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MAC DONALD

Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

« Le temps du changement est aujourd’hui venu.

Trente ans après la création du néologisme malbouffe, trente ans après l’apparition du premier McDonald’s en France et dix ans après le démontage de Millau, il convient de regarder la vérité en face.

Et admettre l’immensité de notre échec.

Car la malbouffe, expression à tiroirs, est désormais un concept caduc, un terme dont le sens évolue au gré des agendas politiques et des inquiétudes populaires. Un combat – hélas ! – perdu.

Qu’on en juge. En 2009, alors que nos sociétés sont traversées par une nouvelle crise économique, McDonald’s affiche des résultats débordants de santé.

En France même, territoire de José Bové, le nombre d’établissements du géant américain a presque triplé en dix ans. McDonald’s possède aujourd’hui (en 2009) 1 134 franchises réparties sur 859 communes. Force est de l’admettre, le pionnier de Strasbourg avait vu juste.

Chaque jour, dans l’Hexagone, terre fétiche de la gastronomie et de l’art de vivre, un million de nos concitoyens engouffrent le menu hamburger- frites-Coca.

Pire, la tendance est à la hausse : + 11 % en 2008 avec 3,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Et certainement autant en 2009.

Mais il y a mieux – ou pire selon le point de vue.

Depuis l’épisode du démontage de Millau, la France s’est transformée en marché juteux pour le géant américain. Tandis que, dans son pays d’origine, là où la fréquentation est la plus large, le client moyen consomme pour trois euros de nourriture estampillée du plus célèbre logo de la planète, le Français fait mieux. Beaucoup mieux même.

Ainsi, avec une addition moyenne plus de trois fois supérieure à celle du consommateur américain, un ticket atteignant les dix euros par visiteur, la France occupe… la première place mondiale de la rentabilité par client.

Non, il ne s’agit pas d’une erreur : nous occupons bel et bien la plus haute marche du podium McDonald’s ! Devant les Américains !

Comme l’explique avec pragmatisme Éric Gravier, l’un des vice-présidents de la filiale hexagonale : « Les Français viennent moins chez nous que dans d’autres pays, mais ils consomment beaucoup à chaque visite. »

Si, dix ans après le coup de gueule de José Bové et la redéfinition du terme malbouffe, on ne considère pas cette réalité comme un échec majeur, il reste une dernière information hallucinante pour convaincre les sceptiques.

La France est pour McDonald’s, aujourd’hui, le deuxième pays le plus rentable au monde !

Une vérité aussi corsée qu’un bon morceau de roquefort qu’il ne sert à rien d’ignorer : en trente ans, malgré José Bové, nous nous sommes transformés en vache à lait du géant américain de la restauration rapide.

*

Le temps du changement est venu.

Aujourd’hui, notre échec ne se mesure pas uniquement à l’aune du triomphe hexagonal de McDonald’s. Il prend d’autres visages tout aussi inquiétants.

Désormais, le temps moyen passé chaque jour par une famille française pour préparer le repas flirte dangereusement avec le seuil des trente minutes. Soit beaucoup moins qu’avant ! Une tendance mondiale puisque, au Québec, ce temps est encore plus faible.

Désormais, 43 % de la population française est en surpoids. Avec près de 8 millions de cas, plus de 10% de la France est obèse. Pire, l’obésité infantile ne cesse de croître à un rythme inquiétant, proche de celui constaté aux États-Unis. Avec un taux doublant tous les dix ans, nous n’aurons bientôt rien à envier au mal qui gangrène le continent nord-américain.

 

Faut-il poursuivre ?

En 2009, en France, un adulte sur cinq est victime du cholestérol et dix millions de personnes souffrent d’hypertension. On compte aussi 2 millions de diabétiques – dont 8 000 sont, chaque année, amputés d’un membre -, un demi-million de cardiaques dont 170 000 décèdent de complications liées à leur état. Sans oublier, afin de conclure ce terrible état des lieux, qui vaut aussi pour la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, le Canada, la Grande-Bretagne, les innombrables personnes atteintes de cancers directement liés à l’alimentation.

