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HFCS

Extrait de Toxic, le livre de William REYMOND :

« Pour approfondir la théorie selon laquelle le sirop de glucose-fructose avait réussi à contourner la résistance naturelle de l’organisme à l’excès de glucides et avait déréglé notre tolérance aux produits sucrés, d’autres observations de George Bray se révélèrent instructives. L’arrivée sur le marché de l’HFCS à la fin des années 1970 et la conversion totale des fabricants de sodas qui en résulta auraient dû fragiliser le marché du sucre. Mais il n’en fut rien. Au contraire, l’HFCS avait réussi à s’ajouter au sucre de canne au lieu de le remplacer. En 1980, la consommation annuelle de produit sucré basique (sucre de canne ou sirop de glucose-fructose) s’élevait à 55 kg par habitant. Vingt ans plus tard, elle dépassait 65 kg pour arriver aujourd’hui à 80 kg. Le consommateur avait donc fait une place supplémentaire à l’HFCS, lui offrant une part de marché de 42 %. Ramené en kilos, cela signifiait que l’Américain moyen ingurgitait désormais chaque année 33,4 kg d’HFCS ! Une progression radicale, puisqu’un an après son introduction et avant l’entrée en jeu d’ADM et de Dwayne Andreas, sa consommation atteignait tout juste 292 grammes par habitant. Que l’explosion des ventes de sodas ne pouvait expliquer à elle seule.

Sans que personne ne s’en rende vraiment compte, l’HFCS avait gangrené toute l’alimentation du pays : colas et autres soft drinks, mais plus largement, toute la nourriture produite de manière industrielle. Comme l’écrivait Bray, « aux États-Unis, on retrouve de l’HFCS dans presque tous les aliments contenant un édulcorant. […] L’HFCS est présent dans presque la totalité des aliments industriels ».

Ces remarques me renvoyaient à une autre étude, réalisée cette fois par des économistes d’Harvard. David M. Cutler, Edward L. Glaeser et Jesse M. Shapiro appartiennent eux aussi au bataillon de ceux qui ne se satisfont pas de l’explication classique donnée à la pandémie d’obésité. Constatant que l’arrivée de la crise avait été trop brutale et ample pour se résumer à des bouleversements d’habitudes, ils avaient disséqué les assiettes américaines.

Si le nombre de calories consommées chaque jour avait augmenté entre 1978 et la fin des années 1990, cette progression ne justifiait pas les kilos supplémentaires pris par de plus en plus d’Américains. Malgré le développement des chaînes de fast-food et l’explosion de la taille des portions dans les restaurants, les travaux de Cutler, Glaeser et Shapiro démontraient en fait que les calories avalées à chaque repas avaient légèrement… baissé ! Sur vingt ans, le dîner américain s’était même allégé de 59 calories chez les hommes et de 74 chez les femmes. En réalité, une seule catégorie avait largement augmenté : celle que nous mangions entre les repas. Des snacks d’origine industrielle dont l’apport calorique avait doublé et dont le point commun était de contenir une dose massive d’HFCS.

George Bray l’affirmait : L’HFCS était l’un des agents à isoler. Après tout, aucun autre produit n’avait accru sa présence dans nos estomacs de plus de 1 000 % en vingt ans. En outre, le taux de pénétration du sirop de glucose-fructose suivait une courbe similaire à la progression de l’épidémie. L’arrivée sur le marché de l’HFCS donnait donc du corps à la thèse d’une contamination presque soudaine, comme le soulignaient ces propos on ne peut plus clairs : « L’augmentation de la consommation d’HFCS a tout juste précédé la rapide augmentation de la prévalence de l’obésité qui s’est déroulée entre [les recensements] de 1976-1980 et 1988- 1994 ».

Résumons-nous. Le 2 décembre 1971, Earl Butz avait reçu deux missions : sauver la tête de Nixon et industrialiser l’agriculture américaine. Sa politique avait créé des stocks colossaux de maïs subventionné.

Les chimistes de la Clinton Corn Processing Company avaient de leur côté découvert comment transformer ce grain sans valeur en or jaune.

Dwayne Andreas, à la tête d’Archer Daniels Midland, en avait assuré l’expansion et la rentabilité.

En 1980, The Coca-Cola Company avait donné le signal que l’industrie agroalimentaire américaine attendait pour adopter massivement un produit bon marché.

