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william Reymond

Toutes les personnes qui ont suivi le feuilleton quotidien de ce début d’été en lisant quotidiennement les extraits de Toxic de William Reymond , ont sûrement été déçues que cela s’achève et frustrées que cela s’achève fin 2006.

William Reymond a publié une suite : »Toxic Food » qui s’achève fin 2009 pour notre plus grand plaisir.

On se propose d’en reprendre la divulgation par petits extraits quotidiens. Les plus impatients pourront se procurer le livre ….

Dans ce premier extrait introductif, William Reymond explique pourquoi il a écrit une suite.

 

« En voyant la profusion des enseignes lumineuses siglées McDonald’s, Burger King et Pizza Hut, en constatant la quantité de sirop de fructose-glucose contenue dans un litre de Coca-Cola, en découvrant l’affluence aux buffets à volonté et les invitations permanentes des restaurants à manger à prix sacrifié, j’avais mis le doigt sur la réalité d’une crise en devenir. Car, à Rio Grande City, un quart des enfants de moins de cinq ans sont obèses et près de la moitié de ceux âgés de dix ans, suivant l’exemple de leurs parents, s’affirment comme de sérieux candidats au diabète de type 2.

Je l’avais écrit alors, le border town2 ressemblait à un atroce laboratoire. Où l’on pratiquait une expérience ultime d’abêtissement des règles alimentaires. Certes, dans un combat perdu d’avance, quelques justes tentaient d’alerter l’opinion, de mettre en garde la population et les autorités, voix fluettes prêchant dans le désert et trop peu puissantes pour être entendues d’une société américaine dominée par les géants de l’industrie agroalimentaire.

C’était en 2006. Depuis, Rio Grande City, son accent hispanique et son odeur de graillon n’ont cessé de hanter mon esprit.

Si depuis j’ai avancé sur des chemins bien différents, il m’est arrivé de revenir sur ces terres familières. Ainsi, en 2007, pour un Envoyé Spécial consacré aux acides gras-trans. Mais c’est surtout l’audience rencontrée par Toxic, en France et au Québec, ainsi que les courriers et e-mails de lecteurs profondément touchés qui m’ont interpellé.

Tout au long de la rédaction de Toxic, une vérité m’avait habité : j’étais un père scandalisé. Et le sang qui bouillonnait en moi avait nourri l’encre de mes mots.

Cette sincérité, cette volonté citoyenne de s’engager pour assurer un avenir alimentaire meilleur à nos enfants, je l’ai retrouvée dans les nombreux courriers reçus. Un flux, preuve de la persistance du problème, qui ne faiblit pas.

J’ignore lequel d’entre vous, chers correspondants lecteurs, m’a convaincu de la nécessité de replonger dans les maux de notre alimentation et de poursuivre le sillon tracé par Toxic.

Peut-être est-ce Jacques, directeur de recherche en Suisse, effaré de découvrir les « causes de la dégradation de la santé publique » ? Peut-être est-ce Madeleine, une jeune Française tiraillée entre le soulagement de savoir et l’inquiétude devant la vérité ? Peut-être plutôt Nathalie, une mère de famille de Montréal décidée à repartir à la conquête des assiettes de ses deux fillettes et désirant savoir comment s’y prendre ? À moins qu’il ne s’agisse d’un des messages reçus d’Italie, des Pays-Bas, de Belgique ou de Corée du Sud, lesquels, malgré les distances, traduisaient tous des angoisses identiques, prouvant ainsi la globalisation du mal ? Pour tout dire, il est impossible de savoir tant c’est assurément chacune de vos lignes qui a contribué à la naissance de ce nouvel opus.

En revanche, je me souviens précisément du moment où, pour la première fois, l’idée de reprendre le flambeau porté dans Toxic est venue m’effleurer.

C’était sur le plateau de la version québécoise de l’émission Tout le monde en parle. Je venais d’expliquer à Guy A. Lepage, son animateur, que la crise mondiale d’obésité, au-delà des kilos en trop, était la face très visible d’un iceberg bien plus dangereux. Et que, sous la surface, dans les sombres profondeurs de l’océan de notre ignorance, là où l’opacité ne laisse plus passer la lumière, se cachait un autre monde redoutablement toxique. Et qui, pour le coup, nous concernait tous.

Tandis que Guy souhaitait en savoir plus, l’évidence venait de me frapper : si l’occasion se présentait, je savais désormais où plonger. »

La suite ……………..demain

 

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William Reymond remet le couvert.

Son passionnant livre Toxic permettait de mieux comprendre les causes structurelles de l’épidémie d’obésité.

Nous l’avons dégusté par petits articles quotidiens sur le site obesite-en-reseau.fr du 01 mai au 11 juillet.

mais, l’enquête du livre s’arrêtait à l’année 2007.

Toxic Food, la suite de Toxic, prend le relais et va jusqu’à fin 2009.

Je vous propose cette « saison 2 », en petits articles quotidiens à partir du 23 juillet 2013 à 8 heures.

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Epilogue du livre de William REYMOND : TOXIC .

« Le périple s’achevait. J’aurais aimé le terminer ailleurs que dans l’étouffante chaleur du sud du Texas.

Peut-être cette enquête aurait-elle dû se conclure du côté du Marin County, à quelques kilomètres de San Francisco. Où, avec Bill Niman, fondateur d’une série de ranches, j’aurais appris et apprécié la seule – et digne – façon d’élever le bétail.

Sans hormone, antibiotique, grain, protéine enrichie à la merde de poulet. Sans lagon aussi. Ici, comme dans les vignettes de l’époque préindustrielle, les bêtes paissent en liberté, les veaux sont nourris par leurs mères et les cochons pas entassés les uns sur les autres.

