des cas d’obésité ! Une étude qui, selon le CSIP, allait en sens contraire à la majorité des publications et recherches sur le sujet.
Bouclant la boucle, c’est bien cette chercheuse émérite que l’on retrouve derrière les lignes de France Soir – « contrairement à ce que l’on pour-rait penser, les boissons rafraîchissantes sans alcool, en particulier les sodas, contribuent peu aux apports caloriques, et, toujours selon l’étude, il n’y aurait pas de corrélation entre ces boissons et la prise de poids » – et les « conseils » d’hydra¬tation mis en avant devant un parterre de méde¬cins et sous l’égide du CREDOC lors de la conférence du 20 mars 2008 à Paris.
Une fois encore, il ne s’agit pas ici de pointer spécifiquement le comportement d’un scientifique ou d’une compagnie mais d’illustrer un système de contrôle de l’opinion. Dont les barons de la toxic food sont, aujourd’hui, les premiers bénéficiaires.
L’ironie de l’histoire est que, pendant que la presse française reprenait comme un seul homme les conclusions sponsorisées par Coca- Cola, le New York Times levait, lui, un énorme lièvre illustrant l’infiltration des industriels dans le monde de la recherche. Et, par là, confirmait le succès des méthodes inventées par John Hill.
Le quotidien revenait sur un article publié en octobre 2006 dans le New England Journal of Medecine. Où le docteur Claudia Henschke, une sommité, affirmait que 80 % des décès liés au cancer des poumons étaient évitables par un recours plus large aux scanners. Après des années de mise en accusation, les industriels du tabac pouvaient donc esquisser un sourire. Sauf que, derrière les conclusions de la scientifique, le Times découvrit dans les sponsors de l’article la présence de la Foundation for Lung Cancer: Early Detection, Prevention & Treatment.
Une association dont les 3,6 millions de dollars de budget ont, ces trois dernières années, été entièrement financés par un fabricant de… cigarettes.
Là encore, la boucle était bouclée.
Articles en rapport
Extrait de Toxic Food, le live enquête passionnant de Willam Reymond :
» Avant d’aborder le second axe de la stratégie du doute mise en avant par les titans de la nouvelle malbouffe, il convient de s’arrêter sur un aspect encore plus sournois de la première étape de confusion.
Nous l’avons vu, avant l’opinion publique, ce sont les médecins et les scientifiques que ciblent les cerveaux de la communication d’entreprise. Puis, arrivent les médias.
Or, lorsqu’on touche à un sujet aussi inflammable que l’alimentation, ils se déchaînent.
Dans le cas précis de l’acrylamide, Margareta Tômqvist remarqua que lorsqu’elle avait prouvé combien la substance avait été toxique pour les ouvriers du tunnel ferroviaire, personne n’avait bronché ni trouvé quoi que ce soit à en redire. Mais quand elle alla plus loin et accusa le processus de cuisson des frites et des chips, une véritable tempête médiatique s’éleva. Avec torrent d’articles et émissions remettant en question ses travaux et même son intégrité, voir sa probité.
Dans l’article publié en juin 2003 par le Journal of National Cancer Institute, la scientifique expliqua, par exemple, que, bien souvent, les recherches favorables à l’acrylamide étaient entreprises sur des quantités consommées inférieures à celles ingérées par un être humain au long de son existence. Une précision essentielle rarement reprise par les médias.
Cette remarque est capitale. Pourquoi, en effet, les journalistes ne notaient-ils pas cette faille dans les travaux des adversaires ?
Je sais que certains confrères ne me le pardonneront sans doute pas, mais il faut bien avouer que, par manque de temps, de connaissances, de moyens ou peut-être simplement de curiosité, la presse se contente souvent des informations prémâchées contenues dans un communiqué sans en vérifier la totale validité. C’est ce qui, vraisemblablement, se produisit sur ce point. Mieux valait reproduire les conclusions positives savamment résumées, que plonger dans les études et dénicher cette faiblesse.
En vérité, ce côté « moutonnier » n’est pas récent. Dans son mémorandum de 1968 adressé à l’industrie du tabac, Cari Thompson, expliquant les recettes d’un communiqué de presse réussi – c’est-à-dire reproduit dans les journaux et favorables à un client -, conseillait de toujours débuter ce texte par son aspect le plus important. Le plus favorable même à la thèse défendue. Et conseillait cyniquement, en cas de reproduction de recherches scientifiques, d’ouvrir le communiqué sur l’info « la plus importante pour l’industrie du tabac même si ce n’est pas la plus essentielle aux yeux de l’auteur des travaux ». En clair, cela signifiait que même si le but d’une étude n’était pas de prouver l’absence de relation entre la cigarette et le cancer du poumon, un bon communiqué se devait de réussir à le faire croire.
Et les bons communiqués de ses adversaires, dans le cas de Margareta Tômqvist, furent très bons.
Il est à noter aussi que, de plus en plus fréquemment, les industriels financent leurs propres recherches, y compris universitaires. Un phénomène, on le sait, qui entraîne souvent la publication de conclusions favorables aux intérêts de ces clients.
Mais, entre les études indépendantes et celles entièrement réglées par des entreprises, il existe une autre forme d’enquête bien plus dangereuse car mêlant noms prestigieux, organismes publics et intérêts privés. Un cocktail détonant dont la victime principale est la presse et celle, collatérale, le consommateur.
La suite ………….demain
Articles en rapport
Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :
» Le doute se nourrit de la confusion.
Et représente le premier étage de l’entreprise de désinformation érigée par les géants de la nouvelle malbouffe pour déstabiliser leurs adversaires.
Comme, hier, avec les cigarettiers.
Dans un autre mémorandum, toujours rédigé par les experts en communication du cabinet Hill & Knowlton à destination de William Kloepfer, président du Tobacco Institute, Carl Thompson avait élaboré des cibles à viser pour retourner l’opinion.
Le premier groupe, bien avant les médias et le consommateur, était selon lui celui des… médecins. Car à qui d’autre que son docteur le consommateur inquiet demande-t-il conseil ? La bataille de l’opinion se gagne d’abord dans le secret des cabinets médicaux.
L’infiltration du milieu médical par les cigarettiers poussa même Camel à créer une campagne de publicité où de vrais docteurs recommandaient cette marque plutôt qu’une autre.
Outre un rôle prescripteur, les maîtres de la communication de crise ont compris, comme les laboratoires pharmaceutiques, qu’un médecin submergé d’informations n’a, finalement, peu ou pas le temps de s’informer correctement. De fait, dans un paragraphe insistant sur l’obligation de recourir à des mots clefs frappants dans les titres des communiqués de presse fournis aux médias – et aujourd’hui encore souvent reproduits in extenso sans vérification -, Thompson notait : « Ils doivent être conçus avec le plus grand soin en pensant que les médecins et les scientifiques, comme les autres lecteurs, intègrent le plus souvent une information en lisant le titre et rien de plus. »
Après la publication de Toxic, j’ai moi-même été contacté par de nombreux médecins. Qui, tous, regrettaient le peu de place consacré à la nutrition dans leur formation et se plaignaient de la difficulté d’y voir clair dans l’avalanche d’informations parfois contradictoires reçues, désappointements formulés quelquefois avec… virulence.
Ce point est intéressant et ne doit rien au hasard : la contradiction nourrit la confusion. Ainsi, dans son rapport, Thompson listait une série d’angles d’attaque susceptibles de faire douter les médecins et le public de la véracité du lien entre la cigarette et le cancer du poumon. En conclusion, il professait : « Le type d’articles le plus important est celui qui va faire naître le doute. »
Autres temps, autres mœurs ? Hélas, non. La réplique a usé des mêmes méthodes. Et les découvertes relatives à la présence d’acrylamide dans l’alimentation ont été soumises à des pratiques semblables. L’exemple qui suit, un parmi tant d’autres, l’illustre parfaitement.
