Dans une étude publiée récemment, la Caisse nationale d’Assurance maladie prétend décrypter dans le détail l’offre de soin en matière de chirurgie de l’obésité. Mais ne pipe mot sur les tarifs parfois très élevés pratiqués par les chirurgiens. L’Initiative a souhaité réparer cet « oubli ».
Paris, jeudi 21 février, il est 9h30. Le point presse d’information mensuel de l’Assurance maladie démarre avec pour premier sujet les résultats d’une étude « approfondie de la chirurgie de l’obésité analysant à la fois les patients concernés, les pratiques et l’offre de soins ».
Tout, donc, ce que les journalistes ont toujours voulu savoir sur le sujet, la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) va leur révéler. Profil des patients opérés, évolution dans le temps des pratiques chirurgicales, disparités géographiques, la Cnam a passé au crible tous les aspects de cette intervention à l’exception… de ce qu’elle coûte aux patients.
La chirurgie de l’obésité donne pourtant lieu à des tarifs très fréquemment supérieurs – et de loin – à ceux servant de base à la Sécu pour calculer ses remboursements. Comptez en moyenne pour les trois interventions les plus pratiquées dans les établissements privés environ 850 € au-delà du montant pris en charge par la collectivité (entre 400 et 475 € selon l’intervention).
Une étude incomplète
Prétendre décrypter l’offre de soin sans aborder la question du coût pour le patient, il fallait oser… Cette omission est l’évidente traduction de « la volonté de la Cnam de ne pas trop insister sur LE sujet qui fâche dans un contexte de fortes tensions avec les médecins », persifle une mauvaise langue.
De fait, suite à l’adoption de l’avenant à la convention médicale sensé mettre un peu d’ordre dans les pratiques tarifaires des spécialistes, la profession est particulièrement chatouilleuse sur la question. Régulièrement au charbon avec les syndicats pour discuter la mise en musique de cet avenant, la Cnam aurait donc préféré ne pas attiser leur colère en omettant d’attirer l’attention de la presse sur des tarifs parfois hallucinants ?
L’Initiative transparence santé déplore que cette information soit passée à la trappe et a souhaité réparer cet oubli. Comment ? Grâce à la base de l’Agence technique de l’information hospitalière (ATIH) disponible en libre accès sur son site. Cette base de données contient toutes les informations tarifaires relatives aux actes pratiqués en 2011 dans les cliniques privées. Elle est accessible depuis le mois de novembre sur le site de l’ATIH.
De fortes disparités tarifaires
Nous avons passé au crible chaque région afin d’identifier les montants de dépassements ainsi que leur fréquence pour les trois interventions les plus souvent pratiquées (pose d’anneau, by-pass gastrique et gastrectomie). Les résultats de cette étude complémentaire sont disponibles sous la forme de tableaux intéressant respectivement chacune des trois principales interventions (pose d’anneau gastrique, by pass et gastrectomie). Chacun de ces tableaux a été l’objet d’une mise en scène cartographique à consulter.
Dans son étude, l’Assurance maladie pointe d’importantes disparités géographiques quant aux techniques utilisées. En Bretagne, par exemple, les chirurgiens ont majoritairement recours au by-pass gastrique (67 % pour une moyenne nationale à 31 %) alors que leurs confrères limousins préfèrent à 92 % la gastrectomie (moyenne nationale : 44%).
Ces écarts, on les retrouve aussi sur les tarifs pratiqués. C’est ainsi que le patient résidant en Aquitaine à qui le chirurgien propose la pose d’un anneau gastrique se verra facturer dans 85% des cas la modique somme de 1579 € en plus du tarif Sécu. A quelques encablures de là, en Midi-Pyrénées, le montant du dépassement moyen est près de quatre fois moindre (462 €) et ne s’applique que pour 35 % des interventions.
Plus de transparence s’impose
Autre exemple, celui de la gastrectomie qui en Île-de-France est facturée jusqu’à 3000 euros, là où les chirurgiens exerçant dans le Limousin ne dépassent jamais 600 €. C’est quand même dommage d’avoir privé les médias d’informations de ce tonneau.
Quelques heures d’extractions dans les bases de données de l’ATIH et l’achat d’une boîte de crayons de couleurs auront été les seuls investissements nécessaires à la publication de ces informations. Puisque c’est si facile, de quoi se plaint l’Initiative ?