À Niman Ranch, obtenir une viande de qualité se fait dans le respect de l’environnement et des animaux. Une philosophie qui rencontre un succès grandissant auprès des restaurateurs et des consommateurs avertis. Ce qui prouve qu’il existe une alternative à l’industrialisation du bétail et que l’on peut se nourrir sans risquer de terribles conséquences pour sa santé.

Sans aller aussi loin, j’aurais pu encore me rendre à Austin, au Texas. Pour passer quelques heures en compagnie de John Mackey, le créateur de la chaîne de supermarché Whole Foods. Il m’aurait raconté comment, ayant rejoint une communauté végétarienne à la fin des années 1970 pour y rencontrer des filles, il avait réussi à anticiper la montée en puissance de la vague bio. Depuis l’ouverture de sa première boutique en 1980, Whole Foods est un succès unique en son genre. Aujourd’hui ses 189 magasins, dont quelques-uns situés en Grande- Bretagne, garantissent à leurs clients une alimentation sans toxine ni pesticide. La viande et la charcuterie proviennent d’élevages éthiquement et écologiquement responsables. Pour lutter contre la pollution liée aux transports de produits frais, Whole Foods a même développé la production locale de l’agriculture biologique. Enfin, véritable pied de nez aux géants de la distribution, les employés de la compagnie sont payés le double de leurs confrères de Wall Mart. Ce qui explique pourquoi Whole Foods est aujourd’hui l’une des entreprises dont la qualité de travail est l’une des meilleures des États-Unis. Une sérénité démontrant qu’il est possible de pratiquer le capitalisme sans y abandonner sa conscience.

Quittant le Fat Land, j’aurais pu m’envoler, sans vraiment savoir ce que je devais en penser, vers l’université d’Utrech aux Pays-Bas. Et y rencontrer le docteur Henk Haagsman. Ce Néerlandais, professeur des sciences de la viande, est l’un des experts mondiaux d’une nouvelle discipline : la culture de viande in vitro. Non, il ne s’agit pas d’une hérésie mais d’un véritable projet, doté de 2 millions d’euros et destiné à déterminer si, grâce à l’utilisation des cellules, on peut faire « pousser » de la viande. Donner naissance à un produit moins gras, sans bactérie ni résidu chimique. A une viande débarrassée de la pollution et des conditions d’élevage honteuses. Haagsman, comme d’autres chercheurs installés au Canada, aux États-Unis et en Australie, est persuadé que la viande en « boîte de Pétri » est une réalité proche : « D’ici six ans nous devrions obtenir un produit. Pas sous forme de steak, évidemment, mais plutôt une viande hachée que l’agroalimentaire pourra utiliser sur des pizzas ou dans des sauces ».

J’aurais encore pu passer quelques jours à Tavistock, dans le Devon, en Grande-Bretagne. Pour faire la connaissance d’habitants qui, récemment, grâce à leur désir d’avoir une alimentation saine et à leur opiniâtreté, ont gagné une bataille difficile. Après sept années d’efforts à tenter de s’implanter et d’attirer les consommateurs, McDonald’s a fermé son unique établissement, faute de clients.

J’aurais pu…

Mais je ne souhaitais pas conclure sur une fin heureuse. Non pas par passion du pessimisme, mais parce que notre quotidien est aujourd’hui plus proche de l’horreur de Rio Grande City que des attrayants rayons de Whole Foods.

Il déplaira sûrement à l’office de tourisme de le lire, mais il n’y a aucune raison de s’arrêter ici. Rio Grande est le chef-lieu du comté de Starr, l’un des plus pauvres des États-Unis. La route principale ressemble à un long fil de béton rongé par la décrépitude depuis fort longtemps. La poussière est omniprésente. Elle semble même incrustée dans le paysage depuis et pour toujours.

Il existe deux styles de maisons à Rio Grande City. Celles à l’abandon et les autres où, réfugiés derrières les barreaux qui protègent toutes les fenêtres, les 11 923 habitants vivent dans la crainte. La peur du soleil qui écrase tout neuf mois par an. La peur des voisins, des inconnus, des autres et plus particulièrement des gangs de la mafia mexicaine qui ont transformé l’endroit en lieu de passage. Et puis, la peur des troupes du Homeland Security aussi, en charge de vérifier les visas et de déporter les immigrés clandestins. À Rio Grande City, 95,89 % de la population est d’origine mexicaine. Les sans-papiers en représentent la majorité. Certains ont même peur de leurs enfants. Nés sur le sol américain, ils sont pourvus de la nationalité qui est refusée à leurs parents. Et ainsi, d’après les services sociaux de la ville, dès l’adolescence, nombre d’entre eux terrorisent la partie « illégale » de la famille. Un chantage au coup de téléphone de dénonciation pour une seule chose : manger.

McDonald’s, Daily Queen, Burger King, Whataburger, Wendy’s, Pizza Hut, Little Ceasars Pizza, Subways, Taco Bell, Taco Bueno, Taco Palenque, Mexican Buffet, Chinese Buffet… aucune enseigne ne manque à l’appel. Et toutes proposent, en lettres géantes, des promotions difficiles à ignorer quand on vit sous le seuil de la pauvreté. Ici, le Coke géant est offert pour l’achat d’un menu. Là, contre moins de 5 dollars, le client est invité à manger autant qu’il le souhaite. Ailleurs, tous les matins, le petit déjeuner est doublé gratuitement.

À Rio Grande City, paradis du HFCS et du trans fat, tout est commercialement envisageable, envisagé et mis en pratique pour ponctionner les quelques dollars versés par l’aide locale.

