traduction du site en :

Evénements

Avril  2024
Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
   
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30  

Dr Patrick BUENOS

les Algériens aussi sont touchés par ce fléau qui prend de plus en plus d’ampleur .

D’après un rapport publié par la FAO, 53 % des femmes algériennes sont obèses ou en surpoids contre 36 % pour les hommes. L’obésité est un fléau qui touche plus de 6 millions d’Algériens.

Des médecins et des nutritionnistes mettent en exergue l’urgence de combattre l’obésité, notamment infantile, qui ne cesse de progresser à cause du changement des habitudes alimentaires. Ils évoquent également une nécessaire « réhabilitation » de l’activité physique dans les villes, surtout chez les femmes qui sont les plus touchées par le phénomène.

 

Articles en rapport

  • Pas d'article en relation

Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

« Le temps du changement est aujourd’hui venu.

Trente ans après la création du néologisme malbouffe, trente ans après l’apparition du premier McDonald’s en France et dix ans après le démontage de Millau, il convient de regarder la vérité en face.

Et admettre l’immensité de notre échec.

Car la malbouffe, expression à tiroirs, est désormais un concept caduc, un terme dont le sens évolue au gré des agendas politiques et des inquiétudes populaires. Un combat – hélas ! – perdu.

Qu’on en juge. En 2009, alors que nos sociétés sont traversées par une nouvelle crise économique, McDonald’s affiche des résultats débordants de santé.

En France même, territoire de José Bové, le nombre d’établissements du géant américain a presque triplé en dix ans. McDonald’s possède aujourd’hui (en 2009) 1 134 franchises réparties sur 859 communes. Force est de l’admettre, le pionnier de Strasbourg avait vu juste.

Chaque jour, dans l’Hexagone, terre fétiche de la gastronomie et de l’art de vivre, un million de nos concitoyens engouffrent le menu hamburger- frites-Coca.

Pire, la tendance est à la hausse : + 11 % en 2008 avec 3,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Et certainement autant en 2009.

Mais il y a mieux – ou pire selon le point de vue.

Depuis l’épisode du démontage de Millau, la France s’est transformée en marché juteux pour le géant américain. Tandis que, dans son pays d’origine, là où la fréquentation est la plus large, le client moyen consomme pour trois euros de nourriture estampillée du plus célèbre logo de la planète, le Français fait mieux. Beaucoup mieux même.

Ainsi, avec une addition moyenne plus de trois fois supérieure à celle du consommateur américain, un ticket atteignant les dix euros par visiteur, la France occupe… la première place mondiale de la rentabilité par client.

Non, il ne s’agit pas d’une erreur : nous occupons bel et bien la plus haute marche du podium McDonald’s ! Devant les Américains !

Comme l’explique avec pragmatisme Éric Gravier, l’un des vice-présidents de la filiale hexagonale : « Les Français viennent moins chez nous que dans d’autres pays, mais ils consomment beaucoup à chaque visite. »

Si, dix ans après le coup de gueule de José Bové et la redéfinition du terme malbouffe, on ne considère pas cette réalité comme un échec majeur, il reste une dernière information hallucinante pour convaincre les sceptiques.

La France est pour McDonald’s, aujourd’hui, le deuxième pays le plus rentable au monde !

Une vérité aussi corsée qu’un bon morceau de roquefort qu’il ne sert à rien d’ignorer : en trente ans, malgré José Bové, nous nous sommes transformés en vache à lait du géant américain de la restauration rapide.

*

Le temps du changement est venu.

Aujourd’hui, notre échec ne se mesure pas uniquement à l’aune du triomphe hexagonal de McDonald’s. Il prend d’autres visages tout aussi inquiétants.

Désormais, le temps moyen passé chaque jour par une famille française pour préparer le repas flirte dangereusement avec le seuil des trente minutes. Soit beaucoup moins qu’avant ! Une tendance mondiale puisque, au Québec, ce temps est encore plus faible.

Désormais, 43 % de la population française est en surpoids. Avec près de 8 millions de cas, plus de 10% de la France est obèse. Pire, l’obésité infantile ne cesse de croître à un rythme inquiétant, proche de celui constaté aux États-Unis. Avec un taux doublant tous les dix ans, nous n’aurons bientôt rien à envier au mal qui gangrène le continent nord-américain.

 

Faut-il poursuivre ?

En 2009, en France, un adulte sur cinq est victime du cholestérol et dix millions de personnes souffrent d’hypertension. On compte aussi 2 millions de diabétiques – dont 8 000 sont, chaque année, amputés d’un membre -, un demi-million de cardiaques dont 170 000 décèdent de complications liées à leur état. Sans oublier, afin de conclure ce terrible état des lieux, qui vaut aussi pour la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, le Canada, la Grande-Bretagne, les innombrables personnes atteintes de cancers directement liés à l’alimentation.

*

Le temps du changement est venu.

Et, avec lui, la nécessité de revoir la définition du mal qui nous ronge.

Oui, McDonald’s, Coca-Cola et consorts détiennent une part de responsabilité dans le développement de la pandémie d’obésité. Un rôle qui, malgré les discours rassurants des dirigeants de ces compagnies, n’est pas prêt de diminuer.

Oui, comme l’ont fait José Bové et d’autres, il fallait révéler publiquement les dangers de ce mode de consommation – et il faut continuer à le faire -, tant les périls encourus sont sanitaires et culturels.

Mais, en braquant les projecteurs de l’opinion, des médias et des consciences sur cet unique aspect de la crise, les nouveaux chiens de garde de la malbouffe nous ont involontairement aveuglés.

Car la malbouffe conceptualisée par Bové au lendemain de Millau n’est pas, à elle seule, responsable de nos santés déclinantes.

Le véritable coupable est ailleurs.

Différents indices le prouvent.

Lors de chacune de mes rencontres avec des victimes de la pandémie, qu’elles soient obèses ou atteintes d’un cancer du côlon, françaises ou américaines, mon constat fut identique : l’essentiel de l’alimentation de ces personnes ne provenait pas des enseignes de restauration rapide. Mieux – si je puis dire -, certains lecteurs touchés voient dans les maux les affectant une sorte d’injustice divine puisqu’ils ont depuis longtemps boycotté tout ce qui ressemble à un hamburger.

