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Dr Patrick BUENOS

Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Suruchi Bhatia n’en revenait pas.

Arrivée du Texas, cette spécialiste des maladies infantiles a pris, en 2002, la tête du département d’endocrinologie et diabète du Children’s Hospital d’Oakland, en Californie.

La ville, l’un des plus grands ports de la côte Ouest, est sans doute la plus ethniquement diversifiée des États-Unis (plus de 150 langues différentes sont parlées à Oakland). Cette présence de nombreux immigrants, comme c’est souvent le cas, se traduit par une large disparité de revenus, visible selon les zones. Ainsi, l’ouest et l’est de la cité sont considérés comme les quartiers pauvres d’Oakland.

Une situation connue, malheureusement presque classique, qui ne laissait pourtant pas présager le challenge sanitaire que Suruchi Bhatia devrait affronter.

Les premiers patients se sont présentés au début de l’hiver. Suruchi débarquant tout juste du Texas, son premier réflexe fut de demander à ses confrères si ce qu’elle constatait était habituel à Oakland. Un peu comme une sorte de spécialité locale dont, par honte, personne ne parlerait.

La réponse ne tarda pas : si, dans le passé, étaient survenus quelques cas, ils n’avaient pas grand-chose en commun avec la surprise de ce mois de décembre 2002. Et rien à voir non plus avec ce qui fut révélé par la suite.

Face à elle, un enfant noir de deux ans, en surpoids, développait les symptômes classiques de la déformation squelettique liée… au rachitisme ! Et son cas ne fut pas isolé. « Le premier hiver, j’ai traité tellement d’enfants rachitiques que j’ai eu du mal à le croire », raconte-t-elle. À sa décharge, il faut savoir que l’on considère le rachitisme comme une maladie quasiment éradiquée dans les sociétés occidentales. « Rien dans ma formation médicale pédiatrique ne m’a formée à cela, ajoute cette femme interloquée. Lorsqu’on évoque le rachitisme, c’est au passé. Comme d’une maladie qui a disparu lorsque les enfants ont arrêté de travailler en usine. » Le rachitisme est, en effet, un syndrome remontant à la révolution industrielle rappelant les ouvrages de Charles Dickens, à l’époque où les enfants vivaient et travaillaient dans des conditions déplorables. En somme, rien à voir avec la situation d’Oakland.

Pourtant ici, au cœur de l’Amérique, la venue chaque hiver d’une vingtaine de patients confirme la résurgence de la maladie. Pire, les médecins du Children’s Hospital sont persuadés que seuls les enfants atteints de symptômes de déformation sévères ont visité leurs services. Ce qui signifie que de nombreux bébés et jeunes d’Oakland présentent une carence en vitamine D, qui met en péril leur développement osseux sans qu’on le sache.

Si la réapparition, en pleine Amérique moderne, d’une maladie disparue a de quoi choquer Suruchi Bhatia, une autre découverte se révéla bien plus troublante. Tandis que certaines carences analysées pouvaient s’expliquer par une résistance aux rayons solaires (certaines peaux noires très résistantes au soleil sont parfois à l’origine d’une carence), d’autres ne correspondaient à aucune explication claire.

Plus étrange – si possible ! – bien qu’affichant des symptômes du rachitisme, les enfants semblaient en pleine forme. Aucun, par exemple, ne souffrait de malnutrition. Au contraire même, certains présentaient les signes d’une tendance à l’obésité. Une donnée où se situait peut-être la clé du problème.

Au fil des ans, le docteur Bhatia, spécialisée dans les traitements des diabètes chez l’enfant obèse, a évidemment confirmé que l’alimentation jouait un rôle majeur dans la santé d’un patient.

Rien de nouveau sur ce point du reste. Comme le note David Servan-Schreiber dans son livre Anticancer : « Depuis cinq mille ans, toutes les grandes traditions médicales ont utilisé l’alimentation pour peser sur le cours des maladies. » Et le chercheur français de rappeler que « cinq cents ans avant notre ère, Hippocrate disait : Que ton alimentation soit ton traitement, et ton traitement ton alimentation. » Une citation qui fait directement écho à une autre phrase, toujours du père de la médecine, et qui, depuis le début de ma passion pour le contenu de nos assiettes, me sert de fil directeur : « Comment comprendre les maladies de l’homme quand on ne connaît rien à l’alimentation ? »

L’intuition de Bhatia était bonne. Le point commun entre les différents rachitismes d’Oakland réside dans leur mode alimentaire. Domiciliées dans la zone la plus pauvre de l’est de la ville, les familles concernées sont en effet victimes d’une forme pernicieuse d’apartheid nutritionnel.

Comme je l’ai expliqué dans Toxic, voir des commerces vendant des produits frais dans les quartiers défavorisés américains est quasi impensable. Dès lors, l’alimentation y existe seulement sous deux formes. La première passe par les chaînes de fast-foods où une clientèle régulière, attirée par le prix, se nourrit du petit déjeuner au dîner. La seconde, qui a remplacé les étals des supermarchés, est la section « épicerie » des stations-service. Des lieux où désormais, et depuis une décennie, la vente de produits issus de l’industrie agroalimentaire rapporte plus que le litre d’essence. Un mode de distribution considéré, y compris dans le plan Obama présenté par Sebelius lors de la conférence Weight of the Nation, comme l’un des facteurs de la pandémie d’obésité.

Dans les quartiers est d’Oakland donc, l’essentiel de la nourriture avalée est industrielle, produits conçus pour être vendus à bas prix et enrichis de conservateurs afin d’en allonger les dates de consommation. Or la vitamine D apparaît rarement dans ce genre d’alimentation.

Les produits les plus riches en vitamine D sont les poissons gras comme la morue, le saumon ou la sardine. Viennent ensuite les produits laitiers. Il faut d’ailleurs savoir qu’aux États-Unis, contrairement à la France, le lait est enrichi en vitamine D depuis la fin des années 1920. Certaines céréales complètes, les œufs et champignons concluent la liste. Évidemment, et sans surprise, ces aliments ne font absolument pas partie du régime alimentaire des enfants d’Oakland.