Cette orgie alimentaire s’accompagne d’une terrifiante réalité. À Rio Grande City, la moitié de la population adulte souffre de diabètes de type 2.

Mais le pire, c’est pour demain.

À l’école maternelle, 24 % des enfants sont déjà en surcharge pondérale ou obèses. S’ils ne sont pas dès maintenant pris en charge, rien ni personne ne parviendra à les sortir du cercle infernal. Celui qui, à l’âge adulte, devenus diabétiques et amputés, leur fera attendre la crise cardiaque… comme une libération.

Or, dans l’Amérique d’aujourd’hui, personne ou presque ne s’intéresse à Rio Grande City. Ou à La Casita, Roma, Laredo, El Cobares, ces villes du sud du Texas qui subissent le même cauchemar.

Or, à Rio Grande City, 50 % des garçons âgés de dix ans sont trop gros. Beaucoup trop gros.

Peggy Visio, une nutritionniste du Texas Health Science Center de San Antonio, tente depuis des années de faire bouger les choses. Adepte de la téléconférence, elle a réussi à trouver un don privé destiné à financer un service reliant son bureau de San Antonio à l’infirmerie de l’école de la ville. Et là, par écran interposé, elle donne des conseils de nutrition aux familles. Sachant pertinemment qu’elle ne pourra empêcher le pèlerinage quotidien au fast-food, elle tente d’orienter les ados vers les produits qui feront le moins de dégâts.

Aux États-Unis, 33 % des enfants mangent tous les jours dans un fast-food.

Lors d’un séjour récent à Rio Grande City, Visio et son équipe ont examiné les 2 931 enfants de la ville afin de quantifier ceux qui présentaient des risques élevés de diabète de type 2. Sur le papier, le pire de leurs scénarios prévoyait environ 600 cas. Mais à Rio Grande City, où deux cheeseburgers géants, une frite maxi et un Coca- Cola gargantuesque sont vendus à moins de 2 dollars, ils ont découvert 1 172 enfants en perdition. 1 172 futurs diabétiques.

Alors, Peggy a convaincu l’école de l’urgence. Après tout, chaque jour, les enfants y prennent leur petit déjeuner et leur déjeuner. Des collations largement arrosées des sodas en vente soit à la cafétéria, soit via les distributeurs, dans les couloirs de l’établissement.

Grâce à Visio et aux responsables de l’école, ces appareils de tentation ont été déplacés… dans la rue. Le personnel des cuisines a été formé pour offrir une nourriture moins grasse et moins sucrée. Les fruits frais ont commencé à apparaître sur les tables de la cantine et l’eau à repris une place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner.

Mais voilà, nous étions à Rio Grandé City. Et les étudiants ont expérimenté la démocratie directe. Ces citoyens en herbe, obèses ou en passe de le devenir, se sont mis en grève devant de telles décisions salutaires à leur santé. Soutenus par certains parents et professeurs, ils ont affiché leur colère à l’entrée de la cafétéria avec un mot d’ordre clair : « Non au régime ! Nous voulons manger des trucs cool ! »

Rio Grande City est un laboratoire. Un douloureux voyage vers le futur aussi. Ce qui s’y passe n’est ni une exception ni une aberration, mais un amer avant-goût de l’avenir. L’obésité, le diabète, l’attitude de ces étudiants sont ni plus ni moins le résultat des trente dernières années de dérive et de matraquage alimentaire. Trois décennies où l’industrie agroalimentaire a pris le contrôle de nos assiettes, brouillant les repères, changeant la nature même de la nourriture.

Pendant des siècles, manger a été une nécessité et un moment privilégié. Une excuse pour l’échange et la communication. Et, bien souvent, un moment de plaisir. Désormais, un plat, pour s’imposer, doit être pratique, s’engloutir seul et rapidement. Et, surtout, être soutenu par une campagne publicitaire.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à ces élèves prêts à se battre pour continuer à se goinfrer. Déjà, dans certaines écoles primaires, les enfants apprennent à compter en additionnant les M&M’s. Dans d’autres, ils refusent de manger les fruits frais sous prétexte qu’il est beaucoup plus tendance d’avaler un dessert coloré.

L’industrie agroalimentaire n’est pas seulement coupable d’avoir travesti la nature de notre nourriture. D’y avoir introduit le sirop de fructose-glucose, les additifs, les conservateurs, les résidus chimiques et les acides gras trans. Non, dans cette course au profit, certaines sociétés ont tout simplement tenté de s’emparer de l’âme d’une génération.

Ces mots sont à la hauteur de ma colère. Pas uniquement celle de l’auteur, celle d’un père aussi. Qui, chaque jour, tente de contrebalancer un pouvoir qui nous dépasse.

La responsabilité individuelle et celle des parents sont deux mensonges inventés par des spécialistes de la manipulation. Ou du marketing, c’est la même chose.

Les preuves ? Elles sont multiples. Petit voyage dans le temps. Dans les années 1930, Coca-Cola comparait ses atouts nutritionnels aux vertus vitaminées des fruits. Dans les années 1950, 7 Up expliquait comment, mélangé au lait du nourrisson, il favorisait la prise du biberon. À l’époque, à en croire les réclames, certains vins équivalaient même à un repas complet. Et puis, Camel était « la cigarette préférée des médecins ». Aujourd’hui les mêmes tentent de nous convaincre de l’importance de leurs contributions à notre bien-être, de leur sincérité dans la lutte contre le poids, de leur conscience humaniste ou de la non-dangerosité des OGM.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à ses promotions permanentes sur la paire de hamburgers. Déjà, la crise d’obésité est devenue pandémie. Déjà les lagons des porcheries, le HFCS et le trans fat sont partis à la conquête de l’Europe.