À tous, ma réponse a été identique : le véritable coupable est ailleurs.

Un coupable aussi obèse que ses victimes. Dont le surpoids se mesure en euros. Qui, en France, avec un chiffre d’affaires de 163 milliards d’euros, pèse deux fois plus que le secteur automobile et quatre fois plus que l’industrie pharmaceutique. Et qui, trente ans après la publication du livre de Stella et Joël de Rosnay, a conquis nos assiettes tandis que nous nous battions contre d’autres moulins à vent.

C’est l’industrie agroalimentaire.

Un monde qui, désormais, représente 80 % de notre alimentation.

*

Le temps du changement est venu.

Ce saut vers le passé en quête de l’origine des différents sens d’une expression médiatique était nécessaire.

En concentrant notre attention sur les risques hygiéniques de l’alimentation moderne puis sur le péril représenté par la restauration rapide, nous avons oublié les mises en garde initiales – et pourtant avisées – de Stella et Joël de Rosnay.

Au fil du temps, le concept de malbouffe a perdu de son sens pour devenir un terme fourre-tout qui, finalement, ne met plus en garde contre les vrais dangers auxquels nous devons faire face.

Aussi, trente ans après, pour décrire l’ampleur du péril, mieux vaut créer une nouvelle expression.

En 2004, Kelly Brownell, directeur du Rudd Center for Food Policy and Obesity à Yale et expert reconnu mondialement, publiait un ouvrage intitulé Food Fight : The Inside Story of the Food Industry.

Son livre, visant à découvrir les causes de la pandémie d’obésité, racontait un système où, finalement, le consommateur se retrouvait seul face à une alimentation industrielle de mauvaise qualité, qui plus est trop riche en calories, en graisse et en sel. Une offre disponible partout, peu chère et soutenue par un battage publicitaire permanent. S’ajoutant à d’autres facteurs environnementaux tels que la sédentarisation de nos modes de vie, l’augmentation de la taille des portions, les investissements colossaux en marketing et l’infiltration des écoles par les géants de l’agroalimentaire, cette nouvelle forme de malbouffe, bien plus vaste et complexe, se retrouvait selon lui à l’origine de nos maux.

Après le temps de la junk food et du fast-food, après de Rosnay et Bové, Brownell venait de mettre le doigt sur un nouveau péril.

Son nom ?

La toxic food. »

La suite ……. demain.

William Reymond n’a pas hésité à intituler son premier livre TOXIC et son deuxième livre TOXIC FOOD, au risque d’introduire une certaine confusion.

Mais, au fur et à mesure de son enquête, on constate l’ampleur des dégats de l’industrialisation de l’alimentation et sa responsabilité dans la pandémie d’obésité.

C’est pourquoi dans le réseau ROSA, nous ne pouvons pas imaginer une prise en charge de l’obésité qui ferait l’impasse sur cet aspect de la question.

 

Articles en rapport

Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

« Durant l’été 1999, un vent de révolte souffle sur l’Aveyron.

Quelques semaines plus tôt, pour punir l’Europe qui refuse l’exportation de bœuf américain dopé aux hormones, les États-Unis décident de surtaxer de 100% les droits de douanes du roquefort.

(Le roquefort n’était pas le seul produit visé. Le foie gras, certains chocolats, des céréales et la moutarde de Dijon complétaient la liste côté français. En janvier 2009, toujours dans le cadre du refus de l’importation du bœuf aux hormones, le gouvernement américain s’apprêtait à mettre en place des droits de douanes de 300 % sur le roquefort. En mai de la même année, à quelques jours de leur application, l’Union européenne et les États-Unis trouvaient un accord. En échange de l’augmentation du quota d’importation de bœuf américain non traité, le gouvernement américain abandonnait toute idée de surtaxation des produits européens, dont le roquefort.)

L’attaque n’est pas seulement symbolique, puisque, à l’époque, le marché américain représente plus de 10 % des exportations de cette spécialité fromagère du sud de l’Aveyron. Quatre cents tonnes de fromage qui, en raison d’un prix de vente devenu exorbitant, risquent de fermenter dans des entrepôts plutôt que de terminer dans les assiettes des consommateurs d’outre- Atlantique. Il s’agit donc d’un manque à gagner sévère pour les petits producteurs de la région.

Aussi, au début du mois d’août, du côté de Millau, les esprits s’échauffent et envisagent des mesures de rétorsion contre les États-Unis. Sans surprise, la première action du genre vise Coca- Cola : un cafetier de la ville surtaxe la vente de la boisson dans son établissement.

Et puisque la guerre contre l’Amérique se joue symbole contre symbole, José Bové et ses compagnons du syndicat de la Confédération paysanne décident de frapper fort.

Le 12 août 1999, une poignée de militants menés par le paysan moustachu s’attaquent au démontage d’un McDonald’s alors en construction à Millau. « Sous les yeux médusés du propriétaire Marc Dehani, raconte le quotidien La Dépêche, l’inscription McDo defora, gardarem roquefort (McDo dehors, nous garderons le roquefort) est peinte sur le toit du fast-food tandis que des matériaux du chantier sont convoyés sur un tracteur vers la sous-préfecture. »

En plein été, période où, traditionnellement, l’actualité tourne au ralenti, le coup de poing attire l’attention des médias. Et lorsque la juge d’instruction Nathalie Marty ordonne l’arrestation du responsable de la Confédération paysanne, José Bové, et de ses compagnons, l’affaire prend de l’ampleur. Cette décision, comme le note encore La Dépêche, « raviva l’esprit combatif de ceux qui connurent le mouvement contre l’extension du camp militaire du Larzac dans les années 1970 [et offrit] à la Confédération paysanne de passer du statut d’une organisation ringarde à celui de celle qui défend des traditions ancrées dans un terroir ».

Mais, surtout, elle propulse José Bové au centre d’un combat encore peu répandu que lui- même mène, avec une certaine discrétion, depuis quelques années : la bataille contre la… malbouffe.

Le 12 août 1999, vingt ans après sa création, la perception collective du terme inventé par les de Rosnay entrait donc dans sa troisième phase.