Ce qui crée un paradoxe moderne : une maladie du passé, que l’on croyait éteinte à jamais, ressurgit pour s’associer à la pandémie d’obésité.

De quoi prouver à nouveau la responsabilité de nos assiettes dans la dégradation de nos états de santé.

Les rachitiques de Californie ne sont pourtant qu’une mise en garde. Leur alimentation, jusque dans l’extrême, résume la réalité de la nourriture industrielle. À savoir des produits à bas prix, dont le goût et la présentation sont agréables mais dont les nutriments, quand ils ne sont pas absents, disparaissent durant les phases de fabrication.

Face à ce problème, l’industrie agroalimentaire, toujours prompte à proposer une solution dès qu’on la montre du doigt – oubliant soigneusement au passage d’admettre qu’elle est responsable du mal -, a inventé une parade. Un concept même, révolutionnaire et générateur de revenus : fortifier les produits. Depuis vingt ans, dans un formidable tour de passe-passe, elle vend plus cher des produits sans grande valeur nutritionnelle auxquels elle a ajouté des vitamines, des fibres et des minéraux !

Passons sur l’illogisme qui consiste à enrichir un aliment après l’avoir appauvri, évacuons les vertus affichées en lettres criardes sur les embal¬lages, bien exagérées compte tenu des faibles quantités ajoutées, pour asséner une vérité : ces aliments modifiés n’auront jamais les mêmes vertus qu’un produit frais.

Étude après étude, il est en effet confirmé que les vitamines mises au point par l’industrie pharmaceutique et utilisées dans l’alimentation n’ont pas les mêmes propriétés que celles d’un légume ou d’un fruit. Le miracle des effets bénéfiques de l’alimentation sur la santé réside au cœur même de la biologie de l’aliment. Pour susciter un impact positif sur l’organisme, l’ingrédient a besoin de cohabiter et interagir avec d’autres nutriments. Isolée, une vitamine n’aura donc pas le même « pouvoir » que celle contenue dans un produit frais.

Dès lors – et afin d’appliquer le précepte d’Hippocrate recommandant d’utiliser l’alimentation comme premier recours contre les maladies -, la solution paraît simple : modifier nos sources de vitamines et de fibres pour préférer, par exemple, un véritable pain complet à un pain enrichi industriellement.

Après Oakland et ses enfants malades, ce conseil paraît couler de source. Seulement voilà : l’expérience acquise lors de l’enquête ayant conduit au premier volume de Toxic m’a démontré qu’en matière de révolution alimentaire, rien n’est aussi simple.

La suite (toujours passionnante) ……………. demain.

 

 

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A Osaka, au Sud du Japon, une résidence impose à ses locataires de passer sur la balance tous les mois afin d’ajuster le loyer aux kilos pris ou perdus.

On s’était déjà étonné de l’initiative de Dubaï qui offrait de l’or à ses habitants qui réussiraient à maigrir. Le Japon, va lui un peu plus loin avec une résidence qui propose d’adapter le loyer à la corpulence des locataires. Comptez 1000 yens (7,50€) en plus sur le loyer normal pour tout kilo gagné et 1000 yens en moins par kilo perdu.

Selon l’ambassadrice de ce concept, la formule séduit beaucoup et motive les plus paresseuses à perdre du poids. « Nous avons remarqué que même des femmes qui ne sont pas en surpoids viennent ici, le but est alors de leur faire garder la forme », assure Mari Kataoka, l’administratrice de l’entreprise à l’origine de cette méthode.

Tout est prévu pour que les locataires se prennent au jeu. Dans la résidence, on trouve une salle de sport, mais aussi des chips et sodas en libre-service ! Mari Kataoka jure de ne pas vouloir perturber les participants, mais juste de leur apprendre à « résister à leurs tentations ».

L’argent semble un argument de poids pour mincir. Plusieurs études récentes ont démontré l’efficacité de cette astuce dans la lutte contre l’obésité et le surpoids. Le Dr Donald Hensrud, expert en médecine préventive à la Mayo Clinic et auteur d’une étude sur le sujet, est convaincu de cette formule : « Les incitations financières ont un réel potentiel et peuvent donner de meilleurs résultats que les méthodes traditionnelles pour perdre du poids ».

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Mes souvenirs d’enfance ont le fumet des plats cuisinés par ma mère. Dont l’ingrédient majeur était toujours le même : l’amour.

Longtemps, la cuisine a été au centre de mon existence. La longue table de la maison cumulait en effet les fonctions. On y mangeait bien sûr, mais j’y faisais également mes devoirs, tentant de capturer les bribes des conversations que les adultes menaient à l’autre bout.

À mieux fouiller mon passé, je réalise que l’essentiel des fragments de mon histoire s’est déroulé là. De l’attendu repas de Noël au gigot de Pâques, du couscous du dimanche à la paëlla familiale, des goûters d’après-classe aux grillades estivales, ma mémoire est jalonnée de goûts, d’odeurs, de couleurs, d’éclats de rire et d’épices.

Manger a toujours été un plaisir. Une sensation ne se limitant pas aux seuls aliments garnissant l’assiette. Un bon repas est un tout. La nourriture joue un rôle essentiel mais n’est rien sans les êtres qui l’accompagnent. S’asseoir autour d’une table constitue un moment privilégié de communication où le temps, pris dans un étrange paradoxe, se suspend et s’emballe.

Rien de bien révolutionnaire dans cette description. Déjà, au XVIIe siècle, Brillat-Savarin avait théorisé cette double définition de l’alimentation. Ainsi, selon le gastronome français, le repas différencie le genre humain du genre animal : les bêtes se nourrissent afin de survivre tandis que l’homme mange. Certes s’alimenter est essentiel à sa survie, mais le cérémonial qui l’entoure contient une fonction culturelle toute aussi importante.

Le temps de manger n’est rien d’autre que celui de vivre.