L’Europe… Ou comment une idée juste, sensible, enthousiasmante et pacifiste, a perdu elle aussi son âme. L’Europe est devenue la nouvelle cour où manœuvrent les spécialistes du lobbying industriel. Où se pratique un sport dont les règles ont été inventées à Washington.

Et c’est ainsi que, le 9 novembre 2006, Markos Kyprianou, commissaire européen et membre de la Commission européenne chargé de la santé et de la protection des consommateurs, a publiquement félicité Coca-Cola et McDonald’s pour leur engagement dans la lutte contre l’obésité.

Coke, McDo et les autres sont pourtant les fabricants de cigarettes d’aujourd’hui. Leur stratégie de communication est identique. La crainte majeure de ces géants de l’agroalimentaire, c’est que les gouvernements, sous la pression populaire, légifèrent. Car la contrainte leur fait peur. Aussi, pour éviter cela, ils jouent la diversion, la carte du volontarisme.

Dans le même esprit, Marlboro et Philip Morris financent aux États-Unis des campagnes publicitaires incitant les gens à ne plus fumer. Or, le budget de ces « ravalements de façade » n’atteint même pas 1 % des bénéfices engendrés par la vente de leurs produits.

McDo, Coke et les autres savent qu’ils sont les premiers responsables de la pandémie d’obésité. Alors, ils donnent le change, martèlent le message de la responsabilité individuelle et l’idée que toute nourriture a sa place dans un régime équilibré.

Lorsque je vois la campagne internationale de Coca- Cola annonçant sa décision de lutter contre l’obésité, je ne peux m’empêcher d’être cynique et de penser : c’est l’hôpital qui se moque de la charité.

L’engagement à ne pas faire de publicité à destination des moins de douze ans ? Du vent. Rien de neuf. Cela a toujours été le cas. Non pas parce que la Compagnie est « morale » mais parce qu’elle est très intelligente. Elle préfère sponsoriser l’équipe de France de football, lancer un site Internet avec NRJ, imaginer un casting inspiré de « Star Academy » dans tout le pays, pour capter l’attention de ces classes d’âges. Coca-Cola étant, en France, la marque préférée des jeunes, elle n’a pas besoin de s’adresser directement à eux puisqu’elle a réussi à devenir une figure incontournable de leur univers.

Les boissons sans sucre, les salades de McDo ? Tout cela est marginal. Le cœur d’affaire de McDonald’s, ce sont les heavy users, les gros consommateurs de Big Mac et de frites. Le produit vedette de la Compagnie ? Coca-Cola Classic et son sucre.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à son odeur permanente de friture.

Au terme de mon enquête, je ne sais même pas s’il est encore possible d’éviter le pire. Certes, les solutions existent. Mais, pour s’imposer, elles ont besoin de deux révolutions.

D’abord, celle de nos esprits. Avant d’être consommateur, nous sommes citoyens. Nos trois repas quotidiens sont autant d’occasions de voter. Voter pour ou contre un monde toxique. Voter en faveur d’un modèle viable pour l’environnement, notre santé, et moralement acceptable. Notre pouvoir est avant tout celui de l’achat. Plus qu’un bulletin dans une urne, la consommation d’un produit est devenue un geste politique. Le seul moment où le terme de « démocratie directe » a un sens concret.

Mais voilà, si mon pouvoir d’achat m’offre le privilège d’assurer aux miens une assiette sans danger, ce choix est réservé à une minorité. Car manger bien est désormais une source d’inégalité. Les pauvres sont aujourd’hui massivement représentés dans les rangs de plus en plus peuplés des obèses. Comme à Rio Grande City, leur pouvoir d’achat les cantonne quasi exclusivement à la nourriture industrielle. En confiant notre alimentation aux géants de l’agroalimentaire, nous leur avons laissé le droit d’installer des régimes d’apartheid nouveaux.

Et c’est pour cela que, même s’il est capital, un engagement individuel ne sera jamais suffisant.

Pour éviter que demain, notre monde ne ressemble à Rio Grande City, il faut que la classe politique se souvienne que, parmi ses devoirs, se trouve l’obligation de protéger la société des risques pathogènes.

La malbouffe tue. Il faut donc une intervention gouvernementale pour contraindre certaines compagnies à cesser de nous empoisonner. Le Danemark l’a fait. McDonald’s, Coca-Cola et les autres n’ont pas quitté le pays pour autant et les Danois n’ont pas le sentiment – autre cheval de bataille des industriels – qu’ils sont privés de leur liberté individuelle.

Mieux encore, puisque la France s’apprête à voter, il est temps d’exiger des candidats qu’ils s’engagent dans cette lutte dont la victoire est la seule issue possible.

Et le combat sera âpre. Car, distribuer des bons points aux compagnies, inciter les individus à consommer plus de fruits et moins de graisse, est largement insuffisant.

Qui, à droite et à gauche, osera suivre les conseils de Philip James et repenser nos politiques agricoles ? Le président de l’Équipe internationale de lutte contre l’obésité, ancien conseiller de Tony Blair, a, dans son discours de Sydney, défini le seul cadre susceptible afin d’empêcher la propagation des Rio Grande City. « Nous n’avons pas affaire à un problème médical ou scientifique. Nous avons affaire à un énorme problème économique qui, de l’avis général, va submerger tous les systèmes médicaux de par le monde. Nous nous sommes concentrés sur l’utilisation de l’argent des contribuables pour surprotéger tous ces éléments de la chaîne alimentaire qui provoquent aujourd’hui l’épidémie d’obésité. La surproduction d’huile, de graisse et de sucre, largement due aux subventions publiques visant à protéger les revenus agricoles, contribue depuis des décennies à la crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui. »

Demain le monde ressemblera à Rio Grande City et au courage de Peggy Visio.