L’exercice est redoutablement simple. Il suffit, dans n’importe quel moteur de recherche, de taper les deux expressions « acrylamide » et « breast cancer »(cancer du poumon).
Et là, d’emblée, la confusion apparaît.
La première occurrence avance qu’une étude a prouvé que l’acrylamide n’était pas liée à une augmentation des risques du cancer du sein tandis qu’une deuxième explique au contraire que de « nouvelles découvertes pourraient prouver que l’acrylamide augmente le cancer du sein » ! Perdu, désemparé, le pauvre internaute vient, sans le savoir, de mettre le pied dans l’univers du doute concocté autrefois par les cerveaux d’Hill & Knowlton. Car, limitant sa lecture au titre, il conclura souvent que la science ne sait pas, donc qu’en attendant rien ne sert de modifier ses habitudes.
Bien sûr, il ignore que ces deux titres ont été publiés à une année d’écart et concernent deux études différentes. La première, qui remonte à la fin 2007, a été financée par l’Union européenne. C’est celle qui, avec la prudence d’usage, conclut que l’acrylamide pourrait augmenter les risques du cancer du sein. La seconde, plus rassurante, est aussi la plus récente puisqu’elle date du mois de février 2009.
Cette prime à la nouveauté signifie-t-elle, comme le suggère son titre, que l’acrylamide n’accroît pas les risques de cancer de sein, conclusion logique qu’un lecteur pressé est en mesure de tirer ?
En fait, la vérité s’avère plus complexe. Car, malgré des titres semblant résonner en écho l’un à l’autre, les deux études ne couvrent pas le même champ.
La première a étudié l’effet de l’acrylamide sur des femmes ménopausées, à un moment de la vie où les cancers sont plus fréquents. La seconde, elle, a étudié le rôle de l’acrylamide chez des femmes plus jeunes, en pré-ménopause, donc lorsque les cancers sont plus rares.
Loin de moi l’idée de jeter le discrédit sur l’une ou l’autre étude, mon but est seulement de démontrer les rouages d’un mode de communication.
Cela veut-il dire que nous sommes ici devant un texte mis en avant par les défenseurs de la toxic food ? Que l’écho donné à la seconde étude, via le titre de l’article, cherche à contester la première ?
Pour tout dire, je n’en sais rien. Mais, lecteur avisé, je ne peux m’empêcher de noter une série de coïncidences… troublantes.
D’abord, le texte rassurant pour l’industrie de la chips a été publié sur www.foodnavigator.com, un site qui appartient à la société Decision News Media basée à Montpellier, en France. Cette compagnie excelle dans ce que les spécialistes du net nomment le B-to-B, le Business to Business, soit « l’ensemble des activités d’une entreprise visant une clientèle d’entreprises ». Une activité qui, dans le cas de l’entreprise française, se déploie uniquement en ligne.
Première coïncidence donc : le lecteur pense être sur un site d’actualité alors que celui-ci est d’un genre particulier puisque visant « les décisionnaires occupés » dans différents secteurs.
Des activités qui, deuxième hasard, sont celles qui, ces dernières années, se sont fréquemment retrouvées au coeur de la tourmente. Ainsi, parmi « les décisionnaires occupés » visés par Decision News Media, apparaissent les secteurs des cosmétiques, de la pharmacie, de la nutrition et de l’agroalimentaire. À ce titre, en plus de foodnavigator.com, la compagnie montpelliéraine opère sur Bakeryandsnacks.com (boulangerie et pâtisserie industrielle), dairyreporter.com (produits laitiers), beveragedaily.com (les boissons) ou encore meatprocess.com (les produits de la viande). Une multiplication de sites couplée à une vraie maîtrise de l’outil Internet qui permet, bien souvent, aux articles du groupe de se retrouver parmi les premiers liens fournis par les moteurs de recherche.
Bien entendu, le fait que Decision News Media ne soit pas un véritable média, mais une entreprise vendant un service à des clients précis ne signifie en rien que ses sites soient le porte-parole de l’industrie.
Dernière coïncidence, quelques heures passées à lire les archives du site permettent de découvrir que les conclusions de nombreux articles diffusent souvent la parole des représentants de l’industrie, et que la plupart des éditoriaux proposés prennent fréquemment la défense des industriels de la nourriture quand ils n’en chantent pas carrément les louanges.
Quoi qu’il en soit, force est de constater que la stratégie de confusion mise en place autour de la toxicité de l’acrylamide fonctionne à merveille. Ainsi, alors que les travaux de Margareta Tômqvist remontent à 2002, les risques liés à la cuisson par friture, et plus particulièrement celle de la pomme de terre, sont généralement ignorés du grand public.
Aux États-Unis, premier pays consommateur de chips au monde, les études sur l’acrylamide sont même quasiment inconnues. Un sondage, effectué en août 2009, confirmait ainsi que les « consommateurs américains n’avaient quasiment aucune connaissance des problèmes de l’acrylamide ».
En revanche, une fois avertis des dangers cancérigènes de cette substance, la moitié des interrogés annonçait une volonté de « s’informer sur la question ».
Le lecteur avisé que je suis leur souhaite bien du courage. »
La suite ……………..demain.
Dr BUENOS : tout à fait d’accord avec William Reymond. Google utilise un systéme de référencement des articles qui n’a rien à voir avec la pertinence, et qui est basé sur des techniques de référencement.
De tout temps il a été difficile de trouver des informations pertinentes, peut être que la multiplication des médias sur internet, que la nécessaire réactivité (nuisant au contrôle de l’information), l’opacité des sources, et la reprise pour diffusion des informations, rendent elles la tâche encore plus difficile.
Articles en rapport
Extrait du livre Toxic Food, de William Reymond :
» Or, pendant que les organismes gouvernementaux s’interrogeaient et surveillaient le taux de ce cancérigène dans l’alimentation, en coulisses se déroulait une âpre bataille.
Car on s’en doute, si une part de la prévention du risque se joue dans nos cuisines et nos préparations à base de friture, l’enjeu essentiel tient à la nourriture industrielle. Et plus particulièrement à la confection des frites et chips, produits où la concentration d’acrylamide est la plus élevée.
Évidemment, les découvertes de Tômqvist ont été accueillies comme une… patate chaude par les géants de l’agroalimentaire. Qui ont dû s’étrangler encore plus en voyant, parmi les conseils publiés par divers organismes, la recommandation d’utiliser les variétés de pomme de terre les moins riches en sucre alors que, comme je l’ai raconté plus haut, l’industrie de la chips préfère le contraire, les patates plus douces « accrochant » mieux le consommateur.
Alors ?
Alors, était venu le temps de revenir aux batailles de propagande classiques.
En 1953, l’industrie de la cigarette se trouva sous les feux croisés d’assauts de certains élus et d’études prouvant le rôle cancérigène de la consommation de tabac.
John Hill, avocat et fondateur du cabinet de relations publiques Hill & Knowlton, fut chargé par les fabricants de cigarettes d’organiser la contre-attaque. Dans un mémorandum intitulé « Le doute est notre produit » adressé au Tobacco Institute, groupement réunissant l’ensemble des fabricants, l’avocat élabora trois axes de réplique destinés à préserver le statu quo le plus longtemps possible. Trois axes résumés en trois verbes : confondre, détruire et calmer.