Les plaisirs de la table, on ne doit jamais cesser de les célébrer, vanter, évoquer, marteler. Car si l’alimentation industrielle a peu à peu pris le contrôle de nos assiettes, suscitant et amplifiant la pandémie d’obésité et les maladies collatérales constatées aujourd’hui, c’est précisément parce que, séduits par une apparente facilité, nous avons baissé la garde et oublié ces bonheurs-là.

L’initiation au goût, à la variété, l’incitation à élaborer nos propres plats, l’apprentissage des vertus hédonistes d’un bon repas doivent être enseignés dès le plus jeune âge. Une éducation est bien plus efficace que n’importe quelle campagne gouvernementale incitant à manger fruits et légumes.

J’affirme cette certitude d’autant plus fort que ma vie aux États-Unis me démontre chaque jour qu’à l’oublier, on court de graves périls.

En plus de trente ans d’évolution de leur nourriture, les États-Unis ont en effet perdu leurs repères alimentaires. Comme le raconte Michael Pollan, chroniqueur culinaire du New York Times Magazine, les Américains sont devenus orthorexiques. Ce terme, avancé pour la première fois en octobre 1997 par le médecin Steve Bratman, mêle deux racines grecques. Ortho, qui signifie correct, et exia, l’appétit. Une expression qui, à elle seule, résume l’angoisse d’une nation. Perturbée par les sentences contradictoires des nutritionnistes, submergée par les vagues successives de régimes à la mode sans résultats durables, l’Amérique a perdu le nord et développé une « obsession malsaine de recherche d’une alimentation saine ».

Cette angoisse face à la nourriture et le dérèglement qui s’ensuit intéressent Paul Rozin depuis une dizaine d’années. Chercheur et professeur en psychologie à l’université de Pennsylvanie, Rozin est un spécialiste du poids culturel dans les choix alimentaires. Amoureux des plaisirs de la table et ayant multiplié les voyages culinaires dans l’Hexagone, Rozin utilise le rapport particulier à la nourriture constaté en France pour le comparer à celui de ses compatriotes.

L’un de ses exercices fétiches est de proposer des mots clefs à un panel de Français puis à un autre d’Américains, histoire de voir précisément comment chaque pays perçoit l’acte de manger. Si, généralement, les Français associent le terme « gâteau au chocolat » à la notion de dessert, au concept de « fête », majoritairement ses compatriotes évoquent la « culpabilité » !

Un décalage frappant, majeur même. Qui l’incite à écrire : « Les Américains sont perdus. Le gras, même à un faible niveau, est devenu dans l’inconscient collectif l’équivalent d’une toxine. De manière générale, s’inquiéter autant de ce que l’on mange ne peut être une bonne chose pour la santé ! »

Le décalage entre nos deux pays dépasse le seul stade de la perception.

Rozin est persuadé que si la pandémie d’obésité n’a pas encore contaminé la France dans les mêmes proportions, c’est notamment parce que notre rapport à l’acte de manger est différent. Tandis que l’Américain fait dans l’efficacité, le Français prend son temps. Y compris au McDonald’s où, d’après Rozin et « malgré le fait que leurs portions soient plus petites que celles des Américains », les Français passent plus de temps.

« Augmentant de facto la valeur de l’expérience liée au repas. »

La rapidité des Américains à se nourrir n’est en rien exagérée. Et dépasse le cadre des seuls fastfoods. De fait, un Européen qui séjourne aux États-Unis est un cauchemar pour les restaurateurs, quels qu’ils soient. Non parce qu’il ignore les règles de calcul du pourboire, mais bien parce que, conformément aux constatations de Rozin, il reste « trop » longtemps à table. Trop, évidemment, aux yeux des responsables du restaurant.

Le fragile équilibre économique de la restauration américaine repose en effet en grande partie sur le taux de rotation de la clientèle, la multiplication des clients permettant de proposer une politique agressive des prix du repas, rendant la sortie au restaurant plus abordable qu’en Europe.

Si dans les cuisines règne une efficacité fordienne destinée à assurer l’arrivée rapide des plats à table, c’est dans la salle que l’essentiel de la partie se joue. Où le rôle du serveur – rémunéré essentiellement au pourboire, donc à son tour motivé par la multiplication des consommateurs – consiste, avec le sourire, à s’assurer que le rythme ne connaisse aucun répit. En somme, à limiter au maximum le temps passé par le client à table.

Autant, en France, il faut souvent demander plusieurs fois l’addition pour l’obtenir, aux États- Unis, avec tact, toujours à disposition du client, le serveur dépose la note sur un coin de la table quelques minutes à peine après l’ultime bouchée avalée. Si tout s’est bien passé, l’étape restaurant n’aura pas dépassé quarante-cinq minutes.

Parmi les autres trucs utilisés par les restaurants, figure l’emplacement des tables. Volontairement, elles ne sont pas placées en dehors du flux de l’activité du restaurant mais au milieu des lieux de passages. Ce mouvement continu pousse inconsciemment le client à ne pas s’éterniser, ce à quoi tout coin tranquille inciterait.

Ce qui contribue à ruiner un peu plus ce qui pourrait être un moment de réconciliation entre un peuple et sa nourriture !

Néanmoins, reconnaissons-le : la pandémie d’obésité ne s’explique pas seulement avec les conclusions de Bratman et Rozin. Mais il s’agit de l’un des facteurs y contribuant, un facteur aggravant les dégâts suscités par l’expansion massive de la nourriture industrielle.

Pourtant, ce détour était nécessaire tant il répond à l’une des conclusions de Toxic, mon précédent livre sur le sujet. Comme je l’écrivais alors, la fin de l’épidémie et la diminution des quantités de maladies connexes qu’elle suscite passeront par une reprise de contrôle par chacun du contenu de ses assiettes.

Se souvenir que manger est un plaisir à partager, se savourant dans la durée, et prendre conscience des dégâts nés de l’oubli de cette vérité ne représente toutefois qu’une première étape.

Révéler les dangers du mode alimentaire américain, que le monde adopte chaque jour davantage, et dévoiler la manière dont l’industrie agroalimentaire l’impose sur nos tables représentent, logiquement, les étapes suivantes.

La suite ……………..demain

 

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Les États-Unis ont donc changé.

