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Extrait de Toxic :

« Je me retrouvais à écrire sur Coca- Cola. Et, une fois encore, l’anecdote ne cadrait pas avec la « légende ». Celle affirmant que la boisson offrait le même goût à Paris et à Dallas. Certes, la différence entre un Coke américain et un européen est flagrante. Et ne tient pas à « la température à laquelle le produit est consommé, aux aliments qui l’accompagnent », ou au fait qu’il soit « servi avec des glaçons dont l’eau est plus ou moins chlorée » ou encore à « l’âge du produit », comme le prétend Coca-Cola France sur son site Internet.

Pour tout dire, j’ai longtemps cru la Compagnie lorsqu’elle affirmait que la formule de son soda vedette était « rigoureusement la même dans le monde entier ». Mais en y réfléchissant bien, et en profitant de mes voyages pour me faire ma propre idée, il m’apparut évident que le Coca-Cola américain était plus… « plat ». Plus rond en bouche, plus sucré. Avant même de connaître la saga du HFCS, je me suis dit que cette différence de goût traduisait nécessairement un changement de composition. En effet, nos boissons européennes restent essentiellement sucrées au sucre de canne ou de betterave, moins doux que le sirop de glucose-fructose.

Cette impression a d’ailleurs été quantifiée précisément par une série de travaux. Si la teneur moyenne en calories d’un soda n’a quasiment pas augmenté depuis le passage à l’HFCS, il est en revanche prouvé que le produit est plus sucré en bouche. On a même établi que l’HFCS 42 était 1,16 fois plus doux que le sucre de canne. Et l’HFCS 55, celui utilisé dans les sodas, 1,28 fois. Augmentant par là notre dépendance au dilemme de l’omnivore et à notre passion génétique pour le doux.

Quoi qu’il en soit, cette différence me semblait une piste intéressante. Et chaque fois que je me retrouvais avec un employé ou un cadre retraité de la Compagnie, je lui faisais part de ma remarque d’Européen débarqué aux États-Unis. Tous assumaient la variation du goût du Coke d’un continent à l’autre. Et la jugeaient presque anecdotique. L’introduction du HFCS avait définitivement changé le métier, me disait-on, imposant de nouveaux formats et d’autres réseaux de distribution. Des données économiques dans lesquelles la saveur du produit importait peu. L’essentiel était ailleurs, comme un constat innocent, une remarque en passant, me le firent peu à peu comprendre. Certains retraités avaient noté que la tolérance au produit variait selon sa composition. L’un d’eux avait résumé cela le plus candidement possible :

« La différence entre le sucre de canne et le sucre issu du sirop de maïs ? Avant, vous buviez deux ou trois Coke d’affilée et, à cause des quantités de sucre, vous étiez malade. Maintenant vous pouvez vous descendre un ou deux litres et ne pas vomir. Pour recommencer quelques minutes après. Voilà la différence ! »

Si la remarque, fruit d’un savoir empirique, était juste, cela signifiait que l’HFCS avait réussi à contourner la résistance naturelle de l’organisme à l’excès de glucides. Et, exactement comme un agent toxique, avait déréglé notre tolérance aux produits sucrés. Une idée effrayante. Qu’il me restait à prouver.

La suite ….. demain

 

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