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Extrait de Toxic Food, le livre passionnant de William Reymond, qui fait suite à Toxic :

 » L’exercice, redoutable, est à la portée de tous. Il suffit, pour s’y adonner, de feuilleter un album de photographies de famille. Ou, si vous n’en avez aucun à disposition, d’arpenter les brocantes le dimanche et regarder les cartes postales anciennes proposées à la vente. De celles en noir et blanc ou sépia en passant par les images montrant les premiers pas de la couleur, le challenge est identique : essayer de trouver parmi les foules d’anonymes immortalisés par les objectifs de photographes ambulants… un obèse. Que l’on soit en France, au Québec, aux États-Unis, en Allemagne ou ailleurs, la conclusion est toujours la même : l’excès de poids n’est en rien un phénomène courant dans le passé.

En fait, comme l’écrit David A. Kessler, ancien commissaire de l’US Food and Drug Administration durant les présidences de George H. Bush et Bill Clinton : « Durant des milliers d’années, le poids de l’être humain est resté remarquablement stable. Et, à l’âge adulte, nos ancêtres ne consommaient pas plus de nourriture que ce que leur organisme devait brûler. Les individus en surpoids se détachaient donc du reste de la population. Des millions de calories sont donc passés dans les organismes humains sans que, à de rares exceptions, le poids moyen augmente ou s’effondre de manière significative. Un système biologique parfait semblait contrôler le tout. Mais, quelque part, au cœur des années 1980, quelque chose a bouleversé cette régularité immuable. »

Le constat de Kessler rejoint celui que j’ai moi- même effectué voilà quelques années dans Toxic. Il suffisait d’observer les chiffres de l’obésité pour constater que la courbe de prise de kilos avait sérieusement commencé à progresser au milieu des années 1970 puis s’était soudainement emballée une dizaine d’années plus tard.

J’avais, exemple parmi d’autres, raconté les déboires de la tribu des Indiens Pimas d’Arizona. Alors que ce peuple était réputé depuis des siècles pour son physique athlétique voire sa taille plutôt fine, brusquement, au milieu des années 1980, quelques cas d’obésité étaient apparus. Rapidement, le surpoids était même devenu la norme de cette réserve, avec une obésité atteignant 70 % de la population. Et, triste privilège, le pourcentage d’obésité enfantine le plus élevé du monde.

J’avais également montré, répondant d’une certaine manière par avance à la question de Kessler, que cet état sanitaire pitoyable s’accompagnait d’une consommation quasi exclusive de nourriture industrielle. La toxic food, ayant envahi les assiettes des Pimas, avait déréglé des organismes jusque-là sains et mis à mal des gènes incapables de s’adapter à un nouveau régime.

Le cas des Pimas est d’autant plus instructif qu’une partie de la tribu, partageant la même identité génétique et installée dans une région reculée du Mexique, ne connaît pas cette crise d’obésité. Son alimentation est, elle, essentiellement fondée sur la consommation de produits frais.

J’avais même prouvé que cette progression rapide correspondait au début de l’âge d’or de la nourriture industrielle, et plus particulièrement à l’introduction massive, sur le marché américain, du sirop de fructose-glucose. Ce « sucre », fabriqué à partir des excédents de maïs, envahissait peu à peu les boissons et la nourriture alors que diverses études prouvaient que, non assimilé par le cerveau, il poussait à surconsommer des produits sucrés.

Or, aujourd’hui, chaque Américain ingurgite près de quarante kilos de sirop de fructose- glucose par an.

Et, depuis quelque temps, ce produit redoutable « enrichit » de manière exponentielle la nourriture industrielle produite en Europe.

David Kessler a interrogé Katherine Flegal, chercheuse au Center for Disease Control and Prevention (CDC) et l’une des premières scientifiques à avoir noté l’explosion brutale du taux d’obésité américain.

Le terme d’explosion est on ne peut plus approprié puisqu’elle écrit qu« après avoir compilé les informations collectées de 1988 à 1991 », elle conclut qu’« un bon tiers de la population entre vingt-sept et soixante-quatorze ans pèse trop lourd ».

Surprise par ses calculs, Flegal a conduit une série de vérifications aux conclusions effrayantes : « En moins de douze ans, 8 % des Américains ont soudainement rejoint le camp du surpoids et de l’obésité. »

Laissez-moi reformuler son propos plus crûment : au milieu des années 1980, sans aucune raison apparente, près de 20 millions d’Américains sont, brusquement, devenus trop gros !

La pandémie d’obésité venait bien de débuter et la toxic food de faire, par millions, ses premières victimes.

La suite …………. demain.

 

 

 

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Louis est mon patient depuis qu’il a 13 ans, il en a 24 aujourd’hui. Il a toujours été gros, très gros même. A 18 ans, il pesait 140 kilos et ne pouvait plus se peser sur la balance de mon cabinet qui affichait « error ». A cet âge, il a voulu faire enfin un régime, alors qu’il avait toujours refusé toute prise en charge plus jeune…

Le suivi de poids a été épique, les rendez-vous manqués se suivaient et la prise de poids a continué allègrement, Louis ne se nourrissant malgré les conseils que de pizzas, Nutella et autres chips. A 19 ans, Louis se bousille les deux genoux en une séance de foot en salle, sport tout à fait impossible à pratiquer pour lui. Il est essoufflé au moindre effort et se plaint de ne pas avoir de petite amie en raison de son aspect physique. Il consulte alors un chirurgien qui lui pose un anneau gastrique. C’était il y a 5 ans. Les anneaux gastriques ont été abandonnés depuis en raison des complications et des récidives d’obésité lors de leur ablation. Aujourd’hui, Louis pèse 85 kg est en couple et a un joli petit garçon. Il mange toujours n’importe quoi, mais doucement et peu à la fois. Il garde son anneau gastrique.

Marina a 26 ans et deux adorables petites filles de 4 et 2 ans. C’est une jolie rousse irlandaise qui pèse 133 kilos pour 1,60 m. Elle n’arrive pas à courir pour rattraper ses filles dans la rue quand l’une d’elle lui échappe. Sa famille est une famille d’obèses majeurs. Elle ne sait pas faire la cuisine, ne mange pas de légumes. Tout ce qu’elle aime est sucré et gras. Elle me dit vouloir être opérée de l’estomac pour maigrir. Je lui explique les critères pour accéder à cette chirurgie dite « bariatrique » : un régime suivi de longue durée, un avis psychiatrique et un bilan général et endocrinologique. Elle m’explique tout de suite : « Docteure les régimes, c’est pas la peine, j’y arrive pas ».

Je l’adresse en consultation de chirurgie bariatrique qui me la renvoie pour suivi de poids. Elle va perdre très difficilement 5 kilos en un an. La consultation psychiatrique est purement formelle : pas de contre-indication à la chirurgie. On lui propose une sleeve. Les effets secondaires sont un transit rapide (diarrhées fréquentes) et la nécessité d’une supplémentation en vitamine. Deux ans plus tard, elle pèse 80 kilos et se sent beaucoup mieux dans sa peau. Elle travaille et n’est plus essoufflée. Elle a appris à cuisiner depuis, et les légumes sont devenus ses amis.

Elle a mis des sous de côté pour ses prothèses mammaires

Carine est étudiante, elle finit ses études à Strasbourg. Elle a été opérée dans sa région d’origine, il y a 2 ans et demi pour une obésité majeure : 140 kg pour 1,68 m. On lui a proposé un by pass. Elle a perdu 60 kilos. Elle a des injections de vitamines tous les trimestres et quelques fois des perfusions de fer. Elle vient me voir pour la suite de la prise en charge : reprise de l’excédent cutané des bras, des cuisses et du ventre et mise en place de prothèses mammaires. Le remboursement de ces dernières n’est pas assuré par la sécurité sociale. Elle a mis des sous de côté en travaillant de nuit. Elle est ravie d’avoir eu recours à cette solution du by pass malgré la lourdeur de cette chirurgie. Elle me dit avoir été désespérée avant.

