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obésité et comorbidités

Extrait de Toxic Food, le livre de William REYMOND :

 » Le dernier élément du trio des cancers modernes est celui qui bénéficie de la médiatisation la plus importante : il s’agit évidemment du cancer du sein.

Dont, là encore, la progression est phénoménale. Aux États-Unis, alors qu’une femme sur vingt était atteinte en 1960, la proportion est passée aujourd’hui à une sur trois ! Une tendance qui frappe l’Europe occidentale et l’ensemble des pays riches. En France, sa croissance annuelle depuis 1980 s’élève à 2,4 %. Un pourcentage qui s’accélère malgré « une légère pause depuis deux ans due à un moindre recours aux hormones de la ménopause », révision du protocole médical décidée après découverte que les traitements à base d’hormones de substitution pouvaient entraîner des effets secondaires, dont le cancer du sein. Malgré cette stagnation, chaque année presque cinquante mille femmes découvrent néanmoins qu’elles sont touchées par ce mal.

Il convient de s’interroger sur la portée de ces chiffres. Et de se demander si les campagnes sanitaires sont efficaces. Loin de moi l’idée de condamner la recherche, les traitements et les campagnes de dépistage précoce, mais force est d’admettre qu’aucune des politiques engagées n’est parvenue à stopper l’extension de la maladie dans l’Hexagone, au Québec, aux États-Unis comme dans l’ensemble des pays développés. Cela ne signifie-t-il pas, à nouveau, qu’il est nécessaire de mettre l’accent sur la prévention ? Car même si les cancers sont des maladies complexes dépendant de multiples facteurs, il est scientifiquement établi que la plupart tiennent à notre mode de vie. Donc qu’ils sont évitables. Voici, selon moi, l’un des défis majeurs du siècle, un défi que les pouvoirs publics ne peuvent se permettre d’ignorer. Comme je l’ai souvent entendu de la bouche de chercheurs et de malades découvrant d’où venaient les cancers, la solution réside dans la prévention !

Je viens de l’écrire : le cancer du sein est une maladie complexe. Aussi, pendant de nombreuses années, le monde scientifique a rencontré des difficultés pour en expliquer les raisons. Durant des décennies – les questions de vos médecins sont encore teintées de cette croyance-là -, on a pensé qu’il relevait d’une sorte de fatalité génétique transmise de mère en fille, génération après génération. En réalité, on s’est aperçu que la transmission génétique comptait pour très peu. Ainsi en 1993, les professeurs Graham A. Colditz et Walter Willet – celui des acides gras-trans et des vitamines – ont établi que seulement 2,3 % d’entre eux pouvaient être attribués à des antécédents familiaux !

Même si, depuis, d’autres études ont affiné ce chiffre en le relevant légèrement, la vérité est là : l’héritage génétique n’est pas – et de loin – la cause principale de ce fléau.

Alors, quelle est-elle ?

L’un des éléments de réponse, souligné par David Servan-Schreiber, tient à la nature même du sein. Le chercheur en neurosciences écrit ainsi : « C’est dans la graisse que s’accumulent de nombreux cancérigènes, y compris ceux émis par la fumée de cigarette – comme le hautement toxique benzo-[a] – pyrène, un des cancérigènes les plus agressifs que l’on connaisse. Parmi les cancers qui ont le plus augmenté en Occident depuis cinquante ans, on retrouve surtout les cancers des tissus qui contiennent ou qui sont entourés de graisse : le sein, les ovaires, la prostate, le côlon, le système lymphatique… »

La graisse agit donc comme une sorte d’aimant à substances cancérigènes, les attirant dans l’organisme, les y emprisonnant avant qu’elles n’entreprennent leur travail morbide et commencent à le détruire. Voilà qui s’avère effrayant si l’on songe à la double malédiction qu’endurent les victimes de la pandémie d’obésité. Non seulement elles souffrent mentalement et physiquement de leurs kilos en trop mais, en plus, accumulant du poids, elles offrent, en quelque sorte, aux cancérigènes le… gîte et le couvert.

Si la piste évoquée par David Servan-Screiber explique pourquoi certains cancers se développent et pas d’autres, elle ne remonte malheureusement pas aux racines mêmes du mal.

À cette énigme, la communauté scientifique répond fréquemment par un terme fourre-tout : « les facteurs environnementaux ».

Qui signifie, notamment, que la pollution ou des produits utilisés au quotidien par l’industrie chimique sont à l’origine de la maladie. Reste que, comme le rappelle sans cesse le professeur Campbell, après quarante années de recherches la première source de pollution des organismes est bel et bien l’alimentation moderne. Le scientifique fait notamment référence à la présence de pesticides dans les fruits, légumes et l’eau que nous buvons. Des engrais chimiques aux herbicides, les pesticides contiennent en effet des ingrédients reconnus comme cancérigènes.

La pollution, qu’elle soit environnementale ou contenue dans les aliments, constitue donc l’un des facteurs d’explication envisagés. Mais, une fois encore, voilà qui est bien insuffisant pour expliquer la brusque prolifération des cancers du sein.

Le premier élément d’appréciation réside dans la répartition géographique du mal. Or on constate que ce sont les pays dits riches qui sont en priorité atteints par cette maladie. Des nations où l’essentiel de la nourriture est constitué de toxic food.

Accuser la nourriture industrielle d’être coupable d’une partie des cas répertoriés est confirmé à travers une vaste étude entreprise en 2004 au Japon. En comparant des données remontant à 1959, les scientifiques japonais ont pu constater la récente augmentation des cancers du sein mais aussi, et c’est le plus important, déterminer quand, précisément, cette tendance a débuté.

La réponse est – tristement – sans surprise. Comme s’il existait un mimétisme parfait avec la pandémie d’obésité, ils ont vu que le nombre de cancers du sein avait explosé au Japon à partir du milieu des années 1980, âge d’or de la colonisation de nos assiettes par la nouvelle malbouffe !

Une autre étude, plus importante encore, est à même d’emporter la conviction des plus sceptiques et de ceux qui ne sentent pas concernés. Une étude effectuée en France.

En avril 2008, L’American Journal of Epidemiology publie les conclusions du suivi médical et scientifique réalisé pendant treize ans sur 19 934 femmes françaises. Ce travail, entrepris par des chercheurs de l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), est une première. En effet, désireux de comprendre les raisons présidant à l’explosion du nombre de cancers du sein, les scientifiques ont mesuré le rôle joué par différents ingrédients alimentaires.

Leurs conclusions dénoncent la toxic food. Et plus particulièrement l’un de ses ingrédients phares : l’acide gras-trans !

En 2007, plusieurs pages de Toxic étaient consacrées aux dangers de l’huile partiellement hydrogénée. En partant de l’exemple américain, où elle est mise souvent à l’insu du consommateur dans plus de 40 % des produits constituant la nouvelle malbouffe, j’avais démontré que l’Europe en général et la France en particulier subissaient à leur tour l’invasion. N’en voyait-on pas la trace dans les plats préparés, les biscuits, les barres chocolatées, les céréales, les pâtes à pizza, les viennoiseries, les soupes déshydratées… ? Une extension d’autant plus déplorable que, depuis 1994, le rôle mortel des acides gras-trans a été établi de manière formelle en Amérique du Nord où ils tuent chaque année près de 100 000 personnes.

Cependant, la nouveauté de l’étude française ne réside pas dans le fait de se pencher sur le rôle de l’huile partiellement hydrogénée dans les accidents cardio-vasculaires, mais d’y voir un facteur de risque du cancer du sein. Or les résultats obtenus sont implacables. Primo, la probabilité de contracter un cancer du sein augmente en cas de consommation d’huile partiellement hydrogénée. Et ce, secundo, dans des proportions considérables. Ainsi, les femmes adeptes de la nourriture industrielle, principale source d’acides gras-trans, courent-elles deux fois plus de risques d’être atteintes de ce mal.

Une découverte qui incite l’équipe française à conclure : « Nous ne pouvons que recommander une diminution de la consommation des produits contenant des acides gras-trans d’origine industrielle. Les acides trans devraient être clairement indiqués sur l’étiquetage des produits qui en contiennent. »

Si, une fois encore, je peux comprendre la prudence de langage affichée par le corps scientifique – surtout, comme c’est le cas ici, dans la mesure où il est rattaché à un établissement public de recherche -, je ne suis pour ma part tenu à aucun devoir de réserve.

Or que constate-t-on : qu’un produit dont la toxicité est établie de manière officielle depuis maintenant quinze ans continue d’être commercialisé.

Qu’on s’en souvienne, cette année-là, suivant les conclusions du professeur Willett, la très prestigieuse National Academy of Sciences devait recommander aux Américains de ne pas consommer d’huile partiellement hydrogénée. Mieux, dorénavant, nous savons qu’en plus d’une responsabilité majeure dans les accidents cardio-vasculaires ce produit augmente considérablement les risques de cancer du sein. Un rôle qui ne paraît pas se cantonner à cette seule forme de maladie puisque, depuis la parution du rapport français, d’autres scientifiques étudient les effets des acides gras-trans dans des cancers différents, certaines conclusions préliminaires tendant à prouver que le produit phare de la nourriture industrielle fait vraiment office de multiplicateur de risques.