La présence de Kathleen Sebelius à la conférence Weight of the Nation en est la preuve. La secrétaire d’État à la Santé et, à travers elle, l’administration Obama ont décidé de s’attaquer au monstre.

« S’il s agissait d’une épidémie de jeunes enfants atteints du cancer, nous parlerions de crise nationale, commente-t-elle. Mais parce qu’il s’agit de l’obésité et que les dégâts n’apparaissent et  ne se mesurent que tard dans la vie, nous avons été très lents à agir. […] Il faut que les Américains sachent que, lorsque le poids de nos enfants augmente, leur espérance de vie diminue. Et c’est un problème que nous ne pouvons plus ignorer. »

Le constat est dramatique, mais l’enjeu clair. Comme je l’ai écrit et répété à plusieurs reprises à la sortie de Toxic, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité l’espérance de vie de nos enfants risque d’être inférieure à la nôtre. Une régression obtenue à coups de fourchette !

Si, parmi toutes les interventions programmées lors de la conférence, les discours de Sebelius et Clinton ont particulièrement attiré mon attention, c’est parce que ces deux personnalités politiques ne se contentaient pas de tirer la sonnette d’alarme. Elles promettaient des pistes de sortie, voire des solutions.

Ainsi, après la litanie des mauvaises nouvelles, la secrétaire d’État à la Santé a affirmé que rien n’était perdu pour autant. Une affirmation qui, dans les rangs du public habitué à constater la courbe exponentielle de l’obésité aux USA, n’a pas manqué d’intriguer et même amuser.

Sebelius, entre deux blagues – comme il est de coutume ici -, est en effet passée au plat de résistance. « Que pouvons-nous faire devant les coûts croissants de l’obésité ? a-t-elle demandé. Eh bien, la bonne nouvelle, c’est que nous pouvons faire beaucoup… Nous pouvons faire comme ce district scolaire de Californie du Sud où la moitié des élèves se sont mis, dans leurs cantines, à se servir au buffet salade depuis que les légumes y sont frais et ne donnent pas l’impression d’avoir été sous cellophane un mois. Ou encore comme cette ville de Californie du Nord, où le nombre de filles allant en cours de danse a doublé depuis qu’un système de transport en commun permet de s’y rendre. »

En découvrant la nature de son subtil optimisme, j’ai – je dois l’avouer – déchanté. D’autant que maintenant le ton était donné, et le reste de la conférence, où se pressaient nutritionnistes et spécialistes de la bonne santé, poursuivit le même sillon sans penser plus loin. Car, une nouvelle fois, comme je l’avais déjà vu en enquêtant pour Toxic, les autorités publiques se fourvoyaient, se trompant de combat. S’il n’y a rien d’insensé à prescrire de manger moins, à recommander de bouger plus, c’est oublier que d’innombrables études, observations et expériences prouvent, depuis des années et sans le moindre doute, que cela ne suffira pas à enrayer la pandémie.

Si nos modes de vie, la modernisation des sociétés, la taille des portions avalées représentent des facteurs de la crise, les véritables coupables, redisons-le, sont ailleurs. En trente ans, l’alimentation, en devenant industrielle, a fait sa révolution. Or c’est précisément le contenu même de nos assiettes qui nous rend malades.

Un peu plus tôt d’ailleurs, Bill Clinton m’avait donné un mince espoir, le sentiment de vouloir briser le tabou ancré au cœur du système américain en déclarant : « La crise de l’obésité est un problème de santé publique que l’on ne peut résoudre uniquement dans le cadre confiné du bureau d’un médecin. Si nous voulons modifier la donne, nous devons changer ce qui se passe dans nos foyers, nos communautés, nos voisinages et nos écoles. »

Une rhétorique de pur style clintonien puisqu’une fois l’intention affichée et les applaudissements retombés impossible de savoir précisément et concrètement de quoi l’ancien Président a parlé.

S’agissait-il, dans son propos, d’une remise en cause de nos habitudes alimentaires ou bien, de manière plus habile, d’une dénonciation de la nourriture industrielle qui, au sein des écoles, foyers et communautés, a peu à peu remplacé l’alimentation traditionnelle ?

Je ne suis pas le seul à avoir compris combien la déclaration de l’ancien Président peut être une lame à double tranchant, une remise en cause du mode de vie américain issu des années 1960- 1980, avec hamburger gras à volonté, frites surgelées, sodas hypersucrés, plats préparés contenant bien d’autres ingrédients – souvent néfastes – que ceux présentés sur la jolie photo de l’emballage. En éternel gardien du statu quo refusant que s’immisce le moindre doute quant au bien-fondé de L’American way of life, Fox News a transformé les projets de résolution de la crise d’obésité en enjeux de politique nationale. Et ouvert son antenne à deux élus inquiets pour la pérennité des libertés individuelles.

Réitérant un discours trop entendu – et dénoncé dans Toxic -, Ken Seliger a en effet estimé que voir le gouvernement Obama entrer dans la bataille contre l’obésité revenait « à limiter le choix personnel ». Et, en noble gardien de la Constitution, de conclure : « Je préfère que l’on informe le public plutôt qu’on le force. »

De son côté, Jodie Laubenberg, après avoir affirmé que l’action du gouvernement en la matière ne devait pas aller plus loin que la création de campagnes d’information destinées au public, mit en garde : « Est-ce le rôle du gouvernement de me dire ce que je dois manger ? Si c’est le cas… alors pourquoi ne pas interdire la caféine ? Où sont les limites ? Où nous arrêterons- nous ? »

Il ne faut pas chercher loin pour trouver les sources d’inspiration de Seliger et Laubenberg, élus républicains du Texas. Leur discours, qui considère le citoyen comme seul responsable de ses bons ou mauvais choix, est au cœur de la stratégie de défense adoptée par l’industrie agroalimentaire mise sur la sellette. La liberté de choix est un chiffon rouge agité devant les caméras dès que l’on évoque la possibilité de légiférer contre la nourriture industrielle. Une sorte de calque de la tactique inventée en son temps par l’industrie du tabac qui, pendant plus de quarante ans, empêcha toute loi restreignant les ventes de cigarettes et s’efforça de rejeter sa responsabilité dans un certain nombre de cancers. Une ligne de défense utilisée désormais par la majorité des responsables de la toxicité au quotidien.