John Hill travaillait pour le compte des cigarettiers. Mais, cinquante ans plus tard, qu’il soit question de la responsabilité des fast-foods et des vendeurs de sodas dans la pandémie d’obésité, qu’on mette au jour le rôle du sirop de fructose- glucose dans sa progression comme des acides gras-trans dans l’augmentation des risques d’accidents cardio-vasculaires ou qu’on évoque les dangers des acrylamides, ses préceptes sont scrupuleusement appliqués par les fabricants de la nouvelle malbouffe pour contester leurs détracteurs.
Et le doute est l’arme de défense principale des gardiens de la toxic food« .
La suite …………..demain.
Articles en rapport
Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :
» L’intention se veut rassurante. Lorsque les représentants de l’industrie chimique et de l’agriculture intensive sont montrés du doigt, leur réponse sur les doses de pesticides est toujours la même : vu les quantités utilisées, « il est prouvé » que leurs produits ne sont pas dangereux.
Que dire ?
D’abord, que lorsqu’un test a effectivement été effectué – ce qui n’est pas toujours le cas -, la méthode utilisée est au mieux incomplète, au pire faussée. Je ne vais pas ainsi m’étendre sur le fait que les autorités gouvernementales, dépassées par le coût financier de telles études, se contentent fréquemment d’approuver un produit à partir des dossiers fournis… par le fabricant. En revanche, il est important de s’arrêter sur quelques vices de forme de ces expérimentations.
Ainsi, dans la majorité des cas, les doses validées sont celles que l’on estime inoffensives pour un homme adulte dans la fleur de l’âge. Un vieillard, une femme, un enfant ou un bébé peuvent donc souffrir de cette subtile différenciation.
Les tests en laboratoires se concentrent globalement sur les répercussions éventuelles d’un seul ingrédient, personne ne semblant s’intéresser aux dégâts nés de la « synergie » entre différents ingrédients cancérigènes, même à faibles dosages (effet cocktail). Comme si notre exposition au risque se limitait à l’un d’eux et pas à la combinaison de tous. Un « isolement » d’autant plus absurde que la plupart des pesticides, herbicides et fongicides croisent les ingrédients dangereux. Et que notre mode de vie et d’alimentation lui- même crée ce cocktail dont nous n’avons aucune idée des conséquences à long et moyen termes.
Personne ne semble s’intéresser non plus au fait que, contrairement aux tests in vitro, nos organismes accumulent ces produits cancérigènes depuis l’âge embryonnaire. Si l’un peut ne pas être dangereux dans un dosage établi en laboratoire, qu’arrive-t-il lorsque, mélangé à d’autres, il agit pendant des décennies dans le corps et connaît, en outre, des renforts fréquents d’autres agresseurs ? Et bien les rares études entreprises sur le sujet n’apportent pas de bonnes nouvelles puisqu’elles démontrent un rôle prépondérant de la durée d’exposition dans la prolifération de certains cancers et de maladies neurologiques.
Quoi qu’il en soit, il apparaît comme un devoir de citoyen de faire de cet axe de recherche une priorité des années à venir.
Concernant l’environnement et les risques toxiques, les années 1970 représentent un tournant majeur.
Après des décennies d’excès et de complète « liberté chimique », poussés par les pionniers du mouvement écologiste et une prise de conscience des citoyens choqués par une série de catastrophes industrielles, les hommes politiques se décident à intervenir et à réglementer ce secteur. Et, en 1976, le Congrès vota le Toxic Substances Control Act (TSCA)1.
Vous l’ignorez sûrement mais cette loi américaine, que l’on vive à Marseille ou à Québec, à Séoul ou à Rome, nous concerne tous. Pour le meilleur et pour le pire.
Le meilleur d’abord. Avant ce scrutin historique obtenu après six années de combat politique acharné, les pays occidentaux ne disposaient pas du moindre texte régulant la création, la production et l’usage des produits chimiques. Née avant la Seconde Guerre mondiale, bénéficiant d’un essor sans précédent depuis la fin du conflit, l’industrie chimique pouvait agir en toute liberté, lançant près de 62 000 substances différentes sans la moindre obligation de les tester au préalable ! Or, inspirés par le texte américain et le vote du TSCA, les pays d’Europe de l’Ouest – dont la France – suivirent le mouvement et adoptèrent, à leur tour, des lois similaires dont le principal mérite était d’exiger le recours à des tests de dangerosité pour chaque nouveau produit.
Mais voilà, le TSCA de 1976 souffre d’une énorme faille. Une faille monumentale creusée au burin du lobbying par l’industrie chimique elle-même. Profitant du fait que le Congrès et la Maison-Blanche avaient annoncé que la future loi serait écrite en accord avec l’industrie pour ne pas entraver la croissance économique, les géants du secteur ont inséré dans le texte une véritable bombe à retardement.
S’ils acceptaient que chaque nouveau produit soit testé, en échange ils exigeaient que le texte ne puisse être rétroactif, donc ne concerne pas les substances et ingrédients déjà sur le marché. De quoi permettre qu’on y recoure comme avant.
En clair, cela signifie globalement que, sur les 82 000 produits chimiques commercialisés en 2009, 62 000 n’ont jamais été testés !
Comme l’Europe s’inspira du TSCA, la même disposition se retrouva dans les réglementations, évitant aux fabricants d’avoir à fournir les moindres données de sûreté relatives aux substances vendues avant 1981.
L’entrée en vigueur, en juin 2007, d’une nouvelle réglementation chimique baptisée REACH était censée combler la faille. Et n’y parvint en rien. D’abord parce que l’enjeu humain et le coût financier qu’exigeaient des tests pratiqués sur les produits antérieurs à 1981 ont empêché de revenir en arrière. Ensuite parce qu’on limita son champ d’action aux seules substances « extrêmement préoccupantes », à l’exclusion des… pesticides relevant d’autres législations. Bref, dans ces conditions, parler de produits testés reste un mensonge qui a encore de beaux jours devant lui.
Dès lors, on ne peut qu’être d’accord avec ce que déclarait le 21 octobre 1976 Russel E. Train.
Ignorant la disposition libérant de toute obligation d’information l’industrie chimique, pensant que le TSCA permettrait ces nouvelles batteries de tests, l’administrateur de l’Environmental Protection Agency (EPA), équivalent américain de notre ministère de l’Environnement, exprimait sa fierté en ces termes : « Cette loi est l’un des gestes les plus importants de « médecine préventive » jamais votés. » Revenant sur les 62 000 produits commercialisés sans aucun contrôle, ignorant l’ironie future – et terrible – de ses propos, il avait conclu – et c’est là que je le rejoins : « Nous en savons peu – abyssalement peu – sur ces produits chimiques. Nous ne savons presque rien de leurs effets sur notre santé, et plus particulièrement en cas d’exposition minime mais à long terme. Nous en savons fort peu sur le nombre d’êtres humains exposés à ces produits. Ni comment ils le sont et jusqu’à quel degré. Nous ne savons même pas précisément combien de produits chimiques – et encore moins précisément lesquels – sont créés chaque année et mis sur le marché. »
Or, trente ans après, en savons-nous beaucoup plus ? »
La suite (après cet effrayant coup de projecteur sur les dispositions législatives qui encadrent la toxicité potentielle des produits chimiques) ………….. demain.
Articles en rapport
Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :
» Le professeur T. Colin Campbell use d’une analogie efficace lorsqu’il s’agit de décrire les trois phases du cancer.
Pour ce scientifique américain, un cancer « pousse » comme du gazon : « L’initiation correspond à l’ensemencement, la promotion à la germination et à la pousse, et la progression à la prolifération de l’herbe qui envahit l’allée, la rocaille et le trottoir. »
Or, dans deux de ces étapes, la toxic food tient un rôle essentiel.