Et bien, malgré ces accusations, malgré sa responsabilité attestée dans la pandémie d’obésité, les maladies cardio-vasculaires et maintenant les cancers, rien ou presque n’a été entrepris pour limiter sérieusement le recours aux huiles partiellement hydrogénées.

Que dire de l’étiquetage alors ?

La suggestion de l’équipe de chercheurs français va dans le sens des conclusions d’un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) dont je fustigeais déjà la mollesse dans les pages de Toxic. Car l’étiquetage, solution appréciée par l’industrie agroalimentaire puisque moins contraignante, n’a quasi aucun effet sur les consommateurs !

Il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau en vérité, tant les géants de la nouvelle malbouffe ont trouvé le moyen de contourner ce mince obstacle. D’abord, ils peuvent se cacher derrière les « erreurs de calcul » et les « marges d’erreurs », officiellement tolérées et qui permettent à un produit d’afficher qu’il ne contient pas d’acides gras-trans dès lors… qu’il en contient moins de 3 %. Et puis, il y a le fameux astérisque qui signifie qu’un aliment en contient peu – ou pas – par portion. Or, comme chaque fabricant est libre de déterminer la taille de ses portions, il arrive qu’un repas préparé pour une personne soit présenté comme l’équivalent d’un tiers de portion réelle. Le consommateur, rassuré par l’étiquette, avalera donc le contenu de son assiette sans inquiétude alors qu’elle recèle trois fois 3 % d’huile partiellement hydrogénée.

Résultat ? Aux États-Unis, ce système a été mis en place depuis plus de quatre ans mais la Federal Drug & Administration (FDA) estime que la mention indiquée sur un produit sauve seulement « entre 250 et 500 vies par an ». Une goutte d’eau lorsqu’on sait que le nombre global de victimes de l’huile partiellement hydrogénée s’élève – hors cancer ! – à 100 000 personnes chaque année.

Le Canada a été le premier pays au monde à adopter l’étiquetage obligatoire des gras-trans.

Reste la solution généralement préconisée par les pouvoirs publics : « Encourager les industriels à diminuer les teneurs en acides gras dans leurs produits. »

Au lieu de poursuivre dans cette voie, l’Europe et la France – où, selon les chiffres de l’AFSSA, les adolescents consomment autant d’acides gras- trans que le teenager américain – feraient bien de prendre note du récent échec d’une telle méthode au Canada.

En juin 2007, Tony Clement, ministre de la Santé du Canada, lançait un plan fédéral contre les gras-trans d’origine industrielle présents dans la chaîne alimentaire du pays. Et, à ce titre, invitait l’industrie agroalimentaire à bannir l’huile partiellement hydrogénée d’ici 2009.

Cet appel au volontariat fut une surprise puisque le rapport de recherches sur lequel le ministre fondait son plan « l’avait rejeté catégoriquement […] » citant l’exemple du Danemark où les gras- trans n’avaient, en pratique, été éliminés de l’alimentation qu’à partir du moment où une réglementation contraignante avait été adoptée, après des « années de vœux pieux ».

Mais voilà, le ministre canadien avait été sensible aux sirènes de différents lobbies, dont les pressions du gouvernement des États-Unis parce que son industrie alimentaire risquait de connaître des problèmes si le « remplacement des gras- trans était rendu obligatoire ».

Deux ans plus tard, il est temps de dresser un bilan.

Celui de Georges Honos est on ne peut plus clair. Le cardiologue et porte-parole de la Fondation des maladies du cœur réclame « devant le peu de progrès réalisé […] l’adoption d’une réglementation par le gouvernement fédéral ». Et, selon la presse, il demande que la présence de « gras-trans soit clairement identifiée sur les emballages et que le niveau acceptable pour chaque aliment soit déterminé. Il désire également que des pénalités soient prévues pour punir les compagnies qui contreviendraient à la réglementation. »

« Devant le peu de progrès réalisé… », l’expression a le mérite de la franchise.

De Montréal à New York en passant par Copenhague, le refrain est donc toujours le même. S’ils ne sont pas contraints, par un cadre de loi restrictif, à changer, les géants de la toxic food continuent à nous empoisonner.

Dès lors, l’huile partiellement hydrogénée, que nous consommons tous les jours sans même nous en rendre compte et dont le rôle comme facteur de risques de l’obésité, des maladies cardio-vasculaires et du cancer du sein est prouvé, ne doit pas attendre de notre part la moindre mansuétude. Il faut l’interdire. »

La suite ……….. demain.

Dr BUENOS :  Je suis d’accord pour demander l’interdiction d’utiliser des huiles partiellement hydrogénées au moins pour certaines catégories d’aliments. Cette interdiction peut elle voir le jour, si les consom-acteurs que nous sommes ne se mobilisent pas ? C’est peu probable compte-tenu des intérêts qui sont en jeu.

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Je l’ai dit et je le répète : cette pandémie n’est seulement – et malheureusement – que la partie visible des dégâts engendrés par l’intrusion de la toxic food dans notre alimentation. Puisque kilos en trop ou pas, elle n’épargne personne, nous sommes, potentiellement, tous ses victimes. Une réalité que de multiples exemples tragiques attestent.

Après la parution de Toxic, j’ai donné, principalement au Québec, des conférences consacrées aux dérives de notre mode alimentaire. Et quand venait le temps de discuter avec le public, j’ai toujours été surpris de voir combien une idée fausse résistait bien aux faits. Avec constance, la majorité de mes interlocuteurs croyaient ainsi que le cancer relevait de la fatalité génétique !

Il ne faut pas chercher loin pour trouver les racines de cette erreur. Primo, les progrès médicaux autour de la recherche génétique ont, ces dernières années, polarisé l’attention des médias. Secundo – et sans doute inconsciemment -, cette croyance renvoie aux consultations chez le médecin qui, lorsqu’il n’y a pas de consommation d’alcool ou de cigarettes, évoque systématiquement la présence ou non du cancer dans les familles. Enfin – et c’est je crois le facteur le plus important – cette certitude populaire illustre l’échec des pouvoirs publics quand il s’agit de communiquer correctement sur les causes de cette terrible plaie. Depuis que nos sociétés sont entrées en guerre contre le cancer, les campagnes gouvernementales à travers le monde se sont globalement articulées autour de deux pôles : la recherche et la détection. Donc très peu, pour ne pas dire pas du tout, sur la prévention.

Le cancer du sein est symptomatique de cette carence informative. On parle ainsi du traitement, mais surtout des mammographies, actes médicaux en soi, tout en négligeant des conseils de vie qui permettraient d’éviter la maladie elle- même. Des recommandations qui, nous le verrons, imposent de dire non à la toxic food.

Mais revenons à l’erreur collective sur le cancer.

Disons-le tout net : dans une grande majorité des cas, le cancer ne relève pas de la fatalité génétique. Depuis plus de trente ans la communauté scientifique estime même qu’au maximum 15% des cas des cancers y sont liés. Mieux, en 1981, dans un rapport destiné au Congrès et aujourd’hui encore considéré comme essentiel, Richard Doll et Richard Petto estimaient que ce taux devrait certainement être revu à la baisse, que nos gènes s’avéraient selon eux responsables du mal dans à peine 2 à 3 % des cas.

Je tiens à insister sur cette information parce que, derrière le côté abstrait de ces chiffres, se cache une vérité, à la fois source d’espoir et de révolte : plus de huit cancers sur dix sont évitables !

S’il fallait faire ce détour, c’est parce qu’aujourd’hui la toxic food est le principal outil de prolifération des cancers « évitables ». L’industrialisation de la nourriture, prouvant la justesse des propos d’Hippocrate, a en effet transformé notre alimentation non en remède mais en cause du mal. Un énième et rapide saut dans le passé permet de le comprendre.

La courbe de la croissance pondérale des Américains n’est pas la seule à connaître une explosion au milieu des années 1980. Troublant parallèle, celle des cas de cancers a donné lieu au même phénomène.

En 1971, le Président Richard Nixon déclara la guerre au cancer, mettant à disposition du corps scientifique des mannes financières jamais vues afin d’élaborer un traitement et de trouver des moyens efficaces de détection précoce de la maladie.

Cette année-là, 337 000 Américains étaient morts de ce fléau. Eh bien en 1986, quinze ans plus tard, malgré les milliards de la Maison- Blanche et les progrès de la médecine, ce chiffre était monté à 472 000. Soit 40 % de plus !

Depuis, la machine à tuer n’a pas ralenti. À une vitesse quasi épidémique « mimant » la courbe de l’obésité, le mal progresse aux États- Unis de quasiment 2 % par an. Entre 1950 et 2001, le taux d’incidence du cancer a donc crû de 85 %.