 

J’étais assez réticente à la chirurgie de l’obésité dans un premier temps. Pour moi, la prise en charge devait être diététique associée à de l’exercice physique. Mais en m’installant et en voyant régulièrement des patients pour ce type de demande de perte de poids importante, j’ai eu à faire comme beaucoup de mes confrères à des cas désespérés de ce que l’on appelle des obésités morbides (qui rendent malade). Les régimes sont pour certains obèses pires encore que l’obésité, ils s’acharnent à maigrir avec beaucoup d’efforts et reprennent à toute allure les quelques kilos perdus, quitte à en avoir plus après chaque tentative. J’ai un jour calculé qu’une de mes patientes qui faisait un tas de régimes totalement farfelus avait perdu en tout 220 kilos entre l’âge de 50 et 62 ans, pour un poids final de 160 kilos. Son poids à 50 ans était totalement normal pour sa taille soit 65 kilos pour 1,68 m. J’ai dû lui demander de m’apporter des photos d’elle tant j’avais du mal à y croire.

Complications très peu nombreuses

La chirurgie de l’obésité a fait beaucoup de progrès depuis mon installation, avec des complications somme toute assez peu nombreuses au vu de celle de l’obésité morbide. Elle devient du coup un recours plus fréquent dans ces cas, où plus aucune prise en charge diététique ne marche. La mortalité de cette chirurgie est de 0 à 1%, les effets secondaires présents dans 10 à 15% des cas (transit rapide, hypoglycémies, etc.).

Avec le temps, je ne propose plus de régimes hypocaloriques stricts à mes patients, mais un changement d’habitudes alimentaires plus définitif associé à une reprise d’activité physique modérée, mais régulière. Il me semble que les résultats sont plus durables, même si moins spectaculaires.

Dr BUENOS : Après la première année post-opératoire, il n’est plus nécessaire de compenser après une sleeve gastrectomy et le transit à 1 an est habituellement normal.

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Extrait de Toxic Food, le passionnant livre enquête de William Reymond :

 » Le Heart Attack Grill relève, certes, de l’aberration. De l’expérience ultime. Mais le restaurant de Jon Basso est loin d’être un cas isolé. Et si cet entrepreneur de Chandler a pris soin de déposer sa marque, ce n’est pas pour rien. Il sait combien la mentalité du « Je mange ce que je veux » qui garantit son succès gagne le territoire américain. La tendance ne se limite pas aux hamburgers gargantuesques. Désormais, le format géant se décline en effet dans tous les registres culinaires.

C’est une différence majeure entre l’Amérique alimentaire décrite dans Toxic et celle constatée aujourd’hui. Bien sûr, à l’époque, je mentionnais déjà l’émergence de la pornography food tandis que McDonald’s, Burger King et consorts renonçaient à la portion de frites grande taille et renforçaient leurs gammes de salades.

Mais, entre-temps, comme le reste du monde, l’Amérique est entrée en récession. Or – bien que cela surprenne – augmenter la taille des plats est un symptôme de crise. Alors que le consommateur dépense avec prudence, annoncer lui « en donner pour son argent » relève de la combinaison gagnante. Aussi, en plus des restaurants proposant des plats géants, les grandes chaînes de fast-foods elles-mêmes agrandissent les portions. Avec discrétion, bien sûr, tant se lancer dans la surenchère calorique alors qu’on essaie parallèlement de rejeter toute responsabilité dans le développement de l’obésité n’est pas politiquement correct, mais la vérité est là. Désormais, de McDonald’s à Wendy’s en passant par Burger King et Whataburger, tous proposent au moins un sandwich de taille conséquente. Un geste qui, finalement, ne coûte guère plus mais rapporte bien davantage en assurant un taux de clientèle élevé.

Les répercussions de ce revirement dépassent le seul cadre de la restauration. Dans les rayons congelés des supermarchés, des produits avec package XXL sont apparus pour séduire la clientèle masculine. Début 2009, même la télévision a suivi le mouvement. Avec, le mercredi soir, sur Travel Channel, deux numéros de Man vs Food (Littéralement «L’homme contre la nourriture»).

Le concept est simple mais efficace. Chaque semaine, Adam Richman part à la découverte d’une nouvelle ville des Etats-Unis. Non pour mettre en avant le patrimoine culturel ou historique, mais pour pousser la porte des restaurants et affronter un plat géant. Comme s’il entreprenait un défi sportif, Richman tente l’impossible : terminer les plats proposés dans un délai imparti assez bref. Or, qu’il s’agisse d’un dessert pesant près de deux kilos à San Antonio, d’une pizza de six kilos à Atlanta, d’une omelette réalisée avec une douzaine d’œufs à Seattle ou d’une saucisse d’un mètre à Minneapolis, l’homme terrasse quasiment toujours la nourriture.

À noter, parmi les échecs d’Adam, terminer un milkshake de 3 litres et demi. Une épreuve qui s’est achevée dans le… vomi.

Alors que l’Amérique est malade de son poids, Man vs Food obtient un beau succès d’audience. Mieux, l’émission est devenue le programme le plus regardé de Travel Channel et pousse la concurrence à inventer des shows autour de l’excès de malbouffe.

Gag, détail, épiphénomène ? Peut-être. Mais n’oublions jamais que les États-Unis jouent, pour le meilleur et souvent le pire, un rôle de précurseur. Et que nos habitudes alimentaires n’échappent pas à la règle et se voient, peu à peu, gagnées par ses influences. Si l’ère des repas géants n’a pas débuté de ce côté de l’Atlantique, elle commencera sans doute si la crise économique s’installe. La preuve ? Déjà en Angleterre, en Pologne et en Allemagne, des établissements proposent des spécialités locales en versions extra-larges.

Si le cas du Heart Attack Grill me semble symptomatique, ce n’est pas seulement parce qu’il dessine – en les exagérant – les lignes d’un cauchemar alimentaire futur. Selon moi, il illustre parfaitement le délire paroxystique américain, où des consommateurs malades condamnés à prendre chaque jour des médicaments refusent de renoncer aux causes de leurs maux.

Cet état d’esprit peut nous choquer, mais il correspond bien à la société américaine. Ainsi, les publicités ventant des comprimés contre le cholestérol, du sirop contre les digestions difficiles et des adresses de restauration rapide encadrent les programmes style Man vs Food. Dès lors, habitué à une réponse chimique ou médicale à ses maux, l’Américain espère une solution miracle et facile à avaler. Et n’a pas envie de changer sa façon de manger.

Or son mode alimentaire, comme nous l’avons vu, le conduit précocement vers la tombe !

Pire, après les maladies cardiaques, les cancers et la surconsommation de médicaments, la quatrième cause de décès est, elle aussi, liée au « régime américain ». Il s’agit des accidents vasculaires cérébraux.

Si une attaque cérébrale peut naître pour des raisons génétiques ou être liée à une maladie spécifique, son principal facteur de risque réside dans une mauvaise hygiène de vie. Or l’obésité, en créant de l’hypertension artérielle, est la principale cause des attaques vasculaires cérébrales. En France, les AVC sont même la troisième cause de décès après les cancers et les problèmes cardiaques. Et la première cause des handicaps physiques acquis.

Au milieu de ce sinistre classement, les problèmes respiratoires chroniques précèdent les victimes d’accidents. Si le mode alimentaire américain n’est évidemment pas directement responsable de ces chiffres, il constitue, une fois encore, un facteur aggravant. Toute victime d’accident ou d’insuffisance respiratoire multiplie ses risques de décès si elle est obèse.

De fait, beaucoup des personnes décédées durant la première vague de contamination de la grippe A Hl/Nl en 2009, tant côté américain que mexicain, se trouvaient en surpoids. L’obésité avait entraîné une série de complications fatales.

Le mode alimentaire américain est en outre largement responsable des morts liées au diabète, sixième cause de décès, qui augmentent de manière vertigineuse chaque année. Or, comme je le racontais déjà dans Toxic, nos assiettes sont les responsables majeures de cette maladie qui atteint des victimes de plus en plus jeunes.

Les décès liés aux grippes et pneumonie, puis ceux dus à la maladie d’Alzheimer, concluent ce classement macabre. Dans ces deux catégories, il est malheureusement encore possible de constater les dégâts d’un mode alimentaire destructeur. Parce qu’une partie des victimes de la grippe atteintes de maladies respiratoires trépassent à cause du surpoids. Et parce qu’Alzheimer, à l’instar de toutes les maladies neurologiques, est également un fléau parfois dépendant de facteurs environnementaux parmi lesquels figure l’alimentation industrielle.

