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diététique

Les Etats-Unis n’en ont pas fini avec les Maxi-sodas. L’initiative du maire de New-York pour lutter contre l’obésité par la suppression de ses boissons a été rejeté en appel.

Il y a peu, le maire de la ville de New York Michael Bloomberg s’attaquait aux grands formats de sodas, malheureusement cette tentative pour lutter contre l’obésité a échoué ce mardi 30 juillet 2013. Son initiative pour prohiber les boissons sucrées de plus de 0,47 litres dans les restaurants a été rejetée en appel. Une bien triste nouvelle pour M. Bloomberg qui essuie son deuxième échec en cinq mois. Début mars, la Cour suprême de l’Etat de New York avait suspendu l’interdiction municipale peu avant son entrée en vigueur en qualifiant la mesure d' »arbitraire » et de « capricieuse ». L’initiative du maire a aussi été rejetée au motif que l’interdiction ne s’appliquerait qu’aux bars, aux restaurants et aux chaînes de fast-food, et non aux épiceries, cinémas et supérettes qui offrent des sodas pouvant facilement dépasser le litre.

 

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Je vous propose de tester un producteur de raisin de table bio :

Il s’agit de Mr Francis NEGROU

5 rue Paul BALMIGERE 34800 NEBIAN

tel : 04 67 96 31 68 ou 06 70 62 74 46

Son exploitation est située sur les côteaux d’Aumelas.

Il vend par cageot de 6 kg, des raisins cueillis le matin, au prix de 2.5 euros à 3 euros le kg.

La saison du raisin de table dure 4 semaines environ (du 13 Août au 15 septembre).

Période pendant laquelle vont se succéder d’abord le raisin Chasselas, puis le Muscat de Hambourg et enfin le raisin Ribol.

Il est nécessaire de téléphoner la veille pour qu’il vous prépare les cageots commandés.

J’attends les avis de ceux et celles qui vont tester ce raisin…………..

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » L’eau.

Quel est le point commun entre les tomates américaines, le brocoli consommé au Canada et l’épinard anglais au vu de ces analyses ? L eau. Une présence accrue d’eau. Alors que les vitamines, antioxydants et minéraux contenus dans les fruits et légumes sont en grande baisse, la teneur en eau des aliments frais n’a même jamais été aussi importante.

Ce changement fondamental ne tient à aucun mystère de l’évolution puisqu’il est plus basiquement – et sinistrement serais-je tenté d’écrire – le résultat des systèmes de culture actuels. Comme l’écrit Anne-Marie Mayer : « L’augmentation significative de l’eau contenue dans les fruits est l’indicateur d’un mode de production concentré sur le rendement. »

Les conclusions de Brian Halweil sont similaires. Constatant à son tour ce phénomène, il note : « Nous produisons plus de nourriture mais moins de nutriments. L’agriculture moderne augmente le rendement certes, mais rien d’autre. »

Ce phénomène a été théorisé pour la première fois en 1981 par Wesley Jarrell, un ingénieur agronome qui l’a résumé sous le terme « effet de dilution ».

Ce scientifique fut le premier à constater que le déclin de la valeur nutritionnelle des fruits et légumes allait de pair avec l’extension des techniques de cultures modernes telles que l’irrigation intensive et l’usage d’engrais chimiques. En clair, cela signifie qu’entre le début du xxe siècle et la fin de la Seconde Guerre mondiale le contenu en nutriments de ces produits n’a quasiment pas évolué mais qu’ensuite, pour cause de production de masse, leurs valeurs intrinsèques se sont effondrées. Une tendance, comme le démontre de son côté Halweil, qui n’a pas ralenti depuis.

En lisant aujourd’hui le rapport de Jarrell, il est impossible de ne pas souligner sa clairvoyance. Non seulement, l’analyse de l’ingénieur agronome est exacte mais ses travaux étaient aussi prophétiques que prémonitoires. N’écrivait- il pas : « L’adoption massive des techniques d’accroissement du rendement, comme la fertilisation et l’irrigation, risque d’entraîner une diminution conséquente de la concentration de nutriments des fruits et légumes. »

À en juger par les chiffres constatés aujourd’hui, force est en tout cas d’admettre que la mise en garde de Wesley Jarrell a été… superbement ignorée.

1. Depuis 1963, la tomate a perdu 30,7 % de ses vitamines A ; 16,9 % de sa vitamine C ; 61,5 % de son calcium et 9 % de son potassium.

2. Le brocoli, souvent considéré comme le symbole d’une nourriture saine, a perdu en un demi-siècle plus de 60% de son contenu en calcium et plus d’un tiers de son fer.

3. Depuis 1936, l’épinard a perdu 96 % de son cuivre, 53 % de son potassium, 70 % de son phosphore et 60 % de son fer.

La recommandation de Walter Willet prend dorénavant tout son sens. Si ce professeur de Harvard recommande la prise quotidienne d’une multivitamine, c’est parce que la nourriture moderne n’est plus capable de fournir à l’être humain occidental les quatre-vingt-dix nutriments essentiels dont il a besoin pour vivre bien.

Comme l’écrit de son côté l’expert en nutrition Joel D. Wallach : « Historiquement, nous trouvions tout ce dont l’organisme a besoin dans la nourriture. Mais ces éléments ont disparu. Soit ils sont totalement absents, soit leur présence dépend d’une somme telle de variables que l’on a plus de chances de gagner le jackpot à Las Vegas sur un coup de dés. »

La soudaine anémie des fruits et légumes ne peut évidemment demeurer sans conséquence sur la santé. Comme le signalait du reste avec inquiétude Anne-Marie Mayer. Alors qu’elle recommandait aux autorités compétentes d’étudier les effets de cette dégradation sur l’organisme, à l’instar de l’avertissement Jarrell voilà bientôt trente ans, son avis a été négligé. Pourquoi ? Parce que c’est le sort de tous les rapports que de tomber dans l’oubli ou parce qu’il valait mieux, au nom d’intérêts bien compris, ne pas en tenir compte ?

Mais oublions un instant cette interrogation pour comprendre comment chacun de nos coups de fourchette a des conséquences sur le monde dans lequel nous vivons et que nous allons léguer à nos enfants. Car il faut assumer collectivement notre responsabilité. Notamment envers l’environnement. Il ne fait aucun doute que la perte des nutriments constatée résulte de la modernisation de l’agriculture. Il convient donc de se plonger dans les mécanismes l’ayant entraînée pour en mesurer les véritables conséquences. Qui, elles, ne se résoudront pas à coups de pilules multivitaminées.

Disons-le sans détour : en nous nourrissant d’aliments appauvris, nous payons le prix de la révolution agricole entamée voilà cinquante ans par l’industrie chimique. La dégradation qualitative de nos produits frais en est une conséquence directe.

La présence accrue d’eau et la diminution en vitamines et minéraux ? C’est le résultat, nous l’avons vu, d’une irrigation continue et souvent massive. Une pratique dont les effets dépassent le cadre de notre seule nourriture. Ainsi, plus que le constat du réchauffement de la planète, c’est bel et bien cette méthode qui entraîne l’appauvrissement voire l’assèchement de nombreuses nappes phréatiques. Une sécheresse qui devient l’un des enjeux du siècle.

La course à la productivité, responsable du gaspillage des ressources naturelles comme l’eau, tient aussi au recours exagéré aux fertilisants chimiques. Or les pesticides, herbicides et fongicides nécessaires à la production de masse dont nos systèmes – la France, troisième utilisateur mondial, en tête – sont friands, ont des effets néfastes sur les aliments. Non seulement ils propulsent dans les assiettes des produits débordant de substances chimiques dont certaines cancérigènes, mais en plus ils sont à l’origine de la dégradation gustative des fruits et légumes. Il est ainsi démontré que le nitrogène interfère avec la capacité d’une plante à synthétiser la vitamine C. Les fertilisants contenant du potassium limitent quant à eux le taux de phosphore d’un fruit. Autant d’interactions chimiques pernicieuses. Et de répercussions, comme le démontre une multitude d’études citées par Brian Halweil, non constatées chez les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique, eux bien plus riches en vitamines, minéraux et antioxydants !

