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Le casse-tête de l’alimentation dans les milieux défavorisés
Une enquête menée dans le nord de la France détaille les difficultés que soulève le contrôle de l’alimentation.
L’influence d’un niveau socioprofessionnel défavorisé est évidente sur l’obésité. Pour mieux comprendre les comportements et croyances des femmes issues de milieux populaires en matière de régimes, la sociologue Anne Lhuissier, de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), a interrogé une quarantaine de femmes du Nord. Une région qui a la particularité de concentrer le plus grand taux d’obèses de France métropolitaine mais aussi la plus forte consommation de pommes de terre, de nourriture grasse, de boissons gazeuses, de bière et de spiritueux.
C’est aussi dans le Nord que la part de consommation à domicile du budget consacré à l’alimentation est la plus forte. On y mange proportionnellement plus souvent à la maison qu’à l’extérieur. Les filles qui ont bénéficié de l’«ascenseur social» influencent en retour l’alimentation de leur mère. La chercheuse de l’Inra dont les travaux sur ce sujet viennent d’être publiés dans la revue internationale Food, Culture and Societyremarque en préambule que «les filles qui intègrent les normes sociales d’un nouveau milieu soutiennent ensuite leurs mères pour mettre en place une nouvelle façon de manger». Cependant, cette enquête illustre les difficultés à faire évoluer les comportements alimentaires.
Anne Lhuissier distingue trois types de stratégie des femmes du Nord pour lutter contre la prise de poids:
- «Premièrement, faire régime sans rien changer à leurs habitudes alimentaires mais en utilisant des techniques de modification corporelle.» Ce qui peut aller de la chirurgie à la simple gaine en passant par l’utilisation de crèmes amincissantes.
- Deuxièmement, les techniques classiques de restriction calorique. «Certaines femmes perçoivent les régimes amincissants comme des restrictions sévères en nourriture sur une période limitée», explique la sociologue.
- Enfin, la troisième technique concerne les femmes qui ne veulent pas de restrictions mais acceptent de modifier leur façon de cuisiner (la béchamel allégée a beaucoup de succès) ou «surveillent ce qu’elles mangent» comme Karima, qui explique: «Je n’ai pas besoin de faire régime, je supprime simplement le gras et le sucre.» Ces femmes, explique Anne Lhuissier, «ne se fixent pas des objectifs à court terme et expriment leurs aspirations en taille de vêtement plutôt qu’en kilos à perdre».
«Faire de l’exercice physique»
En fait, si l’obésité est plus fréquente dans ces milieux-là, c’est aussi lié au fait que les femmes sont «plus tolérantes» avec leur prise de poids, «mettent plus de temps avant d’opter pour un régime» et enfin «reçoivent moins de support de leur environnement pour manger sainement et faire de l’exercice physique», relève la sociologue. Penser que la diffusion d’information suffit pour résoudre les difficultés de poids est d’autant plus illusoire que l’alimentation prend pour ces femmes une dimension particulière. «La façon dont elles cuisinent est la clé pour comprendre leur relation à la nourriture et aux régimes», affirme ainsi Anne Lhuissier. Le poids de la tradition est fort. Et, le plus souvent, les femmes se contentent d’incorporer à la façon de cuisiner qui leur a été transmise par leur mère et leurs grands-mères les recommandations nutritionnelles qu’elles ont entendues… Des actions ciblées sont donc plus que nécessaires, elles sont urgentes.
En France, la fréquence de l’obésité est inversement proportionnelle au niveau d’instruction et l’écart ne cesse de se creuser. Par ailleurs, lorsque les revenus sont inférieurs à 900 € par mois, on observe 25,6% d’obèses alors qu’ils ne sont plus que 7% au-delà de 5300 euros mensuels.
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