De fait, allant au-delà des questions posées par la Fox et le discours de Bill Clinton, Ken Seliger a, en une phrase, mis un doigt sur l’enjeu essentiel, la crainte fondamentale. Après avoir expliqué être favorable à l’idée d’une meilleure éducation alimentaire scolaire, Seliger a affirmé sa volonté de ne jamais « voir le gouvernement limiter certains ingrédients de notre nourriture ».

Limiter certains ingrédients de notre nourriture…

Comme les acides gras-trans par exemple, sans doute parce qu’au printemps 2009, en compagnie de Jodie Laubenberg, Ken Seliger a précisément conduit lé combat de l’opposition républicaine contre une loi texane votée en première instance par le Congrès démocrate d’Austin sur la question. Une loi qui voulait, comme c’était déjà le cas à New York et bientôt en Californie, interdire l’utilisation des acides gras-trans dans l’État. Un enjeu de taille, on s’en doute. Précisément celui, immense, du Texas. Un marché si vaste qu’entériner ce texte aurait quasiment contraint les fournisseurs de restaurants à modifier leurs produits pour l’ensemble des États-Unis. En soutenant, l’interdiction des acides gras-trans au Texas, Seliger et Laubenberg auraient pu enclencher un effet positif pour la santé de l’ensemble de la nation. Mais voilà, eux poursuivaient un autre but.

Soucieux des libertés individuelles – ou des intérêts bien compris des industriels de la restauration, de l’élevage, de la pharmacie, de la boisson et de l’agroalimentaire, tous généreux donateurs de leurs campagnes -, Seliger, Laubenberg et les républicains texans ont tout fait pour obtenir le rejet de la proposition de loi. Et empêché le pays d’avancer enfin sur la bonne voie.

Le décalage entre les solutions avancées par la secrétaire d’État de Barack Obama et les écrans de fumée et levées de boucliers dressés par l’industrie agroalimentaire et ses alliés me ramenait donc, en cet été 2009, à une triste réalité.

Que la publication du rapport annuel de l’organisation Trust for America’s Health (TFAH), confirma, hélas !

Le document démontre comment les politiques de lutte contre l’obésité ont échoué aux États- Unis. Et, chiffres à l’appui, martèle une sévère vérité : « L’obésité chez l’adulte américain n’a baissé dans aucun État. » Pire, les chercheurs du TFAH ont découvert que, dans plus de trente États, un tiers des enfants âgés de moins de quinze ans sont en situation de surpoids ou d’obésité !

Les participants de la conférence Weight of the Nation pouvaient donc s’essouffler dès l’aurore dans des exercices de gym.

Bill Clinton, Kathleen Sebelius et Barack Obama pouvaient bien continuer à s’afficher en champions de la réforme.

Fox News, le Parti républicain et les lobbyistes de l’industrie pouvaient de leur côté se parer des habits d’apôtres de la liberté.

La vérité, terrifiante, était bien plus grave.

De Rio Grande City à Washington, aux États- Unis, en fait rien n’avait changé ! »

La suite (après ce constat terrible) ……….. demain.

 

 

 

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Extrait de Toxic Food de William Reymond :

 » Les États-Unis changeaient.

La preuve ? Bill Clinton se faisait le chevalier blanc de la lutte contre l’obésité.

Sans douter de la sincérité de l’engagement de l’ex-Président, force est de constater le saisissant contraste entre ses propos actuels et son mode de vie passé. Durant ses huit ans à la Maison- Blanche, Clinton a incarné à lui seul le régime alimentaire américain qu’aujourd’hui il dénonce. À Washington, il a non seulement assumé son obsession pour les chips, sa passion pour les menus hamburgers-frites de McDonald’s et son appétit pour les pizzas, mais, d’une certaine manière, légitimé par cette attitude les mauvais choix diététiques de son pays. Parce que, en désirant prouver à ses concitoyens qu’il était un Américain comme les autres, en assumant ouvertement une alimentation saturée en graisse, sucre et sel, il a renoncé au rôle d’exemple à suivre qui incombe à sa fonction. Aussi, le voir aujourd’hui se présenter en porte-drapeau d’un régime alimentaire équilibré ne manque pas de piquant.

La conversion de Bill Clinton à la nécessité de lutter contre l’obésité, et plus particulièrement celle touchant les enfants, remonte à la fin de sa présidence et à son retour – provisoire – en Arkansas, l’État dont il est originaire et dont il fut gouverneur.

Cette année-là, en 2001, les services sociaux de l’Arkansas publient une étude qui le fait frémir. Et montre que, tandis qu’il détenait le pouvoir et s’amusait à prétendre que sa passion du fast- food avait conduit sa fille à croire qu’il travaillait dans un établissement de ce genre, le mal avait… grossi. Entre 1991 et 2000, le taux d’obésité en Arkansas avait en effet augmenté de 77 %. Comme dans la plupart des Etats du Sud, plus d’un adulte sur deux se trouvait en surpoids. Et, plus grave encore, alors que plus d’un tiers des habitants étaient désormais obèses, le mal promettait d’être plus répandu encore dans la génération suivante.

L’Arkansas et ses 40% d’enfants en difficulté pondérale sont donc le premier élément conduisant à la « révélation » de Clinton.

L’autre, c’est ni plus ni moins sa santé.

En septembre 2004, l’ancien Président doit arrêter précipitamment toute activité de soutien à la campagne présidentielle de John Kerry. À cause d’un état cardiaque préoccupant, il subit une intervention à cœur ouvert. Ses artères, bouchées par le cholestérol, paient le prix d’années d’excès diététiques. Si, grâce à un quadruple pontage coronarien, il échappe de justesse à une crise cardiaque majeure, la chirurgie et les traitements ont néanmoins des limites. Et les médecins lui assènent la vérité : pour vivre longtemps et bien, Bill Clinton doit changer de mode de vie, modifier ses habitudes alimentaires et pratiquer une activité sportive régulière.