L’action des engrais chimiques ne s’arrête pas là, hélas ! Car l’appauvrissement des aliments tient aussi à une inquiétante dégradation de la qualité des sols. Lors de la conférence sur l’environnement et le développement organisée en 1992 à Rio de Janeiro par les Nations unies, un signal d’alarme avait été tiré sur ce point. On avait en effet appris que les sols européens avaient perdu 72 % des minéraux nécessaires à une bonne fertilité. Et que cette proportion, aux États-Unis, entraînant une quasi-stérilité, dépassait les 85 %. Un rapport précisait que certains sols de grosses exploitations américaines analysés, pollués à cause de l’usage massif et constant de fertilisants, avaient perdu la… totalité de leurs nutriments ! Désormais, la terre s’y résume à une sorte de réceptacle où, à l’aide d’eau et de produits chimiques, l’industrie agricole fait pousser ses produits.

Gaspillage des ressources en eau, détérioration de la qualité des sols, la course à la productivité agricole a une autre conséquence : la disparition de la variété.

Ne nous y trompons pas : la présence de certaines sortes de fruits et légumes toute l’année sur les étals ne signifie en rien une augmentation de la diversité.

Dans The End. of Food, le journaliste scientifique Thomas F. Pawlick a calculé que, par exemple, le choix offert en tomates équivaut à seulement 0,25 % des variétés existantes dans le monde. Ainsi, sur les 5 500 espèces connues et cultivables, les États-Unis et le Canada se concentrent seulement sur 11. Parmi lesquelles la Florida 47, qui représente 35,9 % de la consommation nord-américaine. Un phénomène quasi identique en Europe où six variétés de tomates représentent 80 % de la production.

Cette tendance à l’uniformisation touche l’ensemble des fruits et légumes.

Dans l’Idaho, royaume américain de la pomme de terre, on en cultive principalement 2 variétés, loin des 575 références répertoriées par la base de données de l’université de Washington State3. La première, la Russet Burbank, répond aux exigences de l’industrie du fast-food. Comme McDonald’s souhaitait une pomme de terre résistant au processus de congélation puis à la friture à haute température, la Burbank est donc devenue une star. Une vedette phagocytant l’essentiel de la production, bien soutenue par l’industrie agroalimentaire qui a trouvé un argument de poids pour convaincre les agriculteurs de se lancer dans cette monoculture : 90 % des frites congelées sont vendues en Amérique du Nord dans les restaurants. Dès lors, la frite est une machine à faire de l’argent aussi rentable que la vente de sodas. Car, alors que, en moyenne, McDonald’s achète ses frites congelées à soixante cents le kilo, une fois cuites elles sont revendues… douze dollars !

( L’agriculteur, lui, reçoit donc seulement 16 cents sur les 12 dollars facturés aux clients.)

La seconde variété, la Ranger, est un dérivé de la famille des Russet. Dont la production répond aux exigences, cette fois, des producteurs de chips pour apéritif type Frito-Lay. Et pour cause, cette pomme de terre est la plus riche en… sucres. Et donc la plus à même d’augmenter la consommation de chips. Pourquoi ? Parce qu’une fois cuite dans l’huile puis trempée dans le sel, cette alchimie sucré-salé la transforme en arme fatale. Nos papilles, contrôlées par l’ADN, lui-même conditionné depuis des millénaires à aimer le salé, le gras et le doux, s’affolent et deviennent incapables de résister au mélange.

Résultat ? Avec le développement des fast-foods et l’habitude bien ancrée de multiplier la consommation de snacks à toute heure, on voit celle des pommes de terre s’amplifier depuis des années, courbe ascendante parallèle à celle de la pandémie d’obésité. À mesure que le tour de taille de l’Américain moyen s’alourdit de graisse, l’appétit du pays pour la patate a explosé, passant de 240 millions de tonnes au début des années 1980 à presque 350 millions aujourd’hui.

La pomme de terre est même devenue le légume le plus consommé aux États-Unis. Suivie par la tomate, rang qu’elle occupe grâce à la consommation de frites ! Ne faut-il pas accompagner ces dernières de leur condiment de prédilection : le ketchup ?

L’exemple américain avec surconsommation de chips, frites et ketchup pourrait prêter à sourire, si – une fois encore – le reste de la planète n’adoptait pas un mode de consommation similaire. Qu’on en juge.

L’exploration de nouveaux marchés est l’un des thèmes récurrents du rendez-vous annuel de l’Idaho Potato Conference à Pocatello. En janvier 2006, citant une étude réalisée par l’International Potato Center (CIP), Joseph Guenthner, professeur d’économie agricole à l’université de l’Idaho, révélait que « toutes les régions du monde allaient manger plus de pommes de terre d’ici 2020 ». Et précisait que trois marchés attisaient les convoitises. L’Europe d’abord, le plus gros consommateur au monde avec près de quatre- vingts kilos par personne, suivie de la Chine et de l’Inde.

Certains contesteront qu’en elle-même une augmentation de consommation d’un légume soit inquiétante. C’est oublier que le développement prédit par le CIP est fondé sur un phénomène bien spécifique : la prolifération des enseignes de la restauration rapide commercialisant des frites ! Donc la généralisation du mode alimentaire qui y est lié.

« La plus forte progression en pourcentage concernera les pays en voie de développement, prédisait Guenthner. La consommation dans les deux pays les plus peuplés au monde – l’Inde et la Chine – devrait croître annuellement de 2,8 % et 3,8 %. À l’origine de cette popularité des pommes de terre, on trouve la restauration rapide. À tel point que, grâce à elle, la Chine et l’Inde importent désormais des frites congelées. »

L’exemple de la pomme de terre n’est en rien anodin. D’une certaine manière, ce féculent joue même le rôle de symbole. Car, lié à la pandémie d’obésité, il est aussi l’une des premières victimes de l’appauvrissement des produits frais. Devenue source de revenus importante, la patate a été, en quelque sorte, victime de son succès. Car dorénavant – étrange clin d’œil au darwinisme et à la théorie de l’évolution -, seule sa variété adaptée par l’homme aux besoins et vœux de l’industrie agroalimentaire prospère.

Intrigué par cette interprétation moderne de la loi relative à la survie du plus fort, Thomas Pawlick s’est intéressé aux motivations des producteurs et des gros acheteurs. Et a demandé à plusieurs d’entre eux les critères présidant au choix, donc à la survie et à la prolifération d’une variété par rapport aux autres.

Sans surprise, quel que soit le légume ou le fruit, la productivité arrive en tête de leurs réponses. Plus un aliment « donne » au mètre carré, plus l’industrie se tourne vers lui. Lorsque, en outre, il permet plusieurs récoltes annuelles, alors il devient un champion.

Les autres facteurs évoqués, et révélés par l’enquête de Pawlick, touchent aux capacités de… conditionnement du produit. Non à ses vertus gustatives, culinaires, à ses apports en vitamines, mais à l’éventail de traitements et présentations qu’il offre. Parce que la richesse d’un produit frais réside dans sa valeur ajoutée une fois transformé. Prenons un exemple. La marge, sur un kilo de tomates fraîches, est limitée. En revanche, celle permise par une bouteille de ketchup ou de sauce pour spaghettis s’avère beaucoup plus large. Quand un industriel sélectionne une variété, il opte donc pour celle qui s’adapte idéalement à la palette de dérivés possibles. Ce sont les pommes de terre douces pour les chips et les tomates riches en chair afin de créer une sauce épaisse.

Productivité, transformabilité… Le constat est cruel. Dans la liste de préoccupations des industriels, une donnée brille par son absence : le goût.

Jamais cette qualité ne relève à leurs yeux du facteur déterminant de sélection !

Le goût…

Même s’il s’agit d’un sujet difficile à quantifier, à évoquer aussi, comment ne pas s’engager sur ce terrain-là ? Certes Proust l’a évoqué avec immensément plus de talent que je ne saurais le faire, mais comment refuser un bond en arrière vers le jardin de mon grand-père paternel ? Car ma madeleine, ce sont ces tomates gorgées de soleil, qui se dévoraient à peine cueillies et ne nécessitaient aucun arôme ajouté pour affoler les gourmands. Un véritable plaisir à l’état pur.