La malbouffe selon José Bové ne correspond ni à celle des années 1970 ni à celle décrite en 1989 lors de la crise de la vache folle.

Le concept cher au représentant de la Confédération paysanne mêle deux refus : celui de la nourriture de mauvaise qualité et celui d’une mondialisation qui se résumerait à une domination américaine. Ces deux pendants sont si liés dans le discours de José Bové que certains de ses détracteurs lui reprochent d’utiliser la malbouffe comme prétexte pour légitimer son propre refus de la mondialisation. Plus tard, viendra se greffer sur ce diptyque la légitime question de la présence d’OGM dans l’alimentation, donnant une dimension supplémentaire à la définition du mot malbouffe.

Mais revenons au sens qu’avait ce terme au lendemain du démontage du McDonald’s de Millau et lors de la publication, un an plus tard, du premier livre publié par José Bové.

S’appuyant sur une dialectique que l’on retrouvera durant l’hiver 1999 à Seattle – lorsque des milliers de représentants du mouvement alter- mondialiste s’opposeront à la troisième conférence ministérielle des cent trente-trois pays membres de l’Organisation mondiale du commerce -, la malbouffe selon José Bové induit que la domination américaine est incarnée par la restauration rapide.

À ce titre, McDonald’s – dont rien ne semble freiner l’expansion mondiale – constitue une cible parfaite. En effet, depuis l’inauguration de sa première franchise à Strasbourg, en 1979, le géant américain n’a cessé de multiplier les ouvertures en France. Avec un peu plus de quatre cents établissements dans l’Hexagone, le chiffre d’affaires annuel de la marque a même franchi le seuil symbolique des dix milliards de francs.

Le démontage de Millau constitue donc une étape importante. Il offre au message de Bové – et à sa définition de la malbouffe -, une caisse de résonance internationale. Désormais, l’ennemi de nos estomacs, de notre santé, de notre économie, de notre identité et, d’une certaine manière, de notre avenir porte un nom simple et débite, à la chaîne, des hamburgers arrosés de Coca-Cola.

À la veille de l’an 2000, alors qu’une partie de la planète hésite entre peur du lendemain et nostalgie du temps passé, le discours de l’agriculteur français se répand donc comme une trainée de poudre.

En août 2009, Éric Gravier, l’un des vice-présidents de la filiale française de McDonald’s, reconnaissait que seuls deux événements « avaient bousculé » la marche en avant de la marque en France : « la crise de la vache folle et José Bové ». On remarquera qu’Éric Gravier ne cite ni la concurrence assez amorphe sur le secteur ni la vague d’attentats en 2000 qui frappa l’enseigne en Bretagne.

Et la vision altermondialiste de la malbouffe s’impose comme la vérité dominante. Désormais, vingt ans après son invention, le terme de Joël de Rosnay regroupe presque exclusivement les produits issus de la restauration rapide.

Ce qui va, pendant une décennie, fausser le débat consacré aux périls de l’alimentation. »

La suite …….demain.

Dr BUENOS : l’affaire de la mimolette ressemble fort à celle du roquefort ……

 

 

Articles en rapport

Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond, qui fait suite à Toxic :

« Vive la crise !

Le cri de soulagement poussé par les géants de l’agroalimentaire au début des années 1980 a dû ressembler à quelque chose de ce genre.

Pourquoi ? Parce que, si la décennie précédente s’est achevée sur une condamnation de plus en plus large de l’alimentation industrielle, la situation économique, elle, change la donne.

D’abord, le paysage alimentaire a évolué. Les supermarchés aux allées et rayons débordant de nourritures préparées et de snacks trop salés sont définitivement entrés dans les moeurs. Le consommateur, qui passe de moins en moins de temps à préparer ses repas, a pris l’habitude d’y acheter, une ou deux fois par semaine, de quoi alimenter les siens. Sans trop regarder le contenu réel de ce qu’il pose dans son chariot.

Une tendance d’autant plus forte qu’entre la modernisation de la société et les contraintes économiques, les femmes ont peu à peu abandonné les fourneaux pour rejoindre la vie active, donc ont eu moins le temps de cuisiner à l’ancienne. Loin de moi ici l’idée de condamner cette marche en avant, mais il faut reconnaître que cette révolution des tâches au sein du couple – qui ne s’est évidemment pas accompagnée d’une implication nouvelle des maris – a ouvert les portes au mal qui nous accable désormais.

Si, à la maison, les réfrigérateurs se sont rapidement remplis de plats tout prêts, au travail aussi l’industrialisation de la nourriture s’est affirmée. L’essor de la restauration collective, au début des années 1980, a contribué à l’intégration rapide de la nourriture industrielle dans l’alimentation. Secouées par la crise et les impératifs économiques, les cantines d’entreprises et scolaires ont peu à peu délaissé les « brigades » de chefs intégrés pour se tourner vers des sociétés proposant un service clé en main à un tarif compétitif. Avec la baisse de qualité qui va avec.

Évidemment, une telle aubaine ne pouvait échapper à… Jacques Borel qui, « avec la création de la Générale de restauration », devint pour près de trente ans « leader sur le marché de la restauration collective ». Un succès d’autant plus aisément acquis que, cette fois, le nom de l’empereur de la malbouffe n’apparaît pas.

Pourquoi ? Parce que – comme certaines sociétés financières ou pharmaceutiques doivent s’y résoudre après un scandale -, les géants de l’agroalimentaire à l’image publique écornée aiment à changer de noms et, ainsi, à brouiller les pistes. Des patronymes ou intitulés neutres qui empêchent le consommateur lambda de savoir qui se cache derrière son poulet-frites et contribuent à ne pas l’effrayer.

Au gré des années la Générale de restauration deviendra une filiale d’Accor puis adoptera le nom d’Avenance Restauration (À l’origine de ce néologisme, deux mots : « avenir et espérance). La compagnie est elle-même une enseigne du groupe Elior, géant français de la restauration sous contrat, autrement dit les restaurations collectives et de concession.

Elior ?

Je suis certain que la majorité d’entre vous n’a jamais entendu parler de cette marque alors qu’une majorité en a utilisé les services.

