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Extrait de Toxic, le livre de William Reymond. Nous poursuivons aujourd’hui l’explication historique concernant la politique américaine des années 70. Cette politique a et aura d’énormes conséquences au niveau mondial, mais ça nous le verrons au fur et à mesure.

« Les premières mesures de Butz n’eurent rien de spectaculaire. L’USDA actionna les mécanismes du marché afin de tenter de faire remonter le prix du grain. Quelques terrains supplémentaires furent déclarés impropres à la culture, afin de limiter la production et, grâce à des millions de dollars, le gouvernement tenta de maintenir un prix plancher acceptable… mais artificiel. En coulisses, Butz préparait pourtant un coup d’éclat. Depuis des semaines, en pleine guerre froide, il menait des négociations secrètes avec son homologue soviétique. L’URSS de Gromyko n’avait pas été épargnée par les mauvaises conditions climatiques et manquait de blé. Le cours du dollar était attractif et, surtout, le gouvernement de Nixon prêt à tout afin d’apaiser la colère de ses agriculteurs. On pouvait donc discuter avec le « diable communiste ».

Les discussions avaient débuté dans la plus grande discrétion en mars 1972. Le 2 juillet, les acheteurs soviétiques se trouvaient à Washington, paraphant un document historique. . Entre juillet et août 1972, les États-Unis vendirent 440 millions de boisseaux de blé à l’Union soviétique. La transaction portait sur 700 millions de dollars, soit « plus que la totalité des exportations commerciales de blé pour les douze derniers mois. Les ventes équivalaient à 30 % de la production annuelle américaine […] et plus de 80 % du blé utilisé pour la consommation des ménages sur cette période. La vente impliquait une série de transactions subventionnées puisque le gouvernement américain avait mis à la disposition de la Russie un crédit de 750 millions de dollars ».

Le deal avait de quoi donner le tournis. Butz venait de vendre la presque totalité du blé américain propre à la consommation aux ennemis de longue date, les Russes. Et le contribuable devait payer la note en attendant un remboursement de Moscou pour le moins hypothétique. Mais il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Le patron de l’USDA, le sourire aux lèvres, ne se voulait-il pas rassurant ? À l’entendre, l’agriculture moderne devait jouer sur deux fronts : l’importation et l’exportation. Et, avec Butz aux commandes, rentrait de plain-pied dans l’ère de la mondialisation.

Le 5 juillet 1972, la première cargaison de blé américain arriva à Moscou. Et immédiatement, comme prévu par Butz, le prix du blé aux États-Unis se mit à monter. Mieux, il entraîna dans son sillage celui du maïs, du soja et du bétail.

À la Maison-Blanche, Nixon savourait sa manœuvre. D’ici la fin de l’année, les agriculteurs américains constateraient un substantiel accroissement de leurs revenus.

En vérité, tout était plutôt une question de perspective. Car les éleveurs de porcs, eux, voyaient par exemple d’un mauvais œil cette soudaine flambée de la principale source d’alimentation de leur bétail. Ce qui les conduisit à augmenter le prix de leur viande. Autre répercussion dramatique, celle qui toucha les fermiers spécialisés dans les volailles. En septembre, deux mois après l’annonce de la transaction, quelques agriculteurs préférèrent en effet abattre la totalité de leurs poulets plutôt que de continuer à les nourrir à perte.

Mais puisque Butz avait opté pour ce que l’on n’appelait pas encore la mondialisation, il fallait en payer les conséquences. Le cours du dollar étant au plus bas, il fut impossible d’empêcher les autres puissances de faire leur marché dans les stocks de grain américains, ce qui mit assez vite en péril les réserves destinées à la population. Une catastrophe n’allant jamais seule, des aléas climatiques au Pérou vinrent se greffer à la crise. La production de poissons d’élevage, source de protéines du bétail américain, fut largement réduite par les conditions météorologiques. Les éleveurs des États-Unis durent se rabattre sur le maïs, qui devint hors de prix et, bien évidemment, essayèrent de se rattraper sur le prix de la viande. La transaction de Butz avait donc déclenché un cycle infernal. « À la fin de l’année 1972, les prix de la nourriture avaient fortement augmenté. Le prix du blé avait presque triplé durant les douze mois précédant août 1973. Le prix du maïs et du soja plus que doublé. Le prix du bovin, du porc et de la volaille augmenté, eux, respectivement de 55, 102 et 153 %. »

En bout de course, c’est le consommateur américain qui réglait l’addition : 29 % de hausse des prix de la nourriture en un an ! La presse américaine se déchaîna évidemment contre le gouvernement Nixon : « Les consommateurs ont une excellente raison d’être en colère. L’accord a entraîné une pénurie de grains aux États-Unis qui entraîne à la hausse le prix du pain, de la viande, du beurre et des laitages ».

Nixon désirait un an plus tôt éviter la colère des agriculteurs, mais maintenant, il lui fallait affronter celle de tout un pays. D’est en ouest, les mères de famille américaines manifestaient devant les supermarchés. Les rayons vides se multipliaient. La valse des étiquettes persistait. Pour la dernière fois de leur histoire, les États- Unis vivaient une crise alimentaire.

Devant la menace de la rue, le président exigea des réactions rapides. Une nouvelle fois, Butz détenait la solution. Elle était radicale et révolutionnaire.

La suite ……demain.

 

 

 

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