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Extrait de Toxic Food, le livre de William Reymond :

 » Les États-Unis ont donc changé.

La présence de Kathleen Sebelius à la conférence Weight of the Nation en est la preuve. La secrétaire d’État à la Santé et, à travers elle, l’administration Obama ont décidé de s’attaquer au monstre.

« S’il s agissait d’une épidémie de jeunes enfants atteints du cancer, nous parlerions de crise nationale, commente-t-elle. Mais parce qu’il s’agit de l’obésité et que les dégâts n’apparaissent et  ne se mesurent que tard dans la vie, nous avons été très lents à agir. […] Il faut que les Américains sachent que, lorsque le poids de nos enfants augmente, leur espérance de vie diminue. Et c’est un problème que nous ne pouvons plus ignorer. »

Le constat est dramatique, mais l’enjeu clair. Comme je l’ai écrit et répété à plusieurs reprises à la sortie de Toxic, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité l’espérance de vie de nos enfants risque d’être inférieure à la nôtre. Une régression obtenue à coups de fourchette !

Si, parmi toutes les interventions programmées lors de la conférence, les discours de Sebelius et Clinton ont particulièrement attiré mon attention, c’est parce que ces deux personnalités politiques ne se contentaient pas de tirer la sonnette d’alarme. Elles promettaient des pistes de sortie, voire des solutions.

Ainsi, après la litanie des mauvaises nouvelles, la secrétaire d’État à la Santé a affirmé que rien n’était perdu pour autant. Une affirmation qui, dans les rangs du public habitué à constater la courbe exponentielle de l’obésité aux USA, n’a pas manqué d’intriguer et même amuser.

Sebelius, entre deux blagues – comme il est de coutume ici -, est en effet passée au plat de résistance. « Que pouvons-nous faire devant les coûts croissants de l’obésité ? a-t-elle demandé. Eh bien, la bonne nouvelle, c’est que nous pouvons faire beaucoup… Nous pouvons faire comme ce district scolaire de Californie du Sud où la moitié des élèves se sont mis, dans leurs cantines, à se servir au buffet salade depuis que les légumes y sont frais et ne donnent pas l’impression d’avoir été sous cellophane un mois. Ou encore comme cette ville de Californie du Nord, où le nombre de filles allant en cours de danse a doublé depuis qu’un système de transport en commun permet de s’y rendre. »

En découvrant la nature de son subtil optimisme, j’ai – je dois l’avouer – déchanté. D’autant que maintenant le ton était donné, et le reste de la conférence, où se pressaient nutritionnistes et spécialistes de la bonne santé, poursuivit le même sillon sans penser plus loin. Car, une nouvelle fois, comme je l’avais déjà vu en enquêtant pour Toxic, les autorités publiques se fourvoyaient, se trompant de combat. S’il n’y a rien d’insensé à prescrire de manger moins, à recommander de bouger plus, c’est oublier que d’innombrables études, observations et expériences prouvent, depuis des années et sans le moindre doute, que cela ne suffira pas à enrayer la pandémie.

Si nos modes de vie, la modernisation des sociétés, la taille des portions avalées représentent des facteurs de la crise, les véritables coupables, redisons-le, sont ailleurs. En trente ans, l’alimentation, en devenant industrielle, a fait sa révolution. Or c’est précisément le contenu même de nos assiettes qui nous rend malades.

Un peu plus tôt d’ailleurs, Bill Clinton m’avait donné un mince espoir, le sentiment de vouloir briser le tabou ancré au cœur du système américain en déclarant : « La crise de l’obésité est un problème de santé publique que l’on ne peut résoudre uniquement dans le cadre confiné du bureau d’un médecin. Si nous voulons modifier la donne, nous devons changer ce qui se passe dans nos foyers, nos communautés, nos voisinages et nos écoles. »

Une rhétorique de pur style clintonien puisqu’une fois l’intention affichée et les applaudissements retombés impossible de savoir précisément et concrètement de quoi l’ancien Président a parlé.

S’agissait-il, dans son propos, d’une remise en cause de nos habitudes alimentaires ou bien, de manière plus habile, d’une dénonciation de la nourriture industrielle qui, au sein des écoles, foyers et communautés, a peu à peu remplacé l’alimentation traditionnelle ?

Je ne suis pas le seul à avoir compris combien la déclaration de l’ancien Président peut être une lame à double tranchant, une remise en cause du mode de vie américain issu des années 1960- 1980, avec hamburger gras à volonté, frites surgelées, sodas hypersucrés, plats préparés contenant bien d’autres ingrédients – souvent néfastes – que ceux présentés sur la jolie photo de l’emballage. En éternel gardien du statu quo refusant que s’immisce le moindre doute quant au bien-fondé de L’American way of life, Fox News a transformé les projets de résolution de la crise d’obésité en enjeux de politique nationale. Et ouvert son antenne à deux élus inquiets pour la pérennité des libertés individuelles.