Concrètement, cela signifie qu’un homme américain sur deux sera atteint d’au moins un cancer dans son existence, les femmes, légèrement moins touchées, atteignent 40 %.

Le royaume de la toxic food connaît un autre privilège sinistre : la plus puissante nation du monde est aussi celle où le taux de mortalité lié au cancer est le plus fort.

Mais il ne faut pas s’y tromper : les États-Unis ne constituent en rien un cas à part. L’ensemble des pays développés suit la même évolution. En Angleterre, par exemple, seulement 4 % de la population décédait d’une crise cardiaque ou d’un cancer il y a un siècle. Aujourd’hui, ces deux maladies, liées à la consommation de la nouvelle malbouffe, sont responsables de plus de deux tiers des décès. Quant à la France, elle montre la même courbe exponentielle et quasi épidémique, avec une augmentation du nombre de cancers de 60 % durant les vingt dernières années.

De cette avalanche de chiffres, il faut retenir ceci : bien qu’il soit évitable plus de huit fois sur dix, le cancer n’a jamais fait autant de malades et de victimes. Et cette soudaine augmentation épouse parfaitement la courbe de la pandémie d’obésité.

Dans le détail, ces chiffres catastrophiques sont encore pires. Ainsi, ce n’est pas l’ensemble des cancers qui est en progression. Certains sont même en baisse, comme les cancers ORL dont la majorité dépendait de la consommation de tabac. Si cette diminution signifie que l’on fume moins, il y a un revers à cette nouvelle a priori positive. Si, jusqu’au milieu des années 1980, le cancer du fumeur tenait une place prépondérante dans les statistiques, son recul, accompagné d’une augmentation générale des incidences de cancer, ne signifie qu’une seule chose : d’autres types de cancer ont, eux, formidablement progressé.

C’est le cas des cancers de la thyroïde (258 % en trente ans), des testicules (81 %) ou du foie (234 %).

Désormais trois autres cancers ont supplanté ceux liés à la cigarette. Le colorectal, celui de la prostate et du sein représentent presque la moitié des cas recensés.

Avant d’évoquer ce trio morbide, il convient d’apporter une précision importante.

Lorsque Katherine Flegal, chercheuse du CDC, découvrit le brusque accroissement du nombre d’Américains obèses, son premier réflexe fut de croire à une erreur dans ses calculs. Mais, une fois l’exactitude de son modèle mathématique établie, elle dut tenter de trouver une explication logique à ce fait. Avant de vérifier auprès des médecins la réalité et l’ampleur de la crise, elle a avancé l’hypothèse d’un phénomène purement statistique, soupesant que, peut-être, la méthode de calcul utilisée au milieu des années 1980 était plus fiable que celle des décennies précédentes.

Un même argument, nous l’avons vu, utilisé par l’industrie agroalimentaire pour décrédibiliser les études montrant l’importante chute des quantités de vitamines et minéraux dans les fruits et légumes.

Or, pendant longtemps, la communauté scientifique s’étripa sur ce point. Certains firent par ailleurs remarquer l’allongement de l’espérance de vie, donnée à prendre en compte puisque, souvent, le cancer est une maladie de la vieillesse.

Malheureusement, ces tentatives d’explications ne s’appliquent pas ici.

D’abord parce que l’ensemble des pourcentages et chiffres évoqués dans cette démonstration intègrent cette donnée.

Ensuite parce que la vérité du cancer est bien plus tragique. Aux États-Unis comme en Europe, le cancer progresse aujourd’hui le plus rapidement dans la tranche d’âge des enfants et des adolescents. Pas question donc de recourir ici à l’excuse du cancer « maladie de fin de vie », comme le prouve la vaste étude menée en 2004 depuis Lyon par l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer.

Ou bien comme le prouvent encore les travaux du National Cancer Institute démontrant qu’aux États-Unis, entre 1950 et 1985, l’incidence du cancer parmi les enfants a augmenté de 32 %.

Selon un schéma semblable et concomitant aux courbes de la pandémie d’obésité, certains cancers se sont donc bel et bien multipliés à mesure que la toxic food envahissait les estomacs. »

La suite ……..demain

 

 

 

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Extrait de Toxic Food, le livre passionnant de William Reymond, qui fait suite à Toxic :

 » L’exercice, redoutable, est à la portée de tous. Il suffit, pour s’y adonner, de feuilleter un album de photographies de famille. Ou, si vous n’en avez aucun à disposition, d’arpenter les brocantes le dimanche et regarder les cartes postales anciennes proposées à la vente. De celles en noir et blanc ou sépia en passant par les images montrant les premiers pas de la couleur, le challenge est identique : essayer de trouver parmi les foules d’anonymes immortalisés par les objectifs de photographes ambulants… un obèse. Que l’on soit en France, au Québec, aux États-Unis, en Allemagne ou ailleurs, la conclusion est toujours la même : l’excès de poids n’est en rien un phénomène courant dans le passé.

En fait, comme l’écrit David A. Kessler, ancien commissaire de l’US Food and Drug Administration durant les présidences de George H. Bush et Bill Clinton : « Durant des milliers d’années, le poids de l’être humain est resté remarquablement stable. Et, à l’âge adulte, nos ancêtres ne consommaient pas plus de nourriture que ce que leur organisme devait brûler. Les individus en surpoids se détachaient donc du reste de la population. Des millions de calories sont donc passés dans les organismes humains sans que, à de rares exceptions, le poids moyen augmente ou s’effondre de manière significative. Un système biologique parfait semblait contrôler le tout. Mais, quelque part, au cœur des années 1980, quelque chose a bouleversé cette régularité immuable. »

Le constat de Kessler rejoint celui que j’ai moi- même effectué voilà quelques années dans Toxic. Il suffisait d’observer les chiffres de l’obésité pour constater que la courbe de prise de kilos avait sérieusement commencé à progresser au milieu des années 1970 puis s’était soudainement emballée une dizaine d’années plus tard.

J’avais, exemple parmi d’autres, raconté les déboires de la tribu des Indiens Pimas d’Arizona. Alors que ce peuple était réputé depuis des siècles pour son physique athlétique voire sa taille plutôt fine, brusquement, au milieu des années 1980, quelques cas d’obésité étaient apparus. Rapidement, le surpoids était même devenu la norme de cette réserve, avec une obésité atteignant 70 % de la population. Et, triste privilège, le pourcentage d’obésité enfantine le plus élevé du monde.

J’avais également montré, répondant d’une certaine manière par avance à la question de Kessler, que cet état sanitaire pitoyable s’accompagnait d’une consommation quasi exclusive de nourriture industrielle. La toxic food, ayant envahi les assiettes des Pimas, avait déréglé des organismes jusque-là sains et mis à mal des gènes incapables de s’adapter à un nouveau régime.

Le cas des Pimas est d’autant plus instructif qu’une partie de la tribu, partageant la même identité génétique et installée dans une région reculée du Mexique, ne connaît pas cette crise d’obésité. Son alimentation est, elle, essentiellement fondée sur la consommation de produits frais.

J’avais même prouvé que cette progression rapide correspondait au début de l’âge d’or de la nourriture industrielle, et plus particulièrement à l’introduction massive, sur le marché américain, du sirop de fructose-glucose. Ce « sucre », fabriqué à partir des excédents de maïs, envahissait peu à peu les boissons et la nourriture alors que diverses études prouvaient que, non assimilé par le cerveau, il poussait à surconsommer des produits sucrés.

Or, aujourd’hui, chaque Américain ingurgite près de quarante kilos de sirop de fructose- glucose par an.

Et, depuis quelque temps, ce produit redoutable « enrichit » de manière exponentielle la nourriture industrielle produite en Europe.

David Kessler a interrogé Katherine Flegal, chercheuse au Center for Disease Control and Prevention (CDC) et l’une des premières scientifiques à avoir noté l’explosion brutale du taux d’obésité américain.

Le terme d’explosion est on ne peut plus approprié puisqu’elle écrit qu« après avoir compilé les informations collectées de 1988 à 1991 », elle conclut qu’« un bon tiers de la population entre vingt-sept et soixante-quatorze ans pèse trop lourd ».

Surprise par ses calculs, Flegal a conduit une série de vérifications aux conclusions effrayantes : « En moins de douze ans, 8 % des Américains ont soudainement rejoint le camp du surpoids et de l’obésité. »

Laissez-moi reformuler son propos plus crûment : au milieu des années 1980, sans aucune raison apparente, près de 20 millions d’Américains sont, brusquement, devenus trop gros !

La pandémie d’obésité venait bien de débuter et la toxic food de faire, par millions, ses premières victimes.

La suite …………. demain.