Il convient de garder en tête ces éléments pour comprendre la passion qui habite Bill Clinton, le 27 juillet 2009, quand il ouvre la conférence Weight of the Nation à Washington.

Durant trois jours, aux portes du Congrès et sous l’égide du Center for Disease Control Prevention (CDC), les plus grands spécialistes du pays dressent l’état des lieux de la pandémie d’obésité qui frappe les États-Unis depuis plus de vingt ans.

Les différents nutritionnistes et travailleurs sociaux qui constituent l’essentiel du public ont été invités à pratiquer, dès 6 h 30 du matin, une heure de gymnastique, histoire de prouver à tous combien l’Amérique est prête à se lever tôt et à ne ménager aucun effort pour renverser la vapeur.

Or, précisément, des efforts, le pays va devoir en fournir – et de taille – pour affronter le mal qui menace. Avant que Clinton ne monte sur scène, la transcription du discours de Kathleen Sebelius a été donnée à la presse. En quelques lignes, la secrétaire d’État à la Santé du nouveau gouvernement Obama dresse un bilan terrible de la situation : « Deux tiers des Américains en âge adulte et un enfant sur cinq sont soit obèses soit en surcharge pondérale, assène-t-elle. Nous savons comment l’obésité augmente les risques de maladies cardiaques, de certains cancers et d’attaques cérébrales. Nous savons également que l’obésité est un symptôme précurseur essentiel du diabète. » L’ampleur du fléau n’est pourtant une surprise pour personne dans cette conférence d’experts inquiets. Année après année, statistique après statistique, le CDC et les services sociaux des cinquante États dessinent l’image d’une Amérique au bord de l’explosion pondérale. Non, le véritable choc réside dans l’annonce des conséquences économiques de la pandémie : « Le coût de l’obésité pour notre système de santé s’élève annuellement à 147 milliards de dollars. Un chiffre qui a presque doublé depuis le calcul du CDC en 1998. Afin de le mettre en perspective, l’American Cancer Society estime que le coût annuel de l’ensemble des cancers s’élève à 93 milliards de dollars. »

Alors qu’à quelques kilomètres de l’hôtel Omni Shoreham, où se déroule la conférence, Barack Obama bataille au Congrès et au Sénat pour faire passer son plan, ces chiffres faramineux sont sur toutes les lèvres. Jusqu’à Bill Clinton qui délaisse l’espace d’un instant la liste des initiatives lancées sur le sujet par sa fondation Alliance for a Healthier Generation et revient sur l’enjeu colossal que ces données soulèvent : « Tandis que les coûts médicaux liés à l’obésité continuent d’exploser […], nous devons développer des solutions innovantes pour combattre cette épidémie. L’objectif est d’essayer de modifier la course du Titanic avant qu’il ne heurte un iceberg. »

Par cette image efficace, Bill Clinton a parfaitement résumé l’épreuve qui attend Obama et qui, in fine, lame de fond inévitable, le contraindra à revoir ses ambitions sociales à la baisse.

Car, comme le souligne Eric Finkelstein, auteur principal du rapport dont les résultats furent repris par Kathleen Sebelius et l’ancien Président : « L’obésité est la principale source d’augmentation des dépenses de santé. Si le gouvernement veut contrôler ces dépenses, il faudra trouver un moyen de s’assurer que les Américains se mettent au régime, fassent du sport et choisissent collectivement un mode de vie plus sain. Sinon, nous irons droit à la catastrophe, car quelqu’un devra bien payer pour le coût exponentiel lié aux maladies de l’obésité. »

Et ce futur payeur, plan Obama ou pas, n’est pas difficile à trouver. D’après les chiffres de Finkelstein, en 2008 déjà, la moitié des 147 milliards de dollars dépensés pour traiter les malades du surpoids a été prise dans la poche… du contribuable. Pourquoi ? Parce que les maladies liées à l’obésité apparaissent tard dans la vie, donc quand le patient n’est plus pris en charge par une assurance privée mais se trouve sous le régime des retraites.

Oublions un instant la situation américaine particulièrement dramatique et essayons de voir ce que cette pandémie aura comme répercussions en Europe et au Canada, pays où le système social est plus élaboré et développé qu’au États-Unis.

Et bien, à mesure que nous adoptons le mode alimentaire américain, nous entrons à notre tour dans une spirale infernale. Plus l’industrie agroalimentaire prend le contrôle de nos assiettes, plus l’obésité s’installe dans toutes les catégories sociales, plus les maladies liées à l’épidémie, comme le diabète de type 2, vont grimper. Ainsi que le coût de leurs traitements à long terme. Alors, si un système de santé comme celui des États-Unis est quasi au bord de l’implosion en 2009 à cause de l’obésité, je vous laisse imaginer dans quel état seront les nôtres, autrement plus répandus, perfectionnés et complexes.

En déclarant que l’obésité, au même titre que le sida, la peste noire ou la grippe espagnole, relève de la pandémie, l’OMS a d’ailleurs ouvertement mis en garde nos sociétés. Car une pandémie n’a pas seulement des effets sanitaires dévastateurs ; dans son sillage, toute l’économie d’une nation se trouve en péril.

L’image de Bill Clinton n’est en fait pas assez précise. Aujourd’hui, nous sommes tous des passagers du Titanic.

La suite ……………….demain.

 

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Une étude australienne expose les effets de l’obésité paternelle sur les embryons et encourage les pères en devenir à perdre leurs poignées d’amour avant d’avoir un enfant.

Avant de devenir père, il est utile de lutter contre vos poignées d’amour.

Des souris mâles ont reçu pendant dix semaines l’équivalent d’un régime basé sur de la nourriture de fast food. Des embryons ont ensuite été créés par fécondation in vitro à partir de leur sperme afin de déterminer les effets de l’obésité paternel sur implantation de l’embryon et le développement fœtal.