On le voit : les dégâts liés au régime américain sont omniprésents dans ce classement. Ce qui, à l’échelle des nations, produit un effet redoutable. En 2000, mesurant et comparant l’état de santé et l’espérance de vie des habitants de cent quatre-vingt-onze pays, l’OMS plaçait les États- Unis, pourtant première puissance mondiale, seulement à la vingt-quatrième place. L’espérance de vie d’un enfant né en 1999 y était évaluée à 67,5 ans, contre 74,5 ans pour un bébé japonais – la première marche du podium. La France arrivait, elle, juste après l’Australie, dans le trio de tête.

En soi, ces informations démontrent les effets désastreux de l’industrialisation de la nourriture. Mais, afin de faire vaciller les sceptiques, il faut aller à la rencontre des trois autres phénomènes qui prouvent l’ampleur d’un risque nous concernant tous.

NB : L’ensemble de ces chiffres et classements proviennent des statistiques officielles du gouvernement américain.   »

La suite ………….. demain.

Dr BUENOS : Dans le précédent article, nous évoquions une conduite suicidaire individuelle, dans celui-ci, ne s’agit il pas d’une conduite suicidaire collective ?

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Déclin.

Jamais l’expression ne m’a paru si juste.

L’Amérique, déjà difforme, est bien malade de sa toxic food.

Malade à en crever même.

Il faut le répéter encore et encore : l’obésité est uniquement la face visible du mal. Pour mesurer l’ampleur de la crise, il faut plonger dans la liste des dix principales causes de décès aux États-Unis. Et constater que les dégâts liés au mode alimentaire américain trustent ce terrifiant palmarès.

En première place figurent toujours les maladies cardiaques, dont la majorité découle d’une nourriture trop riche en sucres, graisses, sel et… produits industriels. Viennent ensuite les cancers, pour beaucoup – nous le verrons – déclenchés par des facteurs environnementaux où l’alimentation occupe une place de choix.

Plus étonnant, les soins médicaux arrivent à la troisième place de cette liste. Près de 110 000 Américains décèdent en effet chaque année des effets secondaires d’un médicament.

Quel rapport avec la toxicité de l’alimentation ? Il est simple et compliqué à la fois.

Le premier niveau d’explication est lié à notre attitude face à la maladie. Nos sociétés – et pas seulement de l’autre côté de l’Atlantique – ont pris la mauvaise habitude de vouloir trouver une réponse médicamenteuse à tous les problèmes nés du contenu de nos assiettes. Résultat ? L’hypertension, le cholestérol, le diabète et autres tracas suscités par la nouvelle malbouffe sont presque exclusivement traités via des prescriptions médicales. Ce qui fragilise l’organisme et n’est pas sans répercussions sanitaires. Le recours aux « solutions » apportées par l’industrie pharmaceutique chez des patients de plus en plus jeunes entraîne en effet à terme une surconsommation permanente de pilules et autres cachets. Or ce sont ces malades-là, ceux qui jonglent avec les gélules et ajoutent malgré eux du chimique à une nourriture déjà saturée de ce genre de substance, qui apparaissent en tête de liste des décès surprenants.

Le second aspect de l’explication, plus complexe, touche à la sorte d’« abandon psychologique » que crée ce recours aux prescriptions comme solution miracle. Il est ainsi fréquent de voir des malades, rassurés par la « béquille » d’une poignée de pilules en cas de problème, continuer à engouffrer la nourriture industrielle à l’origine de leur mal. Des consommateurs qui, malgré leur traitement, meurent du fléau que la prescription était censée soigner.

Hélas ! cette réalité ne se limite pas à une simple « cohabitation », à une corrélation entre médicaments et toxic food. Typiquement américain, il s’agit plutôt d’un phénomène souvent poussé à l’extrême.

Au total, lorsque l’on ajoute les infections en milieu hospitalier, les erreurs de diagnostic et les interventions chirurgicales, près de 250 000 Américains décèdent chaque année après des soins médicaux.

Chandler, en Arizona, malgré son festival annuel de l’autruche (dans les années 1910, Chandler était un centre important d’élevage d’autruches, leurs plumes étant recherchées pour décorer les chapeaux des Américaines) et différentes installations du géant de l’électronique Intel, ressemble à des centaines de villes américaines. Celles que les touristes ne visitent jamais. Et pour cause : ici les longues avenues n’ont aucune âme, les chaussées sont défoncées et les panneaux publicitaires pullulent dans une complète anarchie. Chandler est située au sud-est de Phoenix mais pourrait se trouver à proximité de Dallas, Chicago, Los Angeles ou Pittsburgh. On en vient à se dire que traverser l’Amérique, c’est un peu être condamné à vivre, jour après jour, la même expérience. Renforçant cette impression, on remarque en effet les mêmes enseignes commerciales que partout ailleurs. Et, plus particulièrement, celles, criardes, de la restauration.

Comme à Rio Grande City, toutes les marques de junk food se sont données rendez-vous à Chandler. Toutes et une autre. Un cas unique. Un voyage vers le futur.

Situé à l’arrière d’une station-service, le Heart Attack Grill ( Littéralement « le grill de la crise cardiaque ») ne s’offre pas au conducteur lambda installé derrière son volant. Ici, aucun panneau publicitaire ne promet un éden alimentaire. Il n’y en a pas besoin, à vrai dire, puisqu’on vient dans l’établissement de Jon Basso en connaissance de cause. Son chiffre d’affaires imposant fait autant la réputation des lieux que son slogan choc : Heart Attack Grill, un goût bon à en mourir.

On pourrait sourire, mais Basso ne plaisante pas. Comme il le proclame fièrement sur sa devanture en forme de mise en garde, la nourriture vendue ici est « mauvaise pour la santé ». Et l’inventeur du concept sait de quoi il parle : ancien nutritionniste puis gérant de salles de sport, il a compris, en 2005, qu’il y avait plus d’argent à gagner à flatter les mauvaises habitudes alimentaires des Américains qu’à tenter de les corriger.

Son restaurant, unique en son genre, est né de ce constat. Et son menu l’illustre à merveille, si je puis dire. À cause des énormes hamburgers qui ont fait la réputation du lieu, mais aussi du reste.

Les boissons d’abord.

Le Heart Attack Grill est l’un des rares fast- foods vendant de l’alcool. De la bière bien sûr, mais aussi des produits beaucoup plus forts.

Ensuite, il y a le Coca-Cola. Importé du Mexique voisin, le soda est proposé dans sa version pur sucre. Car, comme l’explique Jon, les produits à base d’edulcorants sont bannis. Non parce que Basso s’inquiète de leur composition chimique, mais parce que, dit-il, plus pauvres en calories, ils ne correspondent en rien à la philosophie des lieux.

Depuis peu, une nouveauté est apparue : le Jolt Cola. Cette boisson, sorte de Coke sous amphétamines, est le soda le plus riche en caféine du monde. Déconseillé aux enfants, femmes enceintes et personnes âgées, le Jolt est réputé pour le coup de fouet, les frissons et tremblements qu’il procure.

La suite est à l’avenant.

Le menu créé par Basso propose par exemple des… cigarettes. Qui, bien entendu, conformes au discours de l’établissement, sont vendues uniquement sans filtre.

Les frites ne sont pas en reste. Disponibles à volonté en self-service, elles sont fort généreusement saupoudrées de sel. De plus, gratuitement, le client peut les recouvrir de fromage fondu. Mais c’est en cuisine que ces pommes de terre ont subi leur pire modification. Au Heart Attack Grill, les flatliners fries ne sont en effet pas cuites dans le traditionnel bain d’huile mais uniquement dans du saindoux !

Le saindoux, le Heart Attack Grill en consomme plus de deux cents kilos par semaine. Car, en plus des frites, Jon en met dans ses trois cent cinquante hamburgers vendus quotidiennement. Chaque pain se voit ainsi badigeonné de gras de porc rendant le produit final encore plus fondant.

Les hamburgers sont donc le plat de résistance du restaurant.

