Des chercheurs de l’Hôpital Saint Thomas de Londres ont récemment publié dans BMC Medicine une méta-analyse portant sur 19 études consacrées à la prise en charge des femmes enceintes obèses. Au Royaume-Uni où la prévalence de l’obésité a atteint 24% chez les femmes en âge de procréer le sujet revêt un intérêt majeur. En France, si nous sommes encore loin des chiffres de nos voisins britanniques, les dernières statistiques issues de l’étude ObEpi montrent que la proportion d’obèses parmi les femmes en âge de procréer ne cesse d’augmenter. L’occasion de faire le point sur les risques associés à la grossesse chez les futures mamans obèses et les recommandations actuelles.
L’obésité touche de plus en plus de femmes en France
Tous les trois ans depuis 1997, l’Inserm publie en collaboration avec les laboratoires Roche, l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et Kantar Health un rapport sur la prévalence du surpoids et de l’obésité en France. La sixième version de cette enquête épidémiologique, nommée ObEpi, a été publiée mi-octobre 2012. Les chiffres qu’elle présente ont été obtenus sur un échantillon de 25714 individus de plus de 18 ans, représentatifs de la population française. Ces personnes ont été réparties en cinq classes allant de la maigreur jusqu’à l’obésité dite morbide, selon la valeur de leur indice de masse corporelle (IMC), obtenu en divisant le poids (en kg) par le carré de la taille (en m). Un IMC supérieur à 30 kg/m2 indique une obésité, et au-delà de 40 kg/m2 il s’agit d’obésité morbide. Aujourd’hui 15% des Français sont obèses et en 2012, comme chaque année depuis 2003, la prévalence de l’obésité est plus importante chez les femmes (15,7%) que chez les hommes (14,3%). L’augmentation du nombre de femmes obèses depuis 1997 se retrouve dans toutes les classes d’âges, mais est particulièrement marquée chez les femmes jeunes. Chez les 18-25 ans, le pourcentage de femmes obèses est ainsi passé en 15 ans de 2% à 6%. Pour les 25-34 ans la prévalence est passée de 6% à 11% et pour les 35-44 ans de 8% à 16%. Ceci indique donc que de plus en plus de femmes en âge de procréer présente une obésité.
Les risques de complications sont augmentés chez la femme-enceinte obèse
Les auteurs de l’étude britannique rappellent que chez les femmes enceintes obèses tous les risques de complications (diabète gestationnel, pré-éclampsie, thrombo-embolie, césarienne, prématurité, macrosomie, etc.) sont statistiquement augmentés. Cela ne signifie absolument pas qu’il y aura à coup sûr des complications lors d’une grossesse chez une femme obèse, mais la future maman doit néanmoins être informée afin de bien comprendre les enjeux. Or les femmes obèses qui ont un projet d’enfant ne consultent pas ou très rarement leur gynécologue avant le début de leur grossesse. La crainte que leur projet soit mal accueilli par le praticien ou que celui-ci leur demande de perdre du poids avant la conception est un frein manifeste. Jacky Nizard, gynécologue-obstétricien à la maternité de la Pitié-Salpêtrière explique qu’effectivement il est conseillé à la future-maman d’essayer de perdre du poids avant de concevoir un enfant. Ceci d’une part pour minimiser les risques, proportionnels au poids pré-conceptionnel des mères, et également car la surcharge pondérale constitue un facteur d’infertilité clairement identifié. Le Dr Nizard insiste cependant sur le fait que les consultations sont totalement individualisées et que les objectifs de perte de poids sont toujours discutés avec la patiente. Cette consultation pré-conceptionnelle est aussi l’occasion de proposer à la future-maman un suivi nutritionnel qui en plus de l’aider à contrôler son poids permettra de détecter et de palier à d’éventuelles carences. Les femmes obèses ayant eu recours à une chirurgie de l’obésité (anneau, by-pass ou sleeve) sont particulièrement concernées. Ces dernières sont en effet souvent carencées et pour le bon développement du fœtus il est primordial qu’elles reçoivent une supplémentation en macro- et micronutriments adaptée.
Les femmes obèses non-opérées, si elles ont des apports nutritionnels suffisamment variés, n’ont pas besoin de supplémentation particulière. Comme à toutes les futures mamans, il leur est conseillé d’avoir des apports suffisants en acides gras oméga-3 (apportés par 2 portions de poissons gras par semaine) et en vitamine D. Il faut également rappeler que, pour toutes les femmes, une supplémentation en acide folique (ou vitamine B9) est conseillée, et devrait intervenir quelques mois avant et après la conception. Or en France la plupart des futures mamans ne prennent de l’acide folique que trop tardivement, d’où l’intérêt de consulter avant la conception.
Diabète, obésité et grossesse
La prévalence du diabète dans la population obèse est significativement plus importante que dans la population générale (13,5% contre 5,8% en France) et le risque de diabète gestationnel (qui survient lors de la grossesse et disparaît ensuite) est très nettement augmenté chez les femmes obèses. Or le diabète, gestationnel ou non, est connu pour augmenter les risques de malformation du fœtus, de macrosomie (bébés avec un poids de naissance supérieur à 4 kg), de prématurité, et de naissance par césarienne. Il est donc important que ces femmes puissent bénéficier d’un suivi adapté. C’est le cas à la maternité de la Pitié-Salpêtrière où des contrôles réguliers de la glycémie à jeun des futures mamans obèses sont effectués pour permettre de dépister au plus tôt la survenue d’un diabète. Des examens échographiques supplémentaires sont également réalisés afin de s’assurer du bon développement du fœtus tout au long de la gestation.
L’information est souvent la meilleure des mesures de prévention.
Planifier la grossesse
La méta-analyse britannique conclut qu’il est difficile de démontrer une plus-value significative des mesures pré-conceptionnelles, notamment car les études disponibles ne sont pas toujours de très bonne qualité. Cependant il semble se dégager une tendance montrant qu’agir en amont de la grossesse peut notamment permettre de diminuer le diabète gestationnel ainsi que la prise de poids au cours de la gestation. Pour les praticiens, une consultation pré-conceptionnelle constitue de toute évidence un plus, qui permettra à la future maman d’aborder sa grossesse dans de meilleures conditions.
Afin de permettre aux femmes obèses de vivre leur grossesse en toute sécurité et dans un environnement serein il est indispensable que celles-ci puissent être orientées le plus tôt possible vers des maternités où les équipes sont sensibilisées à cette problématique.
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