Créée en 1991, suite au rachat par Accor de 35 % de la Générale de restauration, cette société en commandite par actions est aujourd’hui implantée dans quatorze pays. Avec un chiffre d’affaires de 3 457 millions d’euros, elle emploie 67 500 salariés. Et détient un portefeuille d’enseignes impressionnant.

On y trouve Avenance, mais aussi Les Repas parisiens, Arpège, Services et Santé et Hôpital Service, marques couvrant le large éventail de la restauration collective qui va des cantines d’entreprises aux plateaux-repas des milieux hospitaliers et scolaires, fort lucratifs.

De fait, profitant de la décentralisation des personnels techniques de l’Éducation nationale initiée le 1er janvier 2005, les industriels de l’alimentation ont peu à peu mis dans leur escarcelle les repas des étudiants, imposant au passage des clauses rappelant celles décrites dans Toxic lorsque, aux États-Unis, une marque de sodas désirait s’imposer dans un district scolaire.

Ainsi lorsque Avenance Restauration a obtenu le contrat de la cantine de l’UFM de Draguignan, elle a précisé par contrat que si « moins de cent repas par jour [étaient] servis, l’activité [ne serait] pas jugée rentable ». Et que l’IUFM devrait « indemniser le manque à gagner ». Résultat ? Au terme de la première année d’exploitation de sa cantine par Avenance, l’IUFM dut « verser une pénalité » de 30 000 euros, qui s’ajouta aux 70 000 euros payés au titre du personnel mis à disposition, soit « l’équivalent du coût de cinq emplois annuels » !

L’exigence de rentabilité imposée par l’apparition d’une entreprise privée dans un établissement d’enseignement public ne manqua pas d’effets surprenants. Ainsi, le règlement intérieur de la cantine a-t-il été modifié afin de satisfaire ce prestataire de service.

Qu’on en juge avec l’article suivant :

Règlement intérieur : nouvel article.

Le service de restauration du centre de Draguignan est assuré par l’entreprise Avenance Restauration avec un contrat d’objectif qui prévoit une fréquentation minimale d’une centaine de repas par jour en deçà de laquelle l’IUFM doit compenser financièrement la sous-fréquentation.

Au cours de l’année 2002-2003, il a été constaté que certains usagers utilisaient les locaux de l’IUFM et apportaient leur propre repas alors que la fréquentation du service restauration était très faible. Il est donc proposé d’inviter tous les usagers à utiliser le service de restauration et de rajouter au règlement intérieur un article ainsi rédigé :

Article 51 : Hygiène et sécurité – règlement sanitaire.

L’IUFM est soumis à la réglementation relative à l’hygiène et à la sécurité dans les établissements recevant du public. En application de cette réglementation, aucune autre forme de restauration que celle agréée par les autorités sanitaires n’est autorisée. En conséquence, les usagers qui souhaitent se restaurer doivent obligatoirement utiliser le service de restauration lorsqu’il est mis à leur disposition.

Il faut apprécier les moyens utilisés pour « inviter » les étudiants à se nourrir exclusivement des produits vendus par Avenance Restauration, le nouveau règlement n’hésitant pas à jouer la carte de la peur. Pire, il sous-entend même qu’apporter sa propre nourriture et négliger celle fournie par le partenaire industriel équivaut à un péril sanitaire ! Rien de moins…

Mais passons sur cet exemple « local » pour revenir à Elior et à sa palette d’enseignes.

En plus de la restauration collective, le groupe est présent sur le marché de la concession (Eliance) et des marques de franchise puisqu’il possède Pomme de pain, Quick, Courtepaille, Flo, Paul, Hédiard et Maxim’s.

Sans oublier quelques marques pointues comme Le Resto D. ados, le Restaurant des tout- petits, Archipel et, sur les autoroutes, les anciens établissements « Jacques Borel » des années 1970 rebaptisés « L’Arche ».

Présents également au portefeuille prestige d’Elior, Le Ciel de Paris au sommet de la tour Montparnasse, La Maison de l’Amérique latine, le Restaurant du Musée d’Orsay et le Jules Verne, restaurant de la tour Eiffel.

Enfin – et cela va en étonner plus d’un, à commencer par le regretté Charles Duchemin de Claude Zidi -, Elior est présent derrière certaines tables de prestige. Si le groupe possède le traiteur Honoré James, il gère aussi la plupart des restaurants des musées parisiens comme Le Grand Louvre ou Les Ombres du musée du quai Branly.

La boucle est bouclée, semble-t-il.

L’essor d’Elior et de ses confrères en nourriture industrielle a été possible grâce à la crise économique des années 1980. Comme les supermarchés avaient commencé à démocratiser l’achat de plats et d’aliments préparés, ceux-ci se sont généralisés à tous les repas. De quoi affaiblir et changer le sens du mot malbouffe imaginé par les époux de Rosnay.

Un état d’esprit que la dépression d’alors a accentué, rendant acceptable aux yeux de beaucoup une nourriture rejetée dans les années 1970.

Pourquoi ? Parce que, comme le démontrent de nombreuses études, en période de difficultés économiques le consommateur se rabat sur des aliments susceptibles de le réconforter. La nourriture industrielle, avec ses surplus de graisse, de sucre, de sel et additifs chimiques est le remède parfait à la morosité. Et comme elle est accessible à toutes les bourses, c’est la solution facile. Alors que les taux de chômage des pays industrialisés battent des records, que les pouvoirs d’achat sont en berne, la nourriture industrielle incarne une alternative acceptable, une solution de repli.

Un phénomène d’autant plus fort que, au milieu des années 1980, le néologisme de « mal-bouffe » va peu à peu désigner un autre péril alimentaire.

De l’huile frelatée au poulet à la dioxine, de la viande aux hormones à la fièvre aphteuse, on utilise en effet le terme malbouffe pour désigner non un problème qualitatif mais un défaut dans l’hygiène de la filière alimentaire.

En 1989, dix ans précisément après la publication du livre de Stella et Joël de Rosnay, la malbouffe fait la une de l’actualité mondiale. Non pour signaler une nouvelle idée du Napoléon du prêt-à-manger mais pour révéler les dangers de la crise de la vache folle qui frappe alors la Grande-Bretagne. En 1989, la France interdit l’importation de farines animales britanniques destinées aux ruminants. La même année, le gouvernement britannique interdit la consommation de certains abats comme la cervelle, et la communauté européenne limite l’exportation de vaches anglaises.