Eh bien, le goût si particulier des tomates de mon grand-père a disparu des supermarchés. Et pas seulement parce qu’il est baigné de nostalgie. Cette absence est on ne peut plus logique : les tomates de mon enfance n’existent plus. Non calibrées, trop fragiles, irrégulières, mûres trop vite, de couleurs insuffisamment uniformes, elles ne correspondent pas aux canons définis par l’agro-business. Seul leur goût aurait pu permettre de les qualifier mais, nous l’avons vu, cette qualité- là ne figure pas dans la liste des critères de choix.

Il faut reconnaître que la plupart des tomates issues de l’agriculture biologique s’approchent de cette sensation du passé.

Comme s’il s’agissait indirectement de fermer la boucle, ce renoncement au goût, que personne ne revendique dans les hautes sphères de l’agroalimentaire, est lié à la disparition progressive des vitamines, minéraux et antioxydants des fruits et légumes. Aujourd’hui, la plupart des variétés consommées sont des hybrides. Des produits dont les multiples croisements sont effectués au nom d’un seul objectif : augmenter le rendement.

Or Brian Halweil a constaté que les hybrides sont les variétés de fruits et légumes ayant le plus perdu de nutriments au fil des ans. Non seulement leur monoculture intensive a appauvri le sol mais le chercheur note que, bien souvent, leurs racines sont moins profondes et moins « ancrées » que celles d’un légume issu de l’agriculture biologique. Une découverte fondamentale puisque c’est dans les profondeurs de la terre que le fruit et le légume puisent les éléments essentiels dont ils ont besoin, et nous aussi.

Les conclusions d’Halweil sont confirmées par les travaux de Donald Davis au Texas. Utilisant les statistiques fournies par l’USDA, l’équivalent américain du ministère de l’Agriculture, ce dernier démontre qu’en moyenne un plant « amélioré » par le croisement recèle 1/3 de zinc en moins et 28 % de fer en moins qu’un jamais croisé.

Le plus étonnant, c’est que ce phénomène dépasse les seuls fruits et légumes. Ainsi, chaque fois que l’agriculture moderne croise ou manipule une espèce animale afin d’en augmenter le rendement, c’est le consommateur qui en subit les dégâts.

Le cas du lait est frappant. Bien sûr, à force de croisements, et « progrès » scientifiques, la production a été triplée depuis 1950. Mais à quel prix ? Celui, considérable, de la chute de sa valeur nutritionnelle. Depuis 1963, le lait a ni plus ni moins perdu 13,1 % de son phosphore, plus de la moitié de son fer et… 36,1 % de son calcium !

Plus incroyable, et phénomène directement lié à une alimentation industrielle qui éloigne l’animal des verts pâturages, dorénavant les vaches donnent un lait qui contient 76,85 % de sodium en plus qu’il y a quarante-six ans et 7,3 % de matière grasse supplémentaire !

Il ne s’agit en rien d’une exception. Le poulet, dont la consommation est en perpétuelle hausse, est « victime » de la même tendance.

Si, depuis 1963, le blanc de poulet a perdu plus de la moitié de ses vitamines A et presque autant de son potassium, en revanche, il a gagné près d’un tiers de gras et 20,3 % de sodium.

Dans ces données réside le côté kafkaïen, Dr Folamour presque, de la situation actuelle. Soucieuse d’augmenter les cadences de production, donc ses bénéfices, l’agriculture moderne a vidé les fruits et légumes de leurs nutriments et, en augmentant les taux de sel et de gras, planté les germes de nos maux actuels.

Cela ne fait aucun doute : l’appauvrissement des qualités des produits frais comme la disparition de la variété, l’altération du goût comme la prépondérance d’espèces hybrides sont les conséquences de la course à la productivité. À propos de laquelle nous devons accepter d’assumer une part de responsabilité. Car c’est notre désir de disposer en toute saison de produits autrefois introuvables et à des tarifs abordables qui a alimenté cette révolution néfaste.

Une révolution dont l’addition n’est pas celle que nous imaginions mais qu’il nous faut aujourd’hui payer. Son vrai prix, bien plus exorbitant comme en témoignent les enfants rachitiques de Californie, se mesure en terme de santé. Comme l’écrivait Hippocrate, notre nourriture est la première source de notre bien-être. À nous de refuser qu’elle soit à l’origine de notre déclin. »

Après cette brillante démonstration très instructive, la suite ……………. demain.

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » La réponse prend l’allure d’une litanie de statistiques. Mais l’avantage avec les chiffres, c’est qu’eux ne mentent pas.

Depuis le début du XXe siècle, les ingénieurs agronomes de nombreux pays collectent une série d’informations sur les fruits et légumes consommés. Ces données permettent d’établir une comparaison entre, par exemple, le taux de vitamine C d’une orange au début des années 1960 et une autre disons contemporaine. Et, donc, de déterminer l’évolution nutritionnelle de la nourriture afin de comprendre pourquoi le professeur Willet continue d’insister sur la nécessité de « supplémenter » l’alimentation.

En juillet 2002, le quotidien canadien The Globe and Mail publia, en partenariat avec la chaîne d’information CTV, une enquête comparative signée André Picard. Inspiré par des recherches menées cinq ans plus tôt par Anne- Marie Mayer pour le prestigieux British Food Journal, l’article se proposait de comparer la teneur en nutriment de vingt-cinq fruits et légumes vendus durant l’été 2002 dans les supermarchés canadiens. Comme référence, le laboratoire de recherche sélectionné par le journal utilisa les données gouvernementales disponibles pour les années 1951, 1972 et 1999.

L’étude britannique menée par Anne-Marie Mayer avait étudié la composition de quarante fruits et légumes entre 1936 et 1991 à partir du document gouvernemental qu’est The Chemical Composition of Foods. Ses conclusions avaient été claires : « Il existe des réductions significatives des niveaux de calcium, magnésium, fer, cuivre et sodium dans les légumes. Et des réductions significatives de magnésium, fer, cuivre et potassium dans les fruits. Le plus grand changement concerne le niveau de cuivre dans les légumes, qui représente désormais moins d’un cinquième d’autrefois. » Par ailleurs, comme nous le verrons, Mayer donnait des pistes pour comprendre comment, en moins de soixante ans, une partie essentielle de notre alimentation avait tant perdu de valeur nutritive.

Mais revenons à l’enquête canadienne désirant voir si l’étude britannique relevait de l’exception.

Et bien, comme on pouvait le craindre, ce n’est malheureusement pas le cas.

Le titre même de l’article annonce la couleur puisqu’il déplore que dans les « fruits et légumes d’aujourd’hui manquent des qualités nutritives d’hier ». Dans le texte même, André Picard écrit : « La présence de vitamines vitales et de minéraux a dramatiquement baissé parmi quelques-uns des aliments les plus populaires comme les pommes de terre, les bananes et les pommes. »

Afin de prouver ses dires, le journaliste insiste sur l’exemple de la pomme de terre, légume le plus consommé au Canada. « La patate moyenne a perdu 100 % de sa vitamine A, qui est importante pour une bonne vision ; 57 % de sa vitamine C et de son fer, un élément clef de notre système sanguin ; et 28 % de son calcium, essentiel à nos os et nos dents. »

Si, aux yeux de certains, ces pourcentages peuvent paraître abscons, une autre comparaison s’avère sans appel. Se fondant sur les tables statistiques émanant du gouvernement canadien, Picard assène qu’afin de consommer une orange avec autant de vitamine A qu’à l’époque de nos grands- parents, il faudrait aujourd’hui en avaler… huit !

