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Extrait du livre TOXIC de William Reymond :

« Le doute n’était plus permis. La similarité parfaite. Les résultats de novembre corroboraient ceux de juin.

Chensheng Lu, lui, se montrait perplexe.

Peut-être, après tout, s’agissait-il d’un échantillon d’exception ? D’une étrangeté scientifique.

Peut-être…

Mais restaient les chiffres. Et Lu, en passionné de mathématiques, ne pouvait les ignorer. Après tout, l’ensemble de son travail tournait autour d’eux. En réalité, Chensheng Lu était obsédé par leur utilisation. Il était même persuadé que placés dans la bonne problématique, ils étaient la solution à nos problèmes.

Alors, peut-être, finalement, tout cela avait-il un sens. ?

Peut-être Lu venait-il de mettre à jour un véritable phénomène ?

Une découverte qui, pour l’heure, le dépassait.

Il fallait pourtant, désormais, le confirmer.

Et si Chensheng Lu avait raison, alors il venait de trouver la réponse.

Chensheng Lu, chercheur à l’université de l’État de Washington (Lu a depuis rejoint la Rollins School of Public Health de l’université d’Emory en Géorgie), est spécialisé dans les effets des polluants chimiques sur le corps humain. En 1998, celui que ses collègues américains avaient rebaptisé « Alex », venait de trouver le moyen de concilier sa rigueur scientifique et sa volonté de réflexion hors des sentiers battus.

Depuis quelques années, Lu se consacrait à la présence récurrente des pesticides, et plus particulièrement des organophosphates, dans nos organismes. Cinq ans plus tôt, il avait lu le rapport du National Research Council (NRC) qui révélait que les enfants étaient les premières victimes de l’utilisation en agriculture de ces produits chimiques. Il avait donc choisi de se pencher sur la question et Seattle lui paraissait le terrain de recherche parfait. Parce que le sud de la ville, du côté du King County, était fortement peuplé et urbanisé, tandis que le nord se montrait plus rural, avec des fermes proches.

Cette géographie particulière avait donné une idée au chercheur : s’il comparait des échantillons d’urine des enfants vivant dans les deux zones, il parviendrait à savoir si ceux demeurant à proximité d’une zone agricole étaient plus exposés ou pas à la pollution.

Au printemps et à l’automne 1998, saisons de forte utilisation des pesticides, Lu et son équipe réussirent, avec l’aide des parents, à recueillir des échantillons provenant de 110 enfants âgés entre deux et cinq ans. Sans surprise, la présence de métabolites de pesticides se vit établie.

L’inattendu, en revanche, ce fut de voir que ceux élevés en milieux urbains présentaient un taux plus élevé que les autres. Lu l’expliqua par deux facteurs. Primo parce que les pesticides se trouvaient aussi en ville, des parcs publics aux moquettes traitées contre les insectes, secundo – et surtout – comme l’avait avancé le NRC en 1993, parce que la nourriture représentait la principale source de contamination.

Certes, Chensheng savait que ces taux étaient considérés comme tolérables. L’ennui, c’est que sur un organisme en devenir comme celui d’enfants, de faibles quantités multipliées par 365 jours ne pouvaient rester sans effet.

Un autre résultat capta l’attention de Lu. Tous les enfants de Seattle avaient des métabolites. Tous… sauf un. En juin comme en novembre, ses échantillons s’étaient révélés négatifs, ses urines ne contenaient aucune trace de ces substances nocives. Et Lu devait maintenant comprendre pourquoi.

La réponse s’avéra aussi surprenante que logique. Les parents de cet enfant non contaminé cuisinaient exclusivement des produits bio. Leurs fruits et légumes ne provenaient pas de l’agriculture industrielle mais de fermes certifiées organic*(terme américain désignant les produits issus de la culture biologique). Un choix parental dicté par la volonté clairement affichée de prévenir de tels risques.

Les questions se bousculèrent toutefois dans l’esprit de Chensheng Lu. Comment prouver que cette nourriture était précisément à l’origine de ces résultats négatifs ? Peut-être, après tout, l’enfant présentait-il une particularité biologique ? En outre, si une alimentation bio garantissait l’absence de pesticides dans les urines, combien de temps fallait-il pour arriver à un tel résultat, l’enfant en question n’ayant jamais consommé d’aliments à la présence de résidus chimiques établie ?

Mathématiquement, le challenge était excitant. Il fallait « seulement » établir le modèle le mieux adapté.

Pour réussir, il restait à sortir du cadre étriqué d’un laboratoire, dans la mesure où, si reproduire la situation sur un cobaye animal s’avérait possible puisque nous partageons l’essentiel de l’ADN du rat, les porte-parole de l’agriculture industrielle en profiteraient pour se répandre dans les médias, pour réduire à néant ses recherches par des procédés de communication habiles et longuement éprouvés.

Aussi Chensheng Lu envisagea une autre approche. D’abord, recruter une vingtaine d’enfants de trois à onze ans issus des écoles publiques de Seattle. Des écoliers qui consommaient uniquement de la nourriture ne provenant pas de l’agriculture biologique. Puis, pendant quinze jours, matin et soir, leurs parents allaient être mis à contribution pour prélever leurs urines. Ces deux semaines seraient divisées en trois phases. Durant les première et dernière, d’une durée de cinq jours, les volontaires mangeraient seulement des produits conventionnels, type pâtes, fruits, légumes, viandes, céréales, chips, pop-corn, pain, jus de fruit… Et dans l’étape intermédiaire, pour qu’il n’y ait pas un changement de régime, de modification du mode alimentaire, ils se nourriraient des mêmes ingrédients, mais cette fois certifiés bio.