Et il faudra attendre encore une décennie pour que, du côté de Millau, l’expression poursuive sa mutation sémantique.

La suite …… demain.

Dr BUENOS : Dans cet article passionnant, William Reymond montre à quel point la restauration industrielle s’implante progressivement en France, rendant plus crédible le chiffre incroyable des restaurants qui réchauffent des plats et ne font pas de cuisine à partir de produits frais.

28 octobre 2012 : 70 % des restaurants proposeraient des plats industriels (sud-ouest.fr)………

 

Articles en rapport

Le nouveau projet de Bloomberg pour lutter contre l’obésité à New York: promouvoir… les escaliers.

Depuis son arrivée à la mairie de New York en 2002, Michael Bloomberg a mené de nombreux projets visant à améliorer la santé de ses administrés, en luttant tout particulièrement contre l’obésité (notamment via une vaine tentative d’interdire les sodas XXL).

A quelques mois de la fin de son mandat, il invite cette fois-ci les New-Yorkais à bouger leurs corps en prenant les escaliers, raconte le New York Times. Son idée? Mettre en place «une approche globale de la planification urbaine».

Du long terme, donc, pour que les habitants marchent plus, dans cette «ville verticale» où beaucoup de déplacements se font de bas en haut.

Bloomberg a ainsi présenté deux projets de loi ayant pour but d’accroître la visibilité et de faciliter l’accès à au moins un escalier, dans tous les nouveaux bâtiments. Des escaliers qui devront être ouverts, lumineux, propres, et pas seulement réservés aux situations d’urgence.

Cela se traduirait aussi par plus de signalétiques montrant la direction de la marche vers les étages, et une injonction récurrente: «Prenez les escaliers!».

Pour plancher sur le sujet, la ville va travailler avec le nouveau Center for active design. Pour «promouvoir la santé à travers le design» des bâtiments, des rues, des quartiers…

Cet active design (littéralement design actif), a plusieurs facettes intéressantes, toujours avec ce but de prendre soin de la santé des habitants avec des installations urbaines adaptées: les transports (comment favoriser un environnement agréable pour les piétons et les cyclistes, avec des voies sécurisées, plus d’arbres, du street art…), les bâtiments (plus d’escaliers, donc, visibles et attractifs, mais aussi des espaces de travail qui favorisent la circulation, des cuisines dans les bureaux pour éviter le Big Mac, des garages à vélo…), les «aires récréatives» (parcs et squares accessibles, jeux sécurisés pour les enfants…) et «l’accès à la nourriture» (des espaces pour des stands de fruits et légumes localisés grâce à une carte spéciale, des jardins communautaires ou sur les toits, des fontaines à eau visibles…).

Ce Center for active design va donc explorer de nombreuses pistes, pas que celle des escaliers.

«Je ne suis pas ici pour vous dire comment vivre», s’est justifié Bloomberg, souvent accusé d’être le représentant du «nanny state» («état hyperprotecteur»), en précisant que les New-Yorkais ont quand même une espérance de vie supérieure de 3 ans à la moyenne nationale. Mais l’obésité reste la deuxième cause de décès évitables dans la ville, après le tabagisme.

 

Articles en rapport

Extrait de Toxic food, le livre de William Reymond qui fait suite àToxic :

« Le 9 avril 2008, Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation et porte-parole du gouvernement Fillon, remettait la Légion d’honneur à l’industriel français Jacques Borel. Un sacré symbole !

À vrai dire, cette récompense ne surprend guère. Car avant de devenir un spécialiste du lobby pro-restauration à l’échelle européenne, Jacques Borel est une success-story à la française.

Né en 1927, diplômé d’HEC, Borel abandonne une carrière prometteuse chez IBM en 1957 afin de se lancer dans la restauration. Mais pas n’importe laquelle. Influencé par les modèles anglais et américain, il souhaite importer en France une nouvelle manière de manger. Son premier établissement, installé à proximité des Champs-Élysées, est un restaurant libre-service. Quant à son nom – L’Auberge Express -, il ne laisse planer aucun doute quant aux intentions de l’homme d’affaires. L’idée de Borel est simple : appliquer certaines méthodes industrielles à la restauration. De fait, dans un autre de ses restaurants, les chaussures de ses serveurs sont équipées de podomètres pour mesurer le parcours à suivre le plus efficace de la cuisine à la salle. Une rentabilisation de l’alimentation en somme.

Dans son discours, Luc Chatel a plutôt pris soin de rappeler que l’heureux bénéficiaire de la médaille officielle avait inventé, en 1967, les tickets- restaurant. Inspiré par cette innovation anglaise, le père du « ticket-repas » avait même obtenu du ministre des Finances de l’époque, Michel Debré, et ce après sept années de négociations, une exonération des charges sociales sur cette trouvaille aujourd’hui largement répandue.

Pour autant, ce bout de papier ne doit pas occulter une autre réalité : Jacques Borel est le créateur des restaurants d’autoroute. À l’époque pompidolienne, les quelques aires de repos maillant le territoire étaient équipées de stations- service, parfois de toilettes, mais jamais de lieux où on servait un repas avec entrée, plat et dessert. En inaugurant son premier établissement « Jacques Borel » sur l’A6 au début de l’été 1969, l’industriel bouscule les habitudes : « Ça a été immédiatement un succès […] jusqu’à 10 clients à la minute, soit 6 000 clients par jour, là où un restaurant avec service à table est limité à 400 couverts», reconnaît-il. Des chiffres qui doubleront lors des périodes de départ en vacances et après l’ouverture de l’autoroute Paris-Lyon- Marseille l’année suivante. Une véritable révolution surtout.

* *

La politique est l’art de l’équilibre.

À un moment, on remet la Légion d’honneur à Jacques Borel ; à un autre, on défend les 80 propositions destinées à lutter contre l’obésité présentées à l’Assemblée nationale.