« Nous avons trouvé que le développement était retardé chez les fœtus issus des pères obèses. Le taux d’implantation des embryons dans l’utérus et le développement fœtal est diminué jusqu’à de 15% chez ces animaux » déclare Natalie Binder, co-auteur de l’étude. En plus de limiter les chances de grossesse, l’obésité paternelle réduit également le développement du placenta chez la femme pouvant entraîner des conséquences négatives sur le développement de l’enfant sur le long terme.

« De nombreux hommes ne comprennent pas l’importance de leur rôle, mais il est important qu’ils soient en bonne santé avant de concevoir », a expliqué le chercheur en charge de l’étude, David Gardner.

Source : Thinking about kids? Men need to shed the kilos – août 2012

 

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Extrait de Toxic Food de William REYMOND :

 » Les États-Unis venaient de changer.

Huit années de mandat George W. Bush, une économie en lambeaux et une guerre sans fin avaient convaincu les Américains de la nécessité de rejeter les idéaux du parti républicain. Barack Obama était entré à la Maison-Blanche crédité de l’aura d’un nouveau messie. Ce qui tombait à merveille, puisque le pays n’attendait rien de moins qu’un miracle.

Le programme du démocrate s’était articulé autour de deux concepts bien ancrés dans le rêve américain : le changement mais aussi l’espoir.

La promesse de lendemains qui chantent sont depuis toujours l’apanage du candidat en campagne. Obama, histoire de se démarquer de son adversaire, avait annoncé que le futur de l’Amérique passerait par une couverture sociale dévolue à chaque citoyen. Une vraie révolution.

Car il faut savoir que, quand il s’agit de remboursement des soins médicaux et malgré leur image de modernité, les États-Unis ont un siècle de retard sur l’Europe et le Canada. Un conservatisme qui crée une vraie fracture sociale entre ceux – la minorité – bénéficiant d’une assurance privée prenant en charge une partie des très onéreux frais médicaux et les autres, incapables de régler ne serait-ce qu’une visite chez le dentiste ou chez un médecin de famille… tant la moindre intervention exige une fortune.

Obama, lui, s’était engagé ; il deviendrait le premier Président à réussir là où Bill Clinton avait échoué : offrir à la totalité des Américains le droit à la santé.

L’adage l’affirme, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Cette vérité de Samuel Johnson1 n’a jamais eu autant de portée que depuis que Barack Obama s’est engagé sur la voie de la réforme. Il n’imaginait sans doute pas combien sa volonté de tenir cette promesse majeure lui attirerait d’ennemis.

Le démocrate doit d’abord affronter l’opposition de puissants lobbies. Parmi eux, ceux de l’industrie pharmaceutique qui se permet de vendre aux États-Unis le même produit qu’en Europe jusqu’à dix fois plus cher. Aussi, les grands laboratoires, craignant que le plan proposé par le Président incite à un recours plus fréquent aux médicaments génériques, moins coûteux, agissent en coulisses afin de torpiller le projet.

Il y a ensuite les représentants des compagnies d’assurances, inquiètes de la disparition d’un véritable filon puisqu’elles disposent du terrible pouvoir de déterminer seules de la prise en charge ou non d’un soin. Si, en France, c’est le médecin qui est décisionnaire et oblige la Sécurité sociale à payer dès lors qu’il s’agit d’un acte réglementé, aux États-Unis, la décision de rembourser n’est pas formalisée aussi précisément mais soumise au bon vouloir de sociétés privées. Inutile de décrire tous les refus et dérives que cela implique.

Pour compliquer la tâche présidentielle, ces lobbies comptent parmi leurs alliés un nombre conséquent d’élus des deux partis. Des démocrates et républicains sensibles à un argument massue : l’importance des moyens financiers pouvant servir à leurs futures campagnes. Des subsides et aides qui proviennent souvent des secteurs visés indirectement par la réforme. Dès lors, ce n’est plus le bien commun qui prédomine mais des intérêts particuliers. Dès lors encore, les étiquettes politiques ne veulent plus dire grand- chose. Un démocrate peut être tenté – poussé – à refuser d’accorder son vote à la volonté d’un Président lui-même démocrate. Les lobbies l’ont bien compris, recrutant large, afin d’empêcher la Maison-Blanche de trouver une majorité au Congrès et au Sénat.

Enfin, comme à chaque période où le statu quo est menacé, Barack Obama a vu se dresser contre lui « la machine à tuer » des ultra-conservateurs américains. Des écrans de Fox News aux ondes radio de Rush Limbaugh, cette nauséabonde caisse de résonance tente de convaincre le pays que toute visite remboursée chez le dentiste constitue un premier pas vers un régime communiste totalitaire ! Et que le Président est l’incarnation moderne et dangereuse du petit père des peuples.

En réalité, les prédictions apocalyptiques d’une Sarah Palin et les simagrées des extrémistes perturbant les débats publics en assimilant Obama à Hitler – on a vu des pancartes affichant des slogans de ce genre – étaient prévisibles. Chaque tentative de réforme de l’assurance sociale made in USA s’est heurtée aux mêmes tactiques.

La différence cette fois-ci tient au fait que Barack Obama était persuadé de pouvoir franchir les obstacles. Il savait que le labeur serait rude mais, avec le pragmatisme qui a caractérisé sa campagne présidentielle, le Président et ses conseillers suivent en fait une stratégie longuement mûrie afin de contourner les quelques pièges tendus par leurs opposants. Du reste, le camp républicain n’est pas dupe non plus : il n’ignore pas que la Maison-Blanche parviendra vraisemblablement à imposer aux récalcitrants la nécessité d’une véritable assurance sociale.

Reste qu’il convient de ne pas s’y méprendre : in fine le projet présidentiel ne ressemblera que de loin à celui ébauché au long de la campagne. Et si Obama a dû revoir ses ambitions à la baisse, ce n’est ni à cause de la stratégie de la terre brûlée du parti républicain, ni sous la contrainte du pouvoir financier des lobbies.