 

 

 

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Louis est mon patient depuis qu’il a 13 ans, il en a 24 aujourd’hui. Il a toujours été gros, très gros même. A 18 ans, il pesait 140 kilos et ne pouvait plus se peser sur la balance de mon cabinet qui affichait « error ». A cet âge, il a voulu faire enfin un régime, alors qu’il avait toujours refusé toute prise en charge plus jeune…

Le suivi de poids a été épique, les rendez-vous manqués se suivaient et la prise de poids a continué allègrement, Louis ne se nourrissant malgré les conseils que de pizzas, Nutella et autres chips. A 19 ans, Louis se bousille les deux genoux en une séance de foot en salle, sport tout à fait impossible à pratiquer pour lui. Il est essoufflé au moindre effort et se plaint de ne pas avoir de petite amie en raison de son aspect physique. Il consulte alors un chirurgien qui lui pose un anneau gastrique. C’était il y a 5 ans. Les anneaux gastriques ont été abandonnés depuis en raison des complications et des récidives d’obésité lors de leur ablation. Aujourd’hui, Louis pèse 85 kg est en couple et a un joli petit garçon. Il mange toujours n’importe quoi, mais doucement et peu à la fois. Il garde son anneau gastrique.

Marina a 26 ans et deux adorables petites filles de 4 et 2 ans. C’est une jolie rousse irlandaise qui pèse 133 kilos pour 1,60 m. Elle n’arrive pas à courir pour rattraper ses filles dans la rue quand l’une d’elle lui échappe. Sa famille est une famille d’obèses majeurs. Elle ne sait pas faire la cuisine, ne mange pas de légumes. Tout ce qu’elle aime est sucré et gras. Elle me dit vouloir être opérée de l’estomac pour maigrir. Je lui explique les critères pour accéder à cette chirurgie dite « bariatrique » : un régime suivi de longue durée, un avis psychiatrique et un bilan général et endocrinologique. Elle m’explique tout de suite : « Docteure les régimes, c’est pas la peine, j’y arrive pas ».

Je l’adresse en consultation de chirurgie bariatrique qui me la renvoie pour suivi de poids. Elle va perdre très difficilement 5 kilos en un an. La consultation psychiatrique est purement formelle : pas de contre-indication à la chirurgie. On lui propose une sleeve. Les effets secondaires sont un transit rapide (diarrhées fréquentes) et la nécessité d’une supplémentation en vitamine. Deux ans plus tard, elle pèse 80 kilos et se sent beaucoup mieux dans sa peau. Elle travaille et n’est plus essoufflée. Elle a appris à cuisiner depuis, et les légumes sont devenus ses amis.

Elle a mis des sous de côté pour ses prothèses mammaires

Carine est étudiante, elle finit ses études à Strasbourg. Elle a été opérée dans sa région d’origine, il y a 2 ans et demi pour une obésité majeure : 140 kg pour 1,68 m. On lui a proposé un by pass. Elle a perdu 60 kilos. Elle a des injections de vitamines tous les trimestres et quelques fois des perfusions de fer. Elle vient me voir pour la suite de la prise en charge : reprise de l’excédent cutané des bras, des cuisses et du ventre et mise en place de prothèses mammaires. Le remboursement de ces dernières n’est pas assuré par la sécurité sociale. Elle a mis des sous de côté en travaillant de nuit. Elle est ravie d’avoir eu recours à cette solution du by pass malgré la lourdeur de cette chirurgie. Elle me dit avoir été désespérée avant.

 

J’étais assez réticente à la chirurgie de l’obésité dans un premier temps. Pour moi, la prise en charge devait être diététique associée à de l’exercice physique. Mais en m’installant et en voyant régulièrement des patients pour ce type de demande de perte de poids importante, j’ai eu à faire comme beaucoup de mes confrères à des cas désespérés de ce que l’on appelle des obésités morbides (qui rendent malade). Les régimes sont pour certains obèses pires encore que l’obésité, ils s’acharnent à maigrir avec beaucoup d’efforts et reprennent à toute allure les quelques kilos perdus, quitte à en avoir plus après chaque tentative. J’ai un jour calculé qu’une de mes patientes qui faisait un tas de régimes totalement farfelus avait perdu en tout 220 kilos entre l’âge de 50 et 62 ans, pour un poids final de 160 kilos. Son poids à 50 ans était totalement normal pour sa taille soit 65 kilos pour 1,68 m. J’ai dû lui demander de m’apporter des photos d’elle tant j’avais du mal à y croire.

Complications très peu nombreuses

La chirurgie de l’obésité a fait beaucoup de progrès depuis mon installation, avec des complications somme toute assez peu nombreuses au vu de celle de l’obésité morbide. Elle devient du coup un recours plus fréquent dans ces cas, où plus aucune prise en charge diététique ne marche. La mortalité de cette chirurgie est de 0 à 1%, les effets secondaires présents dans 10 à 15% des cas (transit rapide, hypoglycémies, etc.).

Avec le temps, je ne propose plus de régimes hypocaloriques stricts à mes patients, mais un changement d’habitudes alimentaires plus définitif associé à une reprise d’activité physique modérée, mais régulière. Il me semble que les résultats sont plus durables, même si moins spectaculaires.

Dr BUENOS : Après la première année post-opératoire, il n’est plus nécessaire de compenser après une sleeve gastrectomy et le transit à 1 an est habituellement normal.

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Extrait de Toxic Food, le passionnant livre enquête de William Reymond :

 » Le Heart Attack Grill relève, certes, de l’aberration. De l’expérience ultime. Mais le restaurant de Jon Basso est loin d’être un cas isolé. Et si cet entrepreneur de Chandler a pris soin de déposer sa marque, ce n’est pas pour rien. Il sait combien la mentalité du « Je mange ce que je veux » qui garantit son succès gagne le territoire américain. La tendance ne se limite pas aux hamburgers gargantuesques. Désormais, le format géant se décline en effet dans tous les registres culinaires.

C’est une différence majeure entre l’Amérique alimentaire décrite dans Toxic et celle constatée aujourd’hui. Bien sûr, à l’époque, je mentionnais déjà l’émergence de la pornography food tandis que McDonald’s, Burger King et consorts renonçaient à la portion de frites grande taille et renforçaient leurs gammes de salades.

Mais, entre-temps, comme le reste du monde, l’Amérique est entrée en récession. Or – bien que cela surprenne – augmenter la taille des plats est un symptôme de crise. Alors que le consommateur dépense avec prudence, annoncer lui « en donner pour son argent » relève de la combinaison gagnante. Aussi, en plus des restaurants proposant des plats géants, les grandes chaînes de fast-foods elles-mêmes agrandissent les portions. Avec discrétion, bien sûr, tant se lancer dans la surenchère calorique alors qu’on essaie parallèlement de rejeter toute responsabilité dans le développement de l’obésité n’est pas politiquement correct, mais la vérité est là. Désormais, de McDonald’s à Wendy’s en passant par Burger King et Whataburger, tous proposent au moins un sandwich de taille conséquente. Un geste qui, finalement, ne coûte guère plus mais rapporte bien davantage en assurant un taux de clientèle élevé.

Les répercussions de ce revirement dépassent le seul cadre de la restauration. Dans les rayons congelés des supermarchés, des produits avec package XXL sont apparus pour séduire la clientèle masculine. Début 2009, même la télévision a suivi le mouvement. Avec, le mercredi soir, sur Travel Channel, deux numéros de Man vs Food (Littéralement «L’homme contre la nourriture»).

Le concept est simple mais efficace. Chaque semaine, Adam Richman part à la découverte d’une nouvelle ville des Etats-Unis. Non pour mettre en avant le patrimoine culturel ou historique, mais pour pousser la porte des restaurants et affronter un plat géant. Comme s’il entreprenait un défi sportif, Richman tente l’impossible : terminer les plats proposés dans un délai imparti assez bref. Or, qu’il s’agisse d’un dessert pesant près de deux kilos à San Antonio, d’une pizza de six kilos à Atlanta, d’une omelette réalisée avec une douzaine d’œufs à Seattle ou d’une saucisse d’un mètre à Minneapolis, l’homme terrasse quasiment toujours la nourriture.

À noter, parmi les échecs d’Adam, terminer un milkshake de 3 litres et demi. Une épreuve qui s’est achevée dans le… vomi.

Alors que l’Amérique est malade de son poids, Man vs Food obtient un beau succès d’audience. Mieux, l’émission est devenue le programme le plus regardé de Travel Channel et pousse la concurrence à inventer des shows autour de l’excès de malbouffe.

Gag, détail, épiphénomène ? Peut-être. Mais n’oublions jamais que les États-Unis jouent, pour le meilleur et souvent le pire, un rôle de précurseur. Et que nos habitudes alimentaires n’échappent pas à la règle et se voient, peu à peu, gagnées par ses influences. Si l’ère des repas géants n’a pas débuté de ce côté de l’Atlantique, elle commencera sans doute si la crise économique s’installe. La preuve ? Déjà en Angleterre, en Pologne et en Allemagne, des établissements proposent des spécialités locales en versions extra-larges.

Si le cas du Heart Attack Grill me semble symptomatique, ce n’est pas seulement parce qu’il dessine – en les exagérant – les lignes d’un cauchemar alimentaire futur. Selon moi, il illustre parfaitement le délire paroxystique américain, où des consommateurs malades condamnés à prendre chaque jour des médicaments refusent de renoncer aux causes de leurs maux.