*

Le temps du changement est venu.

Et, avec lui, la nécessité de revoir la définition du mal qui nous ronge.

Oui, McDonald’s, Coca-Cola et consorts détiennent une part de responsabilité dans le développement de la pandémie d’obésité. Un rôle qui, malgré les discours rassurants des dirigeants de ces compagnies, n’est pas prêt de diminuer.

Oui, comme l’ont fait José Bové et d’autres, il fallait révéler publiquement les dangers de ce mode de consommation – et il faut continuer à le faire -, tant les périls encourus sont sanitaires et culturels.

Mais, en braquant les projecteurs de l’opinion, des médias et des consciences sur cet unique aspect de la crise, les nouveaux chiens de garde de la malbouffe nous ont involontairement aveuglés.

Car la malbouffe conceptualisée par Bové au lendemain de Millau n’est pas, à elle seule, responsable de nos santés déclinantes.

Le véritable coupable est ailleurs.

Différents indices le prouvent.

Lors de chacune de mes rencontres avec des victimes de la pandémie, qu’elles soient obèses ou atteintes d’un cancer du côlon, françaises ou américaines, mon constat fut identique : l’essentiel de l’alimentation de ces personnes ne provenait pas des enseignes de restauration rapide. Mieux – si je puis dire -, certains lecteurs touchés voient dans les maux les affectant une sorte d’injustice divine puisqu’ils ont depuis longtemps boycotté tout ce qui ressemble à un hamburger.

À tous, ma réponse a été identique : le véritable coupable est ailleurs.

Un coupable aussi obèse que ses victimes. Dont le surpoids se mesure en euros. Qui, en France, avec un chiffre d’affaires de 163 milliards d’euros, pèse deux fois plus que le secteur automobile et quatre fois plus que l’industrie pharmaceutique. Et qui, trente ans après la publication du livre de Stella et Joël de Rosnay, a conquis nos assiettes tandis que nous nous battions contre d’autres moulins à vent.

C’est l’industrie agroalimentaire.

Un monde qui, désormais, représente 80 % de notre alimentation.

*

Le temps du changement est venu.

Ce saut vers le passé en quête de l’origine des différents sens d’une expression médiatique était nécessaire.

En concentrant notre attention sur les risques hygiéniques de l’alimentation moderne puis sur le péril représenté par la restauration rapide, nous avons oublié les mises en garde initiales – et pourtant avisées – de Stella et Joël de Rosnay.

Au fil du temps, le concept de malbouffe a perdu de son sens pour devenir un terme fourre-tout qui, finalement, ne met plus en garde contre les vrais dangers auxquels nous devons faire face.

Aussi, trente ans après, pour décrire l’ampleur du péril, mieux vaut créer une nouvelle expression.

En 2004, Kelly Brownell, directeur du Rudd Center for Food Policy and Obesity à Yale et expert reconnu mondialement, publiait un ouvrage intitulé Food Fight : The Inside Story of the Food Industry.

Son livre, visant à découvrir les causes de la pandémie d’obésité, racontait un système où, finalement, le consommateur se retrouvait seul face à une alimentation industrielle de mauvaise qualité, qui plus est trop riche en calories, en graisse et en sel. Une offre disponible partout, peu chère et soutenue par un battage publicitaire permanent. S’ajoutant à d’autres facteurs environnementaux tels que la sédentarisation de nos modes de vie, l’augmentation de la taille des portions, les investissements colossaux en marketing et l’infiltration des écoles par les géants de l’agroalimentaire, cette nouvelle forme de malbouffe, bien plus vaste et complexe, se retrouvait selon lui à l’origine de nos maux.

Après le temps de la junk food et du fast-food, après de Rosnay et Bové, Brownell venait de mettre le doigt sur un nouveau péril.

Son nom ?

La toxic food. »

La suite ……. demain.

