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Extrait du livre TOXIC FOOD, de William Reymond :

 » Les fermiers de la péninsule de Bjare, au sud- ouest de la Suède, n’avaient jamais rien vu de semblable. En septembre 1997, d’étranges phénomènes touchaient les animaux d’élevage. Le taux de mortalité des poissons élevés en bassins de culture s’affolait tandis que de nombreuses vaches mouraient brutalement après avoir subi une paralysie.

Rapidement, l’attention des habitants de la région se porta sur l’immense chantier de construction du tunnel ferroviaire de Hallandsâs. Une intuition correcte. Confrontée à de nombreuses fuites d’eau, la multinationale Skanska, en charge de l’ouvrage, avait utilisé plus de mille quatre cents tonnes de Rhoca-Gil, produit scellant destiné à rendre les voûtes étanches. Or le produit avait fui à son tour, polluant vingt-cinq réserves aquifères, contaminant l’eau de la région et, en bout de chaîne, empoisonnant le bétail.

Fabriqué par Rhône-Poulenc, le Rhoca-Gil avait déjà été évoqué comme responsable dans un incident similaire survenu quelques mois plus tôt en Norvège, lors de la construction de la ligne Gardermoen. Et le gouvernement norvégien avait décidé de bannir le scellant français.

Du côté de Bjare, avant même que l’enquête aboutisse, le groupe chimique français prit les devants et, le 22 octobre 1997, annonça qu’il cessait « la production et la commercialisation du Rhoca-Gil ».

Ce geste de bonne volonté avait-il été motivé par la colère des Suédois et notamment d’Anna Lindh, ministre de l’Environnement, décidés à poursuivre devant les tribunaux les responsables de cette catastrophe écologique ? D’aucuns l’avancent. D’autant qu’au début de l’affaire Rhône-Poulenc avait rejeté la responsabilité de cette pollution sur la multinationale Skanska et ses ouvriers suspectés de n’avoir pas respecté les instructions lors du mélange.

Quoi qu’il en soit, après cinq années d’instruction et d’expertises multiples, les tribunaux condamnèrent les deux compagnies. Le gouvernement suédois avait en effet réussi à prouver que le géant français de la chimie n’avait pas respecté le Lagen om kemiska produkter(« Loi sur les produits chimiques ». Loi votée en 1985), SFS 1985 : 4262, n’accompagnant pas son produit d’instructions mentionnant les dangers liés à son utilisation, dont certaines répercussions sur le système nerveux périphérique.

Quel est le rapport entre un tunnel en Suède, le Rhoca-Gil et la nouvelle malbouffe ?

Un produit chimique, utilisé dans l’industrie des plastiques et présent dans la formulation de la plupart des scellants. À savoir le 2-propénamide, dont la formule brute est C3H5NO et le nom usuel acrylamide. Or l’acrylamide apparaît dans de nombreux aliments.

C’est sous cette appellation qu’il figure dans les conclusions du comité mixte FAO/OMS, groupe d’experts étudiant les additifs alimentaires (JECFA) qui, en 2005, déclarait que cette molécule présentait un risque pour la santé humaine et jugeait l’acrylamide cancérigène.

Mais pour comprendre la portée de ces conclusions au quotidien, il faut retourner en Suède.

En mars 1999, avant même d’être condamné, Skanka a versé plus de 30 millions de couronnes à des ouvriers contaminés par le Rhoca-Gil.

Margareta Tômqvist est l’une des chercheuses les plus réputées du département de chimie environnementale de l’université de Stockholm. À ce titre, en 1998, le gouvernement suédois lui a demandé de mesurer le taux d’acrylamide contenu dans le sang des ouvriers œuvrant sur le tunnel de Hallandsâs.

Utilisant la spectrométrie de masse, elle n’eut guère de difficulté à établir sa présence. Ce qui l’intrigua, ce fut une autre découverte. Voulant étudier en parallèle les taux de cette même substance sur un panel neutre car composé de sujets n’ayant pas été exposés aux émanations de Rhoca-Gil, elle entama des comparaisons. Et eut la surprise de voir ce second groupe présenter également de l’acrylamide dans son sang.

À des quantités suffisamment importantes pour que Tômqvist débouche sur l’hypothèse lui paraissant la plus probable : la source d’intoxication devait résider dans l’alimentation.

Poursuivant cette piste, elle publia, en juin 2000, une étude complémentaire aux conclusions dérangeantes.

Partant du principe que l’acrylamide peut se former spontanément lorsque la température de cuisson dépasse les 120 °C\ son équipe avait nourri des rats uniquement de nourriture frite. Ensuite, en comparant le taux d’acrylamide de cet échantillon avec un autre nourri d’aliments non cuits, les chercheurs avaient pu émettre des conclusions sans appel. La présence d’acrylamide dans le sang des rongeurs nourris à la friture était telle que la scientifique estima que « la quantité ingérée [était] associée à un risque considérable de cancer ».