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le plus étonnant ne se trouve pas dans les conclusions de ces études britanniques et canadiennes. Non, une fois encore, c’est la réaction – ou plutôt l’absence de réaction – des autorités gouvernementales qui agace, scandalise, interpelle. Sollicité par le quotidien de Toronto, l’équivalent du ministère de la Santé du Canada s’est refusé à commenter les analyses comparatives, considérant le débat comme une « discussion d’ordre académique ». Et ce malgré une information révélée par Alison Stephen, directrice de recherche sur les problèmes cardiaques à la Heart and Stroke Foundation of Canada, selon laquelle « la plupart des Canadiens ne s’approchent pas du niveau recommandé de consommation de fruits et légumes ».

Le mutisme canadien officiel fait écho au lourd silence entendu à Londres, suite à l’étude d’Anne- Marie Mayer. Elle demandait au gouvernement britannique d’enquêter sur les conséquences de cet appauvrissement nutritionnel. Et attend toujours.

Si la réticence des élus à s’exprimer peut s’expliquer – ils connaissent mal le sujet, ne savent comment le prendre, etc. -, l’industrie agroalimentaire, elle, n’a pas manqué de réagir. En trois étapes. Avec comme objectif de « noyer le poisson », d’apaiser les craintes suscitées par de telles enquêtes, de proposer des solutions – ou prétendues telles – et, in fine, de préserver ses activités lucratives.

D’abord, rassurer le consommateur.

Pour cela, on explique que la perte de vitamines et minéraux des fruits et légumes n’a pas d’importance puisque, en phase de préparation industrielle, ces derniers sont souvent fortifiés. Une solution qui permet de ne pas remettre en cause le « système » et évite d’ouvrir les yeux sur les raisons de la dégradation de l’alimentation, comportement typique de l’industrie agro-alimentaire lorsqu’elle a à gérer une crise. Qu’on se souvienne du comportement du secteur de la viande lorsque surgit une vague d’intoxication1 à Y Escherichia coli 1057 : H7.

Ensuite, agir dans les coulisses.

Et là, instinctivement, le premier réflexe de l’industrie est de chercher à profiter de la situation. La preuve ? En décembre 2004, sous la houlette du docteur Donald Davis de l’université du Texas, une étude a confirmé les recherches canadiennes et britanniques. Dans ses travaux, publiés par The Journal of the American College of Nutrition, le biochimiste démontre en effet une chute de la quantité de vitamines et minéraux dans quarante-trois plantes sélectionnées. La conclusion faisant du bruit, immédiatement, en janvier 2005, The Packer, revue professionnelle des industriels des fruits et légumes, publie une colonne destinée à rassurer ses abonnés affirmant que le déclin de la valeur nutritionnelle des fruits et légumes américains peut aussi être une bonne nouvelle. Pourquoi ? Parce que s’il veut consommer son quota de vitamines et minéraux, le client devra acheter plus de produits en contenant !

Enfin, confirmant que l’attaque représente la meilleure des défenses, vient la phase ultime : celle qui consiste à lancer une critique « organisée » des études dénonciatrices, le but étant, à terme, de plonger le consommateur dans la confusion. Un écran de fumée n’est-il pas le meilleur gardien du statu quo ?

Dans Toxic, j’ai raconté comment les services de communication de l’industrie agroalimentaire répètent ad nauseam le même argument jusqu’à le transformer en une vérité. La méthode n’a pas varié. Depuis la publication des travaux d’Anne- Marie Mayer, et systématiquement à chaque recherche prouvant que nos fruits et légumes ont perdu de manière significative une part de leurs vertus sanitaires, l’excuse avancée est la même : les scientifiques comparent des données… incomparables. Mieux, ils se servent de méthodes de mesure plus affinées que dans le passé et omettent de prendre en compte un certain nombre de facteurs comme le taux d’humidité.

Or l’argument est redoutable, parce que compréhensible par tous. Personne, en effet, ne peut nier l’amélioration des techniques scientifiques entre les années 1930 et aujourd’hui.

Et même si l’Anglaise Anne-Marie Mayer a déclaré avoir essayé de « compenser » le phénomène dans ses calculs, l’industrie agroalimentaire est parvenue à instiller le doute et à rendre le problème caduc.

Du moins jusqu’aux travaux de Brian Halweil.

Spécialiste des questions agricoles et alimentaires au sein de l’association indépendante World- watch Institute, Brian Halweil a témoigné à de nombreuses reprises devant le Sénat américain sur des questions aussi variées que la biotechnologie ou la faim dans le monde. Défenseur de l’agriculture biologique et de la nécessité de trouver un modèle de développement durable pour satisfaire nos besoins alimentaires, Halweil s’est attaqué en 2007 à l’évolution nutritionnelle des aliments.

Ses conclusions, réunies dans un rapport de 48 pages, sont d’autant plus capitales que, dépassant le cadre des fruits et légumes, elles comparent les qualités de la viande, des poissons et des produits laitiers.

Mieux, connaissant les arguments de défense de l’industrie agroalimentaire, Halweil les a rendus inopérants d’une manière redoutablement efficace. Souhaitant comparer uniquement ce qui pouvait l’être, il a exclusivement utilisé les outils de mesure disponibles à l’époque des relevés originaux de statistiques. Ainsi, au lieu de recourir à une technologie contemporaine, il est revenu à celle servant en 1963, son mètre-étalon.

Résultat ? Au fil des quarante dernières années, la viande est devenue plus grasse et moins riche en fer. Les produits laitiers, plus gras aussi, ont vu leur taux de calcium chuter. Même phénomène du côté des fruits et légumes : des tomates aux poires en passant par les carottes et oranges, tous ont perdu une part essentielle de leurs qualités nutritionnelles.

Faisant écho aux oranges de l’étude canadienne, Halweil écrit donc qu’il faut aujourd’hui manger trois pommes pour acquérir les mêmes nutriments qu’avec une pomme des années 1960.

Dans le catalogue des vitamines, minéraux et composants essentiels en voie de disparition, Halweil, comme l’a d’ailleurs noté de son côté Anne-Marie Mayer, constate une exception. Un élément dont la présence augmente.

Un élément qui est à la fois l’explication du phénomène et à l’origine d’une sérieuse mise en garde du professeur Willet.

La suite (de cette enquête palpitante) ……….demain.

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Parfois, les petites phrases cachent des vérités essentielles.

Prenez le professeur Walter Willet. Président du département de Nutrition de l’École de santé publique de Harvard, à Boston, il est l’un des nutritionnistes les plus réputés de la planète. Depuis son entrée dans cette prestigieuse université, en 1973, il dissèque nos habitudes alimentaires.

Mes premiers échanges avec lui remontent à mon intérêt pour les acides gras-trans, ces « tueurs » cachés dans la nourriture et nés d’une hydrogénation industrielle partielle.

Si Willet fut l’un des premiers scientifiques américains à alerter l’opinion quant aux dégâts du trans-fat, ses travaux ne se limitent pas à ce sujet. À la tête d’une équipe d’épidémiologistes, il tente aussi de déterminer le mode alimentaire le plus efficace pour lutter contre la pandémie d’obésité.

À ce titre, en 2002, il a publié – avec succès – un guide de conseils nutritionnels destiné aux Américains en quête du mieux manger. Huit ans après, le travail de Willet – trois cent quatre pages bien fournies en explications parfois complexes – a été résumé par l’opinion et les médias à quelques mots : « Prenez une multivitamine comme assurance. »

À son grand désespoir, cette phrase, tirée du titre de son chapitre 10, est devenue une sorte de slogan. Et pour cause : à une époque où la consommation de suppléments alimentaires était considérée comme la meilleure manière de produire de « l’urine de luxe », l’approbation du grand gourou de Harvard ne pouvait passer inaperçue. Et encore moins être négligée par les fabricants de suppléments, trop heureux de déclencher dans la foulée une spectaculaire campagne de communication destinée à faire circuler ce message – tronqué – dans l’opinion publique américaine.

En rédigeant son livre, Willet n’avait pas imaginé être aussi caricaturé. Il avait conclu ce chapitre 10 s’appuyant sur plusieurs années de recherches par une phrase humoristique : la prise quotidienne d’une multivitamine était le moyen le moins cher de s’assurer un régime complet. Jamais, comme cela a été déformé ensuite, ce professeur ne voulait suggérer que la prise de supplément relevait de la panacée. Hélas, la nouvelle fit boule de neige et aucune précision sémantique ne parviendrait à la stopper. Et l’Amérique, jusqu’à l’excès, se précipita dans les rayons vendant les pilules de vitamines.