L’« initiation » correspond en somme au moment où, telle une graine, le cancer s’implante dans l’organisme. L’Américain explique : « Les substances chimiques responsables de ce processus sont appelées des carcinogènes. Ces substances sont le plus souvent des dérivés de procédés industriels […] Ces carcinogènes transforment génétiquement (font muter) les cellules normales en cellules prédisposées au cancer. Une telle mutation cause une altération permanente des gènes de la cellule, ce qui endommage l’ADN. »
ADN endommagé et cellules génétiquement transformées…
Voilà deux résultantes de l’intrusion de carcinogènes dans l’organisme qui ont un écho familier. Et pour cause, ce sont exactement les termes utilisés par le professeur Mirvish de l’Université du Nebraska pour évoquer les effets des nitrites contenus dans les saucisses de hot-dogs en particulier et la charcuterie industrielle en général ; conclusions que la « machine à détruire » de l’agroalimentaire avait voulu broyer.
Mirvish, preuves à l’appui, démontrait que le processus industriel de fabrication des spécialités à base de viande entraînait la formation de nitrosamine suite à l’union des nitrites et amines. Or les nitrosamines, que l’on trouve par exemple dans la fumée du tabac, sont des substances chimiques classées cancérigènes par l’Organisation mondiale de la santé. Dès lors, il ne fait aucun doute que les nitrites permettant de conserver le saucisson industriel ou de procurer un bel éclat rosé à des tranches de jambon sont l’un des carcinogènes décrits par Campbell.
Un, mais malheureusement pas le seul. Car lorsque le professeur américain précise qu’il s’agit « le plus souvent de dérivés de processus industriels », il précise aussi que la source principale de la pollution de l’organisme n’est pas l’air respiré mais la nourriture ingérée. À ce titre, en plus des nitrites, on peut citer les pesticides présents sur les fruits et légumes issus de l’agriculture conventionnelle, fruits que, suivant les préceptes gouvernementaux, nous essayons de consommer de plus en plus souvent.
Ainsi nombre de ces produits sont considérés comme cancérigènes. Parfois, les plus dangereux, après des décennies d’usage intensif, sont interdits sur nos territoires. L’ennui, c’est que, même après cette éviction, leur présence dans l’environnement persiste(c’est le cas du DDT dont l’utilisation est interdite depuis 1972 mais que, test après test, génération après génération, nous continuons à « porter » dans nos organismes). Pire, il n’est pas rare que les fabricants de produits interdits continuent à en produire à destination des pays à législation plus souple. Parmi eux, la presque totalité des Etats d’Amérique du Sud et d’Amérique latine ainsi qu’une partie de l’Asie et l’Afrique. Résultat ? Les produits interdits ici reviennent par leur intermédiaire dans nos assiettes afin, in fine, d’empoisonner nos organismes. Les fruits et légumes importés sont souvent dangereux. Consommer le plus possible des aliments issus de l’agriculture biologique et locale n’a donc jamais eu autant de sens.
Et puisque j’évoque les effets cancérigènes des pesticides, autant en profiter pour tordre définitivement le cou à un mensonge colporté depuis des années par les gardiens de l’agriculture industrielle. »
Lequel …………….. Vous le saurez demain.
Dr BUENOS : Dans le réseau ROSA Béziers, nous vous poussons à devenir des locavores de fruits et légumes bio de saison et de proximité en vous donnant les coordonnées de Thierry Colignon (Jardin de la plantation) à Villeneuve les Béziers.
Articles en rapport
Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :
» Ma plongée dans les eaux sombres de la toxic food n’était pas pour autant terminée. J’étais même loin de la pointe visible de l’iceberg, à savoir la pandémie d’obésité. Mais j’étais au moins parvenu à l’endroit où, dans son appétit destructeur, la nouvelle malbouffe nous visait tous.
Les cancers du sein, de la prostate, du côlon… en train de se multiplier constituaient autant de preuves semées accidentellement par l’assassin.
Avant de quitter cette scène de crime, il me faut donc définitivement clore le dossier.
On trouve dans les premières pages d’Anticancer, le livre de David Servan-Schreiber, un paragraphe résumant les données du problème : « En Asie, les cancers qui affligent l’Occident – comme le cancer du sein, le cancer du côlon ou de la prostate – sont de sept à soixante fois moins fréquents. Chez les hommes asiatiques qui décèdent de causes autres que le cancer, on trouve pourtant autant de microtumeurs précancéreuses dans la prostate que chez les Occidentaux. Quelque chose dans leur façon de vivre empêche ces tumeurs de se développer. En revanche, chez les Japonais installés en Occident, le taux de cancer rattrape le nôtre en une ou deux générations. Quelque chose dans notre façon de vivre empêche notre corps de se défendre efficacement contre cette maladie. »
Vous l’avez maintenant compris : personnellement, quand j’envisage les responsables possibles de ces cancers, je préfère évoquer la manière dont nous nous nourrissons plus que notre façon de vivre. Mais puisque l’art de manger est un art de vivre, ne s’agit-il pas, après tout, de la même chose ?
Mais revenons aux propos de Servan-Schreiber. Se fondant sur d’innombrables travaux réalisés depuis des décennies sur la répartition géographique des cancers, il démontre, par exemple, que si, génétiquement, un Asiatique court les mêmes risques de développement d’un cancer de la prostate qu’un Occidental, son mode de vie l’en préservera. Et qu’en revanche, immergé dans nos sociétés et adoptant notre façon de manger, il deviendra malade. Ce qui atteste combien le problème se niche au fond de nos assiettes.
De multiples expériences et constatations confirment cette thèse, sans que les géants de l’agroalimentaire ne s’en préoccupent. Ainsi, les Aborigènes d’Australie sont malades lorsqu’ils s’installent dans les grandes villes, mais guérissent en retournant à une existence en accord avec la nature. Une réalité constatée aussi chez les Indiens Mi’kmaq de l’île Unama’ki dans la région de Nova Scotia au Canada. Résultat, adopter un mode de vie « occidentalisé » conduit à une évolution sanitaire identique : la maladie.
Mieux, une récente étude consacrée aux Inuits du Groenland a comparé les taux et genres de cancers entre les individus restés dans leur milieu d’origine et ceux ayant émigré au Danemark.
Mais avant de détailler ces découvertes, deux mots s’imposent sur d’autres Inuits, ceux du Canada et de l’Alaska. En 1935, après cinquante ans de tenue des registres médicaux, on constatait que la peuplade indienne avait connu un seul cas de cancer. Aujourd’hui, après un premier pic survenu dans les années 1970 puis une nouvelle augmentation apparue au milieu des années 1980, on a mis au jour un taux de cancer équivalant à celui des États-Unis et du Canada. Pas de doute : voilà ce que l’on appelle payer le prix du progrès !
Mais revenons à l’étude de Trine Boysen et Jeppe Fribord. Analysant l’état sanitaire de 77 888 Inuits sur une période vingt ans, soit entre 1973 et 2003, l’équipe de scientifiques danois a conclu que si les risques de cancers dits génétiques étaient identiques entre l’Inuit ayant rejoint la société moderne et celui demeuré au Groenland, il n’en allait pas de même pour d’autres formes de cette maladie. « Les Inuits ayant immigré au Danemark sont exposés de manière significative à un risque plus élevé de développement d’un cancer de la vessie, du sein, de la peau, de la prostate, du côlon et de l’estomac», indique le rapport.