Demain, parce qu’il y va de notre survie, nous reprendrons le contrôle de nos assiettes.

Demain, parce qu’il est question de l’avenir de nos enfants, nous quitterons les frontières nauséabondes de cet univers toxique.

Tout cela est encore possible.

Vous en avez le pouvoir.

La preuve ?

Après des années de dérive, je venais de le faire.

J’avais trente-cinq ans et, pour la seconde fois, je venais de naître.

Piano, 20 décembre 2006. »

Fin ……………….

Dr BUENOS : Merci à William Reymond, qui va désormais nous manquer chaque jour. Son enquête bien documentée, est passionnante. Elle s’était achevée en décembre 2006, mais à nos yeux,elle n’a pas pris une ride.

Elle conforte le réseau ROSA dans ses pratiques actuelles et nous permet d’améliorer certains points de prise en charge.

 

 

 

 

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Extrait de Toxic, livre de William Reymond, que je conseille de lire :

 » Imaginez un pays peuplé comme la France. 60 millions d’habitants donc, qui auraient une seule particularité : celle d’être trop gros.

Cette entité géographique fictive existe. 60 millions d’obèses ? Bienvenue dans l’ex-Empire du milieu. Depuis novembre 2006, la Chine détient ce triste record. Alors que la population chinoise a été longtemps considérée comme ayant le mode alimentaire le plus équilibré de la planète, elle est désormais au bord de l’implosion. L’obésité et la surcharge pondérale touchent même un Chinois sur cinq. Le calcul fait tourner la tête… Il s’agit bien de 215 millions de personnes ! Parmi elles, 160 millions souffrent d’hypertension et 20 millions sont atteintes du diabète. Et là-bas, particularisme local, la pandémie touche plus particulièrement les garçons.

Selon une étude publiée le 19 août 2006 par le British Medical Journal, plus de 10 millions d’enfants chinois entre sept et dix-huit ans sont aujourd’hui obèses. En 2000, ils étaient « seulement » 4 millions !

La Chine est donc passée à l’ère de l’obésité. Une information fâcheuse pour le gouvernement communiste qui, à la veille des Jeux olympiques de 2008, souhaite présenter ses citoyens comme les plus sportifs de la planète. Mais voilà, une promenade dans les rues de Pékin et de Shanghai dévoile une autre réalité. Celle où les cliniques pour enfants obèses se multiplient au rythme de l’élargissement du tour de taille de la population !

La Chine n’est en rien une exception. L’ensemble du bassin asiatique se voit frappé par l’épidémie. Ainsi, depuis 2002, le Viêtnam doit faire face à une situation particulière loin d’être unique. Si à Hanoi une partie de la population souffre d’obésité, dans certaines campagnes la malnutrition demeure un grave problème. À côté, en Thaïlande, le taux d’obésité des cinq-douze ans est passé de 12,2 % à 15,6 % en… à peine deux ans !

Le Japon est également atteint. Depuis 1982, le nombre d’obèses a augmenté de 100 %. Là aussi, comme en Chine, les enfants et les adolescents sont les premières victimes. Situation identique aux Philippines où 5 % de la population est considérée comme obèse. Si l’on ajoute les personnes en situation de surcharge pondérale, c’est même un tiers de l’archipel qui est touché. On retrouve des proportions similaires en Nouvelle-Zélande et en Australie. Dans les villes mais aussi dans des endroits bien plus reculés puisque, pour la première fois en 2004, on relevait une augmentation importante des cas d’obésité au sein des tribus aborigènes. Reste que l’exemple le plus frappant de la zone pacifique concerne les îles Tonga. Là, en Polynésie, c’est plus de 60 % de la population qui endure la pandémie.

Et l’Inde, l’autre État-continent ? Alors que le pays peine à lutter contre les effets de la malnutrition en milieu rural, les grandes villes comme New Delhi comptent désormais un taux d’obésité dépassant les 10 % parmi les quatorze-vingt-quatre ans. Et l’hypertension entraîne une inquiétante augmentation de la fréquence des crises cardiaques chez les moins de cinquante ans.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’Afrique n’est en rien épargnée par le mal. En Zambie, 20 % des enfants âgés de quatre ans sont obèses. Un pourcentage conséquent que l’on constate encore au Maroc et en Égypte, où il est même légèrement supérieur. D’une manière générale, au Moyen-Orient, de Beyrouth à Bagdad, c’est en fait un quart de la population qui se retrouve obèse ou en surpoids.

Mais le vrai drame se joue au sud, en Afrique noire, où ce fléau et son cortège de maladies font des ravages. Non, il ne s’agit pas d’une erreur. Je viens bien d’associer l’impossible : obésité et Afrique. Et il ne faut pas se méprendre, la pandémie sur le continent africain ne signifie en rien que les problèmes de malnutrition sont réglés. On continue à mourir de faim là-bas, mais, écœurante nouveauté, on y meurt également en mangeant trop ou mal ! L’information dérange notre mode de pensée mais certains pays du continent noir comptent trois fois plus d’obèses que d’individus souffrant de malnutrition. Et, comme ailleurs, la tendance n’est en rien prête à s’infléchir.

Car l’Afrique est maudite. Agonisant sous la faim, exsangue depuis la tragédie du sida, le continent est désormais victime d’une nouvelle « plaie ».