William Reymond n’a pas hésité à intituler son premier livre TOXIC et son deuxième livre TOXIC FOOD, au risque d’introduire une certaine confusion.

Mais, au fur et à mesure de son enquête, on constate l’ampleur des dégats de l’industrialisation de l’alimentation et sa responsabilité dans la pandémie d’obésité.

C’est pourquoi dans le réseau ROSA, nous ne pouvons pas imaginer une prise en charge de l’obésité qui ferait l’impasse sur cet aspect de la question.

 

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Extrait de Toxic food, le livre de William Reymond qui fait suite àToxic :

« Tout est toujours question de perception…

L’analyse qui s’esquissait dans mon esprit durant l’enregistrement de Tout le monde en parle avait de quoi exciter. Là, au détour d’une phrase, je venais de comprendre une raison essentielle de notre échec alimentaire.

Et puisque, aujourd’hui, le constat est identique, autant entamer ce livre avec une révélation douloureuse : depuis au moins deux décennies, sur ce front-là, nous avons entrepris la mauvaise bataille.

Le pire, c’est qu’il faut poursuivre par une autre constatation pénible, encore plus étonnante : José Bové est, indirectement, coupable de cet aveuglement collectif !

Non, je n’ai pas cédé aux sirènes lucratives des géants de l’agroalimentaire ni retourné ma veste. Mais si cette double vérité est osée et – volontairement – provocante, ce n’est pas sans raison. Pour comprendre ma réflexion, saisir les enjeux des combats à venir et s’approprier les outils permettant de vaincre, il faut entreprendre un petit saut dans le temps. Et évoquer un anniversaire…

Le 17 septembre 1979, voilà tout juste trente ans, la chaîne américaine McDonald’s ouvrait sa première franchise en France.

(Les grandes compagnies aiment réécrire l’histoire afin qu’elle serve leur légende. Si 1979 est la date « officielle » de l’arrivée de McDonald’s en France, en réalité, elle remonte à… 1972. À l’époque, la compagnie qui ne croyait guère au marché français avait laissé les mains libres à Raymond Dayan. Le récit enquêté de cette reprise de contrôle et les raisons de la date escamotée se lisent ici : http:// www.superflux.fr/article-10.php)

C’était à Strasbourg, avec Michel Ksianzenicer comme précurseur. Un homme qui, comme il aime à le relater, avait l’impression de se retrouver dans la peau « d’un pionnier ».

Il ne se trompait pas puisque, une décennie plus tôt, les rares établissements de la marque Wimpy avaient mis la clé sous la porte. Depuis 1961, sous l’impulsion de l’industriel Jacques Borel, la première chaîne de restauration rapide à s’implanter dans l’Hexagone tentait de convaincre les Français que le menu hamburger-frites- Coca avait de l’avenir, mais sans succès. À cause d’établissements mal implantés et sans doute trop en avance sur son temps, l’expérience Wimpy dura huit ans et s’acheva en 1969.

Aussi, l’ouverture d’un McDonald’s à Strasbourg, dix ans plus tard, exhalait l’authentique saveur d’une première tandis que le public français incarnait les promesses d’une riche terre vierge à conquérir.

À en croire les souvenirs de Michel Ksianzenicer, « l’accueil avait été plutôt chaleureux, les réactions des Alsaciens (étant) plus curieuses qu’hostiles ».

Les propos que j’utilise ici proviennent d’un document officiel de McDonald’s France intitulé sobrement Notre histoire et qui détaille en cinq pages les dates clefs de l’expansion française et mondiale de la marque. Les curieux y découvriront, par exemple, que le premier drive-in made in France fut inauguré en 1986 à Mantes-la-Ville ou qu’en 1995 McDonald’s reçut le Trophée Environnement Entreprise décerné par le ministère de l’Environnement. Pour autant, plus que les dates liées à l’expansion de la compagnie dans l’Hexagone, c’est un autre point du document qui a attiré mon attention.