Réitérant un discours trop entendu – et dénoncé dans Toxic -, Ken Seliger a en effet estimé que voir le gouvernement Obama entrer dans la bataille contre l’obésité revenait « à limiter le choix personnel ». Et, en noble gardien de la Constitution, de conclure : « Je préfère que l’on informe le public plutôt qu’on le force. »

De son côté, Jodie Laubenberg, après avoir affirmé que l’action du gouvernement en la matière ne devait pas aller plus loin que la création de campagnes d’information destinées au public, mit en garde : « Est-ce le rôle du gouvernement de me dire ce que je dois manger ? Si c’est le cas… alors pourquoi ne pas interdire la caféine ? Où sont les limites ? Où nous arrêterons- nous ? »

Il ne faut pas chercher loin pour trouver les sources d’inspiration de Seliger et Laubenberg, élus républicains du Texas. Leur discours, qui considère le citoyen comme seul responsable de ses bons ou mauvais choix, est au cœur de la stratégie de défense adoptée par l’industrie agroalimentaire mise sur la sellette. La liberté de choix est un chiffon rouge agité devant les caméras dès que l’on évoque la possibilité de légiférer contre la nourriture industrielle. Une sorte de calque de la tactique inventée en son temps par l’industrie du tabac qui, pendant plus de quarante ans, empêcha toute loi restreignant les ventes de cigarettes et s’efforça de rejeter sa responsabilité dans un certain nombre de cancers. Une ligne de défense utilisée désormais par la majorité des responsables de la toxicité au quotidien.

De fait, allant au-delà des questions posées par la Fox et le discours de Bill Clinton, Ken Seliger a, en une phrase, mis un doigt sur l’enjeu essentiel, la crainte fondamentale. Après avoir expliqué être favorable à l’idée d’une meilleure éducation alimentaire scolaire, Seliger a affirmé sa volonté de ne jamais « voir le gouvernement limiter certains ingrédients de notre nourriture ».

Limiter certains ingrédients de notre nourriture…

Comme les acides gras-trans par exemple, sans doute parce qu’au printemps 2009, en compagnie de Jodie Laubenberg, Ken Seliger a précisément conduit lé combat de l’opposition républicaine contre une loi texane votée en première instance par le Congrès démocrate d’Austin sur la question. Une loi qui voulait, comme c’était déjà le cas à New York et bientôt en Californie, interdire l’utilisation des acides gras-trans dans l’État. Un enjeu de taille, on s’en doute. Précisément celui, immense, du Texas. Un marché si vaste qu’entériner ce texte aurait quasiment contraint les fournisseurs de restaurants à modifier leurs produits pour l’ensemble des États-Unis. En soutenant, l’interdiction des acides gras-trans au Texas, Seliger et Laubenberg auraient pu enclencher un effet positif pour la santé de l’ensemble de la nation. Mais voilà, eux poursuivaient un autre but.

Soucieux des libertés individuelles – ou des intérêts bien compris des industriels de la restauration, de l’élevage, de la pharmacie, de la boisson et de l’agroalimentaire, tous généreux donateurs de leurs campagnes -, Seliger, Laubenberg et les républicains texans ont tout fait pour obtenir le rejet de la proposition de loi. Et empêché le pays d’avancer enfin sur la bonne voie.

Le décalage entre les solutions avancées par la secrétaire d’État de Barack Obama et les écrans de fumée et levées de boucliers dressés par l’industrie agroalimentaire et ses alliés me ramenait donc, en cet été 2009, à une triste réalité.

Que la publication du rapport annuel de l’organisation Trust for America’s Health (TFAH), confirma, hélas !

Le document démontre comment les politiques de lutte contre l’obésité ont échoué aux États- Unis. Et, chiffres à l’appui, martèle une sévère vérité : « L’obésité chez l’adulte américain n’a baissé dans aucun État. » Pire, les chercheurs du TFAH ont découvert que, dans plus de trente États, un tiers des enfants âgés de moins de quinze ans sont en situation de surpoids ou d’obésité !

Les participants de la conférence Weight of the Nation pouvaient donc s’essouffler dès l’aurore dans des exercices de gym.

Bill Clinton, Kathleen Sebelius et Barack Obama pouvaient bien continuer à s’afficher en champions de la réforme.

Fox News, le Parti républicain et les lobbyistes de l’industrie pouvaient de leur côté se parer des habits d’apôtres de la liberté.

La vérité, terrifiante, était bien plus grave.

De Rio Grande City à Washington, aux États- Unis, en fait rien n’avait changé ! »

La suite (après ce constat terrible) ……….. demain.

 

 

 

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