Par sécurité, Lu fit vérifier la totalité des aliments bio afin d’être certain que leur certification ne soit pas erronée et qu’ils ne contiennent pas de pesticides.

Enfin, et afin d’éviter toute contestation, les analyses seraient effectuées à Atlanta, au quartier général des CDC.

Lu avait pensé à tout, il lui fallait désormais attendre.

Les résultats furent sans appel. Au soir du premier jour de consommation de nourriture bio, les métabolites « diminuèrent pour atteindre un niveau non détectable ». L’absence de pesticides dans les urines des enfants fut une constante pendant l’ensemble de la période, mais les métabolites réapparurent « dès la réintroduction d’une alimentation conventionnelle ».

La conclusion de Lu s’imposait. Le premier, il venait de prouver qu’un « régime alimentaire bio fournissait un effet protecteur immédiat et spectaculaire contre les pesticides organophosphatés utilisés fréquemment dans la production agricole ».

En démontrant également que le taux de pesticides dans l’organisme dépendait directement de notre alimentation, le chercheur bousculait le cadre du débat. Alors que – et à juste titre – d’Al Gore à Nicolas Hulot, on évoque surtout les pollutions de l’environnement, ce scientifique sérieux attestait que le plus grand péril se nichait dans notre assiette.

Mieux, en plus de nous alerter, cette étude offrait une solution.

Avec un enjeu de taille. Lu écrivait d’ailleurs : « L’existence persistante de métabolites de pesticides organophosphatés dans l’urine lors des périodes où l’alimentation était conventionnelle soulève de graves questions quant aux risques chroniques liés à cette exposition […] Les enfants dont l’alimentation est constituée de produits issus de l’agriculture biologique auront une probabilité plus faible de développer des problèmes neurologiques, un résultat commun des pesticides organophosphatés ».

La base de données Findarticles.com regroupe plus de dix millions d’articles de presse parus dans les médias américains. Soucieux de voir comment les travaux de Chensheng Lu avaient été traités, j’y ai effectué une recherche. Résultat : six réponses. Trois issues de publications scientifiques ignorées du grand public, une d’un magazine spécialisé dans les médecines alternatives, une autre trouvée dans un quotidien de Chicago – trois lignes – et le dernier, un encadré du magazine Parents.

Je me dis qu’il devait y avoir une erreur. Que la démonstration de la manière de préserver la santé de nos enfants ne pouvait pas avoir seulement suscité l’intérêt de six publications. Pour en avoir le cœur net, j’ai plongé dans la plus grande base de données au monde, Nexis. Où, en provenance de plus de 32 000 sources, les professionnels peuvent bénéficier d’un fonds de 6 milliards d’articles ! Où on peut en outre élargir sa requête à la télévision, source d’information privilégiée de la majorité des terriens. Résultat ? Zéro. Selon Nexis, il n’y a pas eu un seul sujet consacré aux découvertes de Lu. Heureusement, les 6 milliards d’histoires de la presse écrite allaient évidemment combler cette carence, me disais-je.

Après quelques secondes d’attente, la page s’afficha. Cette fois, il y avait huit références. Les six premières semblables aux articles de findarticles.com. Les deux autres provenant à la fois du quotidien concurrent de Chicago et du Los Angeles Time.

Le silence n’est pas la pire des insultes. Car il faut savoir que dans la période où les médias ignoraient les découvertes de Chensheng Lu, ils nous abreuvaient d’autres histoires. Bien moins compliquées et beaucoup plus amusantes.

Après tout, peut-être avais-je fait fausse route et l’essentiel se trouvait-il ailleurs ?

Peut-être Britney Spears, l’inoubliable interprète du titre Toxic, constituait-elle le meilleur antidote aux maux de notre société ? En tout cas, se polariser sur ses dessous et ses soirées alcoolisées, comme sur bien d’autres sujets plus que secondaires, était le meilleur moyen d’ignorer la réalité du monde dans lequel on vit. Et de détourner inconsciemment ou pas l’attention du public. Mais l’effet le plus décourageant était ailleurs : submergée par les réponses positives concernant Britney, la base de données Nexis se bloquait, me demandant, sans en saisir l’ironie, d’affiner mes recherches afin de pouvoir afficher ses résultats. »

Suite et fin ….. demain

Dr BUENOS : L’histoire incroyable des constatations non diffusées de Chensheng a joué un rôle important dans ma décision de relater en détail TOXIC, le livre de William Reymond.

Si l’enquête de William REYMOND vous a intéressé, sachez que tout ce qu’il avance comme chiffres, comme faits, comme affirmations est étayé de références précises et vérifiables que vous retrouverez dans son livre que je vous engage à acheter.

Quand à Chensheng, voici les références de ses articles originaux :

reférence :

  • Chensheng Lu, Dianne E. Knutson, Jennifer Fisker-Andersen, Richard A. Fenske, Biobgical Monitoring Survey of Organophosphorus Pesticide Exposure at Preschool Children in the Seattle metropolitan Area, Department of environmental Health, University of Washington, Seattle, Washington. Cité dans Environmental Health Perspectives, volume 109, n° 3, mars 2001.
  • In « Organic Diets significantly lower Chil¬dren’s Dietary Exposure to Organophosphorus Pesticides », Environmental Health Perspectives, volume 114, number 2, février 2006.

 

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