Chaque entrée est en effet accompagnée de repères chronologiques citant les événements survenus au même moment. Ainsi, pour l’année 1995, nous apprenons que « la Bibliothèque nationale de France est inaugurée à Paris par François Mitterrand » et que « l’ONU déclare que « les droits des femmes sont partie intégrante et indivisible des droits humains » ».

Je ne vais pas épiloguer sur cette stratégie, vieille comme l’invention de la publicité et de la politique, qui consiste à tenter de redorer son blason en l’associant, indirectement, à des valeurs positives comme les progrès scientifiques, culturels ou humanistes. McDonald’s n’étant ni la première ni la seule société à le faire, impossible de lui en tenir rigueur. Non, ce qui m’intéresse, c’est la liste des événements mis en avant par la marque pour 1979, date de son arrivée en France.

On y lit ainsi que « Simone Veil est élue présidente du Parlement européen à Strasbourg », que « Mère Teresa reçoit le Prix Nobel de la Paix » et que « la fusée Ariane est prête à prendre son envol ». Que du positif en somme et aucune mention de la crise de la sidérurgie en Lorraine, du second choc pétrolier, du mitraillage du siège du patronat français par Action directe, de l’assassinat de Pierre Goldman, de la mort de Jacques Mesrine, des débuts de l’affaire Boulin et des diamants de Bokassa impliquant Valéry Giscard d’Estaing, président de la République de l’époque.

Ces oublis, je l’ai dit, n’ont rien d’étonnant mais c’est sur une autre absence que je souhaitais m’étendre.

Alors que, du côté de la place des Halles, à Strasbourg, McDonald’s entamait sa conquête de France, d’autres pionniers créaient une expression qui allait bientôt hanter le géant américain.

Parfois, les découvreurs portent costume cravate et tailleur Chanel. Parfois même, ils mettent au jour des vérités essentielles sans saisir forcément l’importance de leur trouvaille. Ainsi Stella et Joël de Rosnay ont-ils été les inventeurs, il y a exactement trente ans, du concept de… malbouffe !

L’ironie de la situation est aussi croustillante qu’une portion de frites. Au moment même où McDonald’s ouvrait sa première franchise en France, le biologiste et son épouse d’origine anglaise inventaient le néologisme qui, aujourd’hui, définit le fast-food.

Un hasard sidérant que l’on pourrait croire tout droit sorti de l’imagination d’un esprit diabolique.

Pourtant les faits sont là : alors que Michel Ksianzenicer inaugurait son établissement strasbourgeois, les époux de Rosnay publiaient chez Olivier Orban un livre intitulé La Malbouffe. Comment se nourrir pour mieux vivre.

En 1979, comme le précise Joël de Rosnay, le vocable a été créé « à partir des concepts de mal-nutrition et de grande bouffe – en référence au film de Marco Ferreri – pour exprimer le paradoxe de notre époque : d’un côté des gens qui meurent de faim faute d’aliments et, de l’autre, des gens qui tombent malades parce qu’ils mangent trop et surtout mal. [Le titre] se voulait humoristique, ironique et constructif. »

Plus étonnant encore, le concept de « mal-bouffe » créé par Stella et Joël de Rosnay ignore la menace alimentaire à laquelle il est associé de nos jours. Ainsi, aucune mention directe de l’alimentation de type fast-food dans cet ouvrage mais une critique sensée de l’alimentation quotidienne que les deux auteurs jugent « beaucoup trop riche en graisses et en sucres […] les risques encourus sont l’hyperglycémie et les maladies cardiovasculaires ». Comme le précise Jean-Paul Escande lorsqu’il les reçoit sur Antenne 2, les époux de Rosnay ne proposent d’ailleurs pas de régime « mais l’autonorme avec un meilleur équilibre des repas (graines – œufs-fromages-aliments à fibres…) qui devrait être enseigné dès l’école ».

Si l’ouvrage préserve l’enseigne à l’arche dorée, c’est donc simplement parce que la restauration rapide à l’américaine est alors une rareté en France. Au-delà de l’expérience strasbourgeoise de 1979, il faudra en effet attendre 1984 avant que McDonald’s ouvre, rue Montmartre, son premier établissement de la capitale.