Durant l’une de mes conversations avec Willet, délaissant les acides gras-trans un instant, je suis revenu sur l’avis qu’il avait formulé en 2002. Ses convictions avaient-elles évolué ? Alors que se multiplient les travaux dénonçant le risque de surdosage de certaines vitamines, alors que la qualité de certains des suppléments vendus est déplorable, alors que certains fabricants ajoutent conservateurs, colorants chimiques et acides gras-trans à leurs produits, continue-t-il à recommander la prise quotidienne d’une multivitamine ?

Après avoir émis les réserves d’usage quant à la nécessité d’acheter des produits de grandes marques dont la pureté est testée de manière indépendante, le professeur n’a pas changé d’avis.

Mieux, il précise que, selon lui, une multivitamine reste le meilleur moyen de pallier les « carences » de notre alimentation.

Carence ?

Je peux aisément comprendre sa remarque lorsqu’on évoque le régime de base américain, où les produits frais brillent par leur absence, pour être remplacés par les mauvaises graisses, le sucre, le sel et une pléthore de substances chimiques. Mais pourquoi élargir autant le sujet ? Et bien, précisément parce que, selon lui, nous sommes tous visés, quel que soit notre régime alimentaire.

A en croire cet éminent professeur de Harvard, qui cite étude sur étude, notre alimentation seule ne suffit plus à répondre à nos besoins.

Si les preuves avancées par Willet sont solides – et il n’y a pas de raison de mettre en doute sa conclusion -, d’innombrables questions surgissent. En commençant par celle-ci : depuis quand et pourquoi nos aliments ne parviennent-ils plus à combler nos besoins ?

La suite ….. demain.

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Suruchi Bhatia n’en revenait pas.

Arrivée du Texas, cette spécialiste des maladies infantiles a pris, en 2002, la tête du département d’endocrinologie et diabète du Children’s Hospital d’Oakland, en Californie.

La ville, l’un des plus grands ports de la côte Ouest, est sans doute la plus ethniquement diversifiée des États-Unis (plus de 150 langues différentes sont parlées à Oakland). Cette présence de nombreux immigrants, comme c’est souvent le cas, se traduit par une large disparité de revenus, visible selon les zones. Ainsi, l’ouest et l’est de la cité sont considérés comme les quartiers pauvres d’Oakland.

Une situation connue, malheureusement presque classique, qui ne laissait pourtant pas présager le challenge sanitaire que Suruchi Bhatia devrait affronter.

Les premiers patients se sont présentés au début de l’hiver. Suruchi débarquant tout juste du Texas, son premier réflexe fut de demander à ses confrères si ce qu’elle constatait était habituel à Oakland. Un peu comme une sorte de spécialité locale dont, par honte, personne ne parlerait.

La réponse ne tarda pas : si, dans le passé, étaient survenus quelques cas, ils n’avaient pas grand-chose en commun avec la surprise de ce mois de décembre 2002. Et rien à voir non plus avec ce qui fut révélé par la suite.

Face à elle, un enfant noir de deux ans, en surpoids, développait les symptômes classiques de la déformation squelettique liée… au rachitisme ! Et son cas ne fut pas isolé. « Le premier hiver, j’ai traité tellement d’enfants rachitiques que j’ai eu du mal à le croire », raconte-t-elle. À sa décharge, il faut savoir que l’on considère le rachitisme comme une maladie quasiment éradiquée dans les sociétés occidentales. « Rien dans ma formation médicale pédiatrique ne m’a formée à cela, ajoute cette femme interloquée. Lorsqu’on évoque le rachitisme, c’est au passé. Comme d’une maladie qui a disparu lorsque les enfants ont arrêté de travailler en usine. » Le rachitisme est, en effet, un syndrome remontant à la révolution industrielle rappelant les ouvrages de Charles Dickens, à l’époque où les enfants vivaient et travaillaient dans des conditions déplorables. En somme, rien à voir avec la situation d’Oakland.

Pourtant ici, au cœur de l’Amérique, la venue chaque hiver d’une vingtaine de patients confirme la résurgence de la maladie. Pire, les médecins du Children’s Hospital sont persuadés que seuls les enfants atteints de symptômes de déformation sévères ont visité leurs services. Ce qui signifie que de nombreux bébés et jeunes d’Oakland présentent une carence en vitamine D, qui met en péril leur développement osseux sans qu’on le sache.

Si la réapparition, en pleine Amérique moderne, d’une maladie disparue a de quoi choquer Suruchi Bhatia, une autre découverte se révéla bien plus troublante. Tandis que certaines carences analysées pouvaient s’expliquer par une résistance aux rayons solaires (certaines peaux noires très résistantes au soleil sont parfois à l’origine d’une carence), d’autres ne correspondaient à aucune explication claire.

Plus étrange – si possible ! – bien qu’affichant des symptômes du rachitisme, les enfants semblaient en pleine forme. Aucun, par exemple, ne souffrait de malnutrition. Au contraire même, certains présentaient les signes d’une tendance à l’obésité. Une donnée où se situait peut-être la clé du problème.

Au fil des ans, le docteur Bhatia, spécialisée dans les traitements des diabètes chez l’enfant obèse, a évidemment confirmé que l’alimentation jouait un rôle majeur dans la santé d’un patient.

Rien de nouveau sur ce point du reste. Comme le note David Servan-Schreiber dans son livre Anticancer : « Depuis cinq mille ans, toutes les grandes traditions médicales ont utilisé l’alimentation pour peser sur le cours des maladies. » Et le chercheur français de rappeler que « cinq cents ans avant notre ère, Hippocrate disait : Que ton alimentation soit ton traitement, et ton traitement ton alimentation. » Une citation qui fait directement écho à une autre phrase, toujours du père de la médecine, et qui, depuis le début de ma passion pour le contenu de nos assiettes, me sert de fil directeur : « Comment comprendre les maladies de l’homme quand on ne connaît rien à l’alimentation ? »

L’intuition de Bhatia était bonne. Le point commun entre les différents rachitismes d’Oakland réside dans leur mode alimentaire. Domiciliées dans la zone la plus pauvre de l’est de la ville, les familles concernées sont en effet victimes d’une forme pernicieuse d’apartheid nutritionnel.

Comme je l’ai expliqué dans Toxic, voir des commerces vendant des produits frais dans les quartiers défavorisés américains est quasi impensable. Dès lors, l’alimentation y existe seulement sous deux formes. La première passe par les chaînes de fast-foods où une clientèle régulière, attirée par le prix, se nourrit du petit déjeuner au dîner. La seconde, qui a remplacé les étals des supermarchés, est la section « épicerie » des stations-service. Des lieux où désormais, et depuis une décennie, la vente de produits issus de l’industrie agroalimentaire rapporte plus que le litre d’essence. Un mode de distribution considéré, y compris dans le plan Obama présenté par Sebelius lors de la conférence Weight of the Nation, comme l’un des facteurs de la pandémie d’obésité.

Dans les quartiers est d’Oakland donc, l’essentiel de la nourriture avalée est industrielle, produits conçus pour être vendus à bas prix et enrichis de conservateurs afin d’en allonger les dates de consommation. Or la vitamine D apparaît rarement dans ce genre d’alimentation.

Les produits les plus riches en vitamine D sont les poissons gras comme la morue, le saumon ou la sardine. Viennent ensuite les produits laitiers. Il faut d’ailleurs savoir qu’aux États-Unis, contrairement à la France, le lait est enrichi en vitamine D depuis la fin des années 1920. Certaines céréales complètes, les œufs et champignons concluent la liste. Évidemment, et sans surprise, ces aliments ne font absolument pas partie du régime alimentaire des enfants d’Oakland.

Ce qui crée un paradoxe moderne : une maladie du passé, que l’on croyait éteinte à jamais, ressurgit pour s’associer à la pandémie d’obésité.