En 2004, l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, plus communément connue sous le terme générique FAO, publiait un rapport dramatique qui démontrait que les femmes enceintes souffrant de malnutrition accouchaient plus fréquemment d’enfants sûrs de devenir de futurs… obèses. Une incongruité ne provenant pas d’une étrangeté de la nature mais de notre héritage génétique. Parce que les bébés africains naissent avec un métabolisme programmé pour « stocker » le maximum de nourriture. Alors que la malnutrition recule, cette sorte d’assurance survie glissée dans l’ADN se retourne contre son porteur en le condamnant à l’extrême contraire.

Des mères souffrant de faim donnant la vie à une prochaine génération de gros. Toute l’absurdité de notre monde est là… Toute l’absurdité et la douleur de l’Afrique aussi !

Bien évidemment, de Paris à Bruxelles, de Londres à Prague, de Berlin à Amsterdam, de Rome à Lausanne, de Madrid à Sofia, la pandémie est aussi solidement installée en Europe. En France, la dernière enquête Obepi confirme qu’en 2006 l’obésité continue de progresser. Et que, désormais, au-delà des enfants et adolescents, c’est l’ensemble des générations qui sont atteintes. Une situation soulignée par Marie-Aline Charles : « C’est saisissant. Chaque génération a une prévalence supérieure à la précédente. Et ce, quelle que soit la génération. À chaque fois cela progresse : si on observe les générations nées en 1920, 1930, 1940, il y a déjà cette progression. Il faut absolument infléchir la trajectoire, car autrement on va arriver au taux de 30 % que connaissent les États- Unis3 ».

Désormais, donc, 5,9 millions de citoyens français sont obèses. Afin de saisir l’aspect foudroyant de la pandémie, il faut retenir une donnée cruciale : voilà à peine neuf ans, on en comptait 2,9 millions de moins. Oui, au rythme de plus de 320 000 par an, le nombre d’obèses dans l’Hexagone a quasiment doublé entre 1997 et 2006 !

En Italie, 8 % de la population est atteinte. En Allemagne, la proportion passe à 12 %. La Grande-Bretagne, quant à elle, se dispute la première place avec la Bulgarie. Le quart des habitants de ces deux États est désormais obèse. Si l’on ajoute les personnes en surpoids, on glisse vers une situation à l’américaine où celles proches de ce qu’on appelle leur « poids de forme » ne forment désormais plus qu’une minorité.

Asie, Pacifique, Afrique, Europe, il reste à jeter un œil sur l’Amérique. Pas celle où est née l’épidémie, mais le continent américain. Et ce en commençant par le sud. Où il n’y a pas de miracle. L’ensemble du territoire sud- américain est touché. Le Brésil, par exemple, a vu la proportion d’habitants obèses ou en surpoids augmenter de 31 % en dix ans. Une vague touchant aussi bien les beaux quartiers de Rio que les favelas de Sâo Paulo. Dans la même période, la Colombie a enregistré une progression de 43 %. Un quart des enfants péruviens, chiliens et mexicains sont eux aussi victimes du mal.

Nettement plus au nord, du côté du Canada, les statistiques se révèlent encore plus impressionnantes. D’après une enquête de 2004 sur la santé dans les collectivités canadiennes, 23 % de la population est obèse. Plus précisément encore, l’étude Différences régionales en matière d’obésité démontre que cette catégorie regroupe presque un tiers des Canadiens vivant en milieu rural, contre 20 % des résidents de grandes villes.

En Amérique du Nord, la pandémie n’épargne personne… n’oubliant pas, au passage, de « contaminer» jusqu’aux Eskimos d’Alaska.

De l’Australie au Danemark en passant par la France, ces experts disent tous la même chose : notre société est malade. Et si rien ne se fait, elle subira le sort vécu par les générations confrontées aux précédentes pandémies.

Il ne s’agit pas d’être alarmiste mais simplement réaliste. En 2006, l’Organisation mondiale pour la santé affirme que la planète compte plus d’habitants souffrant de surpoids que de malnutrition. Que si les victimes de la faim sont toujours plus de 800 millions, celles de la malbouffe dépassent le milliard. Et que dans ce chiffre record, 300 millions sont obèses.

Ce paradoxe en appelle un autre, bien plus effrayant s’il en est. Si choquant même qu’à lui seul il a justifié ce travail d’enquête et l’écriture de ce livre. En vingt ans, la pandémie d’obésité ne s’est pas satisfaite de son expansion statistique, plaçant la surnutrition au sommet des problèmes mondiaux. Ou, pour reprendre une expression du ministre français de la Santé Xavier Bertrand lors de ses vœux à la presse, ne s’est pas contentée de son statut de « défi majeur de la santé du XXIe siècle1 ». Elle a aussi – et c’est ce qui se produit aux États-Unis – remis en doute la marche en avant de l’évolution humaine.

De fait, si l’ensemble de ces données chiffrées, peut- être difficiles à digérer, n’a pas fini de vous convaincre de l’urgence des mesures liées à l’étendue du mal, l’information supplémentaire que voici devrait y parvenir. En effet, pour la première fois, malgré les progrès de la science et de la médecine, l’espérance de vie des enfants américains est plus courte que celle de leurs parents ! Et c’est bel et bien l’obésité qui s’avère responsable de cette régression unique dans l’histoire moderne.

Doit-on, en France, se dire que cette dérive ne nous concerne pas ? Évidemment non. Car on le sait, en 2020, l’Hexagone mais aussi l’Allemagne, la Belgique, les Pays- Bas, le Sénégal, l’Inde, la Chine, la Russie l’Australie… ressembleront aux États-Unis. Et seront des nations majoritairement obèses, dont les populations verront à leur tour leur espérance de vie cesser de croître avant de commencer à diminuer.

La crise mondiale d’obésité, venant rejoindre les tristes rangs formés par la peste noire, la grippe espagnole et le sida, est bel et bien une pandémie.