Il en existe quatre modèles. Dont le plus cher et gros frôle les treize dollars et atteint les… huit mille calories. Non, non, il ne s’agit pas d’une erreur de frappe. Chez Jon, le « quadruple » – c’est son nom – offre l’apport calorique conseillé à un homme adulte pour trois jours. Les mensurations du monstre sont à la hauteur du massacre diététique. En plus de ses deux brioches au saindoux, il contient huit tranches de fromage et quatre steaks hachés d’un poids approchant le kilo de viande. Un oignon – que l’on peut commander frit – vient agrémenter le tout. Autre option : vingt-quatre tranches de bacon…

Seules les quelques feuilles de salade habituelles à la recette du hamburger manquent à l’appel. Non par oubli ou erreur mais parce que Jon a décidé, et revendique, de commercialiser le pire de la junk food. Et uniquement cela.

Basso vend également différents t-shirts souvenirs hautement revendicatifs. Point commun entre tous, aucun n’est fabriqué dans une taille inférieure au XXL et tous sont disponibles jusqu’en taille 10XL.

Cette promesse, cet engagement même de commercialiser le pire de la junk food, ainsi que les risques sanitaires qui les accompagnent, sont au cœur de la stratégie de Basso. N’a-t-il pas imaginé un décor pour son petit restaurant de quarante tabourets qui ressemble à une salle d’hôpital ?

Ici, les serveuses sont en effet des « infirmières ». Qui revêtent l’uniforme, une tenue blanc et rouge agrémentée d’un décolleté profond pour séduire la clientèle essentiellement masculine. Les clients pour Jon – qui porte, lui, une blouse blanche et se fait appeler docteur – sont des « patients ». Et leur commande, une « ordonnance ».

Le gimmick médical est utilisé jusqu’à la nausée. À la fin du repas, les infirmières prennent souvent la tension du patient. Il faut reconnaître, ceci dit, qu’engouffrer l’équivalent de neuf repas en une dizaine de minutes affecte terriblement l’organisme. C’est pour cela du reste que les patients sont raccompagnés en fauteuil roulant jusqu’à leur voiture !

Quant aux noms des hamburgers, ils sont à l’avenant. Le simple s’appelle le « pontage » et, logiquement, le monstre aux huit mille calories le « quadruple pontage ».

Ces appellations ne relèvent pas seulement de la bonne idée marketing. Car les noms des burgers du Grill sont à la hauteur des risques encourus. Comme le dit Basso, sourire aux lèvres : « Si vous mangez chez moi tous les jours, cela va vous tuer. »

La remarque fait sourire les « patients ». Ici, chacun semble assumer le plaisir de se nourrir à l’extrême et classe le conseil du « docteur Jon » dans la catégorie des boutades.

De fait, la clientèle du Heart Attack Grill est en majorité constituée d’habitués. Et d’obèses. Qui, bien souvent, mangent gratuitement. Pourquoi ? Parce que s’il le désire chaque patient se voit pesé à son arrivée. Et, s’il dépasse les cent soixante kilos, devient l’invité de Basso.

Reste que les hamburgers trop grands pour tenir dans une main et les clients à deux doigts de vomir, le front luisant de transpiration et les joues barbouillées de saindoux, ne sont pas ce qu’il y a de plus choquant dans le petit restaurant de Chandler, Arizona.

Non, comme un affreux écho à ce que j’écrivais plus haut, le plus scandaleux, c’est de constater que les « patients » de John avalent des pilules avant de se lancer à la conquête de ces Everest du pire.

La clientèle du Heart Attack Grill, malade à en mourir, se dope en effet aux médicaments anti-cholestérol et autres régulateurs de tension dès qu’elle met un pied dans l’établissement. Une sorte d’antidote – fictive – avant de s’abandonner sans remords à un orgasme de gras.

Jon Basso est un entrepreneur ambitieux. Ayant découvert, grâce à ses anciennes activités, la pandémie d’obésité, il en connaît les mécanismes et, aujourd’hui, les transforme en recettes de son propre succès. Un succès que le « bon docteur » songe à développer, étendre même. Aux États-Unis, bien entendu, vaste territoire. Mais Basso a une autre idée en tête. Sachant que la polémique est un solide vecteur de ventes, il vise quelques villes emblématiques. Au programme, Hollywood, La Nouvelle-Orléans et Rio de Janeiro. Et, si tout fonctionne comme prévu, dans quelques années Amsterdam et… Paris.

Bon appétit. »

La suite …………….demain.

Dr BUENOS : Les USA nous fascineront toujours par leur démesure. Mais au delà du côté original et bien pensé du Heart grill attack, on voit apparaître une dimension désespérée, voire suicidaire qui elle, est effrayante.

 

 

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Les Etats-Unis n’en ont pas fini avec les Maxi-sodas. L’initiative du maire de New-York pour lutter contre l’obésité par la suppression de ses boissons a été rejeté en appel.

Il y a peu, le maire de la ville de New York Michael Bloomberg s’attaquait aux grands formats de sodas, malheureusement cette tentative pour lutter contre l’obésité a échoué ce mardi 30 juillet 2013. Son initiative pour prohiber les boissons sucrées de plus de 0,47 litres dans les restaurants a été rejetée en appel. Une bien triste nouvelle pour M. Bloomberg qui essuie son deuxième échec en cinq mois. Début mars, la Cour suprême de l’Etat de New York avait suspendu l’interdiction municipale peu avant son entrée en vigueur en qualifiant la mesure d' »arbitraire » et de « capricieuse ». L’initiative du maire a aussi été rejetée au motif que l’interdiction ne s’appliquerait qu’aux bars, aux restaurants et aux chaînes de fast-food, et non aux épiceries, cinémas et supérettes qui offrent des sodas pouvant facilement dépasser le litre.

 

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Je vous propose de tester un producteur de raisin de table bio :

Il s’agit de Mr Francis NEGROU

5 rue Paul BALMIGERE 34800 NEBIAN

tel : 04 67 96 31 68 ou 06 70 62 74 46

Son exploitation est située sur les côteaux d’Aumelas.

Il vend par cageot de 6 kg, des raisins cueillis le matin, au prix de 2.5 euros à 3 euros le kg.

La saison du raisin de table dure 4 semaines environ (du 13 Août au 15 septembre).

Période pendant laquelle vont se succéder d’abord le raisin Chasselas, puis le Muscat de Hambourg et enfin le raisin Ribol.

Il est nécessaire de téléphoner la veille pour qu’il vous prépare les cageots commandés.

J’attends les avis de ceux et celles qui vont tester ce raisin…………..

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » L’eau.

Quel est le point commun entre les tomates américaines, le brocoli consommé au Canada et l’épinard anglais au vu de ces analyses ? L eau. Une présence accrue d’eau. Alors que les vitamines, antioxydants et minéraux contenus dans les fruits et légumes sont en grande baisse, la teneur en eau des aliments frais n’a même jamais été aussi importante.

Ce changement fondamental ne tient à aucun mystère de l’évolution puisqu’il est plus basiquement – et sinistrement serais-je tenté d’écrire – le résultat des systèmes de culture actuels. Comme l’écrit Anne-Marie Mayer : « L’augmentation significative de l’eau contenue dans les fruits est l’indicateur d’un mode de production concentré sur le rendement. »

Les conclusions de Brian Halweil sont similaires. Constatant à son tour ce phénomène, il note : « Nous produisons plus de nourriture mais moins de nutriments. L’agriculture moderne augmente le rendement certes, mais rien d’autre. »

Ce phénomène a été théorisé pour la première fois en 1981 par Wesley Jarrell, un ingénieur agronome qui l’a résumé sous le terme « effet de dilution ».

Ce scientifique fut le premier à constater que le déclin de la valeur nutritionnelle des fruits et légumes allait de pair avec l’extension des techniques de cultures modernes telles que l’irrigation intensive et l’usage d’engrais chimiques. En clair, cela signifie qu’entre le début du xxe siècle et la fin de la Seconde Guerre mondiale le contenu en nutriments de ces produits n’a quasiment pas évolué mais qu’ensuite, pour cause de production de masse, leurs valeurs intrinsèques se sont effondrées. Une tendance, comme le démontre de son côté Halweil, qui n’a pas ralenti depuis.

