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Par Gabon review

Accusée de détruire l’environnement et de favoriser l’obésité, l’huile de palme est aujourd’hui sur le point d’être très fortement surtaxée en France. Sous le sobriquet d’amendement «Nutella», ce qui semble n’être qu’une anecdote amusante s’avère soulever des questions de fonds à l’heure où les industriels investissent lourdement dans la production d’huile de palme, en Afrique en particulier.

Difficile au Gabon de ne pas connaître l’huile de palme. D’abord parce que «l’huile rouge» est un composant de base de la cuisine locale, ensuite parce que l’essentiel des investissements agricoles les moins polémiques portent justement sur les plantations de palmier à huile de Siat Gabon et Olam.

Dans l’industrie, l’huile de palme s’est rapidement imposée comme le produit miracle. Elle renforce le craquant et croustillant des biscottes, elle apporte une texture fondante à la pâte à tartiner et elle prolonge les émulsions, le tout sans polluer le goût des aliments qu’elle compose. Dans les cosmétiques, on la trouve aussi partout. Elle permet au savon ou au shampooing de mousser plus longtemps et fait mieux pénétrer le rouge à lèvre ou les crèmes hydratantes dans la peau. Ses vertus anti-oxydantes, idéales pour la longue conservation, sont aussi appréciées. La WWF a estimé qu’il y avait environ un produit sur deux dans le monde qui contiendrait de l’huile de palme. Bref, c’est le corps gras efficace et très bon marché : le beurre est six fois plus cher. L’huile d’olive est deux fois plus chère. Même les huiles de tournesol et de colza ne peuvent rivaliser.

La proposition d’un sénateur socialiste, Yves Daudigny, jusqu’alors totalement inconnu, a fait l’effet d’une bombe dans les milieux concernés. Des milieux beaucoup plus larges et puissants que les parlementaires français pouvaient l’imaginer.

Dans un premier temps, la proposition du sénateur s’appuyait sur une récente étude scientifique accusant l’huile de palme de favoriser l’obésité et les maladies cardio-vasculaires, deux fléaux des pays industrialisés. A cette étude, s’ajoute les critiques formulées depuis des années par les divers mouvements écologistes accusant les plantations de palmier à huile d’accélérer la déforestation, et les exemples de l’Indonésie et de la Malaisie leurs donnent tout à fait raison. D’ailleurs, au niveau mondial, ces deux pays dominent très largement le marché, avec 85 % de la production planétaire. Avec près d’un million de tonnes produites par an, le géant démographique africain fait pâle figure par rapport à l’Indonésie, premier producteur mondial avec plus de 20 millions de tonnes par an.

L’indignation des producteurs africains

Rapidement, l’Initiative for Public Policy Initiative (IPPA), un groupe de réflexion du Nigeria, a écrit à plusieurs responsables de grandes surfaces françaises pour protester contre la «campagne menée par des détaillants français contre les petits exploitants africains d’huile de palme. (…) Vous avez fait chuter leur revenu, critiqué leur moyen de subsistance et injustement nui à la réputation du produit qu’ils cultivent». 50 ans après les indépendances africaines, «on voit resurgir le spectre d’un comportement colonialiste, que l’on croyait révolu, dans votre campagne contre l’huile de palme». Ils rappellent qu’elle est l’huile alimentaire «la plus abordable et la plus largement commercialisée au monde» et constitue l’huile au meilleur rendement mondial par surface cultivée. En clair, ils affirment que l’huile de palme, produite dans les pays tropicaux, menace moins les forêts que le tournesol et le colza, notamment cultivés en France…

L’IPPA conteste aussi la nocivité de l’huile de palme. Riche en nutriments, avec des taux très élevés en vitamines A et E, elle est d’un apport essentiel aux populations pauvres, notamment en Afrique. D’autre part, il faut reconnaître que si la France, et plus généralement l’Europe, entend lutter contre les aliments néfastes à la santé, l’huile de palme n’est pas, et de loin, une priorité. L’industrie agroalimentaire produit en quantité des «acides gras trans» que l’on retrouve dans la quasi totalité des plats préparés et dans la pâtisserie ou la boulangerie industrielle en particulier, dangereusement cancérigènes et suffisamment étudiés pour être considérés comme réellement nocifs. Quid de l’huile de Tournesol, largement produite en Europe et vantée à longueur de publicité, qui poserait les mêmes problèmes sanitaires que l’huile de palme ? En fait, ce sont les usages industriels, et en particulier les produits transformés des huiles végétales qui, consommés en grande quantité, poseraient problème. Sans parler des récentes polémiques sur l’Aspartam, les sels d’aluminium ou les pesticides omniprésents dans la nourriture occidentale.

Alors pourquoi tout ce remue ménage sur l’huile de palme ?

Sur le fond, les Verts ont raison, en particulier lorsqu’ils pointent du doigt le Cameroun et les massacres sylvicoles qu’ont perpétré certaines entreprises, en particulier la société américaine Herakles. Si dans les années 60, le Nigeria était le premier producteur mondial, et si l’huile de palme est un produit typiquement africain, lorsque la culture est devenue vraiment rentable, tirée par les formidables croissances économiques et démographiques de la Chine et de l’Inde, l’Asie a rapidement supplanté l’Afrique. Or, les exploitations géantes déployées à la hâte en Indonésie et en Malaisie ont réellement saccagé les forêts primaires de ces pays, les détruisant à jamais.

Dans ce contexte, la vigilance reste de mise face à des multinationales qui pratiquent la course au profit immédiat et la politique de la terre brûlée. La biodiversité n’est pas seulement un hobby pour désœuvrés fortunés, et il est important de préserver l’habitat des gorilles, des pangolins et des abeilles. L’avenir de notre planète est indissociable la défense de l’environnement. Mais comme l’affirme Adrien Hart, journaliste spécialiste de l’Afrique, notre continent «ne doit pas être la “réserve naturelle” des Occidentaux, hyperindustrialisés, dévorés par un immense sentiment de culpabilité post-colonialiste et brusquement passionnés par l’écologie dans les pays du sud. Le continent africain doit rapidement se développer pour tirer de la pauvreté des centaines de millions d’habitants. Oui, l’Afrique devra couper des arbres. Comme l’ont fait avant elle l’Europe, les États-Unis et la Chine lors de leurs révolutions industrielles».

Reste que si la France adopte définitivement ce texte de loi et qu’elle est suivie, comme c’est probable, par les autres pays occidentaux, c’est l’ensemble de la filière de l’huile de palme qui sera menacée, en Afrique en particulier puisque les pays asiatiques continueront d’importer l’essentiel de leurs besoins des pays de leur zone. Lors de sa campagne pour les primaires du PS, Arnaud Montebourg avait assuré : «L’Union européenne s’orientera rapidement vers une interdiction de l’huile de palme.» Dans l’hypothèse d’une taxation généralisée de l’huile de palme, les industriels chercheront activement un produit de substitution et les petits producteurs africains ayant lourdement investi dans leurs plantations en seront pour leurs frais. On s’étonne juste du silence du Gabon sur une affaire qui devrait pourtant l’intéresser au plus haut point.

Article original : http://gabonreview.com/blog/la-taxe-nutella-un-amendement-neocolonial-contre-lhuile-de-palme

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