Tout en étant des précurseurs, les de Rosnay concentrent en somme leurs craintes sur la passion française pour la charcuterie, l’excès de viande et un recours trop systématique au sucre et au sel.

Plus intéressant en le lisant aujourd’hui : les deux auteurs condamnent fermement les « produits non-naturels » issus de l’industrie agroalimentaire. Selon de Rosnay, l’une des clés ouvrant la voie au mieux-vivre consiste à « vaincre la résistance des industriels ».

Vaincre la résistance des industriels… Souvent, les pionniers sont également des visionnaires !

* *

Résumons-nous.

En 1979, savoureux hasard, alors que McDo-nald’s inaugure sa première franchise française, Stella et Joël de Rosnay inventent le terme de malbouffe.

Mais l’expression n’évoque pas le fast-food, désignant plutôt les risques liés à la consommation de nourriture industrielle. Compte tenu du peu d’établissements commercialisant des hamburgers, que les auteurs aient un autre centre d’intérêt est logique. La France des années 1970, à l’instar de tous les pays développés, effectue surtout un bond vers la modernité, c’est cela qu’il convient d’ausculter.

Côté alimentation, ce « progrès » se traduit par l’explosion du nombre de supermarchés, lesquels remplacent peu à peu les épiceries et les boutiques spécialisées, ainsi que par une baisse du temps passé à cuisiner et à se nourrir et – surtout – par l’émergence de la production, en masse, de produits issus de l’agroalimentaire.

Car, quand les époux de Rosnay écrivent leur livre, la nourriture industrielle est déjà implantée en France. Depuis une décennie même. Or un homme est alors le symbole détesté de cette « modernisation » de nos assiettes.

La suite (après ce hors d’oeuvre) ………..demain.

 

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Extrait de Toxic, le livre de Willam Reymond :

« Une fois de plus, Bill Clinton avait trouvé la formule qui fait mouche. C’était au début d’un discours en 1998. « Lorsque ma fille a commencé l’école, on lui a souvent demandé quel était le métier de son père. Sa réponse ? Que je travaillais chez McDonald’s. »

Six ans plus tard, l’ancien président des États-Unis était admis aux urgences et subissait un quadruple pontage coronarien. Le coupable ? Une alimentation trop grasse et sucrée. Depuis, devenu adepte d’une nourriture saine et d’une activité physique régulière, Clinton s’est associé avec Mike Huckabee pour tenter d’éviter l’obésité à leurs petits compatriotes.

Oubliée donc, aujourd’hui, son ancienne réponse à des écoliers lui demandant de montrer l’exemple en évitant les fast-foods. Président en exercice, il avait en effet répondu qu’il ne considérait pas McDonald’s comme un temple de la malbouffe. Et qu’au contraire, ses visites dans les fast-foods lui permettaient de mieux comprendre le pays. Des étapes si fréquentes qu’en 1992, le magazine spécialisé Advertising Age affirmait que la « loyauté affichée par le nouveau président a offert à McDonald’s des millions de dollars de publicité gratuite ».

Rappeler cette anecdote n’a pas pour objectif de faire le procès de Bill Clinton – qui, pour la petite histoire, se faisait apporter clandestinement dans le Bureau Ovale des pizzas de chez Domino’s par une stagiaire nommée Monica Lewinsky -, mais d’illustrer un changement sociétal profond.

Si la pandémie d’obésité est multifactorielle, deux raisons principales semblent expliquer son origine comme son essor. La première, nous venons de l’observer, est la surconsommation de nourriture. Qu’il s’agisse de la multiplication des snacks, des repas pris à l’extérieur ou de l’augmentation de la taille des portions, l’ensemble de ces facteurs constituent la moitié de ce « Big Two », le gros deux, comme le surnomment les chercheurs américains.