En lisant aujourd’hui le rapport de Jarrell, il est impossible de ne pas souligner sa clairvoyance. Non seulement, l’analyse de l’ingénieur agronome est exacte mais ses travaux étaient aussi prophétiques que prémonitoires. N’écrivait- il pas : « L’adoption massive des techniques d’accroissement du rendement, comme la fertilisation et l’irrigation, risque d’entraîner une diminution conséquente de la concentration de nutriments des fruits et légumes. »

À en juger par les chiffres constatés aujourd’hui, force est en tout cas d’admettre que la mise en garde de Wesley Jarrell a été… superbement ignorée.

1. Depuis 1963, la tomate a perdu 30,7 % de ses vitamines A ; 16,9 % de sa vitamine C ; 61,5 % de son calcium et 9 % de son potassium.

2. Le brocoli, souvent considéré comme le symbole d’une nourriture saine, a perdu en un demi-siècle plus de 60% de son contenu en calcium et plus d’un tiers de son fer.

3. Depuis 1936, l’épinard a perdu 96 % de son cuivre, 53 % de son potassium, 70 % de son phosphore et 60 % de son fer.

La recommandation de Walter Willet prend dorénavant tout son sens. Si ce professeur de Harvard recommande la prise quotidienne d’une multivitamine, c’est parce que la nourriture moderne n’est plus capable de fournir à l’être humain occidental les quatre-vingt-dix nutriments essentiels dont il a besoin pour vivre bien.

Comme l’écrit de son côté l’expert en nutrition Joel D. Wallach : « Historiquement, nous trouvions tout ce dont l’organisme a besoin dans la nourriture. Mais ces éléments ont disparu. Soit ils sont totalement absents, soit leur présence dépend d’une somme telle de variables que l’on a plus de chances de gagner le jackpot à Las Vegas sur un coup de dés. »

La soudaine anémie des fruits et légumes ne peut évidemment demeurer sans conséquence sur la santé. Comme le signalait du reste avec inquiétude Anne-Marie Mayer. Alors qu’elle recommandait aux autorités compétentes d’étudier les effets de cette dégradation sur l’organisme, à l’instar de l’avertissement Jarrell voilà bientôt trente ans, son avis a été négligé. Pourquoi ? Parce que c’est le sort de tous les rapports que de tomber dans l’oubli ou parce qu’il valait mieux, au nom d’intérêts bien compris, ne pas en tenir compte ?

Mais oublions un instant cette interrogation pour comprendre comment chacun de nos coups de fourchette a des conséquences sur le monde dans lequel nous vivons et que nous allons léguer à nos enfants. Car il faut assumer collectivement notre responsabilité. Notamment envers l’environnement. Il ne fait aucun doute que la perte des nutriments constatée résulte de la modernisation de l’agriculture. Il convient donc de se plonger dans les mécanismes l’ayant entraînée pour en mesurer les véritables conséquences. Qui, elles, ne se résoudront pas à coups de pilules multivitaminées.

Disons-le sans détour : en nous nourrissant d’aliments appauvris, nous payons le prix de la révolution agricole entamée voilà cinquante ans par l’industrie chimique. La dégradation qualitative de nos produits frais en est une conséquence directe.

La présence accrue d’eau et la diminution en vitamines et minéraux ? C’est le résultat, nous l’avons vu, d’une irrigation continue et souvent massive. Une pratique dont les effets dépassent le cadre de notre seule nourriture. Ainsi, plus que le constat du réchauffement de la planète, c’est bel et bien cette méthode qui entraîne l’appauvrissement voire l’assèchement de nombreuses nappes phréatiques. Une sécheresse qui devient l’un des enjeux du siècle.

La course à la productivité, responsable du gaspillage des ressources naturelles comme l’eau, tient aussi au recours exagéré aux fertilisants chimiques. Or les pesticides, herbicides et fongicides nécessaires à la production de masse dont nos systèmes – la France, troisième utilisateur mondial, en tête – sont friands, ont des effets néfastes sur les aliments. Non seulement ils propulsent dans les assiettes des produits débordant de substances chimiques dont certaines cancérigènes, mais en plus ils sont à l’origine de la dégradation gustative des fruits et légumes. Il est ainsi démontré que le nitrogène interfère avec la capacité d’une plante à synthétiser la vitamine C. Les fertilisants contenant du potassium limitent quant à eux le taux de phosphore d’un fruit. Autant d’interactions chimiques pernicieuses. Et de répercussions, comme le démontre une multitude d’études citées par Brian Halweil, non constatées chez les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique, eux bien plus riches en vitamines, minéraux et antioxydants !

L’action des engrais chimiques ne s’arrête pas là, hélas ! Car l’appauvrissement des aliments tient aussi à une inquiétante dégradation de la qualité des sols. Lors de la conférence sur l’environnement et le développement organisée en 1992 à Rio de Janeiro par les Nations unies, un signal d’alarme avait été tiré sur ce point. On avait en effet appris que les sols européens avaient perdu 72 % des minéraux nécessaires à une bonne fertilité. Et que cette proportion, aux États-Unis, entraînant une quasi-stérilité, dépassait les 85 %. Un rapport précisait que certains sols de grosses exploitations américaines analysés, pollués à cause de l’usage massif et constant de fertilisants, avaient perdu la… totalité de leurs nutriments ! Désormais, la terre s’y résume à une sorte de réceptacle où, à l’aide d’eau et de produits chimiques, l’industrie agricole fait pousser ses produits.

Gaspillage des ressources en eau, détérioration de la qualité des sols, la course à la productivité agricole a une autre conséquence : la disparition de la variété.

Ne nous y trompons pas : la présence de certaines sortes de fruits et légumes toute l’année sur les étals ne signifie en rien une augmentation de la diversité.

Dans The End. of Food, le journaliste scientifique Thomas F. Pawlick a calculé que, par exemple, le choix offert en tomates équivaut à seulement 0,25 % des variétés existantes dans le monde. Ainsi, sur les 5 500 espèces connues et cultivables, les États-Unis et le Canada se concentrent seulement sur 11. Parmi lesquelles la Florida 47, qui représente 35,9 % de la consommation nord-américaine. Un phénomène quasi identique en Europe où six variétés de tomates représentent 80 % de la production.

Cette tendance à l’uniformisation touche l’ensemble des fruits et légumes.

Dans l’Idaho, royaume américain de la pomme de terre, on en cultive principalement 2 variétés, loin des 575 références répertoriées par la base de données de l’université de Washington State3. La première, la Russet Burbank, répond aux exigences de l’industrie du fast-food. Comme McDonald’s souhaitait une pomme de terre résistant au processus de congélation puis à la friture à haute température, la Burbank est donc devenue une star. Une vedette phagocytant l’essentiel de la production, bien soutenue par l’industrie agroalimentaire qui a trouvé un argument de poids pour convaincre les agriculteurs de se lancer dans cette monoculture : 90 % des frites congelées sont vendues en Amérique du Nord dans les restaurants. Dès lors, la frite est une machine à faire de l’argent aussi rentable que la vente de sodas. Car, alors que, en moyenne, McDonald’s achète ses frites congelées à soixante cents le kilo, une fois cuites elles sont revendues… douze dollars !

( L’agriculteur, lui, reçoit donc seulement 16 cents sur les 12 dollars facturés aux clients.)

La seconde variété, la Ranger, est un dérivé de la famille des Russet. Dont la production répond aux exigences, cette fois, des producteurs de chips pour apéritif type Frito-Lay. Et pour cause, cette pomme de terre est la plus riche en… sucres. Et donc la plus à même d’augmenter la consommation de chips. Pourquoi ? Parce qu’une fois cuite dans l’huile puis trempée dans le sel, cette alchimie sucré-salé la transforme en arme fatale. Nos papilles, contrôlées par l’ADN, lui-même conditionné depuis des millénaires à aimer le salé, le gras et le doux, s’affolent et deviennent incapables de résister au mélange.

Résultat ? Avec le développement des fast-foods et l’habitude bien ancrée de multiplier la consommation de snacks à toute heure, on voit celle des pommes de terre s’amplifier depuis des années, courbe ascendante parallèle à celle de la pandémie d’obésité. À mesure que le tour de taille de l’Américain moyen s’alourdit de graisse, l’appétit du pays pour la patate a explosé, passant de 240 millions de tonnes au début des années 1980 à presque 350 millions aujourd’hui.