Malgré eux, en venant s’installer dans nos sociétés modernes et en adoptant notre mode de consommation, les Inuits ont donc prouvé que la probabilité de contracter un cancer de « type occidental » n’était pas une question de naissance mais une affaire d’alimentation.
La suite me semblait logique : je devais comprendre pourquoi le recours à la toxic food se transformait en cancers.
La suite (de cette enquête passionnante) ……………demain.
Articles en rapport
Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :
» Je souhaite évoquer un aspect du cancer du sein que, j’en suis certain, beaucoup d’entre vous ignorent.
Mais, rassurez-vous, vous n’êtes pas les seuls puisque les médecins de la victime que je vais évoquer n’en avaient pas entendu parler non plus.
Il aura fallu vingt années, des dizaines de consultations inutiles et, surtout, une volonté de fer pour que, à trente-quatre ans, Dave Lyons apprenne que la grosseur découverte sur le côté droit de sa poitrine était bien un cancer du sein.
Avant d’aller plus loin, il convient d’emblée de préciser à ceux que son prénom fait hésiter, que Dave est bien un homme. Un survivant du cancer, père de deux garçons qui, aujourd’hui, vit avec sa femme Teresa du côté de Portland dans l’Oregon.
Le chemin de croix de Dave débuta à l’adolescence. À treize ans, il signale à son médecin de famille la présence d’une grosseur près de son mamelon. Le docteur le rassure alors, expliquant qu’il s’agit d’un kyste, phénomène normal lié à la puberté. Et précise que l’anomalie disparaîtra naturellement.
Ce qui n’est toujours pas le cas lorsque, en 1986, âgé de vingt-trois ans, il effectue une visite prénuptiale avant d’épouser Teresa. Quand il signale au médecin la présence depuis dix ans de la grosseur, celui-ci lui conseille de ne pas s’inquiéter.
Quatre ans plus tard, alors qu’il vient d’être père pour la première fois, Dave est victime d’un désagrément pénible. Régulièrement, sur son mamelon droit, perlent des gouttelettes de sang.
Évidemment, il retourne consulter. Mais, là encore, on lui explique que c’est un phénomène naturel lié à son kyste et qu’il convient juste de faire preuve de patience.
Un diagnostic que Dave, durant les sept années suivantes vécues au rythme de déménagements et de changements de médecins – pour des raisons d’assurance -, va entendre chaque fois qu’il signale le problème.
Et puis, comme annoncé, les pertes de sang disparaissent, Dave cesse de s’inquiéter.
Jusqu’à un jour de 1997 où, s’amusant à « la bagarre » avec ses deux garçons, l’un d’eux lui frappe accidentellement la poitrine. D’un coup, la douleur est fulgurante. Pire, dit-il qu’un coup de pied reçu dans les testicules.
Cette fois, face – encore – à un médecin rassurant, Dave ne lâche pas. Il veut une ordonnance pour consulter un spécialiste.
Après une mammographie et la décision d’ôter la tumeur mise au jour, on rassure à nouveau Dave. Le chirurgien en est convaincu : la grosseur ne sera pas cancéreuse.
Quelques jours avant Noël, la mauvaise nouvelle tombe : non seulement Dave Lyons est atteint d’un cancer du sein mais la maladie s’étend à l’ensemble des tissus de sa poitrine.
En urgence, le 29 décembre, Dave subit une mastectomie radicale modifiée.
Radicale…
Il n’existe aucune manière d’habiller la formule pour qu’elle sonne mieux.
Radicale…
Cela signifie que le chirurgien ne peut se satis¬faire d’une ablation totale du sein droit et doit retirer les ganglions lymphatiques axillaires ainsi que les tissus recouvrant les muscles pectoraux du quadragénaire.
Pire, pendant cinq ans Dave doit prendre du Tamoxifen alors qu’il souffre des effets secondaires psychologiques liés à ce médicament et a développé un lymphœdème entraînant un gonflement exagéré et douloureux de son bras droit.
Mais pour lui, l’essentiel est ailleurs. Il est vivant, peut voir grandir ses enfants et prouve au monde entier que le cancer du sein touche aussi les hommes.
Même s’il est rare, le cas de Dave Lyons ne relève pas de l’exception. Pour autant, avant de comprendre comment – et pourquoi – les cancers du sein chez les hommes se développent à leur tour, il faut revenir sur la double faillite de notre société que son histoire dévoile.
La première, poussée à l’extrême dans son cas, est celle du corps médical refusant de reconnaître les symptômes d’un cancer attribué d’ordinaire aux femmes. La Fondation John W. Nick, du nom d’une victime moins chanceuse de la maladie, se bat précisément pour attirer l’attention sur cet aspect méconnu. Et rassemble des volontaires ayant connu les mêmes déboires qui offrent de leur temps pour alerter l’opinion. Notamment sur l’importance d’un dépistage précoce.
Si, en moyenne, le taux de survie sur cinq ans est identique pour l’homme et la femme, on constate que le cancer du sein masculin est détecté dix-huit mois plus tard. Un écart énorme qui peut faire la différence entre la vie et la mort. (Les chances de survie à cinq ans d’un cancer du sein détecté précocement sont de 90%. Elles tombent à deux sur dix lorsque la maladie a commencé à s’étendre.)
La seconde faillite tient à la perception collective de ce mal méconnu. Non seulement le cancer du sein est ignoré chez l’homme, mais quand on le met au jour il s’accompagne d’un très fort sentiment de honte chez sa victime. Pensant être atteint d’un mal exclusivement féminin, l’homme malade voit bousculée sa virilité. Et le vit mal. Un sentiment d’exclusion qu’attisent, en outre, certaines femmes.
En 2000, Dave Lyons voulut participer, en famille, à une course à vocation caritative dans les rues de Portland. L’événement, qui se déroulait dans plusieurs villes des États-Unis et rassemblait 33 000 femmes ayant survécu au cancer du sein, avait pour but de montrer que l’on pouvait terrasser le mal, de collecter des fonds et d’offrir une tribune à la cause.
Seulement voilà : ces beaux principes se heurtèrent au mur des sexes. Parce que Dave est un homme, les organisatrices de la course refusèrent son inscription ! Et il lui fallut passer sur les ondes d’une radio locale afin d’évoquer cette étrange discrimination pour les voir revenir sur cette exclusion.
Durant la compétition, David dut affronter la même intransigeance et il fut même pris à parti à plusieurs reprises par des femmes courant à ses côtés. Dans une malsaine déformation de la cause féministe, elles lui reprochèrent de venir voler aux femmes une maladie qui n’appartenait pas aux hommes.
Les habitudes médicales et le regard porté par la collectivité sur les hommes atteints d’un cancer du sein doivent rapidement changer puisque, comme pour l’ensemble des cancers modernes, le nombre de cas progresse.
Certes, en valeur absolue, il demeure rare qu’un homme se voit touché par cette forme de cancer. On estime ainsi qu’elle représente 1 % de la totalité des cancers du sein aux États-Unis. Mais, comme le précise un chirurgien de Portland, les dernières années ont vu une brusque augmentation des opérations de mastectomie radicale modifiée. Entre 1973 et 1998, en données corrigées, le nombre d’Américains victimes a augmenté de 26 %. Une tendance qui s’est accélérée. Si, en 1996, les malades étaient seulement 1 300, quatre ans plus tard, on en comptait 1 600. Mais, en 2007, ils étaient 2 400 et 3 000 aujourd’hui. Autrement dit : en à peine dix ans, le nombre d’hommes malades du cancer du sein a plus que doublé.
En France aussi, la maladie est présente. On estime – les travaux de recherches sont, hélas !, rares – que, chaque année, 250 Français apprennent qu’ils sont touchés par ce cancer. Comme il n’y a aucune raison de penser que la France suit un développement à part, il y a fort à parier qu’on va assister à un accroissement de ce nombre.