Cet état d’esprit peut nous choquer, mais il correspond bien à la société américaine. Ainsi, les publicités ventant des comprimés contre le cholestérol, du sirop contre les digestions difficiles et des adresses de restauration rapide encadrent les programmes style Man vs Food. Dès lors, habitué à une réponse chimique ou médicale à ses maux, l’Américain espère une solution miracle et facile à avaler. Et n’a pas envie de changer sa façon de manger.

Or son mode alimentaire, comme nous l’avons vu, le conduit précocement vers la tombe !

Pire, après les maladies cardiaques, les cancers et la surconsommation de médicaments, la quatrième cause de décès est, elle aussi, liée au « régime américain ». Il s’agit des accidents vasculaires cérébraux.

Si une attaque cérébrale peut naître pour des raisons génétiques ou être liée à une maladie spécifique, son principal facteur de risque réside dans une mauvaise hygiène de vie. Or l’obésité, en créant de l’hypertension artérielle, est la principale cause des attaques vasculaires cérébrales. En France, les AVC sont même la troisième cause de décès après les cancers et les problèmes cardiaques. Et la première cause des handicaps physiques acquis.

Au milieu de ce sinistre classement, les problèmes respiratoires chroniques précèdent les victimes d’accidents. Si le mode alimentaire américain n’est évidemment pas directement responsable de ces chiffres, il constitue, une fois encore, un facteur aggravant. Toute victime d’accident ou d’insuffisance respiratoire multiplie ses risques de décès si elle est obèse.

De fait, beaucoup des personnes décédées durant la première vague de contamination de la grippe A Hl/Nl en 2009, tant côté américain que mexicain, se trouvaient en surpoids. L’obésité avait entraîné une série de complications fatales.

Le mode alimentaire américain est en outre largement responsable des morts liées au diabète, sixième cause de décès, qui augmentent de manière vertigineuse chaque année. Or, comme je le racontais déjà dans Toxic, nos assiettes sont les responsables majeures de cette maladie qui atteint des victimes de plus en plus jeunes.

Les décès liés aux grippes et pneumonie, puis ceux dus à la maladie d’Alzheimer, concluent ce classement macabre. Dans ces deux catégories, il est malheureusement encore possible de constater les dégâts d’un mode alimentaire destructeur. Parce qu’une partie des victimes de la grippe atteintes de maladies respiratoires trépassent à cause du surpoids. Et parce qu’Alzheimer, à l’instar de toutes les maladies neurologiques, est également un fléau parfois dépendant de facteurs environnementaux parmi lesquels figure l’alimentation industrielle.

On le voit : les dégâts liés au régime américain sont omniprésents dans ce classement. Ce qui, à l’échelle des nations, produit un effet redoutable. En 2000, mesurant et comparant l’état de santé et l’espérance de vie des habitants de cent quatre-vingt-onze pays, l’OMS plaçait les États- Unis, pourtant première puissance mondiale, seulement à la vingt-quatrième place. L’espérance de vie d’un enfant né en 1999 y était évaluée à 67,5 ans, contre 74,5 ans pour un bébé japonais – la première marche du podium. La France arrivait, elle, juste après l’Australie, dans le trio de tête.

En soi, ces informations démontrent les effets désastreux de l’industrialisation de la nourriture. Mais, afin de faire vaciller les sceptiques, il faut aller à la rencontre des trois autres phénomènes qui prouvent l’ampleur d’un risque nous concernant tous.

NB : L’ensemble de ces chiffres et classements proviennent des statistiques officielles du gouvernement américain.   »

La suite ………….. demain.

Dr BUENOS : Dans le précédent article, nous évoquions une conduite suicidaire individuelle, dans celui-ci, ne s’agit il pas d’une conduite suicidaire collective ?

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Déclin.

Jamais l’expression ne m’a paru si juste.

L’Amérique, déjà difforme, est bien malade de sa toxic food.

Malade à en crever même.

Il faut le répéter encore et encore : l’obésité est uniquement la face visible du mal. Pour mesurer l’ampleur de la crise, il faut plonger dans la liste des dix principales causes de décès aux États-Unis. Et constater que les dégâts liés au mode alimentaire américain trustent ce terrifiant palmarès.

En première place figurent toujours les maladies cardiaques, dont la majorité découle d’une nourriture trop riche en sucres, graisses, sel et… produits industriels. Viennent ensuite les cancers, pour beaucoup – nous le verrons – déclenchés par des facteurs environnementaux où l’alimentation occupe une place de choix.

Plus étonnant, les soins médicaux arrivent à la troisième place de cette liste. Près de 110 000 Américains décèdent en effet chaque année des effets secondaires d’un médicament.

Quel rapport avec la toxicité de l’alimentation ? Il est simple et compliqué à la fois.

Le premier niveau d’explication est lié à notre attitude face à la maladie. Nos sociétés – et pas seulement de l’autre côté de l’Atlantique – ont pris la mauvaise habitude de vouloir trouver une réponse médicamenteuse à tous les problèmes nés du contenu de nos assiettes. Résultat ? L’hypertension, le cholestérol, le diabète et autres tracas suscités par la nouvelle malbouffe sont presque exclusivement traités via des prescriptions médicales. Ce qui fragilise l’organisme et n’est pas sans répercussions sanitaires. Le recours aux « solutions » apportées par l’industrie pharmaceutique chez des patients de plus en plus jeunes entraîne en effet à terme une surconsommation permanente de pilules et autres cachets. Or ce sont ces malades-là, ceux qui jonglent avec les gélules et ajoutent malgré eux du chimique à une nourriture déjà saturée de ce genre de substance, qui apparaissent en tête de liste des décès surprenants.

Le second aspect de l’explication, plus complexe, touche à la sorte d’« abandon psychologique » que crée ce recours aux prescriptions comme solution miracle. Il est ainsi fréquent de voir des malades, rassurés par la « béquille » d’une poignée de pilules en cas de problème, continuer à engouffrer la nourriture industrielle à l’origine de leur mal. Des consommateurs qui, malgré leur traitement, meurent du fléau que la prescription était censée soigner.

Hélas ! cette réalité ne se limite pas à une simple « cohabitation », à une corrélation entre médicaments et toxic food. Typiquement américain, il s’agit plutôt d’un phénomène souvent poussé à l’extrême.

Au total, lorsque l’on ajoute les infections en milieu hospitalier, les erreurs de diagnostic et les interventions chirurgicales, près de 250 000 Américains décèdent chaque année après des soins médicaux.

Chandler, en Arizona, malgré son festival annuel de l’autruche (dans les années 1910, Chandler était un centre important d’élevage d’autruches, leurs plumes étant recherchées pour décorer les chapeaux des Américaines) et différentes installations du géant de l’électronique Intel, ressemble à des centaines de villes américaines. Celles que les touristes ne visitent jamais. Et pour cause : ici les longues avenues n’ont aucune âme, les chaussées sont défoncées et les panneaux publicitaires pullulent dans une complète anarchie. Chandler est située au sud-est de Phoenix mais pourrait se trouver à proximité de Dallas, Chicago, Los Angeles ou Pittsburgh. On en vient à se dire que traverser l’Amérique, c’est un peu être condamné à vivre, jour après jour, la même expérience. Renforçant cette impression, on remarque en effet les mêmes enseignes commerciales que partout ailleurs. Et, plus particulièrement, celles, criardes, de la restauration.

Comme à Rio Grande City, toutes les marques de junk food se sont données rendez-vous à Chandler. Toutes et une autre. Un cas unique. Un voyage vers le futur.

Situé à l’arrière d’une station-service, le Heart Attack Grill ( Littéralement « le grill de la crise cardiaque ») ne s’offre pas au conducteur lambda installé derrière son volant. Ici, aucun panneau publicitaire ne promet un éden alimentaire. Il n’y en a pas besoin, à vrai dire, puisqu’on vient dans l’établissement de Jon Basso en connaissance de cause. Son chiffre d’affaires imposant fait autant la réputation des lieux que son slogan choc : Heart Attack Grill, un goût bon à en mourir.

On pourrait sourire, mais Basso ne plaisante pas. Comme il le proclame fièrement sur sa devanture en forme de mise en garde, la nourriture vendue ici est « mauvaise pour la santé ». Et l’inventeur du concept sait de quoi il parle : ancien nutritionniste puis gérant de salles de sport, il a compris, en 2005, qu’il y avait plus d’argent à gagner à flatter les mauvaises habitudes alimentaires des Américains qu’à tenter de les corriger.

Son restaurant, unique en son genre, est né de ce constat. Et son menu l’illustre à merveille, si je puis dire. À cause des énormes hamburgers qui ont fait la réputation du lieu, mais aussi du reste.

Les boissons d’abord.

Le Heart Attack Grill est l’un des rares fast- foods vendant de l’alcool. De la bière bien sûr, mais aussi des produits beaucoup plus forts.