La pomme de terre est même devenue le légume le plus consommé aux États-Unis. Suivie par la tomate, rang qu’elle occupe grâce à la consommation de frites ! Ne faut-il pas accompagner ces dernières de leur condiment de prédilection : le ketchup ?

L’exemple américain avec surconsommation de chips, frites et ketchup pourrait prêter à sourire, si – une fois encore – le reste de la planète n’adoptait pas un mode de consommation similaire. Qu’on en juge.

L’exploration de nouveaux marchés est l’un des thèmes récurrents du rendez-vous annuel de l’Idaho Potato Conference à Pocatello. En janvier 2006, citant une étude réalisée par l’International Potato Center (CIP), Joseph Guenthner, professeur d’économie agricole à l’université de l’Idaho, révélait que « toutes les régions du monde allaient manger plus de pommes de terre d’ici 2020 ». Et précisait que trois marchés attisaient les convoitises. L’Europe d’abord, le plus gros consommateur au monde avec près de quatre- vingts kilos par personne, suivie de la Chine et de l’Inde.

Certains contesteront qu’en elle-même une augmentation de consommation d’un légume soit inquiétante. C’est oublier que le développement prédit par le CIP est fondé sur un phénomène bien spécifique : la prolifération des enseignes de la restauration rapide commercialisant des frites ! Donc la généralisation du mode alimentaire qui y est lié.

« La plus forte progression en pourcentage concernera les pays en voie de développement, prédisait Guenthner. La consommation dans les deux pays les plus peuplés au monde – l’Inde et la Chine – devrait croître annuellement de 2,8 % et 3,8 %. À l’origine de cette popularité des pommes de terre, on trouve la restauration rapide. À tel point que, grâce à elle, la Chine et l’Inde importent désormais des frites congelées. »

L’exemple de la pomme de terre n’est en rien anodin. D’une certaine manière, ce féculent joue même le rôle de symbole. Car, lié à la pandémie d’obésité, il est aussi l’une des premières victimes de l’appauvrissement des produits frais. Devenue source de revenus importante, la patate a été, en quelque sorte, victime de son succès. Car dorénavant – étrange clin d’œil au darwinisme et à la théorie de l’évolution -, seule sa variété adaptée par l’homme aux besoins et vœux de l’industrie agroalimentaire prospère.

Intrigué par cette interprétation moderne de la loi relative à la survie du plus fort, Thomas Pawlick s’est intéressé aux motivations des producteurs et des gros acheteurs. Et a demandé à plusieurs d’entre eux les critères présidant au choix, donc à la survie et à la prolifération d’une variété par rapport aux autres.

Sans surprise, quel que soit le légume ou le fruit, la productivité arrive en tête de leurs réponses. Plus un aliment « donne » au mètre carré, plus l’industrie se tourne vers lui. Lorsque, en outre, il permet plusieurs récoltes annuelles, alors il devient un champion.

Les autres facteurs évoqués, et révélés par l’enquête de Pawlick, touchent aux capacités de… conditionnement du produit. Non à ses vertus gustatives, culinaires, à ses apports en vitamines, mais à l’éventail de traitements et présentations qu’il offre. Parce que la richesse d’un produit frais réside dans sa valeur ajoutée une fois transformé. Prenons un exemple. La marge, sur un kilo de tomates fraîches, est limitée. En revanche, celle permise par une bouteille de ketchup ou de sauce pour spaghettis s’avère beaucoup plus large. Quand un industriel sélectionne une variété, il opte donc pour celle qui s’adapte idéalement à la palette de dérivés possibles. Ce sont les pommes de terre douces pour les chips et les tomates riches en chair afin de créer une sauce épaisse.

Productivité, transformabilité… Le constat est cruel. Dans la liste de préoccupations des industriels, une donnée brille par son absence : le goût.

Jamais cette qualité ne relève à leurs yeux du facteur déterminant de sélection !

Le goût…

Même s’il s’agit d’un sujet difficile à quantifier, à évoquer aussi, comment ne pas s’engager sur ce terrain-là ? Certes Proust l’a évoqué avec immensément plus de talent que je ne saurais le faire, mais comment refuser un bond en arrière vers le jardin de mon grand-père paternel ? Car ma madeleine, ce sont ces tomates gorgées de soleil, qui se dévoraient à peine cueillies et ne nécessitaient aucun arôme ajouté pour affoler les gourmands. Un véritable plaisir à l’état pur.

Eh bien, le goût si particulier des tomates de mon grand-père a disparu des supermarchés. Et pas seulement parce qu’il est baigné de nostalgie. Cette absence est on ne peut plus logique : les tomates de mon enfance n’existent plus. Non calibrées, trop fragiles, irrégulières, mûres trop vite, de couleurs insuffisamment uniformes, elles ne correspondent pas aux canons définis par l’agro-business. Seul leur goût aurait pu permettre de les qualifier mais, nous l’avons vu, cette qualité- là ne figure pas dans la liste des critères de choix.

Il faut reconnaître que la plupart des tomates issues de l’agriculture biologique s’approchent de cette sensation du passé.

Comme s’il s’agissait indirectement de fermer la boucle, ce renoncement au goût, que personne ne revendique dans les hautes sphères de l’agroalimentaire, est lié à la disparition progressive des vitamines, minéraux et antioxydants des fruits et légumes. Aujourd’hui, la plupart des variétés consommées sont des hybrides. Des produits dont les multiples croisements sont effectués au nom d’un seul objectif : augmenter le rendement.

Or Brian Halweil a constaté que les hybrides sont les variétés de fruits et légumes ayant le plus perdu de nutriments au fil des ans. Non seulement leur monoculture intensive a appauvri le sol mais le chercheur note que, bien souvent, leurs racines sont moins profondes et moins « ancrées » que celles d’un légume issu de l’agriculture biologique. Une découverte fondamentale puisque c’est dans les profondeurs de la terre que le fruit et le légume puisent les éléments essentiels dont ils ont besoin, et nous aussi.

Les conclusions d’Halweil sont confirmées par les travaux de Donald Davis au Texas. Utilisant les statistiques fournies par l’USDA, l’équivalent américain du ministère de l’Agriculture, ce dernier démontre qu’en moyenne un plant « amélioré » par le croisement recèle 1/3 de zinc en moins et 28 % de fer en moins qu’un jamais croisé.

Le plus étonnant, c’est que ce phénomène dépasse les seuls fruits et légumes. Ainsi, chaque fois que l’agriculture moderne croise ou manipule une espèce animale afin d’en augmenter le rendement, c’est le consommateur qui en subit les dégâts.

Le cas du lait est frappant. Bien sûr, à force de croisements, et « progrès » scientifiques, la production a été triplée depuis 1950. Mais à quel prix ? Celui, considérable, de la chute de sa valeur nutritionnelle. Depuis 1963, le lait a ni plus ni moins perdu 13,1 % de son phosphore, plus de la moitié de son fer et… 36,1 % de son calcium !

Plus incroyable, et phénomène directement lié à une alimentation industrielle qui éloigne l’animal des verts pâturages, dorénavant les vaches donnent un lait qui contient 76,85 % de sodium en plus qu’il y a quarante-six ans et 7,3 % de matière grasse supplémentaire !

Il ne s’agit en rien d’une exception. Le poulet, dont la consommation est en perpétuelle hausse, est « victime » de la même tendance.

Si, depuis 1963, le blanc de poulet a perdu plus de la moitié de ses vitamines A et presque autant de son potassium, en revanche, il a gagné près d’un tiers de gras et 20,3 % de sodium.

Dans ces données réside le côté kafkaïen, Dr Folamour presque, de la situation actuelle. Soucieuse d’augmenter les cadences de production, donc ses bénéfices, l’agriculture moderne a vidé les fruits et légumes de leurs nutriments et, en augmentant les taux de sel et de gras, planté les germes de nos maux actuels.

Cela ne fait aucun doute : l’appauvrissement des qualités des produits frais comme la disparition de la variété, l’altération du goût comme la prépondérance d’espèces hybrides sont les conséquences de la course à la productivité. À propos de laquelle nous devons accepter d’assumer une part de responsabilité. Car c’est notre désir de disposer en toute saison de produits autrefois introuvables et à des tarifs abordables qui a alimenté cette révolution néfaste.