Non, si le président démocrate a dû changer son fusil d’épaule, c’est parce que en cours de route, sa volonté d’ouvrir la voie à une Amérique plus juste s’est heurtée à un obstacle que même la plus élaborée des tactiques n’a pu négliger. Une difficulté si massive qu’elle contraint la Maison- Blanche à s’adapter au « principe de la réalité ». Et c’est ainsi qu’au milieu du mois de juillet 2009, dans le silence feutré de l’été, les illusions de Barack Obama ont été emportées par une véritable lame de fond. »

Après cette mise en bouche, la suite ……….demain.

 

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Extrait du livre Toxic Food de William Reymond :

 » Toxic food.

L’analyse de Kelly Brownell rejoint les conclusions de mon enquête sur la pandémie mondiale d’obésité, exposées dans Toxic.

Depuis trente ans, de conseils de régime en messages gouvernementaux, une seule idée a été martelée : nous sommes les uniques responsables de nos choix alimentaires et, par extension, les uniques coupables de la situation sanitaire actuelle.

Bien sûr l’expression « Nous sommes ce que nous mangeons » est juste. Mais, précisément, connaissons-nous vraiment les aliments qui garnissent chaque jour nos assiettes ? Disposons- nous réellement d’un libre arbitre pour les choisir ?

Évidemment non. Dans Toxic, j’ai énuméré tous les moyens, notamment publicitaires, utilisés par l’agroalimentaire pour influencer nos décisions, contourner notre raison, et nous inciter à choisir des produits qui, s’ils possèdent une forte plus-value, sont mauvais pour la santé.

J’ai raconté comment, jouant avec des réflexes et habitudes inscrits dans notre ADN, les géants de la nourriture industrielle modifient leurs recettes pour satisfaire des instincts primaires contre lesquels il est impossible de lutter.

J’ai démontré comment ces mêmes compagnies investissent dans la recherche neurologique afin de mieux comprendre les mécanismes du cerveau et, à terme, prendre à revers ses défenses pour imposer leurs plats et produits.

J’ai dit également combien, à titre personnel, les centaines d’heures passées dans un club de sport n’avaient pu effacer les kilos gagnés pour cause d’installation aux États-Unis. Un échec d’autant plus incompréhensible qu’il était – je le croyais alors – accompagné d’un mode alimentaire sain. Ou, pour être plus précis, et conforme à la définition de la malbouffe chère à José Bové, un mode alimentaire dépourvu de la moindre visite dans les établissements de restauration rapide.

C’est la nécessité de comprendre ce décalage, ce hiatus même, qui m’avait poussé à ausculter le contenu de nos assiettes, à partir à la poursuite des ingrédients comme le sirop de fructose- glucose ou l’huile partiellement hydrogénée qui, à notre insu, sont ajoutés à la nourriture.

Au terme de cette première plongée dans le grand bain de la mauvaise bouffe, j’étais ressorti avec une certitude : depuis trente ans, nous étions victimes d’un gigantesque mensonge.

Les kilos en trop, la pandémie d’obésité, les amputations compliquant le diabète, les « cancers de l’alimentation », les taux de cholestérol explosifs et les problèmes cardiaques démultipliés ne sont pas de notre responsabilité mais des effets dévastateurs du système économique qui produit notre nourriture. Ou, comme l’aurait écrit Kelly Brownell, la toxic food.

Mais Toxic a effleuré la surface. Comme je l’avais perçu sur le plateau québécois de Tout le monde en parle, il convenait d’aller au-delà, de pousser la réflexion plus loin, d’enquêter plus avant.

Durant la promotion de l’ouvrage, je n’ai eu de cesse de répéter que la pandémie d’obésité était la partie visible de l’iceberg. Mais, inlassablement, les mêmes remarques et conclusions émergeaient. Toutes construites à l’aune de la définition restrictive de la malbouffe, telle que théorisée par le mouvement altermondialiste.

Or notre perception était incorrecte.

Car le problème se révèle bien plus vaste, le mal beaucoup plus insidieux.

Il fallait, en somme, remettre le couvert.

Et, entre manifeste, enquête et exploration, commencer là où la toxic food a vu le jour. »

La suite …………..demain

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Des experts australiens en nutrition ont analysé et commenté quelques pistes de solution que la Public Health Association of Australia souhaite mettre en place pour réduire l’obésité, lors d’une récente conférence internationale sur la nutrition et l’obésité.

Bruce Neal, professeur au George Institute for Global Health, est d’avis que le fléau de l’obésité n’est pas attribuable au comportement individuel des personnes, mais plutôt à un changement mondial concernant l’alimentation : la venue des chaînes de restauration rapide.

Tandis que les maladies transmissibles sont en déclin, elles sont remplacées par de nouvelles, non transmissibles, qui se développent en raison de la malbouffe servie dans les chaînes de restauration rapide et des portions toujours plus grosses.

Tim Gill, professeur associé à l’Université de Sydney, ajoute qu’avec le temps, les consommateurs se sont habitués à manger ces grosses portions qui contiennent beaucoup plus de calories que recommandées pour un repas nutritif.

D’ailleurs, plusieurs consommateurs basent leurs choix alimentaires sur le rapport quantité-prix au détriment de la valeur nutritionnelle. Ainsi, ils choisissent le plus gros format, peu importe leur appétit, puisqu’ils en ont ainsi plus pour leur argent.

Un système d’évaluation des produits alimentaires : avec des étoiles

Afin de lutter contre l’obésité et la malbouffe, l’Australie a développé un système de notation avec des étoiles. Ce système sera apposé sur les emballages alimentaires pour mieux indiquer la valeur nutritionnelle des aliments.

Instauré sur une base volontaire, le système pourrait devenir obligatoire après 2 ans si peu d’entreprises l’ont adopté.

Selon Neal, l’obsession de l’industrie au sujet des informations nutritionnelles indiquées sur les produits montre à quel point les étiquettes sont un facteur déterminant dans le choix des consommateurs.

Toutefois, l’étiquette de notation seule ne changera pas le comportement des gens. L’idée est de pousser les producteurs de nourriture à rendre leurs produits plus sains afin d’obtenir plus d’étoiles.

Ainsi, les consommateurs pourront faire de meilleurs choix alimentaires puisque les produits offerts seront plus sains.

 

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