Décidée à en savoir plus quant aux bombes à retardement dissimulées dans notre alimentation, l’équipe de Tômqvist poussa son enquête et mesura le taux d’acrylamide dans différents aliments. Des découvertes qui, publiées en 2003 et 2004, ont permis de dresser une liste précise et facilement mémorisable des dangers qui nous menacent.

Les recherches ont révélé que l’acrylamide se forme lors-que des aliments riches en glucides sont chauffés au-delà de 120 °C, par exemple si l’on fait griller du pain, torréfier du café ou frire des pommes de terre.

Les études menées par la Suédoise établissent que l’acrylamide se forme lorsqu’on cuit à haute température des aliments riches en hydrate de carbone, donc en amidon et en sucres comme la pomme de terre. En clair, les chips et les frites sont les plus exposées à une contamination à l’acrylamide. Mais ils ne sont pas les seuls puisque de nombreux produits apéritifs style crackers, ainsi que les biscuits et certaines pâtisseries figurent en haut de cette liste.

Les céréales du petit déjeuner et les chips à base de maïs présentent quant à elles un risque médian, tandis que les aliments bouillis et à base de viande, même frits, font courir un danger plus négligeable.

Les chips et les frites…

Le rapport entre un tunnel en Suède, le Rhoca- Gil et la toxic food était donc établi.

Résumons-nous.

Entre 2000 et 2003, une équipe de scientifiques suédois menée par Margareta Tômqvist a publié une série d’études démontrant que la préparation de divers aliments comme les frites entraînait la formation d’un cancérigène, l’acrylamide. Cancérigène que l’on trouvait ensuite en grande quantité dans l’organisme d’un animal nourri avec ces produits.

Que s’est-il passé depuis ?

D’abord, suivant de près les travaux de Tômqvist, le Livsmedeîsverket, organisme gouvernemental en charge de la sécurité alimentaire en Suède, a effectué ses propres recherches. Et publié des résultats qui confirment ceux de la chercheuse. Non seulement dans le processus de formation de l’acrilamyde lié aux hautes températures de cuisson mais aussi dans l’ordre de concentration par produits. Aussi, le Livsmedeîsverket a-t-il édicté que, puisque la consommation d’aliments frits représentait déjà en soi un risque cardiovasculaire, mieux valait éviter d’en manger.

Et en Europe ? Suite aux conclusions de Tômqvist, la Commission a « entamé (en 2002) le recueil des données d’occurrence de taux d’acrylamide dans les aliments, tâche ensuite confiée à l’EFSA (en 2006), en collaboration avec les États membres ».

Toujours en 2002, le comité mixte FAO/OMS d’experts des additifs alimentaires (JECFA) via son président, le docteur Dieter Arnold, déclarait : « Après avoir examiné les données disponibles, nous avons conclu que ces nouveaux résultats révélaient un problème sérieux. Mais nos connaissances actuelles ne nous permettent pas de répondre aux questions posées par les consommateurs, les responsables de la réglementation et les autres parties intéressées. »

En mars 2005, après une série d’études complémentaires, le Comité publia un document de cinq pages au titre on ne peut plus clair : « L’acrylamide dans les produits alimentaires est un danger potentiel pour la santé. »

De son côté, l’EFSA diffusa une liste de conseils pratiques destinés à éviter, dans nos cuisines comme au niveau industriel, l’augmentation de cette substance cancérigène dans les aliments. Parmi lesquels, après l’habituelle mise en garde contre les dangers d’un excès de nourriture frite pour le cœur, l’EFSA recommandait de ne pas garder les pommes de terre au réfrigérateur ni utiliser celles ayant germé ou verdâtres – conditions d’accélération du processus de formation de l’acrylamide -, de réduire le temps de friture et d’éviter les aliments carbonisés au cours de la cuisson.

En plus de cette fiche, l’EFSA valida, entre 2007 et 2009, la nécessité de surveiller chaque année, dans vingt et un pays, le taux d’acrylamide.

De son côté, Santé Canada, après avoir ajouté l’acrylamide à la liste des substances toxiques en août 2009, lança un mois plus tard une campagne de surveillance de son taux dans la nourriture semblable à celle suivie par l’EFSA.

Enfin, le 2 septembre 2009, l’Agence européenne des produits chimiques mit en ligne une nouvelle liste de quinze substances potentiellement très préoccupantes proposées par les États membres et la Commission européenne. Où figure l’acrylamide.

Et ensuite ? Eh bien… c’est à peu près tout ! »

La suite (après cet épisode navrant) …………… demain

 

 

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