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Extrait du livre de Denis Doucet, « le principe du petit pingouin » :

 » D’abord, le cas pathétique de la performance et de l’excellence. Depuis quelques décennies, on ne cesse de nous rebattre les oreilles avec ces deux mots devenus des incontournables. Au point où on s’y résigne, telle une fatalité impossible à contourner, un must à la mode qui, une fois votre esprit bien convaincu, va vous suivre toute votre vie. « Pour votre bien »… cela va de soi !

En définitive, tout est plus compétitif qu’avant, alors il faut bien que nous y préparions nos enfants : deux cours de danse classique par semaine, un cours de piano, de la natation, un professeur privé de diction, un camp d’immersion en langue étrangère, une activité parascolaire d’initiation aux sciences, les meilleures notes à l’école, et puis quoi encore?

Nous aimons nos enfants, alors il faut bien que nous les stimulions, me direz-vous. C’est pour leur bien. Oui, mais il faut voir comment vous vous y prenez. Je suis d’accord pour qu’on stimule le goût de se dépasser, de relever des défis bien calibrés, c’est-à-dire atteignables mais significatifs. Le goût du travail de qualité, afin de repousser la médiocrité.

Alors, pourquoi observe-t-on une augmentation de l’anxiété chez les enfants? Pourquoi des burnouts (fatigue excessive) à l’âge de douze ans ? Pourquoi des dépressions précoces ?

Alors qu’une de mes filles avait quatre ou cinq ans, je l’accompagnai à son premier cours de natation. Je m’assis pour regarder et je vis autour de moi une meute de parents anxieux des performances de leurs bambins, essayant de justifier maladroitement le fait que le leur ne soit pas à l’aise dans l’eau ou ne réussisse pas encore à sauter du tremplin. Ce jour-là, assis parmi eux, je me sentais vraiment, mais vraiment tout seul. Moi, je venais juste voir ma petite fille Delphine s’amuser dans l’eau. Suis-je anormal de considérer que c’est en apprivoisant des apprentissages par le jeu qu’un enfant apprend? Que chacun a droit à son rythme? Que nous n’avons pas tous à nous préparer pour les Jeux olympiques ? Que chacun a droit à ses talents et à ses limites ?

Je ne crois pas que ce soit sain de se servir toujours de la comparaison humiliante comme système motivationnel. Cela n’a jamais marché et ne marchera jamais. Vous obtiendrez de l’individu, dans les meilleurs cas, un conformisme, une obéissance superficielle, mais pas une motivation interne durable.

Voulez-vous que votre enfant prenne des stéroïdes pour gagner sa vie, comme le font tant de cyclistes et d’athlètes professionnels de nos jours ? Voulez-vous qu’il soit obligé de vivre avec des doses quotidiennes d’antidépresseurs? Voulez-vous qu’il recoure aux anxiolytiques comme le font bon nombre de musiciens d’orchestres de musique classique tellement la pression les écrase?

Voilà un très bel exemple contemporain de l’œuvre de Big Mouth. Il est parvenu à vous faire croire que votre enfant va vivre dans un environnement tellement surchargé de compétitivité féroce dans vingt ans qu’il faut l’endurcir tout de suite et l’y préparer. Toutefois, est-ce vraiment ce que vous souhaitez pour lui? Est-ce le legs sociétal que vous avez envie de lui laisser? Ne pourriez-vous pas vous poser des questions avant d’endosser de telles insanités, contraires à ce à quoi un humain devrait être exposé? Voulez-vous le bonheur de votre enfant ou en faire une bête de cirque qui fait tout ce qu’on lui demande sans jamais s’opposer ?

Un livre que j’ai feuilleté récemment devrait achever de vous faire réfléchir : « Ces enfants que l’on veut parfaits », du Dr. Élizabeth Guthrie et de Kathy Matthews.

De leur côté, Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac, auteurs du « Coût de l’excellence », nous mettent aussi en garde : « La quête de qualité totale et de zéro défaut qui imprègne de plus en plus l’univers de l’entreprise s’étend désormais hors de ses frontières. Il s’agit de réussir sa vie, d’être performant en tout, bref, de gagner dans une société qui ne veut connaître que le succès et n’a que faire des perdants. […] Or, l’excellence a un coût: le stress permanent, les décompensations physiques et psychiques, la brûlure interne de ceux qui se consument dans l’obsession de la performance constituent la face cachée de cette course à la réussite. »

Les plus beaux exemples de ce genre de gâchis sont les Jeux olympiques et le vedettariat modernes. L’esprit olympien s’est vu complètement dénaturé par Big Mouth parce que ce ne sont plus des athlètes comme modèles inspirants que l’on admire, mais un combat de coqs de stéroïdes, de commandites et de nations qui se battent férocement pour une vitrine publicitaire internationale. Les quelques dizaines de médaillés reçoivent le tapis rouge, les journalistes et les offres de jouer dans une pub, tandis que les centaines d’autres athlètes qu’on savait apprécier auparavant pour s’être rendus là grâce à la sueur de leur front et à leur talent n’intéressent plus personne. Même les sportifs professionnels millionnaires qui, eux, possèdent une machine à sous qui les propulse jusque-là sont venus briser les règles du jeu, les chances égales ayant été anéanties.

Quant au système de vedettariat à la Hollywood, que chaque pays riche essaie piteusement d’imiter dans l’industrie du spectacle, le même mensonge y règne, la même manipulation à la Big Mouth s’y retrouve. On tente de vous faire croire que tout le monde a sa chance, alors qu’une infime fraction des aspirants sera sélectionnée par les producteurs. Pas toujours pour leur talent, mais surtout pour leur valeur marchande en tant que produit à potentiel commercial.

Le message est alors le suivant pour vos jeunes : « Tous les coups sont permis, il n’y a pas de limites pourvu que tu entres dans le panthéon des vedettes. » Petite élite de gagnants qui surplombe avec brio (?) la masse d’aspirants perdants que sont tous les autres, dont vous et moi.

L’excellence n’est pas donnée à tous, désolé. Seuls les excellents… excellent. Et puis après? Où est le problème? Vous ne serez pas nécessairement malheureux ni ne deviendrez un vaurien parce que vous n’êtes pas excellent en mathématique. Vous disposez sûrement d’un autre talent qui vous fait éprouver de la fierté et grâce auquel réussir et atteindre vos buts sera possible. Vous êtes peut-être très bon en relations humaines, dans les arts, dans les affaires, ou dans n’importe quel autre champ d’activité que vous aimez.

Si vous voulez vous déprogrammer le cerveau de ce mythe de l’excellence ou rien, apprenez à valoriser vos succès, aussi petits soient-ils. Ils valent gros, car ce sont les vôtres. Personne n’a le droit de vous les enlever ni le mérite qui va avec eux. En fait, essayer, c’est déjà beaucoup.

« L’important, ce n’est pas ce qu’on réussit, c’est ce qu’on essaie. » Ce n’est pas de moi, mais de Marcel Achard, auteur dramatique français. Ça ramène les idées sur terre.

La suite (de cette pensée qu’on n’a pas l’habitude d’entendre) ……….. Demain.

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