Un jour, on embrasse le « Napoléon du prêt- à-manger » ; l’autre, on s’alarme du constat que « si rien n’est fait, l’obésité touchera 30 % des Français d’ici à 2020 ».

Car voilà : Jacques Borel n’incarne pas seulement une réussite. Il est aussi, ne lui en déplaise, le père de la malbouffe à la française.

De fait, des décennies avant d’entendre le discours du ministre lui remettant sa médaille, cet homme entreprenant a été un symbole… malgré lui.

L’incarnation du pire de la nourriture industrielle, une alimentation sans goût, sans saveurs, sans tenue. Les preuves ? Elles sont multiples. Et pas seulement parce que, dès 1961, ce monsieur a été le cerveau présidant à l’expérience – ratée – de la chaîne de fast-food Wimpy.

À la fin des années 1970, au moment même où le terme de malbouffe commence à faire le tour des médias, Jacques Borel est si attaqué et son image si négative qu’il doit rebaptiser les enseignes de ses restaurants autoroutiers.

Même les humoristes s’y mettent. Coluche, dans son sketch Le Belge, s’inspire des vers de Jacques Brel sur son célèbre plat pays pour brocarder l’industriel en ces termes : « On s’est arrêté pour manger chez Jacques Borel ; c’est celui qui fait le plat pourri qui est le mien. »

Le ton se fait plus incisif chez Renaud qui, en 1980, chante dans L’Auto-stoppeuse :

On s’est arrêté pour bouffer après Moulins Et Jacques Borel nous a chanté son p’tit refrain Le plat pourri qui est le sien, j’y ai pas touché. Tiens, c’est pas dur, même le clébard a tout gerbé.

Mais c’est au cinéma que les attaques contre le modèle alimentaire proposé par l’industriel se révèlent les plus virulentes. Ainsi, après un film de Gérard Pirès où Claude Brasseur incarne un serveur d’un restaurant autoroutier en proie aux critiques de ses clients (l’agression), c’est Louis de Funès qui sonne la charge derrière la caméra de Claude Zidi. En 1976, il joue en effet Charles Duchemin, critique gastronomique féru de cuisine de qualité, s’opposant à un Tricatel sans morale, dans le mythique « L’Aile ou la cuisse ».

Jacques Tricatel, Jacques Borel… La ressemblance est évidente et même revendiquée par Claude Zidi quand il évoque la naissance du scénario : « Avec des amis, nous avons un jour lancé la conversation sur le guide Michelin et sur la « malbouffe” qui commençait à sévir, raconte-t-il. Ainsi sont nés Duchemin et Tricatel, amalgame entre Borel, l’inventeur des restoroutes, et Ducatel, candidat farfelu à la présidentielle. »

De Coluche à Renaud, de Borel à Tricatel, la malbouffe épinglée par Stella et Joël de Rosnay est donc à l’époque clairement identifiable : la nourriture industrielle.

Hélas ! l’expression va rapidement changer de sens, faussant pour longtemps notre perception du péril. »

La suite …………… demain.

 

 

 

Articles en rapport

A Dubaï, pendant le mois de jeûne musulman du ramadan, la municipalité offre de l’or aux habitants qui perdraient plus de deux kilos en un mois, dans le cadre de la lutte contre l’obésité, rapporte la presse locale

A Dubaï, tous les moyens sont bons pour lutter contre l’obésité. Les fidèles, qui font le jeûne du ramadan, vont ainsi pouvoir être motivés pour perdre du poids. « Plus vous perdrez du poids, plus vous gagnerez d’or », a assuré Hussein Lootah, directeur général de la municipalité de Dubaï.

Alors que le Ramadan consiste, pour les fidèles, à s’abstenir de boire et de manger durant la journée, au coucher du soleil, tout est permis. Un mode d’alimentation déconseillé par les nutritionnistes, puisque le soir, on stocke davantage les graisses. Pour un meilleur ramadan, la municipalité a donc lancé cette initiative qui départagera les gagnants par un tirage au sort. Les trois premiers gagneront chacun une pièce d’or d’une valeur de 20.000 dirhams (5.400 dollars environ). Les autres se partageront des récompenses d’une valeur globale de 200.000 dirhams (54.000 dollars).

Une balance sera installée dans les parcs publics de Dubaï où les participants pourront se faire peser, une première fois vendredi puis à nouveau le 16 août. Des nutritionnistes et des médecins seront présents pour les conseiller dans leur perte de poids, mais s’engageront, selon la presse, à ne pas recourir à des « méthodes malsaines ».

 

Articles en rapport

  • Pas d'article en relation

Extrait de Toxic food, le livre de William Reymond qui fait suite àToxic :

« Tout est toujours question de perception…

L’analyse qui s’esquissait dans mon esprit durant l’enregistrement de Tout le monde en parle avait de quoi exciter. Là, au détour d’une phrase, je venais de comprendre une raison essentielle de notre échec alimentaire.

Et puisque, aujourd’hui, le constat est identique, autant entamer ce livre avec une révélation douloureuse : depuis au moins deux décennies, sur ce front-là, nous avons entrepris la mauvaise bataille.

Le pire, c’est qu’il faut poursuivre par une autre constatation pénible, encore plus étonnante : José Bové est, indirectement, coupable de cet aveuglement collectif !

Non, je n’ai pas cédé aux sirènes lucratives des géants de l’agroalimentaire ni retourné ma veste. Mais si cette double vérité est osée et – volontairement – provocante, ce n’est pas sans raison. Pour comprendre ma réflexion, saisir les enjeux des combats à venir et s’approprier les outils permettant de vaincre, il faut entreprendre un petit saut dans le temps. Et évoquer un anniversaire…

Le 17 septembre 1979, voilà tout juste trente ans, la chaîne américaine McDonald’s ouvrait sa première franchise en France.

(Les grandes compagnies aiment réécrire l’histoire afin qu’elle serve leur légende. Si 1979 est la date « officielle » de l’arrivée de McDonald’s en France, en réalité, elle remonte à… 1972. À l’époque, la compagnie qui ne croyait guère au marché français avait laissé les mains libres à Raymond Dayan. Le récit enquêté de cette reprise de contrôle et les raisons de la date escamotée se lisent ici : http:// www.superflux.fr/article-10.php)

C’était à Strasbourg, avec Michel Ksianzenicer comme précurseur. Un homme qui, comme il aime à le relater, avait l’impression de se retrouver dans la peau « d’un pionnier ».

