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Extrait de Toxic Food de William REYMOND :

 » Les États-Unis venaient de changer.

Huit années de mandat George W. Bush, une économie en lambeaux et une guerre sans fin avaient convaincu les Américains de la nécessité de rejeter les idéaux du parti républicain. Barack Obama était entré à la Maison-Blanche crédité de l’aura d’un nouveau messie. Ce qui tombait à merveille, puisque le pays n’attendait rien de moins qu’un miracle.

Le programme du démocrate s’était articulé autour de deux concepts bien ancrés dans le rêve américain : le changement mais aussi l’espoir.

La promesse de lendemains qui chantent sont depuis toujours l’apanage du candidat en campagne. Obama, histoire de se démarquer de son adversaire, avait annoncé que le futur de l’Amérique passerait par une couverture sociale dévolue à chaque citoyen. Une vraie révolution.

Car il faut savoir que, quand il s’agit de remboursement des soins médicaux et malgré leur image de modernité, les États-Unis ont un siècle de retard sur l’Europe et le Canada. Un conservatisme qui crée une vraie fracture sociale entre ceux – la minorité – bénéficiant d’une assurance privée prenant en charge une partie des très onéreux frais médicaux et les autres, incapables de régler ne serait-ce qu’une visite chez le dentiste ou chez un médecin de famille… tant la moindre intervention exige une fortune.

Obama, lui, s’était engagé ; il deviendrait le premier Président à réussir là où Bill Clinton avait échoué : offrir à la totalité des Américains le droit à la santé.

L’adage l’affirme, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Cette vérité de Samuel Johnson1 n’a jamais eu autant de portée que depuis que Barack Obama s’est engagé sur la voie de la réforme. Il n’imaginait sans doute pas combien sa volonté de tenir cette promesse majeure lui attirerait d’ennemis.

Le démocrate doit d’abord affronter l’opposition de puissants lobbies. Parmi eux, ceux de l’industrie pharmaceutique qui se permet de vendre aux États-Unis le même produit qu’en Europe jusqu’à dix fois plus cher. Aussi, les grands laboratoires, craignant que le plan proposé par le Président incite à un recours plus fréquent aux médicaments génériques, moins coûteux, agissent en coulisses afin de torpiller le projet.

Il y a ensuite les représentants des compagnies d’assurances, inquiètes de la disparition d’un véritable filon puisqu’elles disposent du terrible pouvoir de déterminer seules de la prise en charge ou non d’un soin. Si, en France, c’est le médecin qui est décisionnaire et oblige la Sécurité sociale à payer dès lors qu’il s’agit d’un acte réglementé, aux États-Unis, la décision de rembourser n’est pas formalisée aussi précisément mais soumise au bon vouloir de sociétés privées. Inutile de décrire tous les refus et dérives que cela implique.

Pour compliquer la tâche présidentielle, ces lobbies comptent parmi leurs alliés un nombre conséquent d’élus des deux partis. Des démocrates et républicains sensibles à un argument massue : l’importance des moyens financiers pouvant servir à leurs futures campagnes. Des subsides et aides qui proviennent souvent des secteurs visés indirectement par la réforme. Dès lors, ce n’est plus le bien commun qui prédomine mais des intérêts particuliers. Dès lors encore, les étiquettes politiques ne veulent plus dire grand- chose. Un démocrate peut être tenté – poussé – à refuser d’accorder son vote à la volonté d’un Président lui-même démocrate. Les lobbies l’ont bien compris, recrutant large, afin d’empêcher la Maison-Blanche de trouver une majorité au Congrès et au Sénat.

Enfin, comme à chaque période où le statu quo est menacé, Barack Obama a vu se dresser contre lui « la machine à tuer » des ultra-conservateurs américains. Des écrans de Fox News aux ondes radio de Rush Limbaugh, cette nauséabonde caisse de résonance tente de convaincre le pays que toute visite remboursée chez le dentiste constitue un premier pas vers un régime communiste totalitaire ! Et que le Président est l’incarnation moderne et dangereuse du petit père des peuples.

En réalité, les prédictions apocalyptiques d’une Sarah Palin et les simagrées des extrémistes perturbant les débats publics en assimilant Obama à Hitler – on a vu des pancartes affichant des slogans de ce genre – étaient prévisibles. Chaque tentative de réforme de l’assurance sociale made in USA s’est heurtée aux mêmes tactiques.

La différence cette fois-ci tient au fait que Barack Obama était persuadé de pouvoir franchir les obstacles. Il savait que le labeur serait rude mais, avec le pragmatisme qui a caractérisé sa campagne présidentielle, le Président et ses conseillers suivent en fait une stratégie longuement mûrie afin de contourner les quelques pièges tendus par leurs opposants. Du reste, le camp républicain n’est pas dupe non plus : il n’ignore pas que la Maison-Blanche parviendra vraisemblablement à imposer aux récalcitrants la nécessité d’une véritable assurance sociale.

Reste qu’il convient de ne pas s’y méprendre : in fine le projet présidentiel ne ressemblera que de loin à celui ébauché au long de la campagne. Et si Obama a dû revoir ses ambitions à la baisse, ce n’est ni à cause de la stratégie de la terre brûlée du parti républicain, ni sous la contrainte du pouvoir financier des lobbies.

Non, si le président démocrate a dû changer son fusil d’épaule, c’est parce que en cours de route, sa volonté d’ouvrir la voie à une Amérique plus juste s’est heurtée à un obstacle que même la plus élaborée des tactiques n’a pu négliger. Une difficulté si massive qu’elle contraint la Maison- Blanche à s’adapter au « principe de la réalité ». Et c’est ainsi qu’au milieu du mois de juillet 2009, dans le silence feutré de l’été, les illusions de Barack Obama ont été emportées par une véritable lame de fond. »

Après cette mise en bouche, la suite ……….demain.

 

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