De quoi prouver à nouveau la responsabilité de nos assiettes dans la dégradation de nos états de santé.

Les rachitiques de Californie ne sont pourtant qu’une mise en garde. Leur alimentation, jusque dans l’extrême, résume la réalité de la nourriture industrielle. À savoir des produits à bas prix, dont le goût et la présentation sont agréables mais dont les nutriments, quand ils ne sont pas absents, disparaissent durant les phases de fabrication.

Face à ce problème, l’industrie agroalimentaire, toujours prompte à proposer une solution dès qu’on la montre du doigt – oubliant soigneusement au passage d’admettre qu’elle est responsable du mal -, a inventé une parade. Un concept même, révolutionnaire et générateur de revenus : fortifier les produits. Depuis vingt ans, dans un formidable tour de passe-passe, elle vend plus cher des produits sans grande valeur nutritionnelle auxquels elle a ajouté des vitamines, des fibres et des minéraux !

Passons sur l’illogisme qui consiste à enrichir un aliment après l’avoir appauvri, évacuons les vertus affichées en lettres criardes sur les embal¬lages, bien exagérées compte tenu des faibles quantités ajoutées, pour asséner une vérité : ces aliments modifiés n’auront jamais les mêmes vertus qu’un produit frais.

Étude après étude, il est en effet confirmé que les vitamines mises au point par l’industrie pharmaceutique et utilisées dans l’alimentation n’ont pas les mêmes propriétés que celles d’un légume ou d’un fruit. Le miracle des effets bénéfiques de l’alimentation sur la santé réside au cœur même de la biologie de l’aliment. Pour susciter un impact positif sur l’organisme, l’ingrédient a besoin de cohabiter et interagir avec d’autres nutriments. Isolée, une vitamine n’aura donc pas le même « pouvoir » que celle contenue dans un produit frais.

Dès lors – et afin d’appliquer le précepte d’Hippocrate recommandant d’utiliser l’alimentation comme premier recours contre les maladies -, la solution paraît simple : modifier nos sources de vitamines et de fibres pour préférer, par exemple, un véritable pain complet à un pain enrichi industriellement.

Après Oakland et ses enfants malades, ce conseil paraît couler de source. Seulement voilà : l’expérience acquise lors de l’enquête ayant conduit au premier volume de Toxic m’a démontré qu’en matière de révolution alimentaire, rien n’est aussi simple.

La suite (toujours passionnante) ……………. demain.

 

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Mes souvenirs d’enfance ont le fumet des plats cuisinés par ma mère. Dont l’ingrédient majeur était toujours le même : l’amour.

Longtemps, la cuisine a été au centre de mon existence. La longue table de la maison cumulait en effet les fonctions. On y mangeait bien sûr, mais j’y faisais également mes devoirs, tentant de capturer les bribes des conversations que les adultes menaient à l’autre bout.

À mieux fouiller mon passé, je réalise que l’essentiel des fragments de mon histoire s’est déroulé là. De l’attendu repas de Noël au gigot de Pâques, du couscous du dimanche à la paëlla familiale, des goûters d’après-classe aux grillades estivales, ma mémoire est jalonnée de goûts, d’odeurs, de couleurs, d’éclats de rire et d’épices.

Manger a toujours été un plaisir. Une sensation ne se limitant pas aux seuls aliments garnissant l’assiette. Un bon repas est un tout. La nourriture joue un rôle essentiel mais n’est rien sans les êtres qui l’accompagnent. S’asseoir autour d’une table constitue un moment privilégié de communication où le temps, pris dans un étrange paradoxe, se suspend et s’emballe.

Rien de bien révolutionnaire dans cette description. Déjà, au XVIIe siècle, Brillat-Savarin avait théorisé cette double définition de l’alimentation. Ainsi, selon le gastronome français, le repas différencie le genre humain du genre animal : les bêtes se nourrissent afin de survivre tandis que l’homme mange. Certes s’alimenter est essentiel à sa survie, mais le cérémonial qui l’entoure contient une fonction culturelle toute aussi importante.

Le temps de manger n’est rien d’autre que celui de vivre.

Les plaisirs de la table, on ne doit jamais cesser de les célébrer, vanter, évoquer, marteler. Car si l’alimentation industrielle a peu à peu pris le contrôle de nos assiettes, suscitant et amplifiant la pandémie d’obésité et les maladies collatérales constatées aujourd’hui, c’est précisément parce que, séduits par une apparente facilité, nous avons baissé la garde et oublié ces bonheurs-là.

L’initiation au goût, à la variété, l’incitation à élaborer nos propres plats, l’apprentissage des vertus hédonistes d’un bon repas doivent être enseignés dès le plus jeune âge. Une éducation est bien plus efficace que n’importe quelle campagne gouvernementale incitant à manger fruits et légumes.

J’affirme cette certitude d’autant plus fort que ma vie aux États-Unis me démontre chaque jour qu’à l’oublier, on court de graves périls.

En plus de trente ans d’évolution de leur nourriture, les États-Unis ont en effet perdu leurs repères alimentaires. Comme le raconte Michael Pollan, chroniqueur culinaire du New York Times Magazine, les Américains sont devenus orthorexiques. Ce terme, avancé pour la première fois en octobre 1997 par le médecin Steve Bratman, mêle deux racines grecques. Ortho, qui signifie correct, et exia, l’appétit. Une expression qui, à elle seule, résume l’angoisse d’une nation. Perturbée par les sentences contradictoires des nutritionnistes, submergée par les vagues successives de régimes à la mode sans résultats durables, l’Amérique a perdu le nord et développé une « obsession malsaine de recherche d’une alimentation saine ».

Cette angoisse face à la nourriture et le dérèglement qui s’ensuit intéressent Paul Rozin depuis une dizaine d’années. Chercheur et professeur en psychologie à l’université de Pennsylvanie, Rozin est un spécialiste du poids culturel dans les choix alimentaires. Amoureux des plaisirs de la table et ayant multiplié les voyages culinaires dans l’Hexagone, Rozin utilise le rapport particulier à la nourriture constaté en France pour le comparer à celui de ses compatriotes.

L’un de ses exercices fétiches est de proposer des mots clefs à un panel de Français puis à un autre d’Américains, histoire de voir précisément comment chaque pays perçoit l’acte de manger. Si, généralement, les Français associent le terme « gâteau au chocolat » à la notion de dessert, au concept de « fête », majoritairement ses compatriotes évoquent la « culpabilité » !

Un décalage frappant, majeur même. Qui l’incite à écrire : « Les Américains sont perdus. Le gras, même à un faible niveau, est devenu dans l’inconscient collectif l’équivalent d’une toxine. De manière générale, s’inquiéter autant de ce que l’on mange ne peut être une bonne chose pour la santé ! »

Le décalage entre nos deux pays dépasse le seul stade de la perception.

Rozin est persuadé que si la pandémie d’obésité n’a pas encore contaminé la France dans les mêmes proportions, c’est notamment parce que notre rapport à l’acte de manger est différent. Tandis que l’Américain fait dans l’efficacité, le Français prend son temps. Y compris au McDonald’s où, d’après Rozin et « malgré le fait que leurs portions soient plus petites que celles des Américains », les Français passent plus de temps.

« Augmentant de facto la valeur de l’expérience liée au repas. »

La rapidité des Américains à se nourrir n’est en rien exagérée. Et dépasse le cadre des seuls fastfoods. De fait, un Européen qui séjourne aux États-Unis est un cauchemar pour les restaurateurs, quels qu’ils soient. Non parce qu’il ignore les règles de calcul du pourboire, mais bien parce que, conformément aux constatations de Rozin, il reste « trop » longtemps à table. Trop, évidemment, aux yeux des responsables du restaurant.

Le fragile équilibre économique de la restauration américaine repose en effet en grande partie sur le taux de rotation de la clientèle, la multiplication des clients permettant de proposer une politique agressive des prix du repas, rendant la sortie au restaurant plus abordable qu’en Europe.