Il ne se trompait pas puisque, une décennie plus tôt, les rares établissements de la marque Wimpy avaient mis la clé sous la porte. Depuis 1961, sous l’impulsion de l’industriel Jacques Borel, la première chaîne de restauration rapide à s’implanter dans l’Hexagone tentait de convaincre les Français que le menu hamburger-frites- Coca avait de l’avenir, mais sans succès. À cause d’établissements mal implantés et sans doute trop en avance sur son temps, l’expérience Wimpy dura huit ans et s’acheva en 1969.

Aussi, l’ouverture d’un McDonald’s à Strasbourg, dix ans plus tard, exhalait l’authentique saveur d’une première tandis que le public français incarnait les promesses d’une riche terre vierge à conquérir.

À en croire les souvenirs de Michel Ksianzenicer, « l’accueil avait été plutôt chaleureux, les réactions des Alsaciens (étant) plus curieuses qu’hostiles ».

Les propos que j’utilise ici proviennent d’un document officiel de McDonald’s France intitulé sobrement Notre histoire et qui détaille en cinq pages les dates clefs de l’expansion française et mondiale de la marque. Les curieux y découvriront, par exemple, que le premier drive-in made in France fut inauguré en 1986 à Mantes-la-Ville ou qu’en 1995 McDonald’s reçut le Trophée Environnement Entreprise décerné par le ministère de l’Environnement. Pour autant, plus que les dates liées à l’expansion de la compagnie dans l’Hexagone, c’est un autre point du document qui a attiré mon attention.

Chaque entrée est en effet accompagnée de repères chronologiques citant les événements survenus au même moment. Ainsi, pour l’année 1995, nous apprenons que « la Bibliothèque nationale de France est inaugurée à Paris par François Mitterrand » et que « l’ONU déclare que « les droits des femmes sont partie intégrante et indivisible des droits humains » ».

Je ne vais pas épiloguer sur cette stratégie, vieille comme l’invention de la publicité et de la politique, qui consiste à tenter de redorer son blason en l’associant, indirectement, à des valeurs positives comme les progrès scientifiques, culturels ou humanistes. McDonald’s n’étant ni la première ni la seule société à le faire, impossible de lui en tenir rigueur. Non, ce qui m’intéresse, c’est la liste des événements mis en avant par la marque pour 1979, date de son arrivée en France.

On y lit ainsi que « Simone Veil est élue présidente du Parlement européen à Strasbourg », que « Mère Teresa reçoit le Prix Nobel de la Paix » et que « la fusée Ariane est prête à prendre son envol ». Que du positif en somme et aucune mention de la crise de la sidérurgie en Lorraine, du second choc pétrolier, du mitraillage du siège du patronat français par Action directe, de l’assassinat de Pierre Goldman, de la mort de Jacques Mesrine, des débuts de l’affaire Boulin et des diamants de Bokassa impliquant Valéry Giscard d’Estaing, président de la République de l’époque.

Ces oublis, je l’ai dit, n’ont rien d’étonnant mais c’est sur une autre absence que je souhaitais m’étendre.

Alors que, du côté de la place des Halles, à Strasbourg, McDonald’s entamait sa conquête de France, d’autres pionniers créaient une expression qui allait bientôt hanter le géant américain.

Parfois, les découvreurs portent costume cravate et tailleur Chanel. Parfois même, ils mettent au jour des vérités essentielles sans saisir forcément l’importance de leur trouvaille. Ainsi Stella et Joël de Rosnay ont-ils été les inventeurs, il y a exactement trente ans, du concept de… malbouffe !

L’ironie de la situation est aussi croustillante qu’une portion de frites. Au moment même où McDonald’s ouvrait sa première franchise en France, le biologiste et son épouse d’origine anglaise inventaient le néologisme qui, aujourd’hui, définit le fast-food.

Un hasard sidérant que l’on pourrait croire tout droit sorti de l’imagination d’un esprit diabolique.

Pourtant les faits sont là : alors que Michel Ksianzenicer inaugurait son établissement strasbourgeois, les époux de Rosnay publiaient chez Olivier Orban un livre intitulé La Malbouffe. Comment se nourrir pour mieux vivre.

En 1979, comme le précise Joël de Rosnay, le vocable a été créé « à partir des concepts de mal-nutrition et de grande bouffe – en référence au film de Marco Ferreri – pour exprimer le paradoxe de notre époque : d’un côté des gens qui meurent de faim faute d’aliments et, de l’autre, des gens qui tombent malades parce qu’ils mangent trop et surtout mal. [Le titre] se voulait humoristique, ironique et constructif. »

Plus étonnant encore, le concept de « mal-bouffe » créé par Stella et Joël de Rosnay ignore la menace alimentaire à laquelle il est associé de nos jours. Ainsi, aucune mention directe de l’alimentation de type fast-food dans cet ouvrage mais une critique sensée de l’alimentation quotidienne que les deux auteurs jugent « beaucoup trop riche en graisses et en sucres […] les risques encourus sont l’hyperglycémie et les maladies cardiovasculaires ». Comme le précise Jean-Paul Escande lorsqu’il les reçoit sur Antenne 2, les époux de Rosnay ne proposent d’ailleurs pas de régime « mais l’autonorme avec un meilleur équilibre des repas (graines – œufs-fromages-aliments à fibres…) qui devrait être enseigné dès l’école ».

Si l’ouvrage préserve l’enseigne à l’arche dorée, c’est donc simplement parce que la restauration rapide à l’américaine est alors une rareté en France. Au-delà de l’expérience strasbourgeoise de 1979, il faudra en effet attendre 1984 avant que McDonald’s ouvre, rue Montmartre, son premier établissement de la capitale.

Tout en étant des précurseurs, les de Rosnay concentrent en somme leurs craintes sur la passion française pour la charcuterie, l’excès de viande et un recours trop systématique au sucre et au sel.