Ensuite, il y a le Coca-Cola. Importé du Mexique voisin, le soda est proposé dans sa version pur sucre. Car, comme l’explique Jon, les produits à base d’edulcorants sont bannis. Non parce que Basso s’inquiète de leur composition chimique, mais parce que, dit-il, plus pauvres en calories, ils ne correspondent en rien à la philosophie des lieux.

Depuis peu, une nouveauté est apparue : le Jolt Cola. Cette boisson, sorte de Coke sous amphétamines, est le soda le plus riche en caféine du monde. Déconseillé aux enfants, femmes enceintes et personnes âgées, le Jolt est réputé pour le coup de fouet, les frissons et tremblements qu’il procure.

La suite est à l’avenant.

Le menu créé par Basso propose par exemple des… cigarettes. Qui, bien entendu, conformes au discours de l’établissement, sont vendues uniquement sans filtre.

Les frites ne sont pas en reste. Disponibles à volonté en self-service, elles sont fort généreusement saupoudrées de sel. De plus, gratuitement, le client peut les recouvrir de fromage fondu. Mais c’est en cuisine que ces pommes de terre ont subi leur pire modification. Au Heart Attack Grill, les flatliners fries ne sont en effet pas cuites dans le traditionnel bain d’huile mais uniquement dans du saindoux !

Le saindoux, le Heart Attack Grill en consomme plus de deux cents kilos par semaine. Car, en plus des frites, Jon en met dans ses trois cent cinquante hamburgers vendus quotidiennement. Chaque pain se voit ainsi badigeonné de gras de porc rendant le produit final encore plus fondant.

Les hamburgers sont donc le plat de résistance du restaurant.

Il en existe quatre modèles. Dont le plus cher et gros frôle les treize dollars et atteint les… huit mille calories. Non, non, il ne s’agit pas d’une erreur de frappe. Chez Jon, le « quadruple » – c’est son nom – offre l’apport calorique conseillé à un homme adulte pour trois jours. Les mensurations du monstre sont à la hauteur du massacre diététique. En plus de ses deux brioches au saindoux, il contient huit tranches de fromage et quatre steaks hachés d’un poids approchant le kilo de viande. Un oignon – que l’on peut commander frit – vient agrémenter le tout. Autre option : vingt-quatre tranches de bacon…

Seules les quelques feuilles de salade habituelles à la recette du hamburger manquent à l’appel. Non par oubli ou erreur mais parce que Jon a décidé, et revendique, de commercialiser le pire de la junk food. Et uniquement cela.

Basso vend également différents t-shirts souvenirs hautement revendicatifs. Point commun entre tous, aucun n’est fabriqué dans une taille inférieure au XXL et tous sont disponibles jusqu’en taille 10XL.

Cette promesse, cet engagement même de commercialiser le pire de la junk food, ainsi que les risques sanitaires qui les accompagnent, sont au cœur de la stratégie de Basso. N’a-t-il pas imaginé un décor pour son petit restaurant de quarante tabourets qui ressemble à une salle d’hôpital ?

Ici, les serveuses sont en effet des « infirmières ». Qui revêtent l’uniforme, une tenue blanc et rouge agrémentée d’un décolleté profond pour séduire la clientèle essentiellement masculine. Les clients pour Jon – qui porte, lui, une blouse blanche et se fait appeler docteur – sont des « patients ». Et leur commande, une « ordonnance ».

Le gimmick médical est utilisé jusqu’à la nausée. À la fin du repas, les infirmières prennent souvent la tension du patient. Il faut reconnaître, ceci dit, qu’engouffrer l’équivalent de neuf repas en une dizaine de minutes affecte terriblement l’organisme. C’est pour cela du reste que les patients sont raccompagnés en fauteuil roulant jusqu’à leur voiture !

Quant aux noms des hamburgers, ils sont à l’avenant. Le simple s’appelle le « pontage » et, logiquement, le monstre aux huit mille calories le « quadruple pontage ».

Ces appellations ne relèvent pas seulement de la bonne idée marketing. Car les noms des burgers du Grill sont à la hauteur des risques encourus. Comme le dit Basso, sourire aux lèvres : « Si vous mangez chez moi tous les jours, cela va vous tuer. »

La remarque fait sourire les « patients ». Ici, chacun semble assumer le plaisir de se nourrir à l’extrême et classe le conseil du « docteur Jon » dans la catégorie des boutades.

De fait, la clientèle du Heart Attack Grill est en majorité constituée d’habitués. Et d’obèses. Qui, bien souvent, mangent gratuitement. Pourquoi ? Parce que s’il le désire chaque patient se voit pesé à son arrivée. Et, s’il dépasse les cent soixante kilos, devient l’invité de Basso.

Reste que les hamburgers trop grands pour tenir dans une main et les clients à deux doigts de vomir, le front luisant de transpiration et les joues barbouillées de saindoux, ne sont pas ce qu’il y a de plus choquant dans le petit restaurant de Chandler, Arizona.

Non, comme un affreux écho à ce que j’écrivais plus haut, le plus scandaleux, c’est de constater que les « patients » de John avalent des pilules avant de se lancer à la conquête de ces Everest du pire.

La clientèle du Heart Attack Grill, malade à en mourir, se dope en effet aux médicaments anti-cholestérol et autres régulateurs de tension dès qu’elle met un pied dans l’établissement. Une sorte d’antidote – fictive – avant de s’abandonner sans remords à un orgasme de gras.

Jon Basso est un entrepreneur ambitieux. Ayant découvert, grâce à ses anciennes activités, la pandémie d’obésité, il en connaît les mécanismes et, aujourd’hui, les transforme en recettes de son propre succès. Un succès que le « bon docteur » songe à développer, étendre même. Aux États-Unis, bien entendu, vaste territoire. Mais Basso a une autre idée en tête. Sachant que la polémique est un solide vecteur de ventes, il vise quelques villes emblématiques. Au programme, Hollywood, La Nouvelle-Orléans et Rio de Janeiro. Et, si tout fonctionne comme prévu, dans quelques années Amsterdam et… Paris.

Bon appétit. »

La suite …………….demain.

Dr BUENOS : Les USA nous fascineront toujours par leur démesure. Mais au delà du côté original et bien pensé du Heart grill attack, on voit apparaître une dimension désespérée, voire suicidaire qui elle, est effrayante.

 

 

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Les Etats-Unis n’en ont pas fini avec les Maxi-sodas. L’initiative du maire de New-York pour lutter contre l’obésité par la suppression de ses boissons a été rejeté en appel.

Il y a peu, le maire de la ville de New York Michael Bloomberg s’attaquait aux grands formats de sodas, malheureusement cette tentative pour lutter contre l’obésité a échoué ce mardi 30 juillet 2013. Son initiative pour prohiber les boissons sucrées de plus de 0,47 litres dans les restaurants a été rejetée en appel. Une bien triste nouvelle pour M. Bloomberg qui essuie son deuxième échec en cinq mois. Début mars, la Cour suprême de l’Etat de New York avait suspendu l’interdiction municipale peu avant son entrée en vigueur en qualifiant la mesure d' »arbitraire » et de « capricieuse ». L’initiative du maire a aussi été rejetée au motif que l’interdiction ne s’appliquerait qu’aux bars, aux restaurants et aux chaînes de fast-food, et non aux épiceries, cinémas et supérettes qui offrent des sodas pouvant facilement dépasser le litre.

 

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Cauchemar en cuisine.

Un cuistot sud-africain émigré en Nouvelle-Zélande ne verra pas son visa de travail renouvelé. Non, pas parce qu’il est mauvais, mais parce qu’il est jugé trop gros. Albert Buitenhuis et sa femme Marthie qui sont arrivés à Christchurch il y a six ans, en 2007, n’avaient eu jusqu’à présent aucun souci pour renouveler chaque année leur visa, a expliqué Marthie au quotidien local La Press. Mais cette année, les services de l’immigration ont indiqué le 1er mai dernier à Buitenhuis qu’il n’avait pas un niveau acceptable de santé et qu’il pourrait faire du mal aux services de santé du pays. Traduction: trop gros pour rester, vous êtes expulsés.

Le chef sud-africain est un beau bébé, c’est vrai: 130 kilos pour 1,78 m, un IMC de 40. Il est médicalement considéré comme obèse, mais depuis son arrivée dans le pays, l’air néo-zélandais lui a fait du bien et Albert a perdu 30 kilos. «Ils n’ont jamais parlé du poids ou de la santé d’Albert alors et il était bien plus lourd que ça quand nous sommes arrivés», s’indigne Marthie Buitenhuis.

Les services de l’immigration ont défendu leur décision, estimant que le chef augmentait les risques de tomber gravement malade, citant le diabète et les maladies cardiaques. «Il est important que tous les immigrés possèdent un niveau de santé acceptable pour diminuer les coûts et limiter l’appel aux services de santé néo-zélandais», a dit un porte-parole des services migratoires. Qui a insisté pour rappeler que l’obésité n’était pas, en tant que tel, une raison de ne pas donner un visa, «mais que les services de santé se devaient d’examiner dans quelle mesure il pourrait y avoir des conséquences sur l’accès aux soins et estimer le coût élevé sur la sécurité sociale que cela pouvait entraîner.»