Et, à l’instar des Indiens Pima, du jour au lendemain, les Américains, comme frappés par un virus, avaient commencé à grossir. L’HFCS, qui semblait être parvenu à briser les résistances de nos estomacs aux excès de produits sucrés, pouvait expliquer ce phénomène. Restait à comprendre de quelle manière cela avait été possible. »

La suite de cette démonstration passionnante ………….. demain.

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Extrait de Toxic :

« Je me retrouvais à écrire sur Coca- Cola. Et, une fois encore, l’anecdote ne cadrait pas avec la « légende ». Celle affirmant que la boisson offrait le même goût à Paris et à Dallas. Certes, la différence entre un Coke américain et un européen est flagrante. Et ne tient pas à « la température à laquelle le produit est consommé, aux aliments qui l’accompagnent », ou au fait qu’il soit « servi avec des glaçons dont l’eau est plus ou moins chlorée » ou encore à « l’âge du produit », comme le prétend Coca-Cola France sur son site Internet.

Pour tout dire, j’ai longtemps cru la Compagnie lorsqu’elle affirmait que la formule de son soda vedette était « rigoureusement la même dans le monde entier ». Mais en y réfléchissant bien, et en profitant de mes voyages pour me faire ma propre idée, il m’apparut évident que le Coca-Cola américain était plus… « plat ». Plus rond en bouche, plus sucré. Avant même de connaître la saga du HFCS, je me suis dit que cette différence de goût traduisait nécessairement un changement de composition. En effet, nos boissons européennes restent essentiellement sucrées au sucre de canne ou de betterave, moins doux que le sirop de glucose-fructose.

Cette impression a d’ailleurs été quantifiée précisément par une série de travaux. Si la teneur moyenne en calories d’un soda n’a quasiment pas augmenté depuis le passage à l’HFCS, il est en revanche prouvé que le produit est plus sucré en bouche. On a même établi que l’HFCS 42 était 1,16 fois plus doux que le sucre de canne. Et l’HFCS 55, celui utilisé dans les sodas, 1,28 fois. Augmentant par là notre dépendance au dilemme de l’omnivore et à notre passion génétique pour le doux.

Quoi qu’il en soit, cette différence me semblait une piste intéressante. Et chaque fois que je me retrouvais avec un employé ou un cadre retraité de la Compagnie, je lui faisais part de ma remarque d’Européen débarqué aux États-Unis. Tous assumaient la variation du goût du Coke d’un continent à l’autre. Et la jugeaient presque anecdotique. L’introduction du HFCS avait définitivement changé le métier, me disait-on, imposant de nouveaux formats et d’autres réseaux de distribution. Des données économiques dans lesquelles la saveur du produit importait peu. L’essentiel était ailleurs, comme un constat innocent, une remarque en passant, me le firent peu à peu comprendre. Certains retraités avaient noté que la tolérance au produit variait selon sa composition. L’un d’eux avait résumé cela le plus candidement possible :

« La différence entre le sucre de canne et le sucre issu du sirop de maïs ? Avant, vous buviez deux ou trois Coke d’affilée et, à cause des quantités de sucre, vous étiez malade. Maintenant vous pouvez vous descendre un ou deux litres et ne pas vomir. Pour recommencer quelques minutes après. Voilà la différence ! »

Si la remarque, fruit d’un savoir empirique, était juste, cela signifiait que l’HFCS avait réussi à contourner la résistance naturelle de l’organisme à l’excès de glucides. Et, exactement comme un agent toxique, avait déréglé notre tolérance aux produits sucrés. Une idée effrayante. Qu’il me restait à prouver.

La suite ….. demain

 

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Extrait de Toxic, le livre de William Reymond :

« L’histoire se répétait. Car cent ans avant Earl Butz, l’Amérique croulait déjà sous le maïs. En 1875 et 1876, des conditions météorologiques très favorables avaient donné des récoltes extraordinaires. Le prix du boisseau s’était effondré et les fermiers avaient dû trouver un moyen de gagner de l’argent et de se débarrasser des stocks. La solution ? Un breuvage nouveau. Si les Américains ne pouvaient manger plus de maïs, il suffisait de leur en faire boire.