Plus intéressant en le lisant aujourd’hui : les deux auteurs condamnent fermement les « produits non-naturels » issus de l’industrie agroalimentaire. Selon de Rosnay, l’une des clés ouvrant la voie au mieux-vivre consiste à « vaincre la résistance des industriels ».

Vaincre la résistance des industriels… Souvent, les pionniers sont également des visionnaires !

* *

Résumons-nous.

En 1979, savoureux hasard, alors que McDo-nald’s inaugure sa première franchise française, Stella et Joël de Rosnay inventent le terme de malbouffe.

Mais l’expression n’évoque pas le fast-food, désignant plutôt les risques liés à la consommation de nourriture industrielle. Compte tenu du peu d’établissements commercialisant des hamburgers, que les auteurs aient un autre centre d’intérêt est logique. La France des années 1970, à l’instar de tous les pays développés, effectue surtout un bond vers la modernité, c’est cela qu’il convient d’ausculter.

Côté alimentation, ce « progrès » se traduit par l’explosion du nombre de supermarchés, lesquels remplacent peu à peu les épiceries et les boutiques spécialisées, ainsi que par une baisse du temps passé à cuisiner et à se nourrir et – surtout – par l’émergence de la production, en masse, de produits issus de l’agroalimentaire.

Car, quand les époux de Rosnay écrivent leur livre, la nourriture industrielle est déjà implantée en France. Depuis une décennie même. Or un homme est alors le symbole détesté de cette « modernisation » de nos assiettes.

La suite (après ce hors d’oeuvre) ………..demain.

 

Articles en rapport

Toutes les personnes qui ont suivi le feuilleton quotidien de ce début d’été en lisant quotidiennement les extraits de Toxic de William Reymond , ont sûrement été déçues que cela s’achève et frustrées que cela s’achève fin 2006.

William Reymond a publié une suite : »Toxic Food » qui s’achève fin 2009 pour notre plus grand plaisir.

On se propose d’en reprendre la divulgation par petits extraits quotidiens. Les plus impatients pourront se procurer le livre ….

Dans ce premier extrait introductif, William Reymond explique pourquoi il a écrit une suite.

 

« En voyant la profusion des enseignes lumineuses siglées McDonald’s, Burger King et Pizza Hut, en constatant la quantité de sirop de fructose-glucose contenue dans un litre de Coca-Cola, en découvrant l’affluence aux buffets à volonté et les invitations permanentes des restaurants à manger à prix sacrifié, j’avais mis le doigt sur la réalité d’une crise en devenir. Car, à Rio Grande City, un quart des enfants de moins de cinq ans sont obèses et près de la moitié de ceux âgés de dix ans, suivant l’exemple de leurs parents, s’affirment comme de sérieux candidats au diabète de type 2.

Je l’avais écrit alors, le border town2 ressemblait à un atroce laboratoire. Où l’on pratiquait une expérience ultime d’abêtissement des règles alimentaires. Certes, dans un combat perdu d’avance, quelques justes tentaient d’alerter l’opinion, de mettre en garde la population et les autorités, voix fluettes prêchant dans le désert et trop peu puissantes pour être entendues d’une société américaine dominée par les géants de l’industrie agroalimentaire.

C’était en 2006. Depuis, Rio Grande City, son accent hispanique et son odeur de graillon n’ont cessé de hanter mon esprit.

Si depuis j’ai avancé sur des chemins bien différents, il m’est arrivé de revenir sur ces terres familières. Ainsi, en 2007, pour un Envoyé Spécial consacré aux acides gras-trans. Mais c’est surtout l’audience rencontrée par Toxic, en France et au Québec, ainsi que les courriers et e-mails de lecteurs profondément touchés qui m’ont interpellé.

Tout au long de la rédaction de Toxic, une vérité m’avait habité : j’étais un père scandalisé. Et le sang qui bouillonnait en moi avait nourri l’encre de mes mots.

Cette sincérité, cette volonté citoyenne de s’engager pour assurer un avenir alimentaire meilleur à nos enfants, je l’ai retrouvée dans les nombreux courriers reçus. Un flux, preuve de la persistance du problème, qui ne faiblit pas.

J’ignore lequel d’entre vous, chers correspondants lecteurs, m’a convaincu de la nécessité de replonger dans les maux de notre alimentation et de poursuivre le sillon tracé par Toxic.

Peut-être est-ce Jacques, directeur de recherche en Suisse, effaré de découvrir les « causes de la dégradation de la santé publique » ? Peut-être est-ce Madeleine, une jeune Française tiraillée entre le soulagement de savoir et l’inquiétude devant la vérité ? Peut-être plutôt Nathalie, une mère de famille de Montréal décidée à repartir à la conquête des assiettes de ses deux fillettes et désirant savoir comment s’y prendre ? À moins qu’il ne s’agisse d’un des messages reçus d’Italie, des Pays-Bas, de Belgique ou de Corée du Sud, lesquels, malgré les distances, traduisaient tous des angoisses identiques, prouvant ainsi la globalisation du mal ? Pour tout dire, il est impossible de savoir tant c’est assurément chacune de vos lignes qui a contribué à la naissance de ce nouvel opus.

En revanche, je me souviens précisément du moment où, pour la première fois, l’idée de reprendre le flambeau porté dans Toxic est venue m’effleurer.

C’était sur le plateau de la version québécoise de l’émission Tout le monde en parle. Je venais d’expliquer à Guy A. Lepage, son animateur, que la crise mondiale d’obésité, au-delà des kilos en trop, était la face très visible d’un iceberg bien plus dangereux. Et que, sous la surface, dans les sombres profondeurs de l’océan de notre ignorance, là où l’opacité ne laisse plus passer la lumière, se cachait un autre monde redoutablement toxique. Et qui, pour le coup, nous concernait tous.

Tandis que Guy souhaitait en savoir plus, l’évidence venait de me frapper : si l’occasion se présentait, je savais désormais où plonger. »

La suite ……………..demain

 

Articles en rapport

Les intervenants du réseau ROSA ont le plaisir de mettre à la disposition des patients du réseau ROSA et de la toute nouvelle association de patients « les amis de ROSA » un forum de discussion et de partage d’expérience à l’adresse suivante www.rosa-network.fr

Articles en rapport

  • Pas d'article en relation