D’abord, si cette étude s’inspire de données publiques effectivement disponibles en libre accès, elle aurait été impossible à mener il y a quelques mois encore. Longtemps l’ATIH a refusé de fournir les informations relatives aux pratiques tarifaires des médecins dans les cliniques privées. Il aura fallu que le magazine 60 millions de consommateurs exerce une amicale pression auprès de l’agence pour faire sauter les verrous.
L’Open data, c’est bon pour la santé
Les données contenues dans la base de l’ATIH sont par ailleurs incomplètes puisqu’elle se limitent aux actes réalisés au moins 20 fois et dans au moins deux cliniques. Impossible donc pour l’usager d’obtenir de l’information établissement par établissement. Dans les territoires (régions ou départements) où une intervention est peu pratiquée ou bien ne l’est que dans un seul établissement, l’information n’est par ailleurs pas disponible. Ceci explique que notre étude comporte quelques « trous », (aucune donnée par exemple pour la Franche Comté) et ne permet pas d’offrir un panorama complet des tarifs pratiqués en région.
L’étude qu’a menée l’Initiative n’en soulève pas moins certaines questions. Que penser de ces importantes variations tarifaires ? Certains dépassements sont-ils abusifs ? N’y aurait-il pas matière pour les autorités sanitaires ou le Conseil national de l’Ordre des médecins à sévir ? L’Initiative transparence santé laisse aux lecteurs le soin de se faire sa propre idée.
Notre crédo n’est pas de répondre à ces questions. Il est de rappeler qu’un partage plus large de l’information santé dont disposent les pouvoirs publics français doit être mis en place afin que les citoyens bénéficient d’une information de qualité.
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La caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) vient d’analyser les pratiques et la pertinence de la chirurgie de l’obésité. 550 000 personnes en France, soit 1,2 % de la population, souffrent d’une obésité morbide, c’est-à-dire avec une IMC supérieur ou égal à 40 Kg/m2. Or, la chirurgie de l’obésité est en plein essor : le nombre d’interventions a doublé entre 2006 et 2011 pour atteindre 30 000 cette année-là.
Selon la Cnam, 8 patients opérés sur 10 sont des femmes, âgées en moyenne de 39 ans, 7 femmes sur 10 et 8 hommes sur 10 souffraient d’une obésité morbide, 700 patients de moins de 20 ans ont été opérés dans l’année, les comorbidités sont fréquentes. Ainsi, un patient opéré sur 4 est atteint d’un HTA, 1 sur 10 est traité pour diabète, asthme ou BPCO, pour hypercholestérolémie ou est appareillé pour syndrome d’apnées du sommeil.
Sur le plan des techniques chirurgicales utilisées, la CNAM note que la pose d’un anneau gastrique ajustable, technique réversible et de référence en 2006, a reculé et ne correspond plus qu’à 25 % des interventions ; les techniques de réduction de l’estomac ou sleeve gastrectomie et by pass, peu pratiquées en 2006, représentent aujourd’hui 75 % des interventions. La caisse nationale a également noté de fortes disparités entre régions et entre établissements, non corrélées avec la prévalence de l’obésité en France. Ainsi, le recours à la chirurgie est très élevé en PACA ou en Languedoc-Roussillon, alors que la prévalence de l’obésité y est faible par exemple. Par ailleurs, 33 établissements sur 426 réalisent 35 % des interventions, et le type de technique utilisé varie selon les régions et les établissements. “Ce qui pose la question du choix éclairé de la technique chirurgicale proposée au patient”, note la CNAM.
La caisse nationale propose plusieurs actions afin d’encadrer le développement de cette chirurgie : promouvoir la prise en charge médicale de l’obésité, actualiser les référentiels de bonne pratique en chirurgie de l’obésité, en particulier chez les jeunes patients, favoriser la labellisation des centres susceptibles de prendre en charge les jeunes (avec le but final avoué de placer toutes les interventions sur mineurs sous entente préalable). Et enfin, mettre en place une cohorte de suivi des patients opérés de tous âges, afin d’évaluer dans la durée, le bénéfice/risque de cette chirurgie.
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A travers une vidéo de 27 minutes, l’émission in vivo nous permet au travers de témoignages d’appréhender l’expérience d’une équipe qui a opté chirurgicalement pour le by-pass et l’anneau gastrique.
Cliquez sur le lien ci-dessous pour voir la vidéo :
in vivo, l’intégrale experience du CHU de Lille
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