Si dans les cuisines règne une efficacité fordienne destinée à assurer l’arrivée rapide des plats à table, c’est dans la salle que l’essentiel de la partie se joue. Où le rôle du serveur – rémunéré essentiellement au pourboire, donc à son tour motivé par la multiplication des consommateurs – consiste, avec le sourire, à s’assurer que le rythme ne connaisse aucun répit. En somme, à limiter au maximum le temps passé par le client à table.

Autant, en France, il faut souvent demander plusieurs fois l’addition pour l’obtenir, aux États- Unis, avec tact, toujours à disposition du client, le serveur dépose la note sur un coin de la table quelques minutes à peine après l’ultime bouchée avalée. Si tout s’est bien passé, l’étape restaurant n’aura pas dépassé quarante-cinq minutes.

Parmi les autres trucs utilisés par les restaurants, figure l’emplacement des tables. Volontairement, elles ne sont pas placées en dehors du flux de l’activité du restaurant mais au milieu des lieux de passages. Ce mouvement continu pousse inconsciemment le client à ne pas s’éterniser, ce à quoi tout coin tranquille inciterait.

Ce qui contribue à ruiner un peu plus ce qui pourrait être un moment de réconciliation entre un peuple et sa nourriture !

Néanmoins, reconnaissons-le : la pandémie d’obésité ne s’explique pas seulement avec les conclusions de Bratman et Rozin. Mais il s’agit de l’un des facteurs y contribuant, un facteur aggravant les dégâts suscités par l’expansion massive de la nourriture industrielle.

Pourtant, ce détour était nécessaire tant il répond à l’une des conclusions de Toxic, mon précédent livre sur le sujet. Comme je l’écrivais alors, la fin de l’épidémie et la diminution des quantités de maladies connexes qu’elle suscite passeront par une reprise de contrôle par chacun du contenu de ses assiettes.

Se souvenir que manger est un plaisir à partager, se savourant dans la durée, et prendre conscience des dégâts nés de l’oubli de cette vérité ne représente toutefois qu’une première étape.

Révéler les dangers du mode alimentaire américain, que le monde adopte chaque jour davantage, et dévoiler la manière dont l’industrie agroalimentaire l’impose sur nos tables représentent, logiquement, les étapes suivantes.

La suite ……………..demain

 

 

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Extrait du livre Toxic Food de William Reymond :

 » Toxic food.

L’analyse de Kelly Brownell rejoint les conclusions de mon enquête sur la pandémie mondiale d’obésité, exposées dans Toxic.

Depuis trente ans, de conseils de régime en messages gouvernementaux, une seule idée a été martelée : nous sommes les uniques responsables de nos choix alimentaires et, par extension, les uniques coupables de la situation sanitaire actuelle.

Bien sûr l’expression « Nous sommes ce que nous mangeons » est juste. Mais, précisément, connaissons-nous vraiment les aliments qui garnissent chaque jour nos assiettes ? Disposons- nous réellement d’un libre arbitre pour les choisir ?

Évidemment non. Dans Toxic, j’ai énuméré tous les moyens, notamment publicitaires, utilisés par l’agroalimentaire pour influencer nos décisions, contourner notre raison, et nous inciter à choisir des produits qui, s’ils possèdent une forte plus-value, sont mauvais pour la santé.

J’ai raconté comment, jouant avec des réflexes et habitudes inscrits dans notre ADN, les géants de la nourriture industrielle modifient leurs recettes pour satisfaire des instincts primaires contre lesquels il est impossible de lutter.

J’ai démontré comment ces mêmes compagnies investissent dans la recherche neurologique afin de mieux comprendre les mécanismes du cerveau et, à terme, prendre à revers ses défenses pour imposer leurs plats et produits.

J’ai dit également combien, à titre personnel, les centaines d’heures passées dans un club de sport n’avaient pu effacer les kilos gagnés pour cause d’installation aux États-Unis. Un échec d’autant plus incompréhensible qu’il était – je le croyais alors – accompagné d’un mode alimentaire sain. Ou, pour être plus précis, et conforme à la définition de la malbouffe chère à José Bové, un mode alimentaire dépourvu de la moindre visite dans les établissements de restauration rapide.

C’est la nécessité de comprendre ce décalage, ce hiatus même, qui m’avait poussé à ausculter le contenu de nos assiettes, à partir à la poursuite des ingrédients comme le sirop de fructose- glucose ou l’huile partiellement hydrogénée qui, à notre insu, sont ajoutés à la nourriture.

Au terme de cette première plongée dans le grand bain de la mauvaise bouffe, j’étais ressorti avec une certitude : depuis trente ans, nous étions victimes d’un gigantesque mensonge.

Les kilos en trop, la pandémie d’obésité, les amputations compliquant le diabète, les « cancers de l’alimentation », les taux de cholestérol explosifs et les problèmes cardiaques démultipliés ne sont pas de notre responsabilité mais des effets dévastateurs du système économique qui produit notre nourriture. Ou, comme l’aurait écrit Kelly Brownell, la toxic food.

Mais Toxic a effleuré la surface. Comme je l’avais perçu sur le plateau québécois de Tout le monde en parle, il convenait d’aller au-delà, de pousser la réflexion plus loin, d’enquêter plus avant.

Durant la promotion de l’ouvrage, je n’ai eu de cesse de répéter que la pandémie d’obésité était la partie visible de l’iceberg. Mais, inlassablement, les mêmes remarques et conclusions émergeaient. Toutes construites à l’aune de la définition restrictive de la malbouffe, telle que théorisée par le mouvement altermondialiste.

Or notre perception était incorrecte.

Car le problème se révèle bien plus vaste, le mal beaucoup plus insidieux.

Il fallait, en somme, remettre le couvert.

Et, entre manifeste, enquête et exploration, commencer là où la toxic food a vu le jour. »

La suite …………..demain

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Des experts australiens en nutrition ont analysé et commenté quelques pistes de solution que la Public Health Association of Australia souhaite mettre en place pour réduire l’obésité, lors d’une récente conférence internationale sur la nutrition et l’obésité.

Bruce Neal, professeur au George Institute for Global Health, est d’avis que le fléau de l’obésité n’est pas attribuable au comportement individuel des personnes, mais plutôt à un changement mondial concernant l’alimentation : la venue des chaînes de restauration rapide.

Tandis que les maladies transmissibles sont en déclin, elles sont remplacées par de nouvelles, non transmissibles, qui se développent en raison de la malbouffe servie dans les chaînes de restauration rapide et des portions toujours plus grosses.

Tim Gill, professeur associé à l’Université de Sydney, ajoute qu’avec le temps, les consommateurs se sont habitués à manger ces grosses portions qui contiennent beaucoup plus de calories que recommandées pour un repas nutritif.

D’ailleurs, plusieurs consommateurs basent leurs choix alimentaires sur le rapport quantité-prix au détriment de la valeur nutritionnelle. Ainsi, ils choisissent le plus gros format, peu importe leur appétit, puisqu’ils en ont ainsi plus pour leur argent.

Un système d’évaluation des produits alimentaires : avec des étoiles

Afin de lutter contre l’obésité et la malbouffe, l’Australie a développé un système de notation avec des étoiles. Ce système sera apposé sur les emballages alimentaires pour mieux indiquer la valeur nutritionnelle des aliments.

Instauré sur une base volontaire, le système pourrait devenir obligatoire après 2 ans si peu d’entreprises l’ont adopté.

Selon Neal, l’obsession de l’industrie au sujet des informations nutritionnelles indiquées sur les produits montre à quel point les étiquettes sont un facteur déterminant dans le choix des consommateurs.

Toutefois, l’étiquette de notation seule ne changera pas le comportement des gens. L’idée est de pousser les producteurs de nourriture à rendre leurs produits plus sains afin d’obtenir plus d’étoiles.

Ainsi, les consommateurs pourront faire de meilleurs choix alimentaires puisque les produits offerts seront plus sains.

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

« Le temps du changement est aujourd’hui venu.

Trente ans après la création du néologisme malbouffe, trente ans après l’apparition du premier McDonald’s en France et dix ans après le démontage de Millau, il convient de regarder la vérité en face.