Mais avant de tenter de trouver les moyens de l’enrayer, il semblait essentiel de remonter aux origines de ce foyer épidémique pour découvrir les raisons du mal. Cela tombait bien, voilà quelques années que je vivais en son cœur.

(la suite …… demain).

Les impatients peuvent se procurer le livre et le « dévorer » avant.

 

 

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Extrait de Toxic, le livre écrit par William REYMOND et que je vous conseille de lire :

« Il n’y a aucun État au monde où l’obésité n’est pas en augmentation. Jusqu’aux pays en voie de développe-ment comme le Zimbabwe ou la Gambie que nous pen-sions pourtant immunisés. L’épidémie se propage à toute allure. Et, le plus effrayant, c’est que, jusqu’à présent, personne n’a réussi à la stopper. »

Le docteur Stephan Roessner n’est pas une Cassandre soucieuse de vendre quelques exemplaires de plus d’un livre de régime. Ce médecin suédois est le président de l’Association internationale pour l’étude de l’obésité. Et en dix ans, avec ses collègues, il a observé une tendance… lourde : l’accroissement de l’obésité et des pathologies liées à une mauvaise nutrition. Tous les experts sont d’accord ou presque : nous sommes désormais face à un véritable fléau.

Depuis 1998, sans que l’on saisisse totalement la portée de l’information, l’obésité est considérée officiellement comme une épidémie1.

Il ne s’agit donc plus de kilos en trop, de plis disgracieux, de difficultés à s’habiller et à se mouvoir mais bel et bien de risques mettant en péril l’existence d’une partie croissante de la population.

Berit Heitmann n’est pas une adepte de la langue de bois. Conseillère du gouvernement du Danemark sur les questions de médecine et de nutrition, elle vient de passer deux ans à étudier les effets de l’obésité sur les femmes. Et ses conclusions, preuves à l’appui, se révèlent implacables : « Être une femme et obèse est la pire chose qui soit. La discrimination commence dès l’enfance. Les études sur la petite enfance démontrent ainsi que les filles obèses sont rejetées par leurs camarades de jeux dès l’âge de trois ans ».

En présentant ses constatations, elle a démontré que le phénomène se reproduit dans le cadre familial et médical, et même enseignant. Une nouvelle forme d’inégalité sexuelle, où la fillette obèse est plus ostracisée que son équivalent mâle, est apparue. Mettant en avant le cas danois, Berit Heitmann débusque ainsi cette disparité jusque dans la distribution des bourses scolaires : les étudiantes obèses sont moins aidées que les autres.

Bien évidemment, cette forme de rejet prend toute son ampleur à l’âge adulte : « L’apparence et la taille semblent liées à la possibilité de conserver ou pas emploi et salaire. Le bilan est donc terrifiant : les femmes obèses sont privées d’amis, de relations intimes, de liens sociaux, d’éducation, de salaires et de respect ».

Impossible, en découvrant ces propos, de ne pas repenser à « ma » promeneuse parisienne. À son regard, mélange de peur, de honte et d’agressivité, lorsque je m’étais décidé à lui parler. Impossible d’oublier sa surprise. Et le fait que l’obésité féminine est devenue une nouvelle tendance en France. Ainsi, d’après Marie-Aline Charles, épidémiologiste en charge de l’enquête Obepi 2006*, alors que « l’on constatait une égalité presque parfaite » entre les deux sexes dans leur précédent rapport, « pour la première fois, la prévalence est plus importante chez les femmes. Cela est encore plus sensible chez les jeunes femmes de moins de quarante-cinq ans. […] Aujourd’hui, les filles de vingt-cinq ans ont le même tour de taille que leurs mères ».

Berit Heitmann ajoutait en effet : « À masse corporelle égale, la femme est bien plus exposée à la maladie que l’homme. À titre d’exemple, le risque pour un homme de développer un diabète de type 2 est moitié moindre que pour une femme obèse ». Une règle angoissante que l’on peut également appliquer aux cas d’hypertension et de maladies cardio-vasculaires.

Autre effet secondaire et dramatique souligné durant la conférence de Sydney, les difficultés à tomber enceinte et les multiples risques encourus en tentant de mener une grossesse à terme.

Comme pour illustrer les propos de la conseillère danoise, le 30 août 2005, The British Fertility Society (BFS), association britannique regroupant les professionnels de la fertilité, publiait une série de recommandations alarmantes à ses membres : « Les femmes rentrant dans la catégorie « obésité sévère » ne devraient pas être autorisées à accéder à un programme de traitement de l’infertilité, professait l’organisme. Celles souffrant de malnutrition et celles classées seulement comme obèses devraient être forcées de traiter leur problème de poids avant d’envisager un tel traitement ».

Il ne faudrait pas croire que ces propos constituent de simples vœux pieux dictés par la volonté de réveiller les consciences ou d’alerter les spécialistes. Non, on n’en est plus là. Richard Kennedy, l’un des dirigeants de la BFS, l’a confirmé à la BBC : les recommandations de son association sont déjà en vigueur. Et d’assener : « Les femmes obèses ont moins de chances d’être enceintes et plus d’être exposées à des problèmes de santé. Il nous apparaît plus sensé de traiter d’abord l’obésité avant de chercher un traitement à l’infertilité. Nous ne souhaitons pas une interdiction totale, mais il faut admettre le problème.

En tout cas le NHS, équivalent de la Sécurité sociale française, refuse en effet depuis 2005, et cela sans aucune publicité, de prendre financièrement en charge une partie du traitement contre l’infertilité lorsque la demande est effectuée par une femme atteinte de grave surpoids.