La seconde part englobe une série d’évolutions vécues et souvent déclenchées par notre société, un vaste ensemble dans lequel les propos de Bill Clinton ont leur place. En se transformant malgré lui en porte-parole d’un des représentants les plus emblématiques de la malbouffe, le président américain normalise la consommation de celle-ci. En refusant d’en évoquer les dangers, et ce malgré les questions d’un groupe d’élèves, il perpétue l’idée – fausse – que ce qu’on avale dans un fast-food est aussi sain qu’ailleurs. Or, la seconde moitié du « Big Two » ne tourne pas exclusivement autour de la portée des paroles et des actes de l’ex-président des États-Unis. Réunie sous la généreuse appellation de « sédentarité », elle regroupe de nombreux éléments auxquels il faut s’intéresser.

La Maison-Blanche n’a pas toujours défendu le droit des Américains aux hamburgers et au Coca-Cola. Bien avant Bill Clinton, John F. Kennedy avait alerté ses compatriotes sur les risques qu’encourait un pays en train de s’endormir. C’était en mars 1961 et JFK, face aux défis du monde et plus particulièrement de la guerre froide, avait insisté sur la nécessité de créer des générations d’adolescents en pleine forme. « Nous ne voulons pas que nos enfants deviennent une nation de spectateurs, proférait-il. À la place, nous souhaitons que chacun d’eux mène une existence vigoureuse. »

Avec 25 millions d’enfants obèses ou en passe de le devenir, la crainte de JFK est hélas une réalité. Et on le constate plus encore si l’on considère le travail de James Hill, directeur du Centre de recherches sur la nutrition de l’université du Colorado. Celui-ci estime en effet que les chiffres avancés actuellement sont bien en dessous de la réalité. « Le gouvernement américain se refuse à utiliser le terme « obèse » pour certains enfants : leur condition n’est pas définitive, argue-t-il, mais en réalité, c’est triste à dire, très peu s’en sortiront. Alors, notre administration préfère employer le terme plus correct « d’enfants à risques ». Mais quand on ajoute les enfants en surcharge pondérale à cette dernière et nouvelle catégorie, on arrive à 60 % de la jeunesse américaine. Avec un tiers d’enfants qui, quoique prétendent nos gouvernants, sont déjà obèses ! »

Pour lui, le concept kennedyien d’une nation de spectateurs est malheureusement dépassé. Le chercheur estime qu’il en va désormais du futur du pays. Pour lui comme pour d’autres, les coupables sont connus depuis longtemps. Ils peuplent les dossiers spéciaux de l’ensemble des supports médiatiques. Dans le désordre, il pointe alors la télévision, l’Internet, les consoles de jeux, la modernisation, les femmes au travail, la voiture, l’insécurité…

Commençons donc par la grande fautive, celle qui est montrée du doigt en permanence sans vraiment que cela change quoi que ce soit. Aux États-Unis, la télévision est allumée en moyenne près de huit heures par jour. Et, sans surprise, ce sont les enfants qui y passent le plus de temps. Sans limite d’âge. Les moins de six ans restent collés à l’écran plus de deux heures. Le ministère de la Santé a beau calculer qu’un enfant et un adolescent en pleine croissance ont besoin d’au moins soixante minutes d’activité physique quotidienne, la télévision – à laquelle est de plus en plus souvent raccordée une console de jeux – absorbe tout ce temps. Résultat : 15 % des plus de douze ans confessent ne pratiquer aucun sport.

Ce temps gaspillé devant le petit écran a forcément des conséquences physiques. L’université de Harvard a établi que les risques d’être touché par le diabète de type 2 sont multipliés en proportion des heures dévouées à un écran, qu’il soit d’ordinateur ou de télévision. D’après ce rapport publié en 1999, la probabilité est même doublée lorsqu’on consacre plus de vingt et une heures par semaine à ces appareils. La même étude démontre en outre que le risque d’obésité chez l’enfant est accru de 31 % s’il possède un téléviseur dans sa chambre.