Une révolution dont l’addition n’est pas celle que nous imaginions mais qu’il nous faut aujourd’hui payer. Son vrai prix, bien plus exorbitant comme en témoignent les enfants rachitiques de Californie, se mesure en terme de santé. Comme l’écrivait Hippocrate, notre nourriture est la première source de notre bien-être. À nous de refuser qu’elle soit à l’origine de notre déclin. »

Après cette brillante démonstration très instructive, la suite ……………. demain.

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » La réponse prend l’allure d’une litanie de statistiques. Mais l’avantage avec les chiffres, c’est qu’eux ne mentent pas.

Depuis le début du XXe siècle, les ingénieurs agronomes de nombreux pays collectent une série d’informations sur les fruits et légumes consommés. Ces données permettent d’établir une comparaison entre, par exemple, le taux de vitamine C d’une orange au début des années 1960 et une autre disons contemporaine. Et, donc, de déterminer l’évolution nutritionnelle de la nourriture afin de comprendre pourquoi le professeur Willet continue d’insister sur la nécessité de « supplémenter » l’alimentation.

En juillet 2002, le quotidien canadien The Globe and Mail publia, en partenariat avec la chaîne d’information CTV, une enquête comparative signée André Picard. Inspiré par des recherches menées cinq ans plus tôt par Anne- Marie Mayer pour le prestigieux British Food Journal, l’article se proposait de comparer la teneur en nutriment de vingt-cinq fruits et légumes vendus durant l’été 2002 dans les supermarchés canadiens. Comme référence, le laboratoire de recherche sélectionné par le journal utilisa les données gouvernementales disponibles pour les années 1951, 1972 et 1999.

L’étude britannique menée par Anne-Marie Mayer avait étudié la composition de quarante fruits et légumes entre 1936 et 1991 à partir du document gouvernemental qu’est The Chemical Composition of Foods. Ses conclusions avaient été claires : « Il existe des réductions significatives des niveaux de calcium, magnésium, fer, cuivre et sodium dans les légumes. Et des réductions significatives de magnésium, fer, cuivre et potassium dans les fruits. Le plus grand changement concerne le niveau de cuivre dans les légumes, qui représente désormais moins d’un cinquième d’autrefois. » Par ailleurs, comme nous le verrons, Mayer donnait des pistes pour comprendre comment, en moins de soixante ans, une partie essentielle de notre alimentation avait tant perdu de valeur nutritive.

Mais revenons à l’enquête canadienne désirant voir si l’étude britannique relevait de l’exception.

Et bien, comme on pouvait le craindre, ce n’est malheureusement pas le cas.

Le titre même de l’article annonce la couleur puisqu’il déplore que dans les « fruits et légumes d’aujourd’hui manquent des qualités nutritives d’hier ». Dans le texte même, André Picard écrit : « La présence de vitamines vitales et de minéraux a dramatiquement baissé parmi quelques-uns des aliments les plus populaires comme les pommes de terre, les bananes et les pommes. »

Afin de prouver ses dires, le journaliste insiste sur l’exemple de la pomme de terre, légume le plus consommé au Canada. « La patate moyenne a perdu 100 % de sa vitamine A, qui est importante pour une bonne vision ; 57 % de sa vitamine C et de son fer, un élément clef de notre système sanguin ; et 28 % de son calcium, essentiel à nos os et nos dents. »

Si, aux yeux de certains, ces pourcentages peuvent paraître abscons, une autre comparaison s’avère sans appel. Se fondant sur les tables statistiques émanant du gouvernement canadien, Picard assène qu’afin de consommer une orange avec autant de vitamine A qu’à l’époque de nos grands- parents, il faudrait aujourd’hui en avaler… huit !

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le plus étonnant ne se trouve pas dans les conclusions de ces études britanniques et canadiennes. Non, une fois encore, c’est la réaction – ou plutôt l’absence de réaction – des autorités gouvernementales qui agace, scandalise, interpelle. Sollicité par le quotidien de Toronto, l’équivalent du ministère de la Santé du Canada s’est refusé à commenter les analyses comparatives, considérant le débat comme une « discussion d’ordre académique ». Et ce malgré une information révélée par Alison Stephen, directrice de recherche sur les problèmes cardiaques à la Heart and Stroke Foundation of Canada, selon laquelle « la plupart des Canadiens ne s’approchent pas du niveau recommandé de consommation de fruits et légumes ».

Le mutisme canadien officiel fait écho au lourd silence entendu à Londres, suite à l’étude d’Anne- Marie Mayer. Elle demandait au gouvernement britannique d’enquêter sur les conséquences de cet appauvrissement nutritionnel. Et attend toujours.

Si la réticence des élus à s’exprimer peut s’expliquer – ils connaissent mal le sujet, ne savent comment le prendre, etc. -, l’industrie agroalimentaire, elle, n’a pas manqué de réagir. En trois étapes. Avec comme objectif de « noyer le poisson », d’apaiser les craintes suscitées par de telles enquêtes, de proposer des solutions – ou prétendues telles – et, in fine, de préserver ses activités lucratives.

D’abord, rassurer le consommateur.

Pour cela, on explique que la perte de vitamines et minéraux des fruits et légumes n’a pas d’importance puisque, en phase de préparation industrielle, ces derniers sont souvent fortifiés. Une solution qui permet de ne pas remettre en cause le « système » et évite d’ouvrir les yeux sur les raisons de la dégradation de l’alimentation, comportement typique de l’industrie agro-alimentaire lorsqu’elle a à gérer une crise. Qu’on se souvienne du comportement du secteur de la viande lorsque surgit une vague d’intoxication1 à Y Escherichia coli 1057 : H7.

Ensuite, agir dans les coulisses.

Et là, instinctivement, le premier réflexe de l’industrie est de chercher à profiter de la situation. La preuve ? En décembre 2004, sous la houlette du docteur Donald Davis de l’université du Texas, une étude a confirmé les recherches canadiennes et britanniques. Dans ses travaux, publiés par The Journal of the American College of Nutrition, le biochimiste démontre en effet une chute de la quantité de vitamines et minéraux dans quarante-trois plantes sélectionnées. La conclusion faisant du bruit, immédiatement, en janvier 2005, The Packer, revue professionnelle des industriels des fruits et légumes, publie une colonne destinée à rassurer ses abonnés affirmant que le déclin de la valeur nutritionnelle des fruits et légumes américains peut aussi être une bonne nouvelle. Pourquoi ? Parce que s’il veut consommer son quota de vitamines et minéraux, le client devra acheter plus de produits en contenant !

Enfin, confirmant que l’attaque représente la meilleure des défenses, vient la phase ultime : celle qui consiste à lancer une critique « organisée » des études dénonciatrices, le but étant, à terme, de plonger le consommateur dans la confusion. Un écran de fumée n’est-il pas le meilleur gardien du statu quo ?

Dans Toxic, j’ai raconté comment les services de communication de l’industrie agroalimentaire répètent ad nauseam le même argument jusqu’à le transformer en une vérité. La méthode n’a pas varié. Depuis la publication des travaux d’Anne- Marie Mayer, et systématiquement à chaque recherche prouvant que nos fruits et légumes ont perdu de manière significative une part de leurs vertus sanitaires, l’excuse avancée est la même : les scientifiques comparent des données… incomparables. Mieux, ils se servent de méthodes de mesure plus affinées que dans le passé et omettent de prendre en compte un certain nombre de facteurs comme le taux d’humidité.

Or l’argument est redoutable, parce que compréhensible par tous. Personne, en effet, ne peut nier l’amélioration des techniques scientifiques entre les années 1930 et aujourd’hui.

Et même si l’Anglaise Anne-Marie Mayer a déclaré avoir essayé de « compenser » le phénomène dans ses calculs, l’industrie agroalimentaire est parvenue à instiller le doute et à rendre le problème caduc.

Du moins jusqu’aux travaux de Brian Halweil.

Spécialiste des questions agricoles et alimentaires au sein de l’association indépendante World- watch Institute, Brian Halweil a témoigné à de nombreuses reprises devant le Sénat américain sur des questions aussi variées que la biotechnologie ou la faim dans le monde. Défenseur de l’agriculture biologique et de la nécessité de trouver un modèle de développement durable pour satisfaire nos besoins alimentaires, Halweil s’est attaqué en 2007 à l’évolution nutritionnelle des aliments.