Et admettre l’immensité de notre échec.

Car la malbouffe, expression à tiroirs, est désormais un concept caduc, un terme dont le sens évolue au gré des agendas politiques et des inquiétudes populaires. Un combat – hélas ! – perdu.

Qu’on en juge. En 2009, alors que nos sociétés sont traversées par une nouvelle crise économique, McDonald’s affiche des résultats débordants de santé.

En France même, territoire de José Bové, le nombre d’établissements du géant américain a presque triplé en dix ans. McDonald’s possède aujourd’hui (en 2009) 1 134 franchises réparties sur 859 communes. Force est de l’admettre, le pionnier de Strasbourg avait vu juste.

Chaque jour, dans l’Hexagone, terre fétiche de la gastronomie et de l’art de vivre, un million de nos concitoyens engouffrent le menu hamburger- frites-Coca.

Pire, la tendance est à la hausse : + 11 % en 2008 avec 3,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Et certainement autant en 2009.

Mais il y a mieux – ou pire selon le point de vue.

Depuis l’épisode du démontage de Millau, la France s’est transformée en marché juteux pour le géant américain. Tandis que, dans son pays d’origine, là où la fréquentation est la plus large, le client moyen consomme pour trois euros de nourriture estampillée du plus célèbre logo de la planète, le Français fait mieux. Beaucoup mieux même.

Ainsi, avec une addition moyenne plus de trois fois supérieure à celle du consommateur américain, un ticket atteignant les dix euros par visiteur, la France occupe… la première place mondiale de la rentabilité par client.

Non, il ne s’agit pas d’une erreur : nous occupons bel et bien la plus haute marche du podium McDonald’s ! Devant les Américains !

Comme l’explique avec pragmatisme Éric Gravier, l’un des vice-présidents de la filiale hexagonale : « Les Français viennent moins chez nous que dans d’autres pays, mais ils consomment beaucoup à chaque visite. »

Si, dix ans après le coup de gueule de José Bové et la redéfinition du terme malbouffe, on ne considère pas cette réalité comme un échec majeur, il reste une dernière information hallucinante pour convaincre les sceptiques.

La France est pour McDonald’s, aujourd’hui, le deuxième pays le plus rentable au monde !

Une vérité aussi corsée qu’un bon morceau de roquefort qu’il ne sert à rien d’ignorer : en trente ans, malgré José Bové, nous nous sommes transformés en vache à lait du géant américain de la restauration rapide.

*

Le temps du changement est venu.

Aujourd’hui, notre échec ne se mesure pas uniquement à l’aune du triomphe hexagonal de McDonald’s. Il prend d’autres visages tout aussi inquiétants.

Désormais, le temps moyen passé chaque jour par une famille française pour préparer le repas flirte dangereusement avec le seuil des trente minutes. Soit beaucoup moins qu’avant ! Une tendance mondiale puisque, au Québec, ce temps est encore plus faible.

Désormais, 43 % de la population française est en surpoids. Avec près de 8 millions de cas, plus de 10% de la France est obèse. Pire, l’obésité infantile ne cesse de croître à un rythme inquiétant, proche de celui constaté aux États-Unis. Avec un taux doublant tous les dix ans, nous n’aurons bientôt rien à envier au mal qui gangrène le continent nord-américain.

 

Faut-il poursuivre ?

En 2009, en France, un adulte sur cinq est victime du cholestérol et dix millions de personnes souffrent d’hypertension. On compte aussi 2 millions de diabétiques – dont 8 000 sont, chaque année, amputés d’un membre -, un demi-million de cardiaques dont 170 000 décèdent de complications liées à leur état. Sans oublier, afin de conclure ce terrible état des lieux, qui vaut aussi pour la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, le Canada, la Grande-Bretagne, les innombrables personnes atteintes de cancers directement liés à l’alimentation.

*

Le temps du changement est venu.

Et, avec lui, la nécessité de revoir la définition du mal qui nous ronge.

Oui, McDonald’s, Coca-Cola et consorts détiennent une part de responsabilité dans le développement de la pandémie d’obésité. Un rôle qui, malgré les discours rassurants des dirigeants de ces compagnies, n’est pas prêt de diminuer.

Oui, comme l’ont fait José Bové et d’autres, il fallait révéler publiquement les dangers de ce mode de consommation – et il faut continuer à le faire -, tant les périls encourus sont sanitaires et culturels.

Mais, en braquant les projecteurs de l’opinion, des médias et des consciences sur cet unique aspect de la crise, les nouveaux chiens de garde de la malbouffe nous ont involontairement aveuglés.

Car la malbouffe conceptualisée par Bové au lendemain de Millau n’est pas, à elle seule, responsable de nos santés déclinantes.

Le véritable coupable est ailleurs.

Différents indices le prouvent.

Lors de chacune de mes rencontres avec des victimes de la pandémie, qu’elles soient obèses ou atteintes d’un cancer du côlon, françaises ou américaines, mon constat fut identique : l’essentiel de l’alimentation de ces personnes ne provenait pas des enseignes de restauration rapide. Mieux – si je puis dire -, certains lecteurs touchés voient dans les maux les affectant une sorte d’injustice divine puisqu’ils ont depuis longtemps boycotté tout ce qui ressemble à un hamburger.

À tous, ma réponse a été identique : le véritable coupable est ailleurs.

Un coupable aussi obèse que ses victimes. Dont le surpoids se mesure en euros. Qui, en France, avec un chiffre d’affaires de 163 milliards d’euros, pèse deux fois plus que le secteur automobile et quatre fois plus que l’industrie pharmaceutique. Et qui, trente ans après la publication du livre de Stella et Joël de Rosnay, a conquis nos assiettes tandis que nous nous battions contre d’autres moulins à vent.

C’est l’industrie agroalimentaire.

Un monde qui, désormais, représente 80 % de notre alimentation.

*

Le temps du changement est venu.

Ce saut vers le passé en quête de l’origine des différents sens d’une expression médiatique était nécessaire.

En concentrant notre attention sur les risques hygiéniques de l’alimentation moderne puis sur le péril représenté par la restauration rapide, nous avons oublié les mises en garde initiales – et pourtant avisées – de Stella et Joël de Rosnay.

Au fil du temps, le concept de malbouffe a perdu de son sens pour devenir un terme fourre-tout qui, finalement, ne met plus en garde contre les vrais dangers auxquels nous devons faire face.

Aussi, trente ans après, pour décrire l’ampleur du péril, mieux vaut créer une nouvelle expression.

En 2004, Kelly Brownell, directeur du Rudd Center for Food Policy and Obesity à Yale et expert reconnu mondialement, publiait un ouvrage intitulé Food Fight : The Inside Story of the Food Industry.

Son livre, visant à découvrir les causes de la pandémie d’obésité, racontait un système où, finalement, le consommateur se retrouvait seul face à une alimentation industrielle de mauvaise qualité, qui plus est trop riche en calories, en graisse et en sel. Une offre disponible partout, peu chère et soutenue par un battage publicitaire permanent. S’ajoutant à d’autres facteurs environnementaux tels que la sédentarisation de nos modes de vie, l’augmentation de la taille des portions, les investissements colossaux en marketing et l’infiltration des écoles par les géants de l’agroalimentaire, cette nouvelle forme de malbouffe, bien plus vaste et complexe, se retrouvait selon lui à l’origine de nos maux.

Après le temps de la junk food et du fast-food, après de Rosnay et Bové, Brownell venait de mettre le doigt sur un nouveau péril.

Son nom ?

La toxic food. »

La suite ……. demain.

William Reymond n’a pas hésité à intituler son premier livre TOXIC et son deuxième livre TOXIC FOOD, au risque d’introduire une certaine confusion.

Mais, au fur et à mesure de son enquête, on constate l’ampleur des dégats de l’industrialisation de l’alimentation et sa responsabilité dans la pandémie d’obésité.

C’est pourquoi dans le réseau ROSA, nous ne pouvons pas imaginer une prise en charge de l’obésité qui ferait l’impasse sur cet aspect de la question.

 

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