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eau et pesticides

Extrait de Toxic, le livre de William Reymond :

« En 2001, l’USDA effectua une enquête nationale sur les pesticides contenus dans la viande de bœuf. L’ambitieux programme testa trois cents échantillons différents, aussi bien au niveau du foie, des muscles que du gras. Les biologistes du ministère de l’Agriculture découvrirent un seul résidu dans les muscles et aucun dans le foie. Le gras, en revanche, qui donne tout son goût au hamburger, n’était pas aussi pur. Les analyses révélèrent en effet la présence de pesticides autorisés par la législation dans douze échantillons. Mais surtout, plus d’une centaine d’autres étaient contaminés par des pesticides interdits parce que dangereux pour l’homme.

Depuis l’apparition de l’agriculture moderne, les pesticides ont envahi notre quotidien. La preuve, le 20 août 2006, dans la torpeur de l’été, l’Institut français de l’environnement (IFEN) publiait une synthèse sur leur présence dans les eaux. Le communiqué de presse qui accompagnait le rapport ne laissait aucune place au doute : « Les analyses de pesticides dans le milieu naturel (eaux superficielles et souterraines), réalisées sur plus de 10 000 stations de surveillance, ont été collectées auprès des gestionnaires des réseaux d’observation en 2003 et 2004.

Elles révèlent que la contamination concerne l’ensemble du territoire (métropole et DOM) et touche aussi bien les eaux superficielles que les eaux souterraines, préférentiellement au niveau des zones anthropisées par l’agriculture et l’urbanisation.

En 2004, les pesticides sont présents dans 96 % des points de mesure retenus [les] eaux superficielles et dans 61 % de ceux concernant les eaux souterraines. Les niveaux de contamination sont souvent significatifs : en eaux de surface, 49 % des points de mesure ont une qualité moyenne à mauvaise et en eaux souterraines, 27 % des points nécessiteraient un traitement spécifique d’élimination des pesticides s’ils étaient utilisés pour la production d’eau potable. Ces valeurs sont très proches de celles figurant dans le sixième bilan annuel des pesticides dans les eaux, relatives à l’année 2002 ».

La dernière phrase illustre la position délicate du gouvernement français. Car la situation l’oblige à jongler avec les préoccupations écologiques d’une partie croissante de ses concitoyens et une réalité peu médiatisée : la France est le troisième consommateur mondial d’insecticides, fongicides et herbicides.

En réfléchissant bien, on constate que le rapport s’avère fort critique et inquiet face à l’évolution de l’eau française. Que cela soit dans les eaux superficielles ou les nappes phréatiques, le nombre de molécules chimiques relevées est en augmentation. Les deux produits les plus fréquents sont l’atrazine, interdit depuis 2001 à cause de son effet carcinogène, et le glyphosate, un composant essentiel du Round-Up. Cette présence massive de pesticides contribue à une qualité de l’eau jugée « moyenne à mauvaise » sur 49 % du territoire. Un fait qui met en péril la vie aquatique et, à terme, peut entraîner la constitution de zones mortes, mais qui, en outre, rend la consommation d’eau potable impossible sans traitement préalable.

Les pesticides n’ont donc pas seulement conquis le gras des bœufs, ils ont aussi colonisé l’eau. Pis, ils se sont durablement installés dans nos assiettes. Avec, comme premières victimes, les enfants.

En 1993, le National Research Council se pencha sur la vulnérabilité des enfants aux substances chimiques après avoir constaté que les chiffres de tolérance utilisés par les organismes de régulation étaient généralement fondés sur des adultes. Les conclusions de son rapport ne s’avérèrent finalement pas surprenantes : les enfants sont plus exposés que leurs parents.

Il y a diverses raisons à cela. D’abord, comparativement à leur masse corporelle, ils mangent plus que les adultes. Ensuite, leurs systèmes nerveux et cérébral n’étant pas encore complètement développés, ils sont plus sensibles aux doses même faibles de pesticides.

Sept années plus tard, alors que l’administration Clinton puis celle de George W. Bush s’étaient engagées de leur côté à protéger les petits Américains, l’Environmental Working Group, association pour la protection de l’environnement, révélait l’ampleur des dégâts et comment les pesticides gangrenaient le régime alimentaire des enfants : ’ « Plus d’un quart de million d’enfants âgés de un à cinq ans mangent chaque jour plus de 20 pesticides. Plus d’un million d’enfants âgés de un à cinq ans ingèrent chaque jour au moins 15 pesticides. Au total, vingt millions d’enfants âgés de un à cinq ans mangent chaque jour au moins 8 pesticides ». Au final, chaque année, un enfant consomme plus de 2 900 résidus toxiques issus des pesticides utilisés dans l’agriculture moderne.

Une vérité d’autant plus effrayante que les produits liés à cet empoisonnement sont des classiques de l’alimentation européenne. En pôle position, comme véhicules parfaits de ces substances toxiques, on trouve en effet les pommes, les épinards, les pêches, les poires, les fraises, le raisin importé du Chili, les pommes de terre et les haricots verts. Rappelons-le : la France est le troisième pays au monde consommateur de pesticides. Il n’y a donc aucune raison que les chiffres américains ne s’appliquent pas chez nous de manière tout aussi impitoyable.

Les docteurs Philippe Grandjean et Philip Landrigan de la Harvard School of Public Health sont deux des plus importants spécialistes du sujet. Le 7 novembre 2006, The Lancet publiait le résultat de leurs recherches sur ce qu’ils nomment une « épidémie silencieuse ». Analysant les effets sur les enfants de 202 produits chimiques, dont une majorité de pesticides, ces chercheurs concluaient que, même à petite dose, ils sont responsables de millions de problèmes neurologiques chez des jeunes sujets partout dans le monde, type retards mentaux, troubles de l’attention, paralysies cérébrales… Et de déplorer, comme en 1993, que « les régulations actuelles ne protègent toujours pas les enfants ».

En vérité, il est très difficile d’échapper aux pesticides parce qu’ils apparaissent à tous les niveaux de la chaîne alimentaire. La viande, l’eau mais aussi le lait, les huiles, les céréales, le pain et les pâtes. Et dans cette litanie, les légumes et les fruits occupent une place peu enviable.

 

 

 

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