Le whisky de maïs contenait 80 % de céréales diluées dans de l’alcool. Un produit facile à fabriquer en contrebande. Son prix permettait de dégager un profit conséquent et ses effets se révélaient pour le moins… assommants. Le succès fut immédiat, et toucha rapidement l’ensemble du pays. La « République des alcooliques » venait de naître. Évidemment, cette liqueur bon marché fit des ravages, mais globalement les autorités laissèrent faire, ne souhaitant pas susciter de révoltes des fermiers en fermant la seule porte de sortie possible. Il fallut donc attendre la seconde moitié de la décennie 1880, et la pression des ligues de tempérance, pour que la contrebande ralentisse. Ironiquement – et nous en mesurerons pleinement la cocasserie plus tard – c’est cette révolte contre l’alcool qui incita John Pemberton à transformer son vin de cola en Coca-Cola.

Moins d’un siècle plus tard, l’idée était similaire. Si l’Américain ne pouvait ingurgiter les stocks liés à la politique d’Earl Butz, on allait les lui faire boire. Pas en mettant au point une cuvée Nixon du whisky de maïs, bien sûr, mais en rendant populaire une invention née dans les laboratoires d’une compagnie céréalière de l’Iowa.

Depuis le milieu des années 1950, les chimistes de la Clinton Corn Processing Company (CCPC) travaillaient sur un concept censé leur ouvrir de nouveaux débouchés. Ils souhaitaient réussir une hydrolyse de l’amidon du maïs pour obtenir du sirop de glucose. En cas de succès, à terme, les céréaliers seraient alors en mesure de concurrencer les importateurs de sucre, dont la consommation et le prix n’avaient cessé de grimper depuis la fin de la guerre. L’Amérique importait en effet l’essentiel de la production de canne à sucre et dépendait de la stabilité politique d’autres nations. Une incertitude dangereuse. De fait, la situation de Cuba, où les troupes de Fidel Castro affrontaient celles de Batista depuis décembre 1956, inquiétait les spécialistes.

Au même moment, dans l’Iowa, les chercheurs de la CCPC avaient donc découvert une enzyme permettant d’hydrolyser le glucose en fructose. Leur solution, qui contenait 42 % de fructose, possédait un pouvoir sucrant égal à celui du saccharose. Le HFCS1 42 présentait deux autres avantages : il était technologiquement plus intéressant que le sucre grâce à sa conservation plus longue et à son aptitude aux mélanges supérieure, mais surtout il était moins cher à produire.

A contrario, il pâtissait d’un défaut majeur : l’enzyme isolée par les scientifiques de la CCPC nécessitait pour son emploi le recours à un produit toxique, l’arséniate, qui rendait la mouture finale dangereuse à consommer.

Le HFCS, à la grande déception des céréaliers, fut donc un produit mort-né. Nous étions en 1957. Dix ans plus tard, le salut vint du Japon. Un laboratoire, qui avait repris les travaux de la CCPC, parvint en effet à isoler une autre enzyme autorisant, sans danger cette fois, l’hydrolysation du glucose en fructose : il n’était plus nécessaire d’utiliser un cofacteur toxique. De 1967 à 1971, le HFCS fut développé et testé avec succès. Il restait à le lancer sur le marché américain. La Clinton Corn Processing Company, propriétaire du premier brevet, représentait évidemment le partenaire idéal. D’autant qu’en cette fin d’année 1973, grâce à Earl Butz, la compagnie de l’Iowa gérait des milliers de silos regorgeant de grains de maïs ne coûtant pas grand-chose.

Les deux premières années d’exploitation du HFCS furent un franc succès. Comme avec l’alcool de maïs, le sirop permettait en effet aux céréaliers d’écouler leurs grains à un tarif supérieur au prix de la vente en l’état. La CCPC eut alors encore plus faim de dollars. Comment faire ? Une solution s’imposa : vendre les droits d’utilisation du brevet. Dès lors, de multiples accords furent signés.

Revers de la médaille, en 1976, on parvint à une surproduction de HFCS. La poule aux œufs d’or risquait d’étouffer. Mais un certain Dwayne Orville Andreas eut une idée qui allait changer fondamentalement la donne. »

la suite ….. demain. L’auteur nous fait découvrir en détail une intrigue réelle qui va déboucher sur …… (ça vous le découvrirez bientôt.)

 

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