Or, on le comprend, même si les arguments de la BFS sont justifiés – les risques de développer de l’hypertension et du diabète gestationnel sont importants -, une telle décision pose tout une série d’interrogations morales. Est-il légitime, normal, de sanctionner ainsi des personnes déjà fragilisées ? Pourquoi le droit à une aide médicale pour avoir un enfant se voit-il interdit à une femme obèse alors que, d’après le même document, il est offert aux familles reconstituées n’ayant pas d’enfant ensemble, aux couples homosexuels et aux femmes jusqu’à quarante ans ? Plus troublant encore si l’on néglige les facteurs sociaux pour se cantonner aux risques médicaux encourus par l’enfant et la future mère, est-il logique d’exclure les obèses alors que les « fumeuses », y compris celles considérées comme utilisatrices très importantes, bénéficient de cette assistance ? Dans ce cas précis, l’excuse de la responsabilité médicale ne peut même plus être mise en avant, démontrant que la « grosse » est devenue une citoyenne mise à l’écart.

 

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Mon rêve américain a d’abord eu l’attirance sucrée du Coca-Cola et le croustillant de tranches de bacon. Le caramélisé de la tarte aux noix de pécan et l’onctuosité de la glace à la vanille. La tendresse d’une côte de bœuf et le piquant d’ailes de poulet frites dans une sauce aigre- douce.

Mon rêve américain avait un avant-goût de paradis. Un éden démocratique où le ticket d’entrée ne coûtait pas grand-chose et où les portions étaient gargantuesques. Un confortable refuge où le concept de culpabilité n’existait pas.

Mieux encore, les États-Unis m’avaient décomplexé. Pour la première fois de mon existence, avec mes misérables kilos en trop, j’appartenais en fait au groupe des gens normaux. Les gros, ce n’était plus moi, mais les autres.

Cette nouvelle réalité m’avait sauté aux yeux dès l’aéroport. En fait, il faudrait effectuer une étude auprès des touristes européens débarquant sur le continent américain. Je suis persuadé que, comme moi, avant même de noter la taille des voitures ou le gigantisme architectural, ils remarquent surtout l’allure pachydermique de certains membres de la population locale.

Car ici, la norme est à l’excès. Le cliché est facile mais tellement juste. L’Américain est excessivement généreux. Ou compétitif. Ou insupportable. Quoi qu’il en soit, il ne fait jamais rien à moitié.

Il faut très peu de temps pour s’habituer, aux États- Unis, au paysage saturé de l’obésité. Après quelques jours sur place, l’œil ne remarque même plus les corps déformés par l’excès de graisse. La société américaine semble d’ailleurs avoir totalement intégré cette notion-là. Et, comme s’il s’agissait de vendre un produit politiquement correct, elle a réussi à créer un univers positif autour du surpoids. Ainsi, par moments, la bedaine prend des accents de virilité. Les boutiques spécialisées en taille septuple XL ne sont pas des ghettos honteux mais affichent fièrement leurs couleurs : ici, on habille l’homme, le vrai ! Celui qui ne fait rien à moitié. Qui travaille dur et mange pour de vrai.

Mieux encore, le gras atteint parfois le sommet de la cool attitude. Le phénomène, lancé par des rappeurs obèses et des entrepreneurs malins, est à l’origine de la transformation d’un mot de la langue anglaise. Ainsi, victime d’une mutation économico-culturelle afin de mieux le commercialiser, fat devient phat. Si le vocable signifie toujours gros ou gras, il est désormais devenu un slogan branché et presque revendicatif pour vendre de coûteux vêtements particulièrement amples.

Et puisque nous parlons d’habillement, il faut bien évoquer un autre miracle américain. Celui qui vous permet de vous glisser, malgré vos rondeurs superflues, dans un pantalon taillant plus étroit que sur le vieux continent. Un phénomène réjouissant se reproduisant du tee-shirt à la chemise. Aux États-Unis, victimes d’une folle valse vers le bas, les étiquettes convertissent un extra-large parisien en un surprenant médium américain.

Je me souviens parfaitement du jour où je me suis rendu compte pour la première fois de l’ampleur mondiale de cette épidémie d’obésité. Revenu en France, je marchais dans les rues de Paris quand mon regard a croisé celui d’une femme qui devait avoir une quarantaine d’années. J’ai immédiatement eu le sentiment de la connaître. En fait, c’était son allure qui m’était familière. Elle ressemblait à une des Américaines que je rencontre chaque jour au supermarché ou sur le parking d’un McDonald’s. À celle qui gare son véhicule le plus près possible de l’entrée afin de s’économiser l’effort de la marche.

Pendant quelques secondes, je me suis même interrogé pour savoir s’il ne s’agissait pas d’une touriste. Et, allez savoir pourquoi, cette question m’a obsédé. Alors, je suis retourné sur mes pas, bien décidé à l’aborder sous le prétexte fallacieux de demander mon chemin. Craintive mais aimable, ma promeneuse obèse, à bout de souffle, me renseigna. Aucun doute possible, son accent parisien me prouva instantanément qu’elle n’était en rien un produit exporté des États-Unis, mais bien une Française.

Inconsciemment, le livre TOXIC de William REYMOND est né de ce choc.

Je vous conseille de l’acheter et de le lire, car il permet d’argumenter par des observations et des études scientifiques une des thèses également défendue par le réseau ROSA : l’épidémie d’obésité est en partie due à un problème qualitatif de la nourriture qu’il dissèque parfaitement bien et ne se résume pas comme on l’entend souvent à une alimentation excessive associée à un manque d’exercice physique.

Ce livre est tellement dense et intéressant que j’ai décidé d’en publier un extrait tous les jours pendant plusieurs semaines ….

 

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