Pire. Grâce au site courageux tenu par un ancien malade ou au forum mis en place par France 2 à l’occasion de l’émission Le Cancer sort de l’ombre\ on constate que les victimes rencontrent les mêmes difficultés que celles de leurs homologues américains, les mêmes ostracismes, discriminations et incrédulités médicales. Le mal est donc bien présent.
Il reste à comprendre pourquoi de plus en plus d’hommes sont victimes d’un cancer jusque-là estimé réservé aux femmes.
Je viens de l’écrire, les recherches sur le sujet sont extrêmement rares. Pour autant, quelques données sont analysables. On estime par exemple que 15 à 20 % des cas sont liés à l’hérédité génétique, la mère ou la sœur d’un malade du cancer du sein ayant elle-même développé des métastases. Soit deux malades sur dix. Et les autres alors ?
La réponse apportée est une nouvelle fois la même : les fameux facteurs environnementaux.
Dès lors, pourquoi ne pas appliquer à ce cancer masculin les explications que j’ai avancées pour comprendre la progression de la maladie chez les femmes ?
Dans tous les cas, c’est la piste étudiée par les médecins et chercheurs du MD Anderson Cancer Center de l’université du Texas à Houston. En août 2007, constatant un accroissement du nombre de patients mâles atteints, le centre a conclu que l’« exposition, en perpétuelle augmentation, à la nourriture semblait jouer un rôle ».
La toxic food frappe donc où on ne l’attend pas. Et ce ne sont ni Dave Lyons ni ces hommes victimes d’une « maladie de femme » qui chercheraient à me contredire. »
Articles en rapport
Extrait de Toxic Food, le livre de William REYMOND :
» Le dernier élément du trio des cancers modernes est celui qui bénéficie de la médiatisation la plus importante : il s’agit évidemment du cancer du sein.
Dont, là encore, la progression est phénoménale. Aux États-Unis, alors qu’une femme sur vingt était atteinte en 1960, la proportion est passée aujourd’hui à une sur trois ! Une tendance qui frappe l’Europe occidentale et l’ensemble des pays riches. En France, sa croissance annuelle depuis 1980 s’élève à 2,4 %. Un pourcentage qui s’accélère malgré « une légère pause depuis deux ans due à un moindre recours aux hormones de la ménopause », révision du protocole médical décidée après découverte que les traitements à base d’hormones de substitution pouvaient entraîner des effets secondaires, dont le cancer du sein. Malgré cette stagnation, chaque année presque cinquante mille femmes découvrent néanmoins qu’elles sont touchées par ce mal.
Il convient de s’interroger sur la portée de ces chiffres. Et de se demander si les campagnes sanitaires sont efficaces. Loin de moi l’idée de condamner la recherche, les traitements et les campagnes de dépistage précoce, mais force est d’admettre qu’aucune des politiques engagées n’est parvenue à stopper l’extension de la maladie dans l’Hexagone, au Québec, aux États-Unis comme dans l’ensemble des pays développés. Cela ne signifie-t-il pas, à nouveau, qu’il est nécessaire de mettre l’accent sur la prévention ? Car même si les cancers sont des maladies complexes dépendant de multiples facteurs, il est scientifiquement établi que la plupart tiennent à notre mode de vie. Donc qu’ils sont évitables. Voici, selon moi, l’un des défis majeurs du siècle, un défi que les pouvoirs publics ne peuvent se permettre d’ignorer. Comme je l’ai souvent entendu de la bouche de chercheurs et de malades découvrant d’où venaient les cancers, la solution réside dans la prévention !
Je viens de l’écrire : le cancer du sein est une maladie complexe. Aussi, pendant de nombreuses années, le monde scientifique a rencontré des difficultés pour en expliquer les raisons. Durant des décennies – les questions de vos médecins sont encore teintées de cette croyance-là -, on a pensé qu’il relevait d’une sorte de fatalité génétique transmise de mère en fille, génération après génération. En réalité, on s’est aperçu que la transmission génétique comptait pour très peu. Ainsi en 1993, les professeurs Graham A. Colditz et Walter Willet – celui des acides gras-trans et des vitamines – ont établi que seulement 2,3 % d’entre eux pouvaient être attribués à des antécédents familiaux !
Même si, depuis, d’autres études ont affiné ce chiffre en le relevant légèrement, la vérité est là : l’héritage génétique n’est pas – et de loin – la cause principale de ce fléau.
Alors, quelle est-elle ?
L’un des éléments de réponse, souligné par David Servan-Schreiber, tient à la nature même du sein. Le chercheur en neurosciences écrit ainsi : « C’est dans la graisse que s’accumulent de nombreux cancérigènes, y compris ceux émis par la fumée de cigarette – comme le hautement toxique benzo-[a] – pyrène, un des cancérigènes les plus agressifs que l’on connaisse. Parmi les cancers qui ont le plus augmenté en Occident depuis cinquante ans, on retrouve surtout les cancers des tissus qui contiennent ou qui sont entourés de graisse : le sein, les ovaires, la prostate, le côlon, le système lymphatique… »
La graisse agit donc comme une sorte d’aimant à substances cancérigènes, les attirant dans l’organisme, les y emprisonnant avant qu’elles n’entreprennent leur travail morbide et commencent à le détruire. Voilà qui s’avère effrayant si l’on songe à la double malédiction qu’endurent les victimes de la pandémie d’obésité. Non seulement elles souffrent mentalement et physiquement de leurs kilos en trop mais, en plus, accumulant du poids, elles offrent, en quelque sorte, aux cancérigènes le… gîte et le couvert.
Si la piste évoquée par David Servan-Screiber explique pourquoi certains cancers se développent et pas d’autres, elle ne remonte malheureusement pas aux racines mêmes du mal.
À cette énigme, la communauté scientifique répond fréquemment par un terme fourre-tout : « les facteurs environnementaux ».
Qui signifie, notamment, que la pollution ou des produits utilisés au quotidien par l’industrie chimique sont à l’origine de la maladie. Reste que, comme le rappelle sans cesse le professeur Campbell, après quarante années de recherches la première source de pollution des organismes est bel et bien l’alimentation moderne. Le scientifique fait notamment référence à la présence de pesticides dans les fruits, légumes et l’eau que nous buvons. Des engrais chimiques aux herbicides, les pesticides contiennent en effet des ingrédients reconnus comme cancérigènes.
La pollution, qu’elle soit environnementale ou contenue dans les aliments, constitue donc l’un des facteurs d’explication envisagés. Mais, une fois encore, voilà qui est bien insuffisant pour expliquer la brusque prolifération des cancers du sein.
Le premier élément d’appréciation réside dans la répartition géographique du mal. Or on constate que ce sont les pays dits riches qui sont en priorité atteints par cette maladie. Des nations où l’essentiel de la nourriture est constitué de toxic food.
Accuser la nourriture industrielle d’être coupable d’une partie des cas répertoriés est confirmé à travers une vaste étude entreprise en 2004 au Japon. En comparant des données remontant à 1959, les scientifiques japonais ont pu constater la récente augmentation des cancers du sein mais aussi, et c’est le plus important, déterminer quand, précisément, cette tendance a débuté.
La réponse est – tristement – sans surprise. Comme s’il existait un mimétisme parfait avec la pandémie d’obésité, ils ont vu que le nombre de cancers du sein avait explosé au Japon à partir du milieu des années 1980, âge d’or de la colonisation de nos assiettes par la nouvelle malbouffe !