La télévision aux États-Unis n’a rien de comparable à ce que l’on voit en Europe. Et la regarder confine à entamer une aventure qui donne tout son sens aux propos tenus voilà quelque temps par Patrick Le Lay.

En 2004, le président-directeur général de TF1 avait suscité la polémique en expliquant sa conception de la télévision dans le livre Les Dirigeants face au changement en ces termes : « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective « business », soyons réalistes : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. […] Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ».

Pour tout dire, j’avais trouvé la tempête soulevée par ces phrases disproportionnée. Les dirigeants, qu’ils soient politiques ou d’entreprises, sont des habitués de la langue de bois. Et là, pour une fois, avec une honnêteté peut-être trop abrupte, l’un d’entre eux osait briser le tabou. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas chez moi d’émettre un jugement de valeur sur le fondement des paroles du grand patron de TF1. Non, je trouve simplement sa déclaration proche de la vérité. En tout cas, de ma vérité américaine. Passer ici quelques heures devant le petit écran donne tout son sens au « métier » de TF1 tel que Patrick Le Lay l’évoque. Car la publicité est omniprésente et les programmes de toute évidence formatés autour d’elle.

Les trois plus gros acheteurs d’espaces publicitaires télévisuels sont les constructeurs automobiles, les marques de bière et la restauration.

L’Américain moyen arrivé à soixante-cinq ans en 2006 a déjà ingurgité plus de 2 millions de spots.

Mais on estime que les enfants,eux, en voient près de 400 000 par an ! Un chiffre phénoménal, porteur d’un véritable enjeu. Et qui soulève une interrogation inévitable. Plus que le fait de regarder la télévision, la publicité serait-elle responsable d’une part non négligeable de la pandémie d’obésité ?

En Australie, la publicité pour la nourriture représente un tiers de la totalité des spots. Et, dans cette catégorie, 81 % mettent en avant les produits des chaînes de fast-food. Or 25 à 30 % des enfants sont obèses ou en surpoids. »

la suite …… demain.

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Soucieux d’améliorer son image, le géant du fast-food a demandé au groupe Coca Cola de lui confectionner une boisson fruitée peu sucrée, Fruitizz.

Après avoir progressivement intégré salades et fruits dans sa carte, McDonald’s poursuit sa quête d’une image de fast-food plus sain et équilibré. C’est ainsi que sera lancé le 16 mai en Angleterre Fruitizz, un nouveau soda à base de pommes, de raisins, et de framboises, créé par le groupe Coca Cola – qui s’est offert les services de Jean-Paul Gaultier pour se refaire une beauté. Avec 60% de fruits, de l’eau gazeuse, et aucun sucre ajouté d’après la chaîne de restaurants, Fruitizz s’inscrit dans l’opération séduction de Ronald McDonald en direction des parents désireux de pouvoir apporter à leurs enfants une nourriture aussi équilibrée que possible. Des voix s’élèvent néanmoins déjà pour dénoncer le fait que Fruitizz serait en réalité une boisson restant relativement sucrée, pouvant contenir jusqu’à 49 grammes de sucre pour la taille de boisson la plus grande, alors que l’apport journalier recommandé en sucre est de 50 grammes. Une diététicienne, Christina MerryField, a ainsi déclaré au tabloïd anglais The Sun qu’un verre de 50 cl de Fruitizz était plus calorique qu’une canette de Fanta.

Les clients les plus réguliers de McDonald’s – qui savent où trouver les Big Mac les moins chers de Paris – n’auront de plus pas manqué de remarquer que le fast-food propose en réalité déjà des jus de fruits, qui sont autant sinon plus équilibrés qu’un soda fruité gazeux. L’amélioration de l’image n’est en effet pas le seul gain de McDonald’s en lançant cette nouvelle boisson. Le fast-food y gagne également en logistique, en stockage et en emballage : Fruitizz est en effet livré par sacs de jus de fruits concentré, contrairement à la plupart des jus de fruits proposés aujourd’hui sous formes de canettes et de petites bouteilles.

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