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viande « enrichie »

Extrait de Toxic, le livre de William REYMOND :

« Le secteur de la viande a toujours été confronté à une équation commerciale difficile à résoudre : accroître les profits tout en garantissant au consommateur les prix de vente les plus bas possibles. En amont, l’intensification de l’élevage industriel a résolu une partie du problème ; puis l’irradiation a permis de limiter les cas d’intoxication et les coûteux rappels de marchandise qu’ils engendrent, tout en allongeant de plusieurs jours la « vie » du produit dans les rayons des supermarchés.

Mais il fallait aller plus loin encore. Les têtes pensantes du marketing ont donc trouvé une nouvelle idée : la viande préemballée.

Une fois encore, le concept est brillant : le steak est découpé et emballé dès l’abattoir dans des containers individuels en plastique standard. Pour la grande distribution, cette invention est une bénédiction. D’abord, l’uniformisation des formats permet un stockage et une mise en rayon plus aisés. Ensuite, les commerces n’ont plus besoin de payer une équipe de bouchers professionnels. Économie de temps et de main-d’œuvre, la panacée ! En deux ans à peine, Wall Mart, la plus grande chaîne de supermarchés du monde, est d’ailleurs arrivée à 100% de viande préemballée. Les autres distributeurs suivent, puisque 60 % des vendeurs de viandes aux États-Unis recourent à cette méthode.

Autre atout, comme le produit est déjà conditionné, l’industrie de la viande peut le vendre un peu plus cher aux chaînes de supermarchés, donc augmenter son profit sans toucher directement au porte-monnaie du consommateur. La conséquence inévitable est qu’on lui propose alors des produits dérivés tout prêts, à base de viande « enrichie ».

Ce terme est une invention sémantique de commerçants désireux de camoufler leur mercantilisme derrière un vocabulaire positif. Il s’agit en fait, sous couvert d’offrir des morceaux plus goûteux, de traiter la viande avant emballage en la passant dans un bain d’eau, de sel et de phosphate de sodium, mélange qui augmente artificiellement son poids. En moyenne, la solution miracle représente 12 % de la masse pesée. Si bien que le consommateur, sans le savoir, achète un produit constitué pour un dixième d’eau salée. Les professionnels, pour justifier cette pratique, se retranchent derrière un pseudo-désir du public : « Nous avons en moyenne une préférence de 65 à 70 % pour le produit enrichi parce qu’il est plus tendre et plus juteux ». Une attirance qui n’a aucun rapport avec la qualité même de la viande, mais provient du sel et du phosphate de sodium utilisés, lesquels entraînent une exsudation des jus plus prononcée, ce qui procure l’impression de meilleur goût. Les papilles gustatives de l’homme appréciant l’arôme du sel, on lui en donne à satiété.

Si la viande « enrichie » constitue un grand pas vers des profits plus juteux encore, ce secteur est tracassé par une autre source de dépenses. Un chiffre colossal : chaque année, environ 1 milliard de dollars de marchandise est invendu. À cause d’une durée de conservation trop courte dans les rayonnages et d’une tendance naturelle de la viande à brunir.

Heureusement, grâce au monoxyde de carbone, ces désagréments seront bientôt de l’histoire ancienne.

En février 2005, Tyson Foods, géant de l’agroalimentaire, a inauguré son usine ultramodeme de Sherman, située à une centaine de kilomètres au nord de Dallas. Cette unité, dont le coût dépasse 100 millions de dollars, est spécialisée dans « l’atmosphère modifiée » énième terme inventé par les spécialistes de la communication pour rendre politiquement correcte une pratique très particulière.

L’usine texane traite uniquement la viande préemballée. Avec du gaz. Avant de sceller l’emballage, une machine gaze en effet le morceau. Avec un mélange associant du monoxyde de carbone, du dioxyde de carbone et de l’azote. Une décoction soi-disant sans danger pour le consommateur puisque s’évaporant à la cuisson. Cette technique étant récente, les travaux indépendants la concernant n’existent pas encore. Il faut donc – même si cela est extrêmement difficile – accorder crédit aux assertions d’innocuité proférées par les industriels.

Le gaz possède deux énormes avantages. D’abord, il allonge considérablement « l’espérance de vie » du morceau de viande, lequel peut rester jusqu’à deux semaines en rayon alors qu’une entrecôte non traitée voit sa date limite de consommation dépassée après quatre à cinq jours. Ensuite, au contact de la viande, le gaz déclenche une réaction chimique ; il attise et fixe la couleur du morceau qui garde sa teinte rouge vif, appréciée des consommateurs.

Pour se convaincre de l’efficacité du procédé, il suffit de faire une expérience à la portée de tous : placer à l’air libre et pendant 24 heures deux morceaux. L’un normal et l’autre gazé. Après une journée, la différence est flagrante. Le morceau sans C02 est devenu marron. L’autre ? Il n’a pas bougé. Comme si on venait de le sortir de son emballage, il arbore un rouge toujours aussi puissant, toujours aussi appétissant.

Appétissant… Voilà le problème de la « viande au gaz ». Depuis toujours, c’est l’aspect d’un steak qui détermine son achat et sa consommation. Nous refusons d’acheter tout morceau qui a bruni parce qu’à l’œil il ne nous semble pas comestible, parce que nos sens prennent le pas sur notre raison. Les professionnels sont donc parvenus à tromper notre instinct en proposant des produits d’apparence perpétuellement impeccable. Une « opération fraîcheur » qui s’avère d’autant plus efficace que la FDA ne considère pas le gaz comme un colorant. L’industrie n’a aucune obligation d’informer le consommateur de cette pratique.

Il existe un autre revers, grave, à ce qui est présenté comme un progrès. Un effet de cette technique qui a exaspéré Barbara Kowalcyk, la mère de Kevin, décédé comme on l’a vu dans d’atroces souffrances suite à une contamination par l’E.coli 0157:H7.

En mai 1999, une étude a prouvé de manière incontestable que la viande traitée au gaz conservait son aspect rouge vif même lorsqu’elle était devenue impropre à la consommation.

Cette maman est désormais convaincue que l’industrie agroalimentaire, en trompant le regard, ce sens qui motive l’achat, place le consommateur en situation de risque. Surtout quand on sait que le C02 détruit la bactérie responsable des premiers signes visibles de détérioration des produits, mais pas celles qui se montrent réellement dangereuses pour la santé.

Sans surprise, les avocats défendant l’industrie de la viande répliquent à ces arguments que la couleur n’est qu’un indice parmi d’autres et que c’est au consommateur d’être vigilant, d’examiner l’étiquette, d’observer l’aspect de la boîte et de déterminer l’odeur du produit.

En bref, l’agroalimentaire abat une fois encore la carte de la responsabilité individuelle pour masquer ses propres excès. »

La suite ………. demain.

 

 

 

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