Une autre étude, plus importante encore, est à même d’emporter la conviction des plus sceptiques et de ceux qui ne sentent pas concernés. Une étude effectuée en France.
En avril 2008, L’American Journal of Epidemiology publie les conclusions du suivi médical et scientifique réalisé pendant treize ans sur 19 934 femmes françaises. Ce travail, entrepris par des chercheurs de l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), est une première. En effet, désireux de comprendre les raisons présidant à l’explosion du nombre de cancers du sein, les scientifiques ont mesuré le rôle joué par différents ingrédients alimentaires.
Leurs conclusions dénoncent la toxic food. Et plus particulièrement l’un de ses ingrédients phares : l’acide gras-trans !
En 2007, plusieurs pages de Toxic étaient consacrées aux dangers de l’huile partiellement hydrogénée. En partant de l’exemple américain, où elle est mise souvent à l’insu du consommateur dans plus de 40 % des produits constituant la nouvelle malbouffe, j’avais démontré que l’Europe en général et la France en particulier subissaient à leur tour l’invasion. N’en voyait-on pas la trace dans les plats préparés, les biscuits, les barres chocolatées, les céréales, les pâtes à pizza, les viennoiseries, les soupes déshydratées… ? Une extension d’autant plus déplorable que, depuis 1994, le rôle mortel des acides gras-trans a été établi de manière formelle en Amérique du Nord où ils tuent chaque année près de 100 000 personnes.
Cependant, la nouveauté de l’étude française ne réside pas dans le fait de se pencher sur le rôle de l’huile partiellement hydrogénée dans les accidents cardio-vasculaires, mais d’y voir un facteur de risque du cancer du sein. Or les résultats obtenus sont implacables. Primo, la probabilité de contracter un cancer du sein augmente en cas de consommation d’huile partiellement hydrogénée. Et ce, secundo, dans des proportions considérables. Ainsi, les femmes adeptes de la nourriture industrielle, principale source d’acides gras-trans, courent-elles deux fois plus de risques d’être atteintes de ce mal.
Une découverte qui incite l’équipe française à conclure : « Nous ne pouvons que recommander une diminution de la consommation des produits contenant des acides gras-trans d’origine industrielle. Les acides trans devraient être clairement indiqués sur l’étiquetage des produits qui en contiennent. »
Si, une fois encore, je peux comprendre la prudence de langage affichée par le corps scientifique – surtout, comme c’est le cas ici, dans la mesure où il est rattaché à un établissement public de recherche -, je ne suis pour ma part tenu à aucun devoir de réserve.
Or que constate-t-on : qu’un produit dont la toxicité est établie de manière officielle depuis maintenant quinze ans continue d’être commercialisé.
Qu’on s’en souvienne, cette année-là, suivant les conclusions du professeur Willett, la très prestigieuse National Academy of Sciences devait recommander aux Américains de ne pas consommer d’huile partiellement hydrogénée. Mieux, dorénavant, nous savons qu’en plus d’une responsabilité majeure dans les accidents cardio-vasculaires ce produit augmente considérablement les risques de cancer du sein. Un rôle qui ne paraît pas se cantonner à cette seule forme de maladie puisque, depuis la parution du rapport français, d’autres scientifiques étudient les effets des acides gras-trans dans des cancers différents, certaines conclusions préliminaires tendant à prouver que le produit phare de la nourriture industrielle fait vraiment office de multiplicateur de risques.
Et bien, malgré ces accusations, malgré sa responsabilité attestée dans la pandémie d’obésité, les maladies cardio-vasculaires et maintenant les cancers, rien ou presque n’a été entrepris pour limiter sérieusement le recours aux huiles partiellement hydrogénées.
Que dire de l’étiquetage alors ?
La suggestion de l’équipe de chercheurs français va dans le sens des conclusions d’un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) dont je fustigeais déjà la mollesse dans les pages de Toxic. Car l’étiquetage, solution appréciée par l’industrie agroalimentaire puisque moins contraignante, n’a quasi aucun effet sur les consommateurs !
Il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau en vérité, tant les géants de la nouvelle malbouffe ont trouvé le moyen de contourner ce mince obstacle. D’abord, ils peuvent se cacher derrière les « erreurs de calcul » et les « marges d’erreurs », officiellement tolérées et qui permettent à un produit d’afficher qu’il ne contient pas d’acides gras-trans dès lors… qu’il en contient moins de 3 %. Et puis, il y a le fameux astérisque qui signifie qu’un aliment en contient peu – ou pas – par portion. Or, comme chaque fabricant est libre de déterminer la taille de ses portions, il arrive qu’un repas préparé pour une personne soit présenté comme l’équivalent d’un tiers de portion réelle. Le consommateur, rassuré par l’étiquette, avalera donc le contenu de son assiette sans inquiétude alors qu’elle recèle trois fois 3 % d’huile partiellement hydrogénée.
Résultat ? Aux États-Unis, ce système a été mis en place depuis plus de quatre ans mais la Federal Drug & Administration (FDA) estime que la mention indiquée sur un produit sauve seulement « entre 250 et 500 vies par an ». Une goutte d’eau lorsqu’on sait que le nombre global de victimes de l’huile partiellement hydrogénée s’élève – hors cancer ! – à 100 000 personnes chaque année.
Le Canada a été le premier pays au monde à adopter l’étiquetage obligatoire des gras-trans.
Reste la solution généralement préconisée par les pouvoirs publics : « Encourager les industriels à diminuer les teneurs en acides gras dans leurs produits. »
Au lieu de poursuivre dans cette voie, l’Europe et la France – où, selon les chiffres de l’AFSSA, les adolescents consomment autant d’acides gras- trans que le teenager américain – feraient bien de prendre note du récent échec d’une telle méthode au Canada.
En juin 2007, Tony Clement, ministre de la Santé du Canada, lançait un plan fédéral contre les gras-trans d’origine industrielle présents dans la chaîne alimentaire du pays. Et, à ce titre, invitait l’industrie agroalimentaire à bannir l’huile partiellement hydrogénée d’ici 2009.
Cet appel au volontariat fut une surprise puisque le rapport de recherches sur lequel le ministre fondait son plan « l’avait rejeté catégoriquement […] » citant l’exemple du Danemark où les gras- trans n’avaient, en pratique, été éliminés de l’alimentation qu’à partir du moment où une réglementation contraignante avait été adoptée, après des « années de vœux pieux ».
Mais voilà, le ministre canadien avait été sensible aux sirènes de différents lobbies, dont les pressions du gouvernement des États-Unis parce que son industrie alimentaire risquait de connaître des problèmes si le « remplacement des gras- trans était rendu obligatoire ».
Deux ans plus tard, il est temps de dresser un bilan.
Celui de Georges Honos est on ne peut plus clair. Le cardiologue et porte-parole de la Fondation des maladies du cœur réclame « devant le peu de progrès réalisé […] l’adoption d’une réglementation par le gouvernement fédéral ». Et, selon la presse, il demande que la présence de « gras-trans soit clairement identifiée sur les emballages et que le niveau acceptable pour chaque aliment soit déterminé. Il désire également que des pénalités soient prévues pour punir les compagnies qui contreviendraient à la réglementation. »
« Devant le peu de progrès réalisé… », l’expression a le mérite de la franchise.
De Montréal à New York en passant par Copenhague, le refrain est donc toujours le même. S’ils ne sont pas contraints, par un cadre de loi restrictif, à changer, les géants de la toxic food continuent à nous empoisonner.
Dès lors, l’huile partiellement hydrogénée, que nous consommons tous les jours sans même nous en rendre compte et dont le rôle comme facteur de risques de l’obésité, des maladies cardio-vasculaires et du cancer du sein est prouvé, ne doit pas attendre de notre part la moindre mansuétude. Il faut l’interdire. »
La suite ……….. demain.
Dr BUENOS : Je suis d’accord pour demander l’interdiction d’utiliser des huiles partiellement hydrogénées au moins pour certaines catégories d’aliments. Cette interdiction peut elle voir le jour, si les consom-acteurs que nous sommes ne se mobilisent pas ? C’est peu probable compte-tenu des intérêts qui sont en jeu.
Articles en rapport
Extrait du livre de William Reymond, TOXIC FOOD :
» Le deuxième membre de ce fatal trio me touche personnellement. En quelques mois, fidèle à sa réputation de « cancer tueur », je l’ai en effet vu terrasser et emporter mon grand-père paternel.
Le cancer colorectal – que l’on désigne souvent sous le terme de cancer du côlon, même s’il peut toucher le rectum – est une des formes les plus fatales de la maladie. Et, désormais, l’une des plus fréquentes. Ainsi, aux États-Unis, il est le deuxième type de cancer rencontré. Concrètement, il touche 6% de la population, taux en augmentation depuis trois décennies.
Oui, vous avez bien lu : un peu plus de 18 millions d’Américains sont atteints d’une forme de cancer colorectal. 18 millions ! Une statistique atroce, coût humain à payer faramineux parce que ce pays a voulu remporter le titre de champion du monde de la toxic food.
Si ce taux est extrême de ce côté de l’Atlantique, on constate une tendance similaire dans l’ensemble des pays occidentaux.
Citant différentes études, le professeur Campbell écrit d’ailleurs que « l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Australie et les pays d’Asie les plus fortunés (Japon, Singapour) affichent un très haut pourcentage de cancers colorectaux, alors que l’Afrique, l’Asie, la plus grande partie de l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud ne connaissent qu’un faible taux de cette forme de cancer. »
Voulant illustrer cette fracture, le chercheur compare le taux de mortalité de ce cancer en République tchèque, où il « se situe à 34,19 pour 100 000 hommes » à celui du Bangladesh : « 0,63 pour 100 000 hommes».
Un contraste saisissant qui, une nouvelle fois, comme avec les cancers de la prostate, met en évidence la frontière invisible entre deux mondes. Dont l’un, le nôtre, développe de nouveaux cancers à mesure qu’il se nourrit presque exclusivement d’alimentation industrielle.
Le plus révoltant, c’est que cette vérité n’est pas récente.
Ainsi, en avril 1975, Bruce Armstrong et Richard Doll publiaient les conclusions dune longue étude menée dans trente-deux pays. Les conclusions des deux chercheurs relatives au cancer du côlon étaient implacables : « Le régime alimentaire [est] fortement lié à son apparition », disent-ils. Et de conclure que les pays avec une présence importante de ce cancer étaient à l’alimentation trop riche en viande rouge, en gras et en sucres… Les piliers de la nouvelle malbouffe.
Je viens de l’écrire : les découvertes d’Armstrong et Doll ont plus de trente ans ! Mais, les ignorant, nous avons continué à suivre un mode alimentaire périlleux et, comme si cela ne suffisait pas, avons même augmenté la quantité de toxic food engouffrée.
Peut-être, cette étude oubliée est-elle trop ancienne pour convaincre ? Peut-être faut-il en mettre une en avant plus récente ?
Celle publiée en 2005 par The American Cancer Society (ACS) est effectivement plus contemporaine. Elle a également, aux yeux des scientifiques, deux atouts d’envergure : son ampleur et sa durée.
Entre 1982 et 2003, 149 000 Américains ont, à étapes régulières, rencontré les chercheurs de l’ACS pour établir un bilan de leur régime alimentaire et de leur santé. Michael Thum, l’un des coauteurs du rapport final, raconte : « Notre étude nous a permis de différencier les risques associés à la consommation de viande des autres facteurs affectant les risques de cancer colorectal, et plus spécialement, l’obésité et l’inactivité physique […]. En conclusion, il existe maintenant des preuves substantielles qu’une consommation de viande importante et à long terme augmente les risques de cancer du côlon. »
Comme si ce propos ne suffisait pas, dans le corps du rapport se trouvent des informations très importantes. D’abord – et cela en rassurera certains -, il existe une réelle différence en matière de risque entre les consommateurs de viande rouge et ceux qui préfèrent les volailles et poissons. Les risques sont plus élevés à mesure que la taille de l’animal augmente. Ou, dit autrement, suivant les préceptes du rapport de l’ACS, il est préférable de trouver ses protéines dans « des haricots, du poisson ou du poulet » que dans un steak de bœuf. Non seulement le facteur de risque est quasi nul mais il semblerait que la consommation de viande blanche et de poisson ait un effet positif atténuant certains facteurs déclenchant un cancer colorectal.
L’équipe de scientifiques de l’ACS propose d’ailleurs une sorte de palmarès des dangers où, produit par produit, pour les hommes et les femmes, est détaillé à partir de quelles quantités quotidiennes on met en péril son organisme.
Ainsi, un homme courra plus de risques s’il consomme presque chaque jour « approximativement la quantité de viande contenue dans un grand hamburger ». Une échelle à réduire presque de moitié chez une femme.
Ne se contentant pas d’étudier les effets de la viande rouge, l’ACS s’est penché sur les risques de cancer colorectal associés à la consommation de charcuterie. Et pas n’importe laquelle : celle préparée de manière industrielle.
Comme on pouvait s’y attendre, les résultats sont effrayants. Ainsi, on découvre les taux de risques les plus élevés chez les hommes consommant deux à trois tranches de salami par jour, cinq à six fois par semaine. À nouveau, la quantité consommée par les femmes est plus faible.
Pire, le rapport évalue que la consommation quotidienne de 50 grammes de charcuterie augmente le risque de cancer colorectal de 21 %. A titre d’information, c’est à peu près le poids d’une tranche de jambon vendue sous cellophane dans n’importe quel supermarché.
Effaré par ce résultat, Thun écrit : « Le but de cette étude n’était pas de découvrir ce qui, dans la viande rouge, peut influencer les risques de cancer. Mais pour les charcuteries, le sel, les résidus de fumée, le gras et les nitrites peuvent jouer un rôle. »
Peuvent…
Dans Toxic, j’ai évoqué les stratégies adoptées par l’industrie agroalimentaire pour ébranler les découvertes du même ordre faites en 2006 par Sydney Mirvish, chercheur de l’université du Nebraska. Aux yeux des représentants de la nouvelle malbouffe, ce scientifique avait eu le tort de prouver, sans l’ombre d’un doute, les dégâts suscités dans l’organisme par les nitrites. Ces substances présentes dans la charcuterie industrielle parce qu’elles garantissent la couleur et la bonne et longue conservation, mais qui entraînent une mutation de l’ADN et multiplient les risques de cancers colorectaux.
En bon scientifique tentant de rester dans le périmètre de ses travaux, Michael Thun a préféré user de prudence, mieux, utiliser le conditionnel. Mais, aujourd’hui, le temps n’est plus à la mesure ni à la probabilité.
De Armstrong et Doll à Thun en passant par Mirvish, l’ensemble de ces travaux, souvent ignorés du grand public, prouve encore et encore la même vérité : nous sommes ce que nous mangeons et payons le prix sanitaire de notre accoutumance à la toxic food. »
La suite …………..demain.
Dr BUENOS : Dans le réseau ROSA, nous sommes très agressifs dans le dépistage du cancer colo-rectal chez les patients obèses.
Commentaires récents