Ses conclusions, réunies dans un rapport de 48 pages, sont d’autant plus capitales que, dépassant le cadre des fruits et légumes, elles comparent les qualités de la viande, des poissons et des produits laitiers.

Mieux, connaissant les arguments de défense de l’industrie agroalimentaire, Halweil les a rendus inopérants d’une manière redoutablement efficace. Souhaitant comparer uniquement ce qui pouvait l’être, il a exclusivement utilisé les outils de mesure disponibles à l’époque des relevés originaux de statistiques. Ainsi, au lieu de recourir à une technologie contemporaine, il est revenu à celle servant en 1963, son mètre-étalon.

Résultat ? Au fil des quarante dernières années, la viande est devenue plus grasse et moins riche en fer. Les produits laitiers, plus gras aussi, ont vu leur taux de calcium chuter. Même phénomène du côté des fruits et légumes : des tomates aux poires en passant par les carottes et oranges, tous ont perdu une part essentielle de leurs qualités nutritionnelles.

Faisant écho aux oranges de l’étude canadienne, Halweil écrit donc qu’il faut aujourd’hui manger trois pommes pour acquérir les mêmes nutriments qu’avec une pomme des années 1960.

Dans le catalogue des vitamines, minéraux et composants essentiels en voie de disparition, Halweil, comme l’a d’ailleurs noté de son côté Anne-Marie Mayer, constate une exception. Un élément dont la présence augmente.

Un élément qui est à la fois l’explication du phénomène et à l’origine d’une sérieuse mise en garde du professeur Willet.

La suite (de cette enquête palpitante) ……….demain.

 

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Cauchemar en cuisine.

Un cuistot sud-africain émigré en Nouvelle-Zélande ne verra pas son visa de travail renouvelé. Non, pas parce qu’il est mauvais, mais parce qu’il est jugé trop gros. Albert Buitenhuis et sa femme Marthie qui sont arrivés à Christchurch il y a six ans, en 2007, n’avaient eu jusqu’à présent aucun souci pour renouveler chaque année leur visa, a expliqué Marthie au quotidien local La Press. Mais cette année, les services de l’immigration ont indiqué le 1er mai dernier à Buitenhuis qu’il n’avait pas un niveau acceptable de santé et qu’il pourrait faire du mal aux services de santé du pays. Traduction: trop gros pour rester, vous êtes expulsés.

Le chef sud-africain est un beau bébé, c’est vrai: 130 kilos pour 1,78 m, un IMC de 40. Il est médicalement considéré comme obèse, mais depuis son arrivée dans le pays, l’air néo-zélandais lui a fait du bien et Albert a perdu 30 kilos. «Ils n’ont jamais parlé du poids ou de la santé d’Albert alors et il était bien plus lourd que ça quand nous sommes arrivés», s’indigne Marthie Buitenhuis.

Les services de l’immigration ont défendu leur décision, estimant que le chef augmentait les risques de tomber gravement malade, citant le diabète et les maladies cardiaques. «Il est important que tous les immigrés possèdent un niveau de santé acceptable pour diminuer les coûts et limiter l’appel aux services de santé néo-zélandais», a dit un porte-parole des services migratoires. Qui a insisté pour rappeler que l’obésité n’était pas, en tant que tel, une raison de ne pas donner un visa, «mais que les services de santé se devaient d’examiner dans quelle mesure il pourrait y avoir des conséquences sur l’accès aux soins et estimer le coût élevé sur la sécurité sociale que cela pouvait entraîner.»

Le problème de l’obésité n’est pas un mince problème en Nouvelle-Zélande. La prévalence du surpoids et de l’obésité dans le pays touchait près d’un homme adulte sur quatre en 2009 selon les données de l’OCDE— seuls deux pays font pire, le Mexique et les Etats-Unis, la France est à 1 sur 10—. Un chiffre qui a doublé en 20 ans…

Le couple, âgé d’une cinquantaine d’années, a fait appel de la décision, et pour prouver son désir de rester dans le pays, a produit une lettre d’un médecin indiquant qu’il avait déjà ramené son taux de cholestérol et sa tension à des niveaux acceptables et qu’il était capable de passer sous la barre des 100 kilos d’ici six mois.

 

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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Parfois, les petites phrases cachent des vérités essentielles.

Prenez le professeur Walter Willet. Président du département de Nutrition de l’École de santé publique de Harvard, à Boston, il est l’un des nutritionnistes les plus réputés de la planète. Depuis son entrée dans cette prestigieuse université, en 1973, il dissèque nos habitudes alimentaires.

Mes premiers échanges avec lui remontent à mon intérêt pour les acides gras-trans, ces « tueurs » cachés dans la nourriture et nés d’une hydrogénation industrielle partielle.

Si Willet fut l’un des premiers scientifiques américains à alerter l’opinion quant aux dégâts du trans-fat, ses travaux ne se limitent pas à ce sujet. À la tête d’une équipe d’épidémiologistes, il tente aussi de déterminer le mode alimentaire le plus efficace pour lutter contre la pandémie d’obésité.

À ce titre, en 2002, il a publié – avec succès – un guide de conseils nutritionnels destiné aux Américains en quête du mieux manger. Huit ans après, le travail de Willet – trois cent quatre pages bien fournies en explications parfois complexes – a été résumé par l’opinion et les médias à quelques mots : « Prenez une multivitamine comme assurance. »

À son grand désespoir, cette phrase, tirée du titre de son chapitre 10, est devenue une sorte de slogan. Et pour cause : à une époque où la consommation de suppléments alimentaires était considérée comme la meilleure manière de produire de « l’urine de luxe », l’approbation du grand gourou de Harvard ne pouvait passer inaperçue. Et encore moins être négligée par les fabricants de suppléments, trop heureux de déclencher dans la foulée une spectaculaire campagne de communication destinée à faire circuler ce message – tronqué – dans l’opinion publique américaine.

En rédigeant son livre, Willet n’avait pas imaginé être aussi caricaturé. Il avait conclu ce chapitre 10 s’appuyant sur plusieurs années de recherches par une phrase humoristique : la prise quotidienne d’une multivitamine était le moyen le moins cher de s’assurer un régime complet. Jamais, comme cela a été déformé ensuite, ce professeur ne voulait suggérer que la prise de supplément relevait de la panacée. Hélas, la nouvelle fit boule de neige et aucune précision sémantique ne parviendrait à la stopper. Et l’Amérique, jusqu’à l’excès, se précipita dans les rayons vendant les pilules de vitamines.

Durant l’une de mes conversations avec Willet, délaissant les acides gras-trans un instant, je suis revenu sur l’avis qu’il avait formulé en 2002. Ses convictions avaient-elles évolué ? Alors que se multiplient les travaux dénonçant le risque de surdosage de certaines vitamines, alors que la qualité de certains des suppléments vendus est déplorable, alors que certains fabricants ajoutent conservateurs, colorants chimiques et acides gras-trans à leurs produits, continue-t-il à recommander la prise quotidienne d’une multivitamine ?

Après avoir émis les réserves d’usage quant à la nécessité d’acheter des produits de grandes marques dont la pureté est testée de manière indépendante, le professeur n’a pas changé d’avis.

Mieux, il précise que, selon lui, une multivitamine reste le meilleur moyen de pallier les « carences » de notre alimentation.

Carence ?

Je peux aisément comprendre sa remarque lorsqu’on évoque le régime de base américain, où les produits frais brillent par leur absence, pour être remplacés par les mauvaises graisses, le sucre, le sel et une pléthore de substances chimiques. Mais pourquoi élargir autant le sujet ? Et bien, précisément parce que, selon lui, nous sommes tous visés, quel que soit notre régime alimentaire.

A en croire cet éminent professeur de Harvard, qui cite étude sur étude, notre alimentation seule ne suffit plus à répondre à nos besoins.

Si les preuves avancées par Willet sont solides – et il n’y a pas de raison de mettre en doute sa conclusion -, d’innombrables questions surgissent. En commençant par celle-ci : depuis quand et pourquoi nos aliments ne parviennent-ils plus à combler nos besoins ?

La suite ….. demain.

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