Le problème de l’obésité n’est pas un mince problème en Nouvelle-Zélande. La prévalence du surpoids et de l’obésité dans le pays touchait près d’un homme adulte sur quatre en 2009 selon les données de l’OCDE— seuls deux pays font pire, le Mexique et les Etats-Unis, la France est à 1 sur 10—. Un chiffre qui a doublé en 20 ans…

Le couple, âgé d’une cinquantaine d’années, a fait appel de la décision, et pour prouver son désir de rester dans le pays, a produit une lettre d’un médecin indiquant qu’il avait déjà ramené son taux de cholestérol et sa tension à des niveaux acceptables et qu’il était capable de passer sous la barre des 100 kilos d’ici six mois.

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Mes souvenirs d’enfance ont le fumet des plats cuisinés par ma mère. Dont l’ingrédient majeur était toujours le même : l’amour.

Longtemps, la cuisine a été au centre de mon existence. La longue table de la maison cumulait en effet les fonctions. On y mangeait bien sûr, mais j’y faisais également mes devoirs, tentant de capturer les bribes des conversations que les adultes menaient à l’autre bout.

À mieux fouiller mon passé, je réalise que l’essentiel des fragments de mon histoire s’est déroulé là. De l’attendu repas de Noël au gigot de Pâques, du couscous du dimanche à la paëlla familiale, des goûters d’après-classe aux grillades estivales, ma mémoire est jalonnée de goûts, d’odeurs, de couleurs, d’éclats de rire et d’épices.

Manger a toujours été un plaisir. Une sensation ne se limitant pas aux seuls aliments garnissant l’assiette. Un bon repas est un tout. La nourriture joue un rôle essentiel mais n’est rien sans les êtres qui l’accompagnent. S’asseoir autour d’une table constitue un moment privilégié de communication où le temps, pris dans un étrange paradoxe, se suspend et s’emballe.

Rien de bien révolutionnaire dans cette description. Déjà, au XVIIe siècle, Brillat-Savarin avait théorisé cette double définition de l’alimentation. Ainsi, selon le gastronome français, le repas différencie le genre humain du genre animal : les bêtes se nourrissent afin de survivre tandis que l’homme mange. Certes s’alimenter est essentiel à sa survie, mais le cérémonial qui l’entoure contient une fonction culturelle toute aussi importante.

Le temps de manger n’est rien d’autre que celui de vivre.

Les plaisirs de la table, on ne doit jamais cesser de les célébrer, vanter, évoquer, marteler. Car si l’alimentation industrielle a peu à peu pris le contrôle de nos assiettes, suscitant et amplifiant la pandémie d’obésité et les maladies collatérales constatées aujourd’hui, c’est précisément parce que, séduits par une apparente facilité, nous avons baissé la garde et oublié ces bonheurs-là.

L’initiation au goût, à la variété, l’incitation à élaborer nos propres plats, l’apprentissage des vertus hédonistes d’un bon repas doivent être enseignés dès le plus jeune âge. Une éducation est bien plus efficace que n’importe quelle campagne gouvernementale incitant à manger fruits et légumes.

J’affirme cette certitude d’autant plus fort que ma vie aux États-Unis me démontre chaque jour qu’à l’oublier, on court de graves périls.

En plus de trente ans d’évolution de leur nourriture, les États-Unis ont en effet perdu leurs repères alimentaires. Comme le raconte Michael Pollan, chroniqueur culinaire du New York Times Magazine, les Américains sont devenus orthorexiques. Ce terme, avancé pour la première fois en octobre 1997 par le médecin Steve Bratman, mêle deux racines grecques. Ortho, qui signifie correct, et exia, l’appétit. Une expression qui, à elle seule, résume l’angoisse d’une nation. Perturbée par les sentences contradictoires des nutritionnistes, submergée par les vagues successives de régimes à la mode sans résultats durables, l’Amérique a perdu le nord et développé une « obsession malsaine de recherche d’une alimentation saine ».

Cette angoisse face à la nourriture et le dérèglement qui s’ensuit intéressent Paul Rozin depuis une dizaine d’années. Chercheur et professeur en psychologie à l’université de Pennsylvanie, Rozin est un spécialiste du poids culturel dans les choix alimentaires. Amoureux des plaisirs de la table et ayant multiplié les voyages culinaires dans l’Hexagone, Rozin utilise le rapport particulier à la nourriture constaté en France pour le comparer à celui de ses compatriotes.

L’un de ses exercices fétiches est de proposer des mots clefs à un panel de Français puis à un autre d’Américains, histoire de voir précisément comment chaque pays perçoit l’acte de manger. Si, généralement, les Français associent le terme « gâteau au chocolat » à la notion de dessert, au concept de « fête », majoritairement ses compatriotes évoquent la « culpabilité » !

Un décalage frappant, majeur même. Qui l’incite à écrire : « Les Américains sont perdus. Le gras, même à un faible niveau, est devenu dans l’inconscient collectif l’équivalent d’une toxine. De manière générale, s’inquiéter autant de ce que l’on mange ne peut être une bonne chose pour la santé ! »

Le décalage entre nos deux pays dépasse le seul stade de la perception.

Rozin est persuadé que si la pandémie d’obésité n’a pas encore contaminé la France dans les mêmes proportions, c’est notamment parce que notre rapport à l’acte de manger est différent. Tandis que l’Américain fait dans l’efficacité, le Français prend son temps. Y compris au McDonald’s où, d’après Rozin et « malgré le fait que leurs portions soient plus petites que celles des Américains », les Français passent plus de temps.

« Augmentant de facto la valeur de l’expérience liée au repas. »

La rapidité des Américains à se nourrir n’est en rien exagérée. Et dépasse le cadre des seuls fastfoods. De fait, un Européen qui séjourne aux États-Unis est un cauchemar pour les restaurateurs, quels qu’ils soient. Non parce qu’il ignore les règles de calcul du pourboire, mais bien parce que, conformément aux constatations de Rozin, il reste « trop » longtemps à table. Trop, évidemment, aux yeux des responsables du restaurant.

Le fragile équilibre économique de la restauration américaine repose en effet en grande partie sur le taux de rotation de la clientèle, la multiplication des clients permettant de proposer une politique agressive des prix du repas, rendant la sortie au restaurant plus abordable qu’en Europe.

Si dans les cuisines règne une efficacité fordienne destinée à assurer l’arrivée rapide des plats à table, c’est dans la salle que l’essentiel de la partie se joue. Où le rôle du serveur – rémunéré essentiellement au pourboire, donc à son tour motivé par la multiplication des consommateurs – consiste, avec le sourire, à s’assurer que le rythme ne connaisse aucun répit. En somme, à limiter au maximum le temps passé par le client à table.

Autant, en France, il faut souvent demander plusieurs fois l’addition pour l’obtenir, aux États- Unis, avec tact, toujours à disposition du client, le serveur dépose la note sur un coin de la table quelques minutes à peine après l’ultime bouchée avalée. Si tout s’est bien passé, l’étape restaurant n’aura pas dépassé quarante-cinq minutes.

Parmi les autres trucs utilisés par les restaurants, figure l’emplacement des tables. Volontairement, elles ne sont pas placées en dehors du flux de l’activité du restaurant mais au milieu des lieux de passages. Ce mouvement continu pousse inconsciemment le client à ne pas s’éterniser, ce à quoi tout coin tranquille inciterait.

Ce qui contribue à ruiner un peu plus ce qui pourrait être un moment de réconciliation entre un peuple et sa nourriture !

Néanmoins, reconnaissons-le : la pandémie d’obésité ne s’explique pas seulement avec les conclusions de Bratman et Rozin. Mais il s’agit de l’un des facteurs y contribuant, un facteur aggravant les dégâts suscités par l’expansion massive de la nourriture industrielle.

Pourtant, ce détour était nécessaire tant il répond à l’une des conclusions de Toxic, mon précédent livre sur le sujet. Comme je l’écrivais alors, la fin de l’épidémie et la diminution des quantités de maladies connexes qu’elle suscite passeront par une reprise de contrôle par chacun du contenu de ses assiettes.

Se souvenir que manger est un plaisir à partager, se savourant dans la durée, et prendre conscience des dégâts nés de l’oubli de cette vérité ne représente toutefois qu’une première étape.

Révéler les dangers du mode alimentaire américain, que le monde adopte chaque jour davantage, et dévoiler la manière dont l’industrie agroalimentaire l’impose sur nos tables représentent, logiquement, les étapes suivantes.

La suite ……………..demain

 

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Les États-Unis ont donc changé.

La présence de Kathleen Sebelius à la conférence Weight of the Nation en est la preuve. La secrétaire d’État à la Santé et, à travers elle, l’administration Obama ont décidé de s’attaquer au monstre.

« S’il s agissait d’une épidémie de jeunes enfants atteints du cancer, nous parlerions de crise nationale, commente-t-elle. Mais parce qu’il s’agit de l’obésité et que les dégâts n’apparaissent et  ne se mesurent que tard dans la vie, nous avons été très lents à agir. […] Il faut que les Américains sachent que, lorsque le poids de nos enfants augmente, leur espérance de vie diminue. Et c’est un problème que nous ne pouvons plus ignorer. »

Le constat est dramatique, mais l’enjeu clair. Comme je l’ai écrit et répété à plusieurs reprises à la sortie de Toxic, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité l’espérance de vie de nos enfants risque d’être inférieure à la nôtre. Une régression obtenue à coups de fourchette !

Si, parmi toutes les interventions programmées lors de la conférence, les discours de Sebelius et Clinton ont particulièrement attiré mon attention, c’est parce que ces deux personnalités politiques ne se contentaient pas de tirer la sonnette d’alarme. Elles promettaient des pistes de sortie, voire des solutions.

Ainsi, après la litanie des mauvaises nouvelles, la secrétaire d’État à la Santé a affirmé que rien n’était perdu pour autant. Une affirmation qui, dans les rangs du public habitué à constater la courbe exponentielle de l’obésité aux USA, n’a pas manqué d’intriguer et même amuser.

Sebelius, entre deux blagues – comme il est de coutume ici -, est en effet passée au plat de résistance. « Que pouvons-nous faire devant les coûts croissants de l’obésité ? a-t-elle demandé. Eh bien, la bonne nouvelle, c’est que nous pouvons faire beaucoup… Nous pouvons faire comme ce district scolaire de Californie du Sud où la moitié des élèves se sont mis, dans leurs cantines, à se servir au buffet salade depuis que les légumes y sont frais et ne donnent pas l’impression d’avoir été sous cellophane un mois. Ou encore comme cette ville de Californie du Nord, où le nombre de filles allant en cours de danse a doublé depuis qu’un système de transport en commun permet de s’y rendre. »

En découvrant la nature de son subtil optimisme, j’ai – je dois l’avouer – déchanté. D’autant que maintenant le ton était donné, et le reste de la conférence, où se pressaient nutritionnistes et spécialistes de la bonne santé, poursuivit le même sillon sans penser plus loin. Car, une nouvelle fois, comme je l’avais déjà vu en enquêtant pour Toxic, les autorités publiques se fourvoyaient, se trompant de combat. S’il n’y a rien d’insensé à prescrire de manger moins, à recommander de bouger plus, c’est oublier que d’innombrables études, observations et expériences prouvent, depuis des années et sans le moindre doute, que cela ne suffira pas à enrayer la pandémie.

Si nos modes de vie, la modernisation des sociétés, la taille des portions avalées représentent des facteurs de la crise, les véritables coupables, redisons-le, sont ailleurs. En trente ans, l’alimentation, en devenant industrielle, a fait sa révolution. Or c’est précisément le contenu même de nos assiettes qui nous rend malades.

Un peu plus tôt d’ailleurs, Bill Clinton m’avait donné un mince espoir, le sentiment de vouloir briser le tabou ancré au cœur du système américain en déclarant : « La crise de l’obésité est un problème de santé publique que l’on ne peut résoudre uniquement dans le cadre confiné du bureau d’un médecin. Si nous voulons modifier la donne, nous devons changer ce qui se passe dans nos foyers, nos communautés, nos voisinages et nos écoles. »

Une rhétorique de pur style clintonien puisqu’une fois l’intention affichée et les applaudissements retombés impossible de savoir précisément et concrètement de quoi l’ancien Président a parlé.

S’agissait-il, dans son propos, d’une remise en cause de nos habitudes alimentaires ou bien, de manière plus habile, d’une dénonciation de la nourriture industrielle qui, au sein des écoles, foyers et communautés, a peu à peu remplacé l’alimentation traditionnelle ?

Je ne suis pas le seul à avoir compris combien la déclaration de l’ancien Président peut être une lame à double tranchant, une remise en cause du mode de vie américain issu des années 1960- 1980, avec hamburger gras à volonté, frites surgelées, sodas hypersucrés, plats préparés contenant bien d’autres ingrédients – souvent néfastes – que ceux présentés sur la jolie photo de l’emballage. En éternel gardien du statu quo refusant que s’immisce le moindre doute quant au bien-fondé de L’American way of life, Fox News a transformé les projets de résolution de la crise d’obésité en enjeux de politique nationale. Et ouvert son antenne à deux élus inquiets pour la pérennité des libertés individuelles.

Réitérant un discours trop entendu – et dénoncé dans Toxic -, Ken Seliger a en effet estimé que voir le gouvernement Obama entrer dans la bataille contre l’obésité revenait « à limiter le choix personnel ». Et, en noble gardien de la Constitution, de conclure : « Je préfère que l’on informe le public plutôt qu’on le force. »

De son côté, Jodie Laubenberg, après avoir affirmé que l’action du gouvernement en la matière ne devait pas aller plus loin que la création de campagnes d’information destinées au public, mit en garde : « Est-ce le rôle du gouvernement de me dire ce que je dois manger ? Si c’est le cas… alors pourquoi ne pas interdire la caféine ? Où sont les limites ? Où nous arrêterons- nous ? »

Il ne faut pas chercher loin pour trouver les sources d’inspiration de Seliger et Laubenberg, élus républicains du Texas. Leur discours, qui considère le citoyen comme seul responsable de ses bons ou mauvais choix, est au cœur de la stratégie de défense adoptée par l’industrie agroalimentaire mise sur la sellette. La liberté de choix est un chiffon rouge agité devant les caméras dès que l’on évoque la possibilité de légiférer contre la nourriture industrielle. Une sorte de calque de la tactique inventée en son temps par l’industrie du tabac qui, pendant plus de quarante ans, empêcha toute loi restreignant les ventes de cigarettes et s’efforça de rejeter sa responsabilité dans un certain nombre de cancers. Une ligne de défense utilisée désormais par la majorité des responsables de la toxicité au quotidien.

De fait, allant au-delà des questions posées par la Fox et le discours de Bill Clinton, Ken Seliger a, en une phrase, mis un doigt sur l’enjeu essentiel, la crainte fondamentale. Après avoir expliqué être favorable à l’idée d’une meilleure éducation alimentaire scolaire, Seliger a affirmé sa volonté de ne jamais « voir le gouvernement limiter certains ingrédients de notre nourriture ».

Limiter certains ingrédients de notre nourriture…

Comme les acides gras-trans par exemple, sans doute parce qu’au printemps 2009, en compagnie de Jodie Laubenberg, Ken Seliger a précisément conduit lé combat de l’opposition républicaine contre une loi texane votée en première instance par le Congrès démocrate d’Austin sur la question. Une loi qui voulait, comme c’était déjà le cas à New York et bientôt en Californie, interdire l’utilisation des acides gras-trans dans l’État. Un enjeu de taille, on s’en doute. Précisément celui, immense, du Texas. Un marché si vaste qu’entériner ce texte aurait quasiment contraint les fournisseurs de restaurants à modifier leurs produits pour l’ensemble des États-Unis. En soutenant, l’interdiction des acides gras-trans au Texas, Seliger et Laubenberg auraient pu enclencher un effet positif pour la santé de l’ensemble de la nation. Mais voilà, eux poursuivaient un autre but.

Soucieux des libertés individuelles – ou des intérêts bien compris des industriels de la restauration, de l’élevage, de la pharmacie, de la boisson et de l’agroalimentaire, tous généreux donateurs de leurs campagnes -, Seliger, Laubenberg et les républicains texans ont tout fait pour obtenir le rejet de la proposition de loi. Et empêché le pays d’avancer enfin sur la bonne voie.

Le décalage entre les solutions avancées par la secrétaire d’État de Barack Obama et les écrans de fumée et levées de boucliers dressés par l’industrie agroalimentaire et ses alliés me ramenait donc, en cet été 2009, à une triste réalité.

Que la publication du rapport annuel de l’organisation Trust for America’s Health (TFAH), confirma, hélas !

Le document démontre comment les politiques de lutte contre l’obésité ont échoué aux États- Unis. Et, chiffres à l’appui, martèle une sévère vérité : « L’obésité chez l’adulte américain n’a baissé dans aucun État. » Pire, les chercheurs du TFAH ont découvert que, dans plus de trente États, un tiers des enfants âgés de moins de quinze ans sont en situation de surpoids ou d’obésité !

Les participants de la conférence Weight of the Nation pouvaient donc s’essouffler dès l’aurore dans des exercices de gym.

Bill Clinton, Kathleen Sebelius et Barack Obama pouvaient bien continuer à s’afficher en champions de la réforme.

Fox News, le Parti républicain et les lobbyistes de l’industrie pouvaient de leur côté se parer des habits d’apôtres de la liberté.

La vérité, terrifiante, était bien plus grave.

De Rio Grande City à Washington, aux États- Unis, en fait rien n’avait changé ! »

La suite (après ce constat terrible